Europäischer Gerichtshof für Menschenrechte
Cour européenne des droits de l'homme
Corte europea dei diritti dell'uomo
European Court of Human Rights


En l'affaire Thomann c. Suisse (1),

La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée,

conformément à l'article 43 de la Convention (art. 43) de sauvegarde
des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention")
et aux clauses pertinentes de son règlement A (2), en une chambre
composée des juges dont le nom suit:

MM. R. Ryssdal, président,

Thór Vilhjálmsson,

F. Gölcüklü,

C. Russo,

J. De Meyer,

M.A. Lopes Rocha,

L. Wildhaber,

J. Makarczyk,

P. Jambrek,

ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier
adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 25 janvier et
21 mai 1996,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date:

_______________

Notes du greffier

1. L'affaire porte le n° 33/1995/539/624. Les deux premiers chiffres
en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la
place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur
celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.
2. Le règlement A s'applique à toutes les affaires déférées à la Cour
avant l'entrée en vigueur du Protocole n° 9 (P9) et, depuis celle-ci,
aux seules affaires concernant les Etats non liés par ledit Protocole
(P9). Il correspond au règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983
et amendé à plusieurs reprises depuis lors.

_______________

PROCEDURE

1. L'affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne
des Droits de l'Homme ("la Commission") le 12 avril 1995, dans le délai
de trois mois qu'ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 de la Convention
(art. 32-1, art. 47). A son origine se trouve une requête

(n° 17602/91) dirigée contre la Confédération suisse et dont un
ressortissant de cet Etat, M. Martin Thomann, avait saisi la Commission
le 5 décembre 1990 en vertu de l'article 25 (art. 25).

La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48

(art. 44, art. 48) ainsi qu'à la déclaration suisse reconnaissant la
juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour
objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la
cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences de
l'article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1).

2. En réponse à l'invitation prévue à l'article 33 par. 3 d) du
règlement A, le requérant a exprimé le désir de participer à l'instance
et a désigné son conseil (article 30).

3. La chambre à constituer comprenait de plein droit

M. L. Wildhaber, juge élu de nationalité suisse (article 43 de la
Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour
(article 21 par. 4 b) du règlement A). Le 5 mai 1995, celui-ci a tiré
au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. Thór Vilhjálmsson,
F. Gölcüklü, C. Russo, J. De Meyer, M.A. Lopes Rocha, J. Makarczyk et
P. Jambrek, en présence du greffier (articles 43 in fine de la
Convention et 21 par. 5 du règlement A) (art. 43).

4. Ayant assumé la présidence de la chambre (article 21 par. 6 du
règlement A), M. Ryssdal a consulté, par l'intermédiaire du greffier,
l'agent du gouvernement suisse ("le Gouvernement"), l'avocate du
requérant et le délégué de la Commission au sujet de l'organisation de
la procédure (articles 37 par. 1 et 38). Conformément à l'ordonnance
rendue en conséquence, le greffier a reçu le 2 novembre 1995 les
mémoires du Gouvernement et du requérant. Les 24 novembre 1995 et
4 janvier 1996, la Commission lui a fourni diverses pièces qu'il lui
avait demandées sur les instructions du président.

5. Ainsi qu'en avait décidé celui-ci, les débats se sont déroulés
en public le 24 janvier 1996 au Palais des Droits de l'Homme à
Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu:

- pour le Gouvernement

M. P. Boillat, chef de la section du

droit européen et des affaires internationales,

Office fédéral de la justice, agent,

M. F. Schürmann, section du droit européen

et des affaires internationales,

Office fédéral de la justice, conseiller;

- pour la Commission

M. M.P. Pellonpää, délégué;

- pour le requérant

Me B. Pauen, avocate, conseil.

La Cour a entendu en leurs déclarations M. Pellonpää, Me Pauen
et M. Boillat.

EN FAIT

I. Les circonstances de l'espèce

6. Citoyen suisse né en 1949, M. Martin Thomann réside à Zurich.
A. La procédure par défaut

7. Le 13 décembre 1988, le parquet du canton de Bâle-Ville le mit
en accusation (Anklageerhebung) du chef de récidive d'escroquerie
qualifiée et tentative (wiederholter und fortgesetzter, vollendeter und
versuchter, teils gewerbsmäßiger Betrug), de banqueroute simple
(leichtsinniger Konkurs) et d'absence de comptabilité (Unterlassung der
Buchführung).

8. Le tribunal pénal (Strafgericht) du canton décida de tenir
audience dans cette affaire du 10 au 17 mai 1989. Toutefois, la
citation à comparaître (Vorladung zur Verhandlung) ne put être remise
au requérant, car il avait quitté son domicile sans laisser d'adresse.
Un mandat d'arrêt fut dès lors décerné; il précisait que les débats
pourraient avoir lieu à tout moment, même en l'absence de l'intéressé.
9. Composé des juges Metzener, Becht-Gutmann et Memminger, le
tribunal siégea du 10 au 17 mai 1989, en l'absence de M. Thomann.
Celui-ci fut arrêté le 16 mai 1989 et assista le 17 au prononcé du
jugement le condamnant à deux ans et demi d'emprisonnement et à une
amende de cinq cents francs suisses pour escroquerie et tentative dans
l'exercice de la profession (gewerbsmäßiger Betrug), banqueroute simple
et absence de comptabilité.

B. La procédure en révision

10. Le requérant demanda aussitôt la révision de son procès

(paragraphe 24 ci-dessous). Le tribunal y fit droit et décida en
conséquence de ne pas motiver par écrit son jugement par défaut
(Kontumazurteil). Il engagea par la suite la procédure ordinaire et
fixa une nouvelle audience au 30 octobre 1989.

11. Ayant appris que le siège du tribunal pénal serait identique à
celui qui l'avait condamné par défaut, M. Thomann formula, le
29 juin 1989, une demande de récusation (Ausstandsbegehren wegen
Befangenheit) contre ses trois membres, qui refusèrent le 22 août de
l'accueillir.

Sur recours (Beschwerde) de l'intéressé, la cour d'appel

(Appellationsgericht) du canton annula cette décision le 5 octobre et
ordonna qu'il fût statué sur la demande en l'absence des juges récusés.
Composé des juges Kunz, Stephenson et Stamm, le tribunal la rejeta le
25 octobre.

12. Invoquant les articles 58 de la Constitution fédérale et 6 par. 1
de la Convention européenne (art. 6-1), le requérant saisit derechef
la cour du canton, qui écarta l'appel (Beschwerde) le 14 novembre 1989.
Selon elle, la révision au sens de l'article 267 par. 2 du code
de procédure pénale (paragraphe 24 ci-dessous) ne s'analyse pas en une
véritable voie de recours, mais en une restitution (Restitution) qui
a pour seul effet d'annuler un jugement par défaut et d'ouvrir une
procédure ordinaire (gewöhnliches Verfahren) qui mène à un nouveau
jugement remplaçant le premier. En l'absence de dispositions légales
sur ce point, la pratique confie au magistrat qui a rendu le premier
jugement le soin de traiter la demande en révision et de siéger dans
la procédure ordinaire. Cela se comprend par la circonstance que la
révision n'implique ni l'exercice de fonctions différentes de celles
exercées par le premier juge ni une critique de sa décision: elle vise
uniquement à compléter les éléments de fait sur lesquels son jugement
se trouve fondé. Dans ces conditions, on ne saurait guère craindre un
manque d'impartialité de sa part quand il rejuge l'affaire.

Du reste, les magistrats statuant par défaut sont parfaitement
conscients que leurs décisions sont sujettes à révision. En l'espèce,
le jugement censuré est issu d'un collège de trois juges - ce qui a
déjà réduit les risques de manquements au devoir d'impartialité - qui,
de surcroît, ont consenti à annuler leur propre décision, montrant
ainsi qu'à leurs yeux, M. Thomann ne devait pas pâtir de son absence
à la première audience.

13. Le 2 mai 1990, le Tribunal fédéral rejeta le recours de droit
public (staatsrechtliche Beschwerde) introduit par l'intéressé.
Rappelant sa jurisprudence en la matière, la haute juridiction
considéra notamment que les membres d'un collège de trois juges
siégeant dans une procédure ordinaire ne perdaient pas leur

impartialité par cela seul qu'ils ont déjà statué par défaut dans la
même affaire, pourvu que l'issue de celle-ci paraisse toujours ouverte
et non prédéterminée (Anschein der Vorbestimmtheit). Pour s'en
assurer, il convient de tenir compte des éléments de fait et de
procédure entourant les instances respectives.

Vu l'importance de la comparution personnelle devant une

juridiction pénale, on ne saurait jamais exclure qu'une affaire traitée
en l'absence du prévenu n'eût pu connaître une conclusion différente
si celui-ci avait assisté aux débats. Aussi les codes de procédure
pénale cantonaux autorisant le jugement par défaut prévoient-ils tous
le droit pour le condamné de demander l'ouverture d'une procédure
ordinaire. Contrairement à l'appel, celle-ci n'a pas pour objet
l'examen (Überprüfung) du premier jugement: elle replace l'affaire au
stade de l'audience pour qu'elle soit entièrement reprise à zéro, à
travers des débats et un jugement nouveaux.

Certes, les juges ont à y trancher les mêmes questions, celles
de la culpabilité et de la peine. Comme toutefois la procédure
ordinaire permet d'accomplir des actes qui, tels les interrogatoires
et les répliques, s'avéraient impossibles en raison de l'absence du
prévenu, l'affaire se trouve entièrement reconsidérée. Son issue est
donc ouverte, les magistrats pouvant très bien parvenir à une
conclusion différente de celle qu'ils ont adoptée antérieurement.
L'avis contraire de M. Thomann sur ce point s'appuie uniquement sur ses
impressions subjectives qui, d'après la jurisprudence, ne peuvent être
retenues. Quant aux décisions de justice qu'il invoque, elles manquent
de pertinence car elles concernent un problème étranger au cas
d'espèce: le cumul de fonctions différentes, notamment celles de juge
du fond et de magistrat instructeur.

Au demeurant, la thèse du requérant ouvrirait la voie aux abus,
car dans les cantons où l'ouverture d'une révision ne dépend pas de la
réalisation de conditions objectives, il suffirait à un prévenu de ne
pas se présenter à l'audience pour écarter le juge qui n'a pas ses
faveurs. L'intéressé se verrait ainsi avantagé par rapport à celui qui
comparaît. Il provoquerait en outre un ralentissement de l'instance,
lui-même renforcé par le fait qu'à chaque fois, de nouveaux juges
devraient étudier l'affaire.

C. La procédure ordinaire

14. L'audience sur révision se tint du 26 septembre au 3 octobre 1990
devant le tribunal pénal de Bâle-Ville composé des juges Metzener,
Becht-Gutmann et Memminger, qui entendirent le requérant, assisté d'un
avocat commis d'office, ainsi que plusieurs témoins. Le 3 octobre,
cette juridiction le condamna à deux ans et trois mois d'emprisonnement
et à une amende de cinq cents francs suisses pour escroquerie et
tentative dans l'exercice de la profession, banqueroute simple et
absence de comptabilité.

15. Le 11 juillet 1991, la cour d'appel du canton acquitta M. Thomann
de certains chefs d'accusation relatifs à l'escroquerie, puis ramena
la peine à deux ans d'emprisonnement et cinq cents francs d'amende.
Le 9 décembre 1992, le Tribunal fédéral rejeta le recours de
droit public formé par l'intéressé contre cet arrêt.

II. Le droit cantonal pertinent

A. La procédure ordinaire

16. Le prévenu qui comparaît au procès est d'abord interrogé sur sa
situation personnelle, puis autorisé à faire une déclaration succincte
sur l'acte d'inculpation. Ensuite, le président du tribunal le
questionne dans le détail sur les charges portées contre lui
(article 178 du code de procédure pénale (Strafprozeßordnung) de
Bâle-Ville).

17. Le prévenu peut être confronté à des témoins (article 179) et
demander l'audition d'autres témoins (article 181). Après les
réquisitions du ministère public et, le cas échéant, les déclarations
de la victime, il peut présenter sa défense; il a toujours la parole
en dernier, après les répliques du ministère public (articles 185 et
186).

18. A l'exception de celui-ci, les parties à une procédure pénale qui
ont un intérêt à agir peuvent interjeter appel contre le jugement de
première instance. Dans ce cas, la cour d'appel réentendra toute la
cause (article 236, deuxième phrase).

B. La procédure par défaut

19. Dans la mesure du possible, l'enquête préliminaire contre un
suspect absent doit être conduite de manière aussi approfondie que s'il
était présent; il convient en particulier d'entendre les témoignages
pertinents (article 260).

20. Une personne absente qui n'a pas été entendue sur les charges
portées contre elle ne peut être mise en accusation (öffentliche
Anklage) que si sa non-audition résulte de sa faute et que, malgré
l'absence de l'intéressé, le procès paraît pouvoir déboucher sur des
conclusions fiables (article 261 par. 1).

21. Lorsqu'une personne absente a été mise en accusation ou qu'une
personne citée à comparaître s'absente sans raison valable, le
président du tribunal pénal (Strafgerichtspräsident) ordonne que
l'audience se tienne par défaut (Kontumazialverhandlung). Il en est
fait mention dans les documents relatifs aux recherches et enquêtes
menées pour retrouver cette personne (article 262 par. 1).

22. Si le prévenu ne peut être amené à l'audience, les pièces
pertinentes du dossier d'instruction sont remises aux membres du siège
ou lues lors des débats. Le tribunal rend son jugement en se fondant
sur le dossier, après avoir entendu les parties présentes (article 263
par. 1). Le président peut, d'office ou à la demande d'une partie,
ordonner l'audition de témoins, d'experts ou de toute autre personne
(article 263 par. 2).

23. S'il manque des preuves suffisantes pour condamner le prévenu,
la procédure est provisoirement suspendue (article 264 par. 1). En
revanche, s'il condamne celui-ci, le tribunal se prononce, dans son
jugement par défaut (Kontumazurteil), sur les mesures à prendre dès
l'arrestation de l'intéressé. Le jugement doit, autant que possible,
être exécuté immédiatement (article 264 par. 2).

24. La personne condamnée par défaut en est informée par

signification dès qu'elle est traduite devant la juridiction compétente
ou qu'elle comparaît de son plein gré (article 267 par. 1). Elle peut
demander la révision du procès (Revision des Verfahrens) dans les dix
jours qui suivent la signification (article 267 par. 2). La demande
ne peut être accueillie que si l'intéressé démontre qu'il n'a pas reçu
la citation ou que, sans faute de sa part, il a été empêché de
comparaître (article 267 par. 3). S'il y est fait droit, l'affaire est
rejugée en procédure normale et un nouveau jugement est rendu
(article 267 par. 4); dans le cas contraire, ou en l'absence de demande
de révision, le jugement par défaut passe en force de chose jugée
(article 267 par. 5).

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

25. Dans sa requête du 5 décembre 1990 à la Commission (n° 17602/91),
M. Thomann se plaignait d'avoir été condamné le 3 octobre 1990 par un
tribunal ne présentant pas l'impartialité voulue par l'article 6 par. 1
de la Convention (art. 6-1).

26. La Commission a retenu la requête le 5 septembre 1994. Dans son
rapport du 2 mars 1995 (article 31) (art. 31), elle conclut, par vingt
voix contre quatre, à l'absence de violation de l'article 6 par. 1
(art. 6-1). Le texte intégral de son avis et des deux opinions
dissidentes dont il s'accompagne figure en annexe au présent arrêt (1).
_______________

Note du greffier

1. Pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans
l'édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions 1996-III), mais
chacun peut se le procurer auprès du greffe.

_______________

EN DROIT

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 PAR. 1 (art. 6-1) DE LA
CONVENTION

27. Le requérant dénonce une violation de l'article 6 par. 1 de la
Convention (art. 6-1) qui, dans sa partie pertinente, se lit ainsi:
"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue

équitablement (...) par un tribunal (...) impartial (...) qui
décidera (...) de toute accusation en matière pénale dirigée
contre elle (...)"

S'appuyant notamment sur les arrêts De Cubber c. Belgique du
26 octobre 1984 (série A n° 86) et Padovani c. Italie du

26 février 1993 (série A n° 257-B), il estime que le tribunal pénal qui
le jugea le 3 octobre 1990 ne pouvait pas passer pour impartial car il
était composé des magistrats qui l'avaient déjà condamné par défaut le
17 mai 1989. Avant même qu'il ne comparût devant eux dans la procédure
ordinaire, ils se seraient donc déjà formé leur opinion sur sa
culpabilité. Cela lui aurait nui d'autant plus qu'en l'espèce, les
faits de la cause étaient largement incontestés, le litige portant pour
l'essentiel sur l'appréciation de leur gravité. Pour avoir ainsi
méconnu l'importance de l'impartialité du tribunal et celle des
apparences en la matière, la procédure sur révision n'aurait été, en
somme, qu'une répétition purement formelle de la précédente.
28. Le Gouvernement souligne qu'en statuant par défaut, les

magistrats savaient parfaitement qu'ils ne rendaient leur décision que
sur un fondement incomplet. Aussi, en accueillant la demande en
révision du requérant (paragraphe 10 ci-dessus) et en entendant
celui-ci ainsi que plusieurs témoins dans le cadre de la procédure
ordinaire, ils ont fait bénéficier M. Thomann, dès sa réapparition,
d'un tout nouveau procès, à tel point qu'ils ont même réduit la peine
initialement prononcée (paragraphe 14 ci-dessus). Cela prouverait bien
qu'ils sont restés impartiaux.

D'autre part, si le tribunal pénal statuant sur révision avait
dû être autrement composé, l'intéressé se serait vu avantagé par
rapport aux prévenus qui donnent suite à leur citation: il aurait
bénéficié d'une instance supplémentaire s'ajoutant aux autres recours
intentés par lui, devant la cour d'appel du canton puis le Tribunal
fédéral (paragraphe 15 ci-dessus). Au demeurant, le requérant a joui
de l'assistance d'un avocat tout au long de la procédure qui a suivi
l'accueil de sa demande en révision (paragraphe 10 ci-dessus).
29. En substance, la Commission souscrit à cette thèse.

30. Lorsqu'il échet de déterminer l'impartialité d'un tribunal au
sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) - la Cour le rappelle -, il faut
tenir compte non seulement de la conviction et du comportement
personnels du juge en telle occasion - ce qui est une démarche
subjective -, mais aussi rechercher si ce tribunal offrait

objectivement des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout
doute légitime (voir, parmi d'autres, l'arrêt Bulut c. Autriche du
22 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-II, p. 356,
par. 31).

31. En ce qui concerne l'aspect subjectif de l'impartialité du
tribunal, la Cour constate que rien n'indique en l'espèce un quelconque
préjugé ou parti pris de la part des juges Metzener, Becht-Gutmann et
Memminger et qu'aucun reproche ne leur est d'ailleurs fait à cet égard
par le requérant. Elle ne peut que présumer l'impartialité personnelle
de ces magistrats (arrêt Bulut précité, p. 356, par. 32).

Reste donc l'aspect objectif.

32. A ce sujet, la Cour observe que la présente affaire ne concerne
pas l'exercice successif de fonctions juridictionnelles

différentes, mais qu'il s'agit cette fois-ci de juges ayant siégé deux
fois en la même qualité.

33. Dans ses arrêts Ringeisen c. Autriche et Diennet c. France, la
Cour a dit qu'"on ne saurait poser en principe général découlant du
devoir d'impartialité qu'une juridiction de recours annulant une
décision administrative ou judiciaire a l'obligation de renvoyer
l'affaire à une autre autorité juridictionnelle ou à un organe
autrement constitué de cette autorité"; elle a admis qu'"on ne peut
voir un motif de suspicion légitime dans la circonstance" que des juges
qui ont "pris part à la première décision" participent aussi à la
deuxième (respectivement arrêts du 16 juillet 1971, série A n° 13,
p. 40, par. 97, et du 26 septembre 1995, série A n° 325-A, p. 17,
par. 38).

34. A cet égard, le requérant soutient que la jurisprudence citée
vise l'hypothèse de magistrats auxquels un dossier est renvoyé après
annulation ou cassation par la juridiction supérieure. En pareil cas,
ils ne disposeraient plus d'une "grande marge d'appréciation", ce qui
rendrait moins choquant qu'ils rejugent l'affaire. Ici, au contraire,
les membres du tribunal pénal auraient gardé toute liberté de décision
dans la procédure ordinaire. A cela s'ajouterait qu'ils avaient tous
les trois déjà condamné par défaut M. Thomann, alors que dans les
affaires Ringeisen et Diennet, seuls certains membres de l'organe de
renvoi avaient participé au premier examen du dossier.

35. Ces considérations ne sont pas de nature à convaincre la Cour.
Comme l'a expliqué le Tribunal fédéral (paragraphe 13 ci-dessus),
les juges qui réexaminent en présence de l'intéressé une affaire qu'ils
ont dû d'abord juger par défaut, sur la base des éléments dont ils
pouvaient alors disposer, ne sont en aucune manière liés par leur
première décision; ils reprennent à son point de départ l'ensemble de
l'affaire, toutes les questions soulevées par celle-ci restant ouvertes
et faisant cette fois l'objet d'un débat contradictoire à la lumière
de l'information plus complète que peut leur fournir la comparution
personnelle de l'accusé. C'est aussi ce qui s'est passé en l'espèce.
Une telle situation ne suffit pas à mettre en doute

l'impartialité des juges dont il s'agit.

36. Du reste, si une juridiction devait modifier sa composition
chaque fois qu'elle fait droit au recours d'un condamné absent,
celui-ci se verrait avantagé par rapport aux prévenus qui comparaissent
dès l'ouverture de leur procès, car il obtiendrait ainsi que d'autres
magistrats le jugent une seconde fois dans la même instance. Cela
contribuerait de surcroît à ralentir le travail de la justice,
obligeant un plus grand nombre de juges à étudier un même dossier, ce
qui paraît peu compatible avec le respect du "délai raisonnable".
37. En conclusion, il n'y a pas eu violation de l'article 6 par. 1
de la Convention (art. 6-1).

PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L'UNANIMITÉ,

Dit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 6 par. 1 de la
Convention (art. 6-1).

Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience

publique au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg, le

10 juin 1996.

Signé: Rolv RYSSDAL

Président

Signé: Herbert PETZOLD

Greffier
Informazioni decisione   •   DEFRITEN
Documento : 17602/91
Data : 10. giugno 1996
Pubblicato : 10. giugno 1996
Sorgente : Decisioni CorteEDU (Svizzera)
Stato : 17602/91
Ramo giuridico : (Art. 6) Droit à un procès équitable (Art. 6) Procédure pénale (Art. 6-1) Tribunal impartial
Oggetto : AFFAIRE THOMANN c. SUISSE


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