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18. Extrait de la décision de la CRA du 25 avril 1994,
O.E., Erythrée

Art. 14a, 4e al. LSEE : inexigibilité de l'exécution du renvoi.

L'article 14a , 4e alinéa LSEE, disposition à forme potestative, confère aux autorités compétentes un pouvoir de libre appréciation. Celles-ci doivent donc, dans chaque cas, confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi aux intérêts publics qui militeraient en faveur de son éloignement de Suisse (consid. 4d). En l'espèce, l'inexigibilité de l'exécution du renvoi doit être admise compte tenu d'une conjonction de circonstances personnelles si défavorables eu égard à la situation prévalant dans le pays d'origine que l'intérêt public à l'exécution du renvoi doit céder le pas à l'intérêt privé contraire (consid. 4e).

Art. 14a Abs. 4 ANAG: Unzumutbarkeit des Wegweisungsvollzugs.

Das Ermessen, welches die "Kann-Bestimmung" von Art. 14a Abs. 4 ANAG den zuständigen Behörden einräumt, erfordert in jedem einzelnen Fall, die Situation, welche sich für die betroffene Person nach Vollzug der Wegweisung im Heimatland ergäbe, und die damit verbundenen humanitären Aspekte den öffentlichen Interessen gegenüberzustellen, welche für den Vollzug der Wegweisung sprechen (Erw. 4d). Unzumutbarkeit des Wegweisungsvollzugs, weil im Hinblick auf die Situation im Herkunftsland die persönlichen Verhältnisse der Betroffenen als derart ungünstig erscheinen, dass das öffentliche Interesse am Wegweisungsvollzug gegenüber dem gegenläufigen privaten Interesse zurücktreten muss (Erw. 4e).

Art. 14a cpv. 4 LDDS: inesigibilità dell'esecuzione dell'allontanamento.

L'art. 14a cpv. 4 LDDS, disposizione di natura potestativa, conferisce alle autorità competenti un potere d'apprezzamento. Pertanto, quest'ultime devono in ogni singolo caso confrontare gli aspetti umanitari, connessi alla situazione in cui si troverebbe lo straniero allontanato nel suo Paese in


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seguito all'esecuzione dell'allontanamento, agli interessi pubblici che militerebbero a favore dell'esecuzione dell'allontanamento dalla Svizzera (consid. 4d). Nel caso concreto, l'inesigibilità dell'esecuzione dell'allontanamento deve essere ammessa, ritenuto che un insieme di circostanze personali sfavorevoli, in relazione alla situazione imperante nel Paese, fanno prevalere gl'aspetti umanitari agl'interessi pubblici all'esecuzione dell'allontanamento (consid. 4e).

4. - (...)

d) - Il sied (...) d'examiner si la situation personnelle de l'intéressée et de ses enfants, telle qu'elle serait en cas de retour en Erythrée, permet de conclure au caractère raisonnablement exigible du renvoi au sens de l'article 14a , 4e alinéa LSEE.

Cette disposition vise en premier lieu les "réfugiés de la violence" ou "réfugiés de facto" qui, d'une part, ne sont pas protégés contre un refoulement par le droit international et, d'autre part, ne peuvent retourner dans leur pays d'origine au regard de la seule situation politique y régnant, caractérisée par la guerre, la guerre civile ou une situation de violences généralisées. En second lieu, elle se rapporte aux personnes pour qui le retour dans leur pays équivaudrait à les mettre concrètement en danger car elles ne pourraient, par exemple, plus recevoir les soins médicaux dont elles ont besoin (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un arrêté fédéral sur la procédure d'asile (APA) et d'une loi fédérale instituant un Office fédéral pour les réfugiés, du 25 avril 1990, FF 1990 II 625).

L'article 14a , 4e alinéa LSEE est un texte légal à forme potestative ("Kann-Bestimmung") indiquant que la Suisse intervient ici non pas en raison d'une obligation découlant du droit international, mais uniquement pour des motifs humanitaires; c'est ainsi que cette prescription confère aux autorités compétentes un pouvoir de libre appréciation dont l'exercice est notamment limité par l'interdiction de l'arbitraire et le principe de l'intérêt public (W. Kälin, Grundriss des Asylverfahrens, Bâle/Francfort-sur-le-Main 1990, p. 203; B. Knapp, Précis de droit administratif, Bâle/Francfort-sur-le-Main 1991, 4e éd., p. 34ss). L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi aux



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intérêts publics qui militeraient en faveur de son éloignement de Suisse (Message précité, p. 625; Rapport du Conseil fédéral sur la politique à l'égard des étrangers et des réfugiés, du 15 mai 1991, FF 1991 III 339s; cf. aussi Message du Conseil fédéral concernant l'adhésion de la Suisse à la Convention internationale de 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la révision y relative du droit pénal, du 2 mars 1992, FF 1992 III 292s). A la différence de la pratique consacrée aux cas personnels d'extrême gravité (art. 13, let. f, de l'ordonnance limitant le nombre des étrangers, du 6 octobre 1986), l'admission provisoire pour cause d'inexigibilité de l'exécution du renvoi n'est pas fondée sur la situation personnelle de l'étranger en Suisse, mais sur celle dans laquelle il se trouverait à son retour dans son pays d'origine (Message précité, p. 625; cf. ATF 119 I 42s et I. Gut, Le séjour des requérants d'asile pendant la procédure, l'admission provisoire et l'autorisation de séjour à titre humanitaire, in: W. Kälin (éd.), Droit des réfugiés, Fribourg 1991, p. 72).

Certes, sur le plan économique, l'Erythrée se remet péniblement des ravages causés par trente années de guerre civile et par la sécheresse de la fin des années 1980. Il n'existe ni matières premières, ni devises, ni encore, en suffisance, des infrastructures (surtout en matière de télécommunications, de ravitaillement en eau et en énergie, de santé et d'éducation) et du personnel qualifié. La totalité des 40 entreprises industrielles publiques et la majorité des 600 entreprises privées étaient en mai 1991 à l'arrêt; un certain nombre d'entre elles ont été remises en marche, avec les difficultés liées à l'état général du pays ainsi qu'à l'obsolescence des parcs de machines et à l'absence de pièces de rechange (cf. Le Nouvel Afrique-Asie, Dossier Erythrée : économie, année zéro, mars 1993; Hans-Ulrich Stauffer, Eritrea-Afrikas jüngster Staat weckt grosse Hoffnungen, in : Berner Zeitung du 25 mai 1993). L'agriculture a été presque complètement anéantie alors même que la population est composée d'éleveurs et de cultivateurs à raison de quatre-vingts pour cent : c'est ainsi que ce pays n'est aujourd'hui, et de loin, pas autosuffisant en matière d'alimentation céréalière de sa population. Aussi le gouvernement s'est-il engagé à attirer les investisseurs
privés et à chercher des fonds destinés à l'aide au développement, en sus de l'aide alimentaire d'urgence. En 1992, les contributions d'organisations internationales gouvernementales en faveur de l'Erythrée, dans le cadre du programme SEPHA se sont montées à près de 136 millions US$ sur les 190 millions budgétisés; les besoins en assistance alimentaire seront probablement en 1993 de moins de la moitié de ceux de 1992 (cf. United Nations 1993 Consolidated inter-agency appeal : Eritrea précité, p. 4 et annexe no 1). D'autre part, il


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importe de souligner qu'un accord a été trouvé en 1993 entre le gouvernement érythréen et l'ONU, accord aux termes duquel 262 millions US$ seront versés en faveur d'un programme - étalé sur trois ans et sept mois - d'aide au rapatriement des réfugiés actuellement au Soudan combiné avec une aide aux populations indigènes ainsi qu'à la réintégration des 70'000 réfugiés déjà rentrés au pays (Programme for Refugee Reintegration and Rehabilitation of Resettlement Areas in Eritrea (PROFERI), Joint government of Eritrea and United Nations appeal for Eritrea, juin 1993, vol. I, résumé, p. 1 et annexe 1). D'autres projets, financés notamment par la Banque Mondiale, ont été lancés pour l'Erythrée en 1993, l'accession à l'indépendance de ce pays étant de nature à dynamiser ce processus.

Dans ces circonstances, la commission de céans estime que l'argument soulevé par la recourante relatif aux difficultés socio-économiques que traverse l'Erythrée ne saurait à lui seul suffire à reconnaître l'inexigibilité de l'exécution du renvoi. Elle ne peut cependant ignorer la situation socio-professionnelle et familiale de l'intéressée et doit encore examiner si, au regard de cette situation, E. O.l et ses enfants pourraient, en cas de retour en Erythrée, être soumis à une mise en danger concrète de leur vie ou de leur intégrité physique.

e) - Il ressort du dossier de la cause que la recourante est mariée, mère de deux enfants nés en Suisse, un fils âgé de trois ans et une fille adultérine née il y a une année et demie. A Asmara, elle aurait encore ses parents et ses soeurs. Son époux, dont elle vit séparée depuis août 1990, a disparu et elle ignore s'il est toujours vivant.

Le statut de femme seule de la recourante avec deux enfants en bas âge serait problématique en cas de renvoi à plus d'un titre. Sur le plan professionnel, indépendamment du fait que le taux de chômage est très élevé en Erythrée, la recourante serait dans l'impossibilité d'exercer actuellement une activité lucrative, si modeste soit-elle, vu l'âge de ses enfants. L'absence du mari serait également lourde de conséquence, en particulier parce que la recourante se verrait ainsi privée de ressources financières. Certes l'Erythrée, à l'instar de l'Ethiopie, connaît le modèle traditionnel de la famille étendue, sous une forme plus ou moins marquée, même si elle tend à disparaître du fait des conséquences notamment de la guerre et de la famine de ces dernières années: le devoir d'assistance à la parenté, encore vivace, comporte toutefois comme corollaire le contrôle social et les attentes familiales et sociales qu'il s'agit de satisfaire, avec une prédominence des intérêts masculins. Quand bien même il



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arrive souvent que des enfants nés hors mariage soient élevés, temporairement ou durablement par d'autres membres de la famille que leur père et mère, les conséquences sociales pour la mère d'un enfant né hors mariage peuvent être plus graves lorsque le père de l'enfant n'est pas connu, et a fortiori, lorsqu'une femme mariée, vivant séparée de son mari, donne naissance à un enfant adultérin, surtout si la famille vit proche du seuil de pauvreté (cf. à ce propos Rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) intitulé Aethiopien: Informationen für HilfswerksvertreterInnen im Asylverfahren, de Q. Müller, décembre 1992, p. 17ss, et spéc. p. 21 et 23). Dans ces conditions, la commission estime que les craintes émises dans le recours par E. O. d'être exclue de son milieu familial, voire de subir des représailles de la part de son époux - à supposer qu'il réapparaisse - ne sauraient être écartées sans autre. Dans la mesure où, de surcroît, les parents de l'intéressée sont âgés, et qu'un soutien de la part des soeurs demeurées à Asmara n'est pas certain, celle-ci ne pourra en cas de retour en Erythrée compter que sur ses propres forces. Dans ces conditions, la commission se doit de mettre les circonstances du présent cas en relation avec la
situation sanitaire et médicale prévalant en Erythrée à l'heure actuelle. A cet égard, même s'il existe des disparités relativement importantes entre les provinces et régions du pays, respectivement entre les villes et les campagnes, il n'en demeure pas moins que l'eau n'est que rarement potable (moins de 30% dans les villes, moins de 12% dans les campagnes, source: SEPHA, op. cit., p.10). Les risques pour les rapatriés de contracter la malaria (Plasmodium Falciparum) endémique, au quotient de fatalité élevé pour les enfants de moins de cinq ans, plus importants dans les basses terres, ne sauraient être exclus à Asmara ou ailleurs. La mauvaise qualité de l'eau et des installations sanitaires est également responsable de nombreux cas de diarrhée, potentiellement susceptible de provoquer des dommages à la santé plus importants que le choléra (PROFERI, op. cit., p. 36s). Ceci étant, rien ne permet de conclure que E. O.l aurait aujourd'hui, à son retour en Erythrée, les moyens de subvenir aux besoins vitaux, alimentaires et sanitaires notamment, de sa famille monoparentale.

Si la commission exige un certain sacrifice de la part des recourants dont l'âge et l'état de santé doit leur permettre, en cas de retour, de surmonter les difficultés initiales pour se trouver un logement et un travail qui leur assure le minimum vital, un tel effort ne saurait être exigé, pour l'heure, de la part de la recourante en raison du fait que son refoulement dans son pays d'origine, compte tenu des circonstances qui viennent d'être exposées, reviendrait à mettre en danger sinon elle-même, du moins ses enfants. Dès lors, considérant au surplus que le sort de la mère et des enfants doit être le même en vertu du


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principe de l'unité de la famille, elle en conclut que l'exécution du renvoi n'est en l'espèce pas raisonnablement exigible.


Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 1994-18-139-144
Date : 25 avril 1994
Publié : 25 avril 1994
Source : Autorités antérieures de la LPP jusqu'en 2006
Statut : Publié comme 1994-18-139-144
Domaine : Eritrea
Objet : Art. 14a, 4e al. LSEE : inexigibilité de l'exécution du renvoi.


Répertoire des lois
LSEE: 4e  14a
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
intérêt public • pays d'origine • conseil fédéral • guerre civile • admission provisoire • refoulement • enfant né hors mariage • examinateur • devoir d'assistance • circonstances personnelles • calcul • ue • enfant • membre d'une communauté religieuse • intérêt privé • danger • bâle-ville • organisation de l'état et administration • parenté • traité international
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1990/II/625