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TRADUCTION PROVISOIRE DU
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. GEORGES COSMAS
présentées le 21 septembre 1999 (1)
Affaire C-411/98
Angelo Ferlini
contre
Centre hospitalier de Luxembourg
(demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal
d'arrondissement de Luxembourg 8e chambre)
«Fonctionnaires des Communautés européennes Égalité de
traitement Concurrence Sécurité sociale Tarifs des soins
médicaux et hospitaliers Entente des hôpitaux luxembourgeois»
Table des matières
I Introduction
I - 3
II Cadre légal
I - 5
A Cadre légal communautaire
I - 5
a) Dispositions du traité et des règlements pertinents
I - 5
b) Dispositions du statut des fonctionnaires des Communautés
européennes (ci-après le «SF») et de la réglementation
commune dans le cadre du RCAM
I - 8
B Cadre légal national
I - 10
a) Assurance maladie-maternité pour les affiliés au régime
national
I - 10
b) Assurance maladie-maternité pour les non-affiliés au régime
national
I - 14
III Faits
I - 15
IV Question préjudicielle
I - 18
V Réponse à la question préjudicielle
I - 21
A Sur la formulation de la question préjudicielle
I - 21
B Sur l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité
I - 22
a) Sur le fondement juridique de l'interdiction des discriminations
fondées sur la nationalité
I - 25
aa) Sur l'application du règlement n° 1408/71
I - 25
ab) Sur l'application de l'article 48 du traité CEE et du
règlement n° 1612/68
I - 29
ac) Sur l'application de l'article 7 du traité CEE
I - 36
ad) Conclusion concernant le choix de la base juridique
I - 50
b) Sur l'application d'un traitement différent à des cas similaires
I - 51
ba) Objet de la différence de traitement
I - 51
bb) Similitude des cas traités différemment
I - 54
c) Sur la justification objective de la différence de traitement
I - 60
d) Conclusion sur l'interdiction des discriminations fondées sur la
nationalité
I - 63
C Sur la protection de la concurrence
I - 64
a) Sur l'existence d'une entreprise et d'une association
d'entreprises
I - 66
b) Sur l'existence d'un accord entre entreprises, d'une décision
d'association d'entreprises ou d'une pratique concertée
I - 71
c) Sur le point de savoir si le jeu de la concurrence est empêché,
restreint ou faussé
I - 73
d) Sur l'incidence sur le commerce intracommunautaire
I - 74
e) Sur le caractère sensible de la restriction de la concurrence et
de l'incidence sur le commerce intracommunautaire
I - 80
f) Conclusion sur la protection de la concurrence
I - 83
VI Conclusion
I - 8450
I Introduction
- 1.
- Par la présente demande de décision préjudicielle, formée au
titre de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), le Tribunal
d'arrondissement de Luxembourg (8e chambre) a déféré à la Cour une
question préjudicielle concernant l'interprétation, d'une part, des
articles 7 et 48 du traité CEE (2), du règlement (CEE) n° 1612/68 du
Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs
à l'intérieur de la Communauté (3), tel que modifié par le règlement
(CEE) n° 312/76 du Conseil, du 9 février 1976 (4), et du règlement (CEE)
n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes
de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se
déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que codifié et mis à jour
par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (5), et,
d'autre part, de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Plus
précisément, la Cour est invitée à décider si l'interdiction des
discriminations entre ressortissants des États membres de la
Communauté et la protection de la concurrence font obstacle, d'une
part, à une réglementation nationale luxembourgeoise et, d'autre part,
à une circulaire de l'Union des caisses de maladie (ci-après l'«UCM»)
et à une décision de l'Entente des hôpitaux luxembourgeois (ci-après
l'«EHL»), dont résulte l'application de tarifs de soins médicaux et
hospitaliers différents selon qu'il s'agit de personnes affiliées au régime
national de sécurité sociale du grand-duché de Luxembourg ou de
personnes non affiliées à ce régime, tels que, en l'espèce, les
fonctionnaires des Communautés européennes, qui sont affiliés au
régime commun d'assurance maladie des Communautés européennes
(ci-après le «RCAM»).
II Cadre légal
A Cadre légal communautaire
a) Dispositions du traité et des règlements pertinents
- 2.
- Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, du traité CEE (devenu
ultérieurement article 6, paragraphe 1, du traité CE, puis, après
modification, article 12, paragraphe 1, CE):
«Dans le domaine d'application du présent traité, et sans préjudice des
dispositions particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination
exercée en raison de la nationalité.»
- 3.
- Aux termes de l'article 48, paragraphe 2, du traité CEE (devenu
ultérieurement article 48, paragraphe 2, du traité CE, puis, après
modification, article 39, paragraphe 2, CE):
«[La libre circulation des travailleurs] implique l'abolition de toute
discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États
membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres
conditions de travail.»
- 4.
- En outre, aux termes de l'article 7 du règlement n° 1612/68,
précité:
«1. Le travailleur ressortissant d'un État membre ne peut, sur le
territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité,
traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions
d'emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de
licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s'il est
tombé en chômage.
2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les
travailleurs nationaux.
(...)»
- 5.
- Aux termes de l'article 2 du règlement n° 1408/71, tel que codifié
et mis à jour par le règlement n° 2001/83:
«Le présent règlement s'applique aux travailleurs salariés ou non
salariés qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un ou de
plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l'un des États
membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire
d'un des États membres ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs
survivants.
(...)»
- 6.
- En outre, aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de ce même
règlement:
«Les personnes qui résident sur le territoire de l'un des États membres
et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont
soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de
tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de
celui-ci, sous réserve de dispositions particulières contenues dans le
présent règlement.»
- 7.
- Enfin, aux termes de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE
(devenu ultérieurement article 85, paragraphe 1, du traité CE, puis,
après modification, article 81, paragraphe 1, CE):
«Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords
entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes
pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre
États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du
marché commun, et notamment ceux qui consistent à:
a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou
d'autres conditions de transaction,
(...)»
b) Dispositions du statut des fonctionnaires des Communautés
européennes (ci-après le «SF») et de la réglementation
commune dans le cadre du RCAM
- 8.
- En vertu des articles 64 et 72 du SF, les fonctionnaires des
Communautés européennes versent des cotisations au RCAM, qui prend
en charge les frais médicaux. En vertu de l'article 72, paragraphe 1, du
SF, le conjoint du fonctionnaire est couvert contre les risques de maladie
visés par cet article.
- 9.
- En vue, notamment, de l'application des dispositions précitées,
a été adoptée une réglementation commune relative à la couverture desrisques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes.
En vertu de l'article 2 de cette réglementation commune, les
fonctionnaires sont affiliés au RCAM. En outre, l'article 3 de cette
même réglementation prévoit que les conjoints des fonctionnaires sont
aussi affiliés, cette affiliation étant soumise à certaines conditions dont
il ne paraît pas douteux qu'elles soient remplies, en l'espèce, dans le cas
de l'épouse de M. Ferlini.
- 10.
- En vertu de l'article 72 du SF, des articles 1er, 2 et 3, de la
réglementation commune et du titre VIII de l'annexe I à cette
réglementation, en ce qui concerne les soins hospitaliers dispensés en
cas d'accouchement, à l'époque à laquelle se sont déroulés les faits de
l'affaire au principal, les frais remboursés par le RCAM étaient les
honoraires médicaux dus pour l'accouchement et l'anesthésie, ainsi que
les frais de salle d'accouchement et les frais de kinésithérapie et, en
outre, tous les autres frais se rapportant à des prestations liées
directement à l'accouchement; ces frais étaient remboursés à 100 % et
dans les limites d'un plafond. Les frais de séjour dans un établissement
hospitalier étaient remboursés à 85 % et dans les limites d'un plafond.
- 11.
- L'article 9, paragraphe 2, de la réglementation commune prévoit
que «les institutions s'efforcent, dans la mesure du possible, de négocier,
avec les représentants du corps médical et/ou les autorités, associations
et établissements compétents, des accords fixant les taux applicables aux
bénéficiaires, compte tenu des conditions locales et, le cas échéant, des
barèmes déjà en vigueur, tant du point de vue médical que du point de
vue hospitalier».
- 12.
- Des éléments du dossier, il résulte que, à l'époque des faits de
l'affaire au principal, aucun accord n'avait été conclu entre le RCAM et
l'EHL, malgré les initiatives des Communautés allant dans ce sens (6).
B Cadre légal national
a) Assurance maladie-maternité pour les affiliés au régime national
- 13.
- D'après l'ordonnance de renvoi, la législation nationale qui était
applicable à l'époque des faits litigieux de l'affaire au principal, aux
personnes affiliées aux caisses de maladie luxembourgeoises était
contenue essentiellement dans les articles 308bis à quater du code des
assurances sociales (7).
- 14.
- Du fait de la nature du régime de sécurité sociale voulu par le
législateur luxembourgeois, les tarifs applicables aux actes médicaux sont
absolument uniformes. Ils sont fixés exclusivement d'après la nature de
la prestation et ne varient ni en fonction du revenu du patient ni en
fonction des qualifications du prestataire de soins.
- 15.
- En ce qui concerne l'assurance maladie-maternité, les personnes
couvertes sont obligatoirement affiliées à des caisses de maladie, qui
sont des établissements publics autonomes dotés de la personnalité
juridique, placés sous la surveillance de l'État. Les caisses de maladie
sont financées principalement au moyen de cotisations, soit directes soit
indirectes.
- 16.
- Comme l'indiquent tant M. Ferlini que la Commission, le système
applicable aux prestations en cas de maternité différait de celui valant
pour les prestations en cas de maladie. A l'époque des faits de l'affaire
au principal, le système applicable aux prestations en cas de maladie
prévoyait la conclusion de conventions collectives entre les caisses
d'assurance et les diverses catégories de prestataires, sans distinction
entre le secteur hospitalier et le secteur non-hospitalier. Des arrêtés
ministériels conféraient une force obligatoire erga omnes à ces
conventions, même pour les prestataires qui n'étaient pas membres de
l'association ayant négocié la convention (8). En revanche, le système
valant pour l'assurance maternité était fondé sur le versement d'une
somme forfaitaire par l'État. Selon M. Ferlini, le système paraissait
relever, en réalité, plus du secteur des allocations familiales que du
secteur de l'assurance maladie.
- 17.
- Comme il est indiqué dans l'ordonnance de renvoi, en vertu de
la législation applicable à l'époque des faits de l'affaire au principal (lois
du 27 juin 1983 et du 3 juillet 1975), les assurées bénéficiaient, lors de
l'accouchement, des soins d'une sage-femme, de l'assistance médicale,
du séjour en maternité ou clinique, de fournitures pharmaceutiques et
de produits diététiques pour nourrissons. Ces prestations étaient
couvertes grâce à une somme forfaitaire fixée par un règlement
grand-ducal pour chaque prestation séparément.
- 18.
- Le règlement grand-ducal en vigueur à l'époque des faits de
l'affaire au principal était le règlement grand-ducal du 31 décembre
1974 (9), tel que modifié, ayant pour objet de déterminer, en exécution
des articles 6 et 13 du code des assurances sociales, les prestations en
nature en cas de maladie et de maternité. L'article 12 de ce règlement
fixait le niveau de la somme forfaitaire susmentionnée et détaillait les
diverses composantes de cette somme et les prix correspondant à
chacune d'entre elles.
- 19.
- Conformément à la circulaire de l'UCM du 1er décembre 1988,
relative à la répartition des éléments composant les forfaits pour frais
de maternité à partir du 1er janvier 1989, qui est citée dans l'ordonnance
de renvoi (10), en pratique, le système qu'imposaient la loi en vigueur à
l'époque des faits litigieux et le règlement grand-ducal du 31 décembre
1974 concerné, prévoyait un calcul fondé sur trois composantes, à savoir
l'assistance médicale, les frais de maternité et les produits diététiques (11).
b) Assurance maladie-maternité pour les non-affiliés au régime
national
- 20.
- Comme l'indiquent le gouvernement luxembourgeois et la
Commission, les tarifs prévus au Luxembourg pour les prestations de
soins concernant les personnes entrant dans le champ d'application du
règlement n° 1408/71 sont les mêmes que ceux qui s'appliquent aux
affiliés au régime national. En outre, ces personnes sont expressément
comprises dans le champ d'application des conventions collectives en
matière de maladie. Il faut donc admettre que, dans le cas de
l'assurance maternité, le forfait prévu par le règlement grand-ducal du
31 décembre 1974, s'appliquait aussi à ces personnes.
- 21.
- En revanche, pour les autres personnes qui n'étaient pas affiliées
au régime national de sécurité sociale, il s'avère que les réglementations
et conventions collectives précitées ne s'appliquaient pas et que, sous
réserve de dispositions légales ou réglementaires ou d'engagements
internationaux liant le grand-duché de Luxembourg, les prestataires de
soins jouissaient d'une entière liberté quant à la fixation des tarifs.
- 22.
- Ainsi, faute de convention entre le RCAM et l'EHL, cette
dernière a fixé unilatéralement les tarifs des soins hospitaliers
applicables à compter du 1er janvier 1989 aux personnes qui n'étaient pas
affiliées au régime national de sécurité sociale, y compris les
fonctionnaires des Communautés, qui étaient affiliés au RCAM.
III Faits
- 23.
- M. Ferlini est fonctionnaire de la Commission des Communautés
européennes et travaille à Luxembourg. L'ordonnance de renvoi ne
précise, toutefois, pas si M. Ferlini et son épouse ont la nationalité d'un
État membre de la Communauté (12).
- 24.
- Du fait que M. Ferlini a la qualité de fonctionnaire des
Communautés européennes, lui-même et son épouse sont affiliés au
RCAM.
- 25.
- Entre le 17 janvier 1989 et le 24 janvier 1989, l'épouse de
l'appelant a séjourné au Centre hospitalier de Luxembourg (ci-après le
«CHL») pour y accoucher. L'ordonnance de renvoi indique que le CHL
est un établissement public.
- 26.
- Le 24 février 1989, le CHL a fait parvenir à l'appelant une
facture relative aux frais d'hospitalisation, d'un montant de 73 460 LUF.
- 27.
- M. Ferlini a relevé contredit contre une ordonnance
conditionnelle de paiement délivrée contre lui le 22 avril 1993 et lui
enjoignant de payer la somme susmentionnée au CHL.
- 28.
- Par un jugement du 24 juin 1994, le Tribunal de paix de
Luxembourg, siégeant en matière civile et en instance de contredit, a
déclaré non fondé le contredit et condamné M. Ferlini à payer au CHL
la somme susmentionnée, majorée des intérêts légaux.
- 29.
- Le 5 octobre 1994, M. Ferlini a fait appel de ce jugement.
- 30.
- Comme il est indiqué dans l'ordonnance de renvoi, selon
l'appelant, la facturation effectuée par le CHL résulte, d'une part, de
l'application des tarifs hospitaliers fixés par l'EHL, valant, à partir du
1er janvier 1989, pour les personnes et organismes non affiliés au régime
national de sécurité sociale et, d'autre part, de l'application des tarifs
valant pour les affiliés aux caisses de maladie et résultant d'une
circulaire de l'UCM du 1er décembre 1988. Or, ces tarifs dépassaient
largement ceux appliqués aux affiliés au régime national de sécurité
sociale et étaient discriminatoires.
- 31.
- A l'appui de son appel, M. Ferlini fait valoir que la fixation des
frais de soins hospitaliers opérée par le CHL était contraire au principe
d'égalité. Ensuite, l'appelant soutient que le système de tarification des
soins hospitaliers qui est appliqué aux fonctionnaires des Communautés,
tel qu'il résulte d'un accord entre les hôpitaux luxembourgeois, réunis au
sein de l'entente des hôpitaux luxembourgeois, est contraire à
l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 32.
- A titre subsidiaire, l'appelant estime que la somme réclamée est
excessive et disproportionnée par rapport aux services rendus.
- 33.
- Le CHL, intimé, demande le rejet de l'appel et la confirmation
du jugement attaqué, ainsi qu'une indemnité de procédure. Le CHL
affirme essentiellement que la situation des fonctionnaires des
Communautés n'est pas comparable à celle des affiliés au régime
national de sécurité sociale. Les premiers ne paient pas d'impôts ni de
cotisations au régime national de sécurité sociale et leur revenu est plus
élevé; par ailleurs, à l'époque des faits de l'affaire au principal, le
RCAM n'avait conclu aucune convention avec l'EHL. Enfin, le CHL
soutient que les conditions énoncées à l'article 85 du traité ne sont pas
remplies en l'espèce.
IV Question préjudicielle
- 34.
- Selon la juridiction de renvoi, l'article 48 du traité et les
règlements n° 1408/71 et 1612/68 concernent seulement les ressortissants
communautaires qui accèdent, dans un autre État membre, à un emploi
ou à une couverture sociale régie par les lois de celui-ci. Cependant,
dans la mesure où les fonctionnaires des Communautés résident dans un
État membre autre que le leur en raison, précisément, de leurs
fonctions, il ne saurait être admis qu'ils soient placés dans une situation
moins favorable que celle de tout autre travailleur salarié ressortissant
d'un État membre. Ils doivent, au contraire, jouir de l'ensemble des
avantages qui découlent du droit communautaire pour les ressortissants
des États membres en matière de libre circulation des personnes, de
liberté d'établissement et de protection sociale.
- 35.
- Le juge national a estimé aussi ne pouvoir se prononcer sur les
questions soulevées par l'appelant et les objections formulées par
l'intimé sans une interprétation des principes régissant le droit de la
concurrence, notamment en ce qui concerne la question de la
compétence des États membres pour aménager leur système de sécurité
sociale, le statut particulier des entreprises et des prestations concernées,
ainsi que l'incidence sur le marché commun.
- 36.
- Eu égard aux considérations qui précèdent, le Tribunal
d'arrondissement de Luxembourg (8e chambre) a décidé de déférer la
question préjudicielle suivante à la Cour:
«au regard du principe de non-discrimination entre ressortissants des
États membres de l'Union européenne, principe consacré par les
articles 6 et 48 du traité CE et, dans le domaine de la libre circulation
des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, par le règlement
1612/68 du Conseil du S octobre 1968 relatif à la libre circulation des
travailleurs à l'intérieur de la Communauté, modifié par le règlement312/76 du Conseil du 9 février 1976 et, dans le domaine de la sécurité
sociale par le règlement 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, relatif à
l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux
travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent
à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour
par le règlement 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983,
et
au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE qui interdit tous
accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et
toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce
entre les États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher,
de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du
marché commun,
sont-ils compatibles avec le droit communautaire le règlement
grand-ducal du 31 décembre 1974, (Mémorial A n° 95 du 31.12.1974, p.
2398), tel que modifié, ayant pour objet de déterminer en exécution des
articles 6 et 13 du code des assurances sociales les prestations en nature
en cas de maladie et de maternité, les tarifs hospitaliers à partir du
1er janvier 1989 valables pour les personnes et organismes non affiliés au
régime de la sécurité sociale nationale, la circulaire de l'UCM du
1er décembre 1988 relative à la répartition des éléments composant les
forfaits pour frais de maternité à partir du 1er janvier 1989 et les
pratiques de l'EHL consistant à appliquer aux personnes et organismes
non affiliés au régime de sécurité sociale nationale et aux fonctionnaires
des Communautés européennes affiliés au RCAM des tarifs uniformes
pour frais médicaux et hospitaliers supérieurs à ceux appliqués aux
résidents affiliés au régime de sécurité sociale nationale?».
V Réponse à la question préjudicielle
- 37.
- Par la question préjudicielle qu'il lui a déférée, le Tribunal
d'arrondissement de Luxembourg (8e chambre) invite la Cour à prendre
position sur l'interdiction des discriminations fondées sur la
nationalité (B) et la protection de la concurrence (C), eu égard à la
fixation, dans un État membre, des tarifs des soins médicaux et
hospitaliers dispensés en cas de maternité, valant pour les non-affiliés au
régime national de sécurité sociale, y compris les fonctionnaires des
Communautés qui, du fait de leurs fonctions, travaillent et résident dans
cet État, mais sont affiliés au RCAM. Nous examinerons ces deux
questions, après avoir fait une brève remarque concernant la
formulation de la question préjudicielle (A).
A Sur la formulation de la question préjudicielle
- 38.
- Étant donné la formulation de la question préjudicielle, nous
voudrions rappeler que la Cour, dans le cadre de l'article 177 du
traité CE (devenu article 234 CE), ne se prononce pas sur
l'interprétation ou la validité de dispositions nationales ni sur la
compatibilité de ces dispositions avec les dispositions du droit
communautaire, mais fournit à la juridiction de renvoi tous les éléments
d'interprétation qui lui permettront de juger si une disposition du droit
interne est ou non compatible avec les règles communautaires (13).
- 39.
- En conséquence, il faut considérer que la question préjudicielle
déférée par la juridiction nationale concerne le point de savoir si les
articles 7 et 48 du traité CEE et les dispositions des règlements
n° 1612/71 et 1408/71 doivent être interprétés en ce sens qu'ils font
obstacle à des réglementations nationales ou à des pratiques mises en
oeuvre par des associations de prestataires de soins médicaux et
hospitaliers dispensés en cas de maternité, dont il résulte que, pour ces
soins, des personnes et des organismes qui ne sont pas affiliés au régime
national de sécurité sociale, y compris les fonctionnaires des
Communautés, affiliés au RCAM, se voient appliquer des tarifs plus
élevés que ceux valant pour les résidents affiliés au régime national de
sécurité sociale.
B Sur l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité
- 40.
- L'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité
constitue le contenu négatif du principe de l'égalité de traitement des
ressortissants des États membres de la Communauté maintenant des
citoyens de l'Union et une expression du principe général d'égalité, qui
est une notion de base du droit communautaire.
- 41.
- Cette interdiction, qui est précisée par de nombreuses
dispositions du droit communautaire, ne s'oppose pas, d'une manière
générale, à l'existence de distinctions, qui peuvent consister à appliquer
des règles différentes à des situations similaires ou à appliquer la même
règle à des situations différentes (14). Ce à quoi s'oppose cette
interdiction, ce sont les distinctions arbitraires que l'on peut identifier en
vérifiant si elles sont objectivement justifiées (15).
- 42.
- Selon une jurisprudence constante de la Cour, l'interdiction des
discriminations fondées sur la nationalité vise non seulement les
discriminations directes, mais aussi les discriminations indirectes ou
déguisées, qui, même si elles ne sont pas basées directement sur la
nationalité, critère prohibé, sont fondées sur d'autres critères qui
produisent des résultats identiques ou, du moins, analogues à ceux
auxquels aboutit l'application du critère de la nationalité (16). Sur ce
point, il y a lieu de signaler que, en l'espèce, la discrimination litigieuse
est un exemple caractéristique de discrimination indirecte fondée sur la
nationalité. L'application du critère de l'affiliation au régime national de
sécurité sociale, sur lequel est fondée la différenciation des tarifs des
soins médicaux et hospitaliers implique une application déguisée du
critère de la nationalité, dans la mesure où, comme la Commission le
souligne, la majeure partie des affiliés au régime national sont des
ressortissants luxembourgeois, tandis que l'écrasante majorité des
non-affiliés, surtout parmi les fonctionnaires des Communautés, sont des
ressortissants d'autres États membres (17).
- 43.
- Après ces remarques liminaires, nous pensons que, compte tenu
des diverses dispositions du droit communautaire que la Cour est invitée
à interpréter, il faudra que nous examinions successivement les questions
suivantes. Tout d'abord, pour juger si l'on est, en l'espèce, en présence
d'un cas de discrimination fondée sur la nationalité contraire au droit
communautaire (d), il faudra, eu égard aux faits de l'affaire au principal,
identifier le fondement juridique de l'interdiction de cette discrimination
et examiner les conditions d'application plus spécifiques de cette
interdiction (a). Ensuite, il faudra faire certaines remarques concernant
le point de savoir si ces conditions sont remplies en l'espèce et, plus
précisément, sur l'existence d'un traitement différent appliqué à des
situations similaires dans le cadre des faits de l'affaire au principal et des
données du droit national luxembourgeois (b). Enfin, il faudra examiner
si cette différence de traitement est objectivement justifiée ou non (c).
a) Sur le fondement juridique de l'interdiction des discriminations
fondées sur la nationalité
aa) Sur l'application du règlement n° 1408/71
- 44.
- D'après la jurisprudence de la Cour, «une personne a la qualité
de travailleur au sens du règlement n° 1408/71 dès lors qu'elle est
assurée, ne serait-ce que contre un seul risque, au titre d'une assurance
obligatoire ou facultative auprès d'un régime général ou particulier de
sécurité sociale mentionné à l'article 1er, sous a), du règlement
n° 1408/71, et ce indépendamment de l'existence d'une relation de
travail» (18).
- 45.
- Même s'ils sont affiliés à un régime spécifique, tel que le RCAM,
les fonctionnaires des Communautés, comme M. Ferlini, ne paraissent
pas pouvoir être considérés comme des travailleurs, au sens de la
définition qui précède.
- 46.
- Comme l'avocat général M. Lenz l'a indiqué, de manière
caractéristique, dans ses conclusions sous l'arrêt Schmid (19), «la notion
de travailleur salarié doit être définie en fonction des finalités et de
l'objet matériel du règlement» (20). En d'autres termes, la qualité de
travailleur salarié dépend essentiellement de la possibilité générale
d'application du règlement.
- 47.
- A cet égard, il y a lieu de rappeler que, bien que le règlement
n° 1408/71, qui a été adopté sur la base de l'article 51 du traité CEE,
soit lié à l'établissement de la libre circulation des travailleurs, son
objectif fondamental est la coordination des diverses législations
nationales relatives aux prestations sociales, de telle sorte que la libre
circulation des travailleurs n'ait pas pour effet de placer les travailleurs
qui font usage de cette liberté dans une situation moins favorable que
celle des travailleurs exerçant leur activité à l'intérieur d'un seul État
membre.
- 48.
- En l'espèce, comme la Commission le souligne dans ses
observations, les conditions générales d'application du règlement
n° 1408/71 ne sont pas remplies, parce qu'il ne s'agit pas de la
coordination de régimes nationaux de sécurité sociale, mais de
prestations de soins fournies à l'intérieur d'un seul État membre et de
l'application de tarifs différents, pour ces prestations, à une catégorie de
personnes qui comprend essentiellement des travailleurs qui sont des
ressortissants d'autre États membres. En conséquence, il n'est pas
possible de qualifier M. Ferlini de travailleur au sens du règlement
n° 1408/71.
- 49.
- La raison pour laquelle M. Ferlini ne peut être qualifié de
travailleur «salarié» au sens du règlement n° 1408/71 est liée à la raison,
découlant directement de l'article 2, paragraphe 1, de ce dernier, pour
laquelle on ne peut pas appliquer ce règlement en l'espèce. En vertu de
cette disposition, le règlement n° 1408/71 «s'applique aux travailleurs
salariés ou non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un
ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l'un des
États membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le
territoire d'un des États membres ainsi qu'aux membres de leur famille
et à leurs survivants». En l'espèce, M. Ferlini, en sa qualité de
fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes est
affilié au RCAM. En conséquence, comme il résulte des éléments du
dossier, ni lui ni son épouse ne sont soumis à une législation nationale
en matière de sécurité sociale, comme l'exige l'article 2, paragraphe 1,
du règlement n° 1408/71.
- 50.
- Eu égard à ce qui précède, ni M. Ferlini ni son épouse ne
peuvent entrer dans le champ d'application personnel du règlement
n° 1408/71 (21). Toutefois, puisque, en droit communautaire, la notion de
travailleur n'est pas univoque, mais a un contenu différent selon le
secteur où elle est utilisée (22), il n'est pas exclu que M. Ferlini et son
épouse entrent dans le champ d'application personnel d'autres règles du
droit communautaire, telles que l'article 48 du traité CEE ou le
règlement n° 1612/68.
ab) Sur l'application de l'article 48 du traité CEE et du règlement
n° 1612/68
- 51.
- Si l'on prend en considération la jurisprudence de la Cour
relative aux ressortissants des États membres de la Communauté qui ont
la qualité de fonctionnaires internationaux en général (23), il faut, a
fortiori, considérer que les fonctionnaires des Communautés, comme
M. Ferlini, conservent la qualité de travailleur, qui leur permet, à eux
aussi bien qu'aux membres de leur famille, d'entrer dans le champ
d'application personnel de l'article 48 du traité CEE et du règlement
n° 1612/68.
- 52.
- Cependant, on peut se poser la question de savoir si le traitement
appliqué à M. et Mme Ferlini entre dans le champ d'application matériel
des règles communautaires en question (24). Plus précisément, il convient
d'examiner si l'application, pour les soins médicaux et hospitaliers
dispensés en cas de maternité, de tarifs plus élevés que ceux valant pour
les affiliés au régime national de sécurité sociale concerne une«condition de travail», au sens des dispositions de l'article 48,
paragraphe 2, du traité CEE et de l'article 7, paragraphe 1, du
règlement n° 1612/68 ou un «avantage social», au sens de l'article 7,
paragraphe 2, de ce même règlement.
- 53.
- La notion de «condition de travail», qui est utilisée dans les
dispositions précitées, semble couvrir des éléments liés directement au
contrat de travail, comme la rémunération, le licenciement, le calcul de
l'ancienneté, la réinsertion professionnelle ou la remise au travail. A cet
égard, il est significatif que la Cour, pour décider si un système
prévoyant le versement des cotisations à l'assurance vieillesse et
survivants, lorsque le travailleur effectue son service militaire, concerne
une «condition de travail», a examiné si ce versement constitue une
obligation légale ou contractuelle dont serait titulaire l'employeur (25).
- 54.
- En l'espèce, nous pensons que l'application de tarifs plus élevés
pour les soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité ne
peut entrer dans le champ sémantique des termes «condition de
travail». Comme la Commission le fait observer, bien que l'application
de ces tarifs puisse grever le revenu net des non-affiliés au régime
national luxembourgeois de sécurité sociale, puisqu'il est probable que
ces derniers soient contraints de payer des sommes plus importantes du
fait que leurs organismes d'assurance ne sont pas en mesure de
rembourser la totalité des tarifs imposés, il faut admettre que cette
charge est liée, de manière indirecte et hypothétique, aux «conditions de
travail» et, plus particulièrement, à la rémunération de ces travailleurs.
La position contraire conduirait, en substance, à adopter la conception
simplificatrice selon laquelle toute forme de tarification de produits ou
de services qui entraîne une majoration des dépenses extraordinaires,
telles que les frais liés aux soins médicaux et hospitaliers dispensés en
cas de maternité, doit être considérée comme ayant une incidence sur
la rémunération des travailleurs fixée par voie conventionnelle ou légale.
- 55.
- Puisqu'il ne semble pas que l'on puisse admettre que le niveau
des tarifs des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de
maternité relève des «conditions de travail», il faudra examiner si la
fixation de ces tarifs présente les caractéristiques d'un «avantage social»,
au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68. Une
jurisprudence constante définit ces avantages comme étant «tous ceux
qui, liés ou non à un contrat d'emploi, sont généralement reconnus aux
travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité objective
de travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le territoire
national, et dont l'extension aux travailleurs ressortissants d'autres États
membres apparaît dès lors comme apte à faciliter leur mobilité à
l'intérieur de la Communauté» (26).
- 56.
- Selon la Commission, eu égard à la définition précitée, il n'est pas
exclu que l'on puisse considérer la garantie, pour les prestations
médicales, d'un niveau de prix raisonnable et, conformément aux
principes du système luxembourgeois, basé sur les coûts réels des
prestations en question comme un avantage social qui doit être accordé
à toutes les personnes travaillant au Luxembourg.
- 57.
- Selon M. Ferlini, la somme forfaitaire payée par l'État
luxembourgeois en cas d'accouchement constitue incontestablement un
«avantage social», qui ne diffère pas fondamentalement de l'allocation
de maternité, que la Cour a considérée comme telle (27). La tarification
des prestations couvertes par le forfait constitue un élément essentiel de
ce dernier, qui devrait être versé à tous ceux qui bénéficient de la libre
circulation des personnes au Luxembourg. Dans la pratique, les
fonctionnaires des Communautés ne bénéficient pas de cet avantage
consistant dans le forfait, mais cette question n'a pas été soulevée dans
le cadre de l'affaire au principal. Cependant, M. Ferlini soutient qu'il est
possible d'invoquer la nature d'avantage social du forfait pour
revendiquer, au moins, l'égalité au niveau de la facturation des soins
médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité.
- 58.
- Tant la Commission, qui invoque un droit à des tarifs
raisonnables et correspondant aux coûts réels, que M. Ferlini, qui
invoque le forfait versé en cas d'accouchement, tentent de donner un
contenu positif au droit à l'égalité de traitement quant aux tarifs des
prestations concernées, de telle sorte que la qualification de ce droit
comme «avantage social» soit en harmonie avec la jurisprudence de la
Cour, qui a qualifié d'«avantages sociaux» notamment des prestations
ayant un contenu positif (28). Toutefois, les informations fournies par
l'ordonnance de renvoi ne font pas apparaître de manière absolument
claire que, à l'époque des faits de l'affaire au principal, les tarifs
appliqués aux affiliés au régime national de sécurité sociale
correspondaient au coût des prestations, tandis que les tarifs appliqués
aux non-affiliés, et plus particulièrement aux fonctionnaires des
Communautés, ne correspondaient pas à ce coût, ni que le forfait
couvrant les soins dispensés en cas d'accouchement ni, a fortiori, la
tarification de ces soins avaient la même nature que l'allocation de
maternité. C'est au juge national, qui a une connaissance approfondie
du droit national et des faits de l'affaire au principal, qu'il appartient
donc de vérifier si les arguments décrits ci-dessus sont valables.
- 59.
- Toutefois, nous pensons que l'on peut considérer que la
tarification litigieuse des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas
d'accouchement relève du champ d'application matériel du principe de
l'égalité de traitement, consacré par l'article 7 du règlement n° 1612/68,
sans qu'il faille vérifier si l'on est en présence d'une prestation ou d'un
avantage à contenu positif. Il suffit de faire un raisonnement «a majori
ad minus». Dès lors que l'égalité de traitement vaut pour les «avantages
sociaux», il faut admettre qu'elle s'applique à toute réglementation qui,
même si elle ne crée pas un avantage de contenu positif au sens strict,
concerne la situation sociale des travailleurs indépendamment du point
de savoir s'il existe ou non un lien avec un contrat de travail donné ,
qui s'applique d'une manière générale aux travailleurs nationaux,
principalement en raison de leur qualité objective de travailleurs ou
purement et simplement en raison de leur séjour sur le territoire
national, et dont l'extension aux travailleurs ressortissants des autres
États membres paraît, pour ce motif, être de nature à faciliter leur libre
circulation à l'intérieur de la Communauté. Il est manifeste que la
tarification des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de
maternité couvre tous les éléments de la définition précitée.
- 60.
- Si l'on admet que les faits de l'affaire au principal entrent dans
le champ d'application matériel de l'article 7, paragraphe 2, du
règlement n° 1612/68, il y a lieu de signaler un dernier problème.
Conformément à une jurisprudence récente de la Cour, une législation
nationale, entrant dans le champ d'application de l'article 48 du traité
et de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, qui empêche ou
dissuade un ressortissant d'un État membre de quitter son pays pour
exercer son droit à la libre circulation, est considérée comme contraire
à l'article 48 du traité, sans qu'il soit nécessaire d'examiner s'il existe une
discrimination indirecte fondée sur la nationalité (29). Il paraît résulter de
cette jurisprudence que le cas où une législation nationale empêche ou
dissuade les travailleurs d'exercer leur droit à la libre circulation est
différent de celui où il existe une discrimination indirecte fondée sur la
nationalité dans le cadre de l'exercice de ce même droit. Plus
précisément, il semble que, dans le premier cas, le champ d'application
soit plus large que dans le second et que l'on se fonde sur une simple
présomption (30).
- 61.
- Cependant, en l'espèce, on peut difficilement affirmer que, outre
l'introduction d'une discrimination indirecte fondée sur la nationalité,
l'application, dans un État membre, pour les soins dispensés en cas de
maternité, de tarifs plus élevés que ceux valant pour les affiliés au
régime de sécurité sociale de cet État membre empêcherait ou
dissuaderait, d'une manière générale, un ressortissant d'un autre État
membre de travailler dans le premier État, surtout en tant que
fonctionnaire des Communautés. Nous parvenons à cette conclusion,
parce que nous prenons en considération le caractère exceptionnel,
relativement prévisible et limité des dépenses liées aux soins dispensés
en cas de maternité, compte tenu aussi de la large possibilité d'assurance
et de couverture de ces dépenses dans divers États membres qu'offre le
RCAM. En revanche, s'il était démontré que, dans un État membre,
comme, en l'espèce, le grand-duché de Luxembourg, il existe une
tarification qui comporte une semblable discrimination pour la totalité
ou pour une partie importante des soins médicaux et hospitaliers en
général, on pourrait, en effet, soutenir que cela dissuaderait
éventuellement le ressortissant d'un État membre de quitter l'État
membre où il réside pour travailler en qualité de fonctionnaire des
Communautés dans l'État concerné.
ac) Sur l'application de l'article 7 du traité CEE
- 62.
- L'article 7 du traité CEE, en vertu duquel «dans le domaine
d'application du présent traité, et sans préjudice des dispositions
particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en
raison de la nationalité», ne peut s'appliquer de manière autonome que
dans les cas régis par le droit communautaire pour lesquels le traité ne
prévoit pas d'interdiction spécifique des discriminations (31).
- 63.
- Dans la mesure où le principe interdisant les discriminations
fondées sur la nationalité est réaffirmé spécifiquement à l'article 48 du
traité, il faut donc, admettre que, en l'espèce, il n'y a lieu d'appliquer
l'article 7 du traité que si l'article 48 et le règlement n° 1612/68 ne sont
pas applicables. Eu égard aux analyses qui précèdent, le problème de
l'application de l'article 7 peut donc se poser si la Cour juge soit que
M. Ferlini n'a pas la qualité de travailleur au sens de l'article 48 et du
règlement n° 1612/68, soit que la discrimination litigieuse ne relève pas
du champ d'application matériel de ces dispositions, c'est-à-dire qu'elle
ne concerne ni des «conditions de travail» ni des «avantages sociaux».
- 64.
- Dans un tel cas, il faudra examiner si les faits de l'affaire au
principal entrent dans le champ d'application du traité, condition à
laquelle est subordonnée l'application du principe de non-discrimination,
tel qu'énoncé à l'article 7 du traité CEE.
- 65.
- Sur ce point, il y a lieu de souligner que la Cour paraît accepter
que l'on fasse une interprétation large du contenu de cette condition et
reconnaît que des situations qui, tout en n'ayant pas de lien direct avec
les libertés fondamentales consacrées par le droit communautaire, ont
une incidence indirecte sur l'exercice de ces libertés, entrent dans le
champ d'application du traité (32). En d'autres termes, la détermination
du domaine d'application du traité, au sens de l'article 7, comporte une
dynamique qui permet d'intégrer graduellement à ce domaine
d'application une série de matières qui ne sont pas étrangères au droit
communautaire ou sont régies même partiellement par celui-ci (33).
- 66.
- En particulier, en ce qui concerne les fonctionnaires des
Communautés, dans l'arrêt Forcheri, qui, comme la présente affaire,
concernait la situation de l'épouse d'un fonctionnaire des Communautés
européennes (34), la Cour a estimé, tout d'abord, que «la situation
juridique des fonctionnaires de la Communauté dans l'État membre de
leur affectation relève du domaine d'application du traité à un double
titre, en raison de leur lien d'emploi avec la Communauté et en tant
qu'ils doivent jouir de l'ensemble des avantages qui découlent du droit
communautaire pour les ressortissants des États membres en matière de
libre circulation des personnes, en matière d'établissement et en matière
de protection sociale» (35). Ainsi, dans le même arrêt, la Cour, examinant
la question plus particulière de savoir si, dans le cas du conjoint d'un
fonctionnaire des Communautés qui n'a pas la nationalité de l'État
membre où il est installé avec ce dernier, le paiement du droit
d'inscription entre dans le champ d'application du traité et estcompatible avec le droit communautaire, a jugé que «lorsqu'un État
membre met en oeuvre des cours d'enseignement concernant
notamment la formation professionnelle, le fait d'exiger du ressortissant
d'un autre État membre licitement installé dans le premier État membre
un droit d'inscription, qui n'est pas exigé de ses propres ressortissants,
pour pouvoir participer à ces cours, constitue une discrimination en
raison de la nationalité, interdite par l'article 7 du traité» (36).
- 67.
- Dans l'arrêt précité, qui a précédé chronologiquement les arrêts
Echternach e.a. (déjà cité à la note 22) et Schmid (déjà cité à la
note 18), la Cour, considérant tacitement qu'un fonctionnaire des
Communautés, ressortissant d'un État membre de la Communauté, n'est
pas un travailleur au sens de l'article 48 du traité CEE et du règlement
n° 1612/68, mais admettant qu'il n'est pas possible qu'on lui refuse les
droits conférés par ces règles communautaires, a décidé de fonder son
arrêt sur l'article 7 du traité CEE. Dès lors, la question qui s'est posée
concernait la détermination des personnes qui, sans être des travailleurs
au sens précité, pourraient entrer dans le champ d'application du traité.
Pour répondre à cette question, la Cour a recouru au critère du
«ressortissant d'un autre État membre licitement installé dans le
premier État membre». En outre, tandis que, dans les motifs de l'arrêt,
il semble que l'épouse de M. Forcheri puise son droit à l'égalité de
traitement dans sa qualité de conjoint d'un fonctionnaire des
Communautés, circonstance dont il résulte qu'elle est licitement installée
dans l'État membre concerné, dans le dispositif de l'arrêt, la Cour paraît
se référer d'une manière générale à la condition consistant dans
l'établissement licite, abstraction faite du cas particulier des conjoints des
fonctionnaires des Communautés. Cela a conduit les commentateurs de
l'arrêt à parler d'une nouvelle perspective ouverte par la Cour au droit
communautaire; en d'autres termes, dès lors qu'un ressortissant de la
Communauté, même s'il n'a pas la qualité de travailleur au sens de
l'article 48 et du règlement n° 1612/68, s'est établi licitement sur le
territoire d'un État membre, il bénéficierait de l'égalité de traitement
pour toutes les matières entrant dans le champ d'application du
traité (37).
- 68.
- Sur ce point, il y a lieu de signaler que cette perspective qui s'est
ouverte en 1983 dans la jurisprudence de la Cour a été consacrée par
les articles 8 (devenu, après modification, article 17 CE) et 8 A (devenu,
après modification, article 18 CE) du traité CE (38). Comme la Cour l'a
indiqué dans sa jurisprudence récente, «l'article 8, paragraphe 2, du
traité attache au statut de citoyen de l'Union les devoirs et les droits
prévus par le traité, dont celui, prévu à l'article 6 du traité, de ne pas
subir de discrimination en raison de la nationalité dans le champ
d'application ratione materiae du traité. Il en résulte qu'un citoyen de
l'Union européenne qui, telle la requérante au principal, réside
légalement sur le territoire de l'État membre d'accueil peut se prévaloir
de l'article 6 du traité dans toutes les situations relevant du domaine
d'application ratione materiae du droit communautaire, (...)» (39). La
similitude de cette interprétation des articles 8 et 8 A avec la
jurisprudence Forcheri est plus qu'évidente. En conséquence, bien que
les articles précités ne puissent s'appliquer à l'époque des faits de
l'affaire au principal, cette interprétation que la Cour en a donnée peut
éclairer la signification de la jurisprudence Forcheri.
- 69.
- Si nous appliquons cette jurisprudence en l'espèce, il convient
d'admettre que, puisque l'épouse de M. Ferlini avait la qualité de
ressortissante d'un État membre de la Communauté élément qu'il
appartient au juge national de vérifier et était licitement installée au
Luxembourg en tant que conjoint d'un fonctionnaire des Communautés
travaillant dans ce pays, elle ne pouvait faire l'objet d'une discrimination
fondée sur la nationalité, interdite par l'article 7 du traité, dans tous les
cas qui entraient dans le champ d'application de ce dernier. Il est
manifeste que les barèmes des soins médicaux et hospitaliers concernent
des services qui, comme la Commission l'indique dans ses observations,
entraient et entrent sans aucun doute dans ce champ d'application (40),
sans qu'il soit nécessaire de vérifier s'ils concernent des «conditions de
travail» ou des «avantages sociaux», comme en cas d'application de
l'article 48 du traité et du règlement n° 1612/68 (41).
- 70.
- L'épouse de M. Ferlini jouit du droit précité de manière
autonome. En tout cas, elle le puise dans sa qualité de conjoint d'un
fonctionnaire des Communautés, ressortissant d'un État membre de la
Communauté qualité qu'il appartient également à la juridiction
nationale de vérifier , dont la situation juridique entre, conformément
à ce qui précède, dans le champ d'application du traité et qui, avec sa
famille, doit jouir de la totalité des avantages conférés par la droit
communautaire aux ressortissants des États membres en matière de libre
circulation des personnes, de liberté d'établissement et de protection
sociale.
- 71.
- La dernière question qui n'est, toutefois, pas la moins
importante qu'il convient d'examiner dans le cadre de l'interprétation
de l'article 7 du traité CEE concerne la possibilité d'appliquer cet article
à l'encontre non seulement des discriminations résultant de l'action des
institutions de la Communauté ou des États membres, mais aussi à celles
existant dans les relations entre particuliers. Eu égard aux faits de
l'affaire au principal, cette question se pose si l'on considère qu'une
discrimination est imputable aux activités de personnes morales de droit
privé; en d'autres termes, si l'on considère qu'une discrimination est
imputable au CHL, à l'EHL ou à l'UCM et si l'on estime que les
personnes morales en question sont des personnes morales de droit
privé. Sur ce point, il convient de signaler que, mis à part le fait qu'elle
indique simplement que le CHL est un établissement public,
l'ordonnance de renvoi ne contient pas d'informations suffisantes pour
que l'on puisse décider du caractère public ou privé de ces personnes
morales. C'est au juge national, qui connaît le droit national, qu'il
appartient donc d'éclaircir ce point.
- 72.
- Nous pensons que, malgré les sérieuses hésitations marquées de
temps en temps par la doctrine (42), l'évolution de la jurisprudence de la
Cour nous permet, en l'espèce, de répondre affirmativement à la
question de savoir si l'article 7 peut avoir ce que l'on appelle
habituellement un «effet direct horizontal».
- 73.
- Cette réponse peut se fonder sur le fait que l'action des
personnes morales de droit privé, qui est incompatible avec le droit
communautaire parce qu'elle implique une discrimination fondée sur la
nationalité, est imputée à l'État membre lui-même.
- 74.
- Dans le cadre de la réglementation des relations de travail, la
Cour a admis une imputation de ce type lorsqu'elle a considéré que
l'action des personnes morales de droit privé a un caractère quasi
réglementaire, qui l'assimile à l'action de l'État membre lui-même. Ainsi,
en ce qui concerne les articles 7 et 48 du traité CEE, la Cour a jugé que
«les articles 7, 48 et 59 ont en commun de prohiber, dans leurs
domaines d'application respectif, toutes discriminations exercées en
raison de la nationalité; (...) la prohibition de ces discriminations
s'impose non seulement à l'action des autorités publiques mais s'étend
également aux réglementations d'une autre nature visant à régler, de
façon collective, le travail salarié et les prestations de services» (43). En
ce qui concerne plus spécifiquement l'article 48 du traité CEE (devenu
article 48 du traité CE et maintenant article 39 CE), la Cour a aussi jugé
que «l'abolition entre les États membres des obstacles à la libre
circulation des personnes et à la libre prestation des services, objectifs
fondamentaux de la Communauté, énoncés à l'article 3, lettre c), du
traité, serait compromise si l'abolition des barrières d'origine étatique
pouvait être neutralisée par des obstacles résultant de l'exercice de leur
autonomie juridique par des associations ou organismes ne relevant pas
du droit public (...). Par ailleurs, la Cour a souligné que les conditions
de travail sont régies, dans les différents États membres, tantôt par la
voie de dispositions d'ordre législatif ou réglementaire, tantôt par des
conventions et autres actes conclus ou adoptés par des personnes
privées. Dès lors, si l'objet de l'article 48 du traité était limité aux actes
de l'autorité publique, des inégalités pourraient en découler quant à son
application» (44).
- 75.
- Cependant, si, dans la présente affaire, on devait considérer que
la discrimination est due aux décisions et aux pratiques de l'UCM ou de
l'EHL, on ne pourrait appliquer la jurisprudence précitée de la Cour et
décider que l'article 7 du traité CEE s'applique en l'espèce, au motif
que, indépendamment du caractère public ou privé de ces personnes
morales, leur action vise, d'une manière générale, à régler, de manière
collective, la sécurité sociale au grand-duché de Luxembourg. Il est vrai
que, comme il ressort de l'ordonnance de renvoi et des observations des
parties, ces personnes morales participent activement aux négociations
collectives relatives à la fixation des tarifs des soins médicaux et
hospitaliers et, de ce fait, jouent, dans le cadre de la sécurité sociale, un
rôle analogue à celui des organisations syndicales représentatives des
travailleurs et des employeurs dans le cadre de la réglementation des
relations de travail par la voie de conventions collectives. Considérées,
donc, sous l'angle de leurs compétences générales, ces personnes
morales sont des organismes ayant pour fonction de contribuer à la
réglementation de la sécurité sociale, ce qui confère, d'une manière
générale, un caractère quasi réglementaire à leur action. Cependant,
dans l'affaire au principal, la fixation par l'EHL des tarifs des soins
médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité pour les
non-affiliés au régime national de sécurité sociale ne relève pas de la
réglementation, adoptée sous forme collective, de la sécurité sociale,
parce que, d'une part, cette fixation est unilatérale et non collective et
que, d'autre part, elle concerne les non-affiliés au régime national de
sécurité sociale (45). Ces deux éléments ne permettent pas de considérer
que l'action de l'EHL qui est à l'origine du litige dans l'affaire au
principal doit être conçue, en substance, comme une action de l'État
lui-même.
- 76.
- Nous pensons, toutefois, que la conclusion qui précède
n'empêche pas que l'on puisse imputer à l'État membre la responsabilité
de la discrimination fondée sur la nationalité qui résulte de l'action des
personnes morales de droit privé.
- 77.
- En effet, en l'espèce, l'origine des discriminations fondées sur la
nationalité paraît se situer dans la législation nationale (articles 6, 13 et
308bis et suiv. du code des assurances sociales), qui a prévu la possibilité
de réglementer par des conventions collectives les tarifs des soins
médicaux et hospitaliers et l'adoption du règlement grand-ducal du
31 décembre 1974, qui a défini les prestations en nature en cas
d'accouchement. C'est au niveau, précisément, de l'interprétation de ce
cadre légal et réglementaire, qui est manifestement imputable à l'État
membre, que se situe la non-extension aux ressortissants des autres États
membres de la Communauté non affiliés au régime national de sécurité
sociale des tarifs valant pour les affiliés à celui-ci. Ce cadre légal et
réglementaire, sans fixer directement des tarifs plus élevés pour la
première catégorie de personnes, paraît permettre aux organismes
compétents de fixer de tels tarifs. En d'autres termes, c'est au niveau de
ce cadre légal et réglementaire que se situe, d'abord, la discrimination,
résultant non pas d'une action positive, mais de la circonstance qu'une
catégorie de personnes donnée est dépourvue de protection ou que, du
moins, la possibilité de lui appliquer un traitement différent est admise.
Ainsi, si le comportement des personnes morales qui dispensent les soins
hospitaliers et en fixent les tarifs implique une discrimination fondée sur
la nationalité, cela est dû, en premier lieu, au fait que le cadre légal et
réglementaire précité leur donne la possibilité d'exercer cette
discrimination.
- 78.
- A cet égard, la Cour a indiqué que le fait pour un État membrede s'abstenir d'agir ou, le cas échéant, de rester en défaut d'adopter les
mesures suffisantes pour empêcher des obstacles aux libertés
communautaires garanties dans le marché unique sans frontières
intérieures, obstacles créés notamment par des actions de particuliers
sur son territoire, peut avoir des conséquences aussi graves qu'un acte
positif portant atteinte à ces libertés. Sur ce point, les États membres
ont l'obligation non seulement de ne pas accomplir eux-mêmes des actes
ou adopter des comportements susceptibles de constituer un obstacle
aux libertés fondamentales, mais également, en liaison avec l'article 5 du
traité CEE (devenu article 5 du traité CE et, maintenant, article 10 CE),
de prendre toutes mesures nécessaires et appropriées pour assurer sur
leur territoire le respect de ces libertés (46).
- 79.
- Étant donné cette imputation à un État membre de la
discrimination due à l'action de particuliers sur son territoire, il n'est pas
douteux que l'on puisse appliquer aux relations entre ces particuliers
non seulement l'article 48 du traité CEE et l'article 7 du règlement
n° 1612/68, mais aussi l'article 7 du traité CEE, surtout dans la mesure
où les obligations découlant de cet article sont bien définies et claires.
A cet égard, il n'est pas du tout étonnant que, en ce qui concerne
l'article 119 du traité CEE (devenu ultérieurement article 119 du
traité CE; les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les
articles 136 à 143 CE), il soit désormais admis que, puisque cet article
a un caractère impératif, la prohibition des discriminations entre
travailleurs masculins et travailleurs féminins s'impose non seulement
aux autorités publiques, mais s'étend également à toutes conventions
visant à régler de façon collective le travail salarié, ainsi qu'aux contrats
entre particuliers (47). Cela étant, il est vraiment difficile d'imaginer que,
alors qu'un contrat de travail conclu entre particuliers doit, en vertu de
l'article 119 du traité CEE, être conforme au principe de l'égalité des
rémunérations entre travailleurs masculins et féminins, le principe de
l'égalité de traitement entre les ressortissants des États membres de la
Communauté, consacré par l'article 7 du traité CEE, pourrait ne pas
être respecté dans le cas d'une convention portant sur la prestation de
soins médicaux et hospitaliers. En conséquence, même si l'on devait
considérer que la discrimination fondée sur la nationalité résulte du
pouvoir discrétionnaire d'un établissement hospitalier isolé, comme le
CHL, ou de l'application par celui-ci d'une décision d'une entente entre
établissements hospitaliers, comme l'EHL, et que ces personnes morales
sont des personnes morales de droit privé, il faudrait encore admettre
que l'article 7 du traité CEE est applicable.
ad) Conclusion concernant le choix de la base juridique
- 80.
- Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons donc
à la Cour, en ce qui concerne la base juridique de l'interdiction des
discriminations fondées sur la nationalité, de déclarer que le juge
national doit appliquer l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68
aux faits de l'affaire au principal. Si, malgré cela, la Cour juge que ces
faits n'entrent pas dans le champ d'application matériel de ce règlement,
alors elle peut très bien décider qu'il y a lieu d'appliquer l'article 7 du
traité CEE.
b) Sur l'application d'un traitement différent à des cas similaires
- 81.
- Compte tenu des faits de l'affaire au principal, il est opportun de
formuler un certain nombre de remarques concernant, d'une part,
l'existence et, plus particulièrement, l'objet du traitement discriminatoire
(ba) et, d'autre part, la similitude de ces cas traités différemment (bb).
ba) Objet de la différence de traitement
- 82.
- Dans l'ordonnance de renvoi, le juge national n'indique pas de
manière détaillée pour quelles composantes particulières des soins
hospitaliers dispensés en cas d'accouchement il existe une différence de
traitement, quant aux tarifs appliqués, entre les affiliés et les non-affiliés
au régime national de sécurité sociale. Les seules données chiffrées à cet
égard que comporte l'ordonnance de renvoi figurent dans la description
des affirmations de l'appelant (48), mais il n'y est en aucun cas indiqué
précisément sur la base de quelles règles, conventions ou décisions
chacun des prix mentionnés avait été fixé. La seule donnée qui puisse
être tirée de l'ordonnance de renvoi, et plus particulièrement de la
formulation de la question préjudicielle, et délimiter la réponse de la
Cour, c'est le fait qu'il résulte de l'ensemble des dispositions en vigueur
au Luxembourg à l'époque des faits de l'affaire au principal que, pour
les soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas d'accouchement, on
appliquait aux personnes et organismes non affiliés au régime de
sécurité sociale nationale et aux fonctionnaires des Communautés,
affiliés au RCAM, des tarifs uniformes plus élevés que ceux valant pour
les résidents affiliés au régime national de sécurité sociale.
- 83.
- Cependant, il y a lieu de signaler que, comme M. Ferlini le
soutient et comme il paraît résulter des documents qu'il joint en annexe,
sur la base des prix appliqués dans la pratique, la différence de
traitement concerne seulement certaines prestations hospitalières et,
surtout, des dépenses générales liées à l'accouchement, pour lesquelles
les tarifs étaient, dans le cas des non-affiliés au régime national de
sécurité sociale, fixés par une décision unilatérale de l'EHL. Selon
M. Ferlini, pour certaines prestations de soins autres que les frais
d'accouchement et d'hospitalisation, l'EHL avait décidé, de manière
également unilatérale, d'appliquer aux non-affiliés au régime national de
sécurité sociale des prix uniformes qui avaient fait l'objet de la
convention conclue le 31 décembre 1974 entre l'UCM et l'EHL, relative
aux dépenses couvertes par le forfait d'accouchement prévu pour les
affiliés aux caisses d'assurance luxembourgeoises. D'après M. Ferlini
également, cette convention a probablement été conclue au regard de
celle passée entre l'UCM et l'AMMD.
- 84.
- En tout cas, ce n'est pas à la Cour, mais au juge national, qui
connaît le droit national et les faits de l'affaire au principal, qu'il
appartient de définir l'objet de la différence de traitement, ainsi que
l'étendue et les modalités du mécanisme qui aboutit à celle-ci.
- 85.
- Toutefois, il y a lieu de signaler que, si la Cour estime que la
différence de traitement et, par conséquent, la discrimination sont
imputables au cadre légal et réglementaire plus général du grand-duché
de Luxembourg (49), alors il n'importe plus spécialement d'éclaircir
exactement en relation avec quels tarifs et sur la base de quelles
décisions, conventions ou pratiques, précisant ce cadre légal et
réglementaire, cette discrimination est exercée. Il y a discrimination si
l'on admet la possibilité d'une différence de traitement contraire au droit
communautaire, laquelle existe au niveau du cadre légal et
réglementaire susmentionné, indépendamment du point de savoir si ceux
qui font application de ce cadre, pour quelque raison que ce soit,
exploitent ou n'exploitent pas cette possibilité à un moment donné.
bb) Similitude des cas traités différemment
- 86.
- Eu égard aux faits de l'affaire au principal, il se pose la question
de savoir si les deux catégories de personnes, c'est-à-dire, d'une part, les
affiliés au régime national luxembourgeois de sécurité sociale et, d'autre
part, les non-affiliés à ce régime, parmi lesquels figurent les
fonctionnaires des Communautés, qui sont affiliés au RCAM, se
trouvent dans des situations similaires, de telle sorte que l'application à
chacune de ces catégories de tarifs différents pour les soins hospitaliers
dispensés en cas d'accouchement constitue une discrimination. Nous
pensons qu'il convient de répondre affirmativement à cette question, en
dépit des arguments qu'invoquent le gouvernement luxembourgeois et
le CHL, intimé au principal.
- 87.
- Premièrement, le fait que les deux catégories de personnes soient
affiliées à des régimes légaux de sécurité sociale différents ne pourrait
justifier que l'on affirme qu'il s'agit de deux cas qui doivent être
différenciés au regard du droit communautaire en ce qui concerne les
tarifs des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas
d'accouchement. Malgré leur autonomie, tant le régime national
luxembourgeois de sécurité sociale que le RCAM ne peuvent violer les
principes et les règles régissant le droit communautaire. Comme la Cour
l'a jugé, même si, «en l'absence d'une harmonisation au niveau
communautaire, il appartient à la législation de chaque État membre de
déterminer, d'une part, les conditions du droit ou de l'obligation de
s'affilier à un régime de sécurité sociale (....) et, d'autre part, les
conditions qui donnent droit à des prestations (...), les États membres
doivent néanmoins, dans l'exercice de cette compétence, respecter le
droit communautaire» (50). Par ailleurs, une discrimination quant aux
tarifs des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité
pourrait difficilement être considérée comme concernant l'organisation
du régime de sécurité sociale, au sens précité. Parallèlement, le fait que
l'article 9, paragraphe 2, de la réglementation commune concernant le
RCAM prévoit que «les institutions s'efforcent, dans la mesure du
possible, de négocier, avec les représentants du corps médical et/ou les
autorités, associations et établissements compétents, des accords fixant
les taux applicables aux bénéficiaires, compte tenu des conditions locales
et, le cas échéant, des barèmes déjà en vigueur, tant du point de vue
médical que du point de vue hospitalier» ne signifie pas que, dans le
cadre des accords précités, ces institutions puissent violer le droit
communautaire primaire et, plus particulièrement, le principe interdisant
les discriminations fondées sur la nationalité entre les travailleurs
ressortissants de la Communauté.
- 88.
- En outre, on ne peut considérer comme convaincant l'argument
selon lequel les fonctionnaires des Communautés n'ont pas besoin
d'invoquer les règles du droit communautaire pour circuler librement sur
le territoire des États membres, puisqu'ils bénéficient des droits prévus
par le protocole sur les privilèges et immunités des Communautés
européennes. Ces droits sont accordés dans l'intérêt des Communautés,
pour leur permettre d'accomplir leur mission (51), font référence, en règle
générale, au traitement dont bénéficient les missions diplomatiques (52)
et leur ampleur et leur dynamique ne sont pas les mêmes que celles des
droits que le droit communautaire confère aux ressortissants de la
Communauté maintenant citoyens de l'Union. Ainsi, alors que
l'argument susmentionné pourrait éventuellement être invoqué dans le
cas des fonctionnaires des Communautés qui n'ont pas la nationalité
d'un État membre (53), cela ne serait pas possible dans celui des
fonctionnaires possédant une telle nationalité. Comme il résulte des
arrêts Echternach e.a. (déjà cité à la note 22), Schmid (déjà cité à la
note 18) et Forcheri (déjà cité à la note 34), ces derniers continuent
d'avoir la qualité de travailleur, au sens de l'article 48 du traité, et de
jouir de l'ensemble des avantages conférés par le droit communautaire,
indépendamment de leur fonction spécifique. Si l'on envisageait leur
situation juridique dans le seul cadre du protocole sur les privilèges et
immunités des Communautés européennes, on violerait donc le droit
communautaire et les droits qu'ils y puisent.
- 89.
- Deuxièmement, le fait que, à l'époque des faits de l'affaire au
principal, aucun accord n'avait été conclu entre le RCAM et l'EHL,
alors qu'il existait de tels accords avec l'UCM, ne paraît pas décisif
quant à l'existence d'une discrimination entre cas similaires. Comme la
Commission et M. Ferlini l'indiquent, il s'agit, en l'espèce, de tarifs de
soins qui ne résultent pas de conventions, mais concernent l'ensemble
des soins dispensés en cas d'accouchement qui sont définis par les
dispositions légales et réglementaires. En tout cas, il y a lieu de souligner
que, du fait de leur caractère obligatoire dans le cadre du système
luxembourgeois, les accords précités constituent, en substance, une
forme de réglementation uniforme émanant de l'État et diffèrent
beaucoup de ce qu'il faut considérer comme des conventions de droit
privé exprimant la liberté contractuelle des personnes fournissant des
services.
- 90.
- Troisièmement, on ne peut considérer comme convaincante
l'argumentation selon laquelle les non-affiliés au régime luxembourgeois
de soins de santé, d'une part, ont des revenus élevés et bénéficient de
taux élevés de couverture et de remboursement des frais dans le cadre
de leur régime d'assurance et, d'autre part, ne paient pas l'impôt
luxembourgeois ni ne versent de cotisations au régime national de
sécurité sociale.
- 91.
- Tout d'abord, selon l'ordonnance de renvoi, les tarifs appliqués
aux actes médicaux dans le cadre du régime de sécurité sociale
luxembourgeois sont uniformes. Ils sont fixés exclusivement d'après la
nature de la prestation et ne varient ni en fonction du revenu des
patients ni des compétences du prestataire de soins.
- 92.
- En outre, en ce qui concerne la circonstance que les non-affiliés
au régime national de sécurité sociale ne paient pas d'impôts, la Cour
a jugé, en ce qui concerne la situation particulière d'un fonctionnaire des
Communautés et de sa famille, que, «si, en vertu de l'article 13,
deuxième alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités des
Communautés européennes, il est exempt d'impôts nationaux sur
traitements, salaires et émoluments versés par les Communautés, il est
soumis, en contrepartie, en vertu du premier alinéa du même article, à
un impôt sur traitements, salaires et émoluments au profit des
Communautés, dont l'État membre d'accueil, en tant que membre des
Communautés, bénéficie indirectement. Le fait qu'il n'acquitte pas un
impôt sur son traitement au Trésor national ne constitue donc pas un
motif valable pour différencier le cas du fonctionnaire et de sa famille
de celui du travailleur migrant dont les revenus sont soumis à la fiscalité
de l'État de résidence» (54).
- 93.
- De plus, on ne pourrait non plus justifier la différence des
traitement appliqués aux deux catégories en faisant valoir que les
fonctionnaires des Communautés européennes, et plus généralement les
non-affiliés au régime national de sécurité sociale, ne versent pas de
cotisations à ce dernier. D'abord, comme nous l'avons déjà indiqué, dans
le cadre du régime luxembourgeois, les tarifs sont calculés d'après la
nature et le coût de la prestation et non pas en fonction de la cotisation
payée. De plus, les frais résultant des soins dispensés en cas de
maternité sont couverts directement par l'État et non par les caisses
d'assurance, auquel cas l'absence de paiement de cotisations sociales
pourrait éventuellement avoir une certaine importance.
- 94.
- Comme la Commission le fait observer à juste titre, si l'on se
ralliait à l'argument précité, combiné avec l'affirmation du CHL, intimé
au principal, selon laquelle les tarifs appliqués aux fonctionnaires des
Communautés européennes correspondent à la valeur réelle des
prestations offertes, cela signifierait que les tarifs qui sont appliqués aux
affiliés au régime national sont inférieurs au coût fait qu'il appartient,
en tout cas, au juge national de vérifier et que l'on pourrait exiger un
paiement supplémentaire des ressortissants des autres États membres
dès lors qu'ils ne paient pas d'impôts ni de cotisations dans cet État.
Cependant, un tel résultat serait contraire au principe communautaire
de la libre circulation des personnes, qui impose de conférer aux
ressortissants des autres États membres les mêmes droits que ceux
accordés aux nationaux, même si cela entraîne un coût supplémentaire
pour l'État membre dans lequel ces ressortissants ne paient pas d'impôts
ni de cotisations (55).
- 95.
- Enfin, comme la Commission le souligne avec raison, si tous les
arguments qui précèdent, qui concernent la situation financière des
fonctionnaires des Communautés et la circonstance qu'ils ne paient pas
d'impôts ni de cotisations, pourraient éventuellement être utilisés pour
tenter de justifier l'absence de couverture et de remboursement des
dépenses de santé par les caisses d'assurance luxembourgeoises, ils ne
paraissent en aucun cas être des arguments appropriés pour justifier
simplement une majoration des tarifs des soins.
c) Sur la justification objective de la différence de traitement
- 96.
- La différence de traitement quant aux tarifs des soins médicaux
et hospitaliers dont font l'objet les non-affiliés au régime national
luxembourgeois de sécurité sociale ne paraît pas justifiée objectivement,
élément qui, parmi d'autres, prouve que cette différence de traitement
est contraire au droit communautaire (56).
- 97.
- Outre le fait qu'elles ne sont pas invoquées par le CHL ni par le
gouvernement luxembourgeois, aucune des exceptions prévues à
l'article 48, paragraphe 3, du traité CEE, pas même celle visant la santé
publique, ne paraît pouvoir s'appliquer en l'espèce. Comme la
Commission le signale avec raison, on ne pourrait raisonnablement
imaginer que la santé publique dépende d'une différenciation des tarifs
des soins médicaux appliqués, d'une part, aux affiliés au régime national
et, d'autre part, aux fonctionnaires des Communautés ni, naturellement,
que l'application des mêmes tarifs constitue une menace pour la santé
publique.
- 98.
- Puisque la différence de traitement litigieuse concerne un
problème purement économique, on pourrait éventuellement affirmer
qu'elle entre dans le champ d'application de la jurisprudence Decker,
conformément à laquelle «des objectifs de nature purement économique
ne peuvent justifier une entrave au principe fondamental de libre
circulation des marchandises. Toutefois, il ne saurait être exclu qu'un
risque d'atteinte grave à l'équilibre financier du système de sécurité
sociale puisse constituer une raison impérieuse d'intérêt général
susceptible de justifier pareille entrave» (57).
- 99.
- Outre le fait que personne n'invoque ni ne prouve «un risque
d'atteinte grave à l'équilibre financier du système de sécurité sociale»
luxembourgeois, il ne semble pas qu'un tel risque existe dans la pratique.
- 100.
- Il convient de rappeler que ni l'État luxembourgeois ni les caisses
d'assurance de cet État ne couvrent les frais résultant des soins
médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité aux non-affiliés
au régime national, et en particulier aux fonctionnaires des
Communautés, alors que, dans le cas des affiliés, ces frais sont couverts
par l'État et non par les caisses d'assurance. En conséquence, malgré le
nombre peut-être important de fonctionnaires des Communautés
résidant au Luxembourg, les soins médicaux et hospitaliers dispensés en
cas de maternité à ces fonctionnaires ne grèvent pas spécialement le
régime de sécurité sociale de cet État.
- 101.
- S'il était démontré que les tarifs appliqués aux affiliés au régime
national sont inférieurs au coût des prestations, on pourrait
éventuellement soutenir que l'application de ces tarifs aux fonctionnaires
des Communautés, qui ne sont pas affiliés au régime national, grèverait
le budget affecté au financement par l'État des soins médicaux et
hospitaliers dispensés en cas de maternité. Cependant, comme nous
l'avons déjà indiqué, d'une part, cela n'est pas contraire à l'esprit de la
protection de la libre circulation des personnes à l'intérieur de la
Communauté (58) et, d'autre part, on ne peut objecter aux fonctionnaires
des Communautés qu'ils doivent payer plus cher les mêmes services
parce qu'ils ne versent pas d'impôts à l'État luxembourgeois (59).
- 102.
- En dernière analyse, rien ne permet d'affirmer que, en raison de
leurs revenus éventuellement comparativement élevés ou en raison
des plafonds éventuellement comparativement élevés jusqu'à
concurrence desquels leur caisse de maladie couvre et rembourse les
frais, les fonctionnaires des Communautés et leur organisme d'assurance
doivent financer le régime national luxembourgeois de sécurité sociale.
d) Conclusion sur l'interdiction des discriminations fondées sur la
nationalité
- 103.
- Eu égard aux observations qui précèdent, nous pensons donc que
l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 signifie qu'il exclut
l'application aux ressortissants des États membres qui travaillent sur le
territoire d'un autre État membre, comme, en l'espèce, le Luxembourg,
mais ne sont pas affiliés au régime national de sécurité sociale de cet
État et parmi lesquels figurent les fonctionnaires des Communautés, qui
sont affiliés au RCAM, de tarifs plus élevés, pour les soins hospitaliers
et médicaux dispensés en cas de maternité, que ceux valant pour les
personnes résidant dans cet État qui sont affiliées au régime national de
sécurité sociale.
- 104.
- Comme la Commission le signale, il faut admettre, en
conséquence de ce qui précède, que «les membres du groupe défavorisé
doivent être traités de la même façon et se voir appliquer le même
régime que les autres intéressés, régime qui, à défaut de l'application
correcte du droit communautaire, reste le seul système de référence
valable» (60).
C Sur la protection de la concurrence
- 105.
- En l'espèce, l'éventuelle violation de l'article 85, paragraphe 1, du
traité CEE concerne principalement le fait qu'une entente entre
hôpitaux, comme, en l'espèce, l'EHL, applique aux personnes et
organismes qui ne sont pas affiliés au régime national de sécurité sociale
et parmi lesquels figurent les fonctionnaires des Communautés, qui sont
affiliés au RCAM, des tarifs plus élevés, pour les soins hospitaliers
dispensés en cas de maternité, que ceux valant pour les affiliés au
régime national de sécurité sociale.
- 106.
- Il y a, toutefois, lieu de signaler, à titre préliminaire, que la
violation précitée, dans la mesure où elle existe, peut être imputée à
l'État membre lui-même dont le cadre légal et réglementaire permet des
violations de ce genre (61). Comme la Cour l'a déclaré, bien qu'il soit vrai
que, par lui-même, l'article 85 du traité concerne uniquement le
comportement des entreprises et ne vise pas les mesures législatives ou
réglementaires émanant des États membres, il est également vrai que
cet article, lu en combinaison avec l'article 5 du traité, impose aux États
membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures,
même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d'éliminer
l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises. Tel est
le cas lorsqu'un État membre soit impose ou favorise la conclusion
d'ententes contraires à l'article 85 ou renforce les effets de telles
ententes, soit retire à sa propre réglementation son caractère étatique
en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des
décisions d'intervention en matière économique (62).
- 107.
- Donc, pour décider s'il existe, en l'espèce, un accord entre
entreprises, une décision d'association d'entreprises ou une pratique
concertée interdits, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE
(f), nous examinerons ci-après si les conditions nécessaires sont remplies
et, précisément, s'il existe une entreprise et une association d'entreprises
(a), un accord entre entreprises, une décision d'association d'entreprises
ou une pratique concertée (b), qui a pour objet ou pour effet
d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à
l'intérieur du marché commun (c) et est susceptible d'affecter le
commerce entre les États membres (d) de manière sensible (e).
a) Sur l'existence d'une entreprise et d'une association d'entreprises
- 108.
- L'article 85, paragraphe 1, vise les accords entre entreprises, les
décisions d'associations d'entreprises et les pratiques concertées. En
conséquence, il convient d'examiner, d'abord, si les hôpitaux sont des
entreprises et si une entente entre hôpitaux, telle que l'EHL, est une
association d'entreprises au sens de la disposition en question.
- 109.
- Selon la jurisprudence, la notion d'entreprise «comprend toute
entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut
juridique de cette entité et de son mode de financement» (63).
- 110.
- A notre avis, il ne fait aucun doute que, dans leurs relations avec
les non-affiliés au régime national de sécurité sociale et, en particulier,
avec les fonctionnaires des Communautés, relations qui nous intéressentdirectement en l'espèce, les hôpitaux luxembourgeois, indépendamment
de leur caractère public ou privé, sont des entreprises au sens défini
ci-dessus.
- 111.
- Le CHL et les autres hôpitaux luxembourgeois exercent une
activité économique dans la mesure où ils fournissent des services en
l'espèce, les soins dispensés en cas de maternité contre
rémunération (64). Nous pensons que, compte tenu de l'interprétation
large que fait la Cour de la notion d'activité économique et, par suite,
de la notion d'«entreprise», on ne peut objecter que des activités
professionnelles telles que celles qui sont liées à la profession médicale
sont régies par des règles particulières quant à la déontologie et à la
fixation des honoraires, sont, en principe, dépourvues de caractère
commercial et ne peuvent, pour ces seuls motifs, constituer une activité
économique soumise aux règles de concurrence (65). Cela est encore plus
vrai lorsque, comme nous l'expliquerons ci-après, le lien concret de
l'objet de l'activité en cause avec l'accord entre entreprises, la décision
d'association d'entreprises ou la pratique concertée ne justifie pas que
l'on invoque les motifs précités, qui, à première vue, confèrent, en effet,
une spécificité aux activités de prestation de soins médicaux et
hospitaliers.
- 112.
- En outre, il est, en principe, indifférent qu'un hôpital soit public
ou privé, bien que le caractère public d'un hôpital puisse, dans certaines
conditions, que nous indiquerons ci-après, susciter des doutes quant à sa
qualification en tant qu'entreprise.
- 113.
- Comme la Commission le signale avec raison, on ne pourrait
soutenir que, dans leurs relations avec les non-affiliés au régime national
de sécurité sociale, les hôpitaux, même si l'on pouvait les qualifier de
publics, exercent une activité qui s'insère dans le cadre du service de la
sécurité sociale. Dès lors que les hôpitaux eux-mêmes invoquent le fait
que les fonctionnaires des Communautés ne relèvent pas de ce cadre,
leurs relations avec ces derniers, bien qu'elles concernent des soins
médicaux et hospitaliers, ne peuvent qu'être, en principe, qualifiées
d'économiques et d'étrangères à toute notion de solidarité nationale
dans le cadre de la sécurité sociale. En conséquence, il n'y a pas lieu
d'appliquer la jurisprudence qui se dégage de l'arrêt Poucet et Pistre,
précité, où la Cour a jugé que «les caisses de maladie ou les organismes
qui concourent à la gestion du service public de la sécurité sociale
remplissent une fonction de caractère exclusivement social. Cette activité
est, en effet, fondée sur le principe de la solidarité nationale et
dépourvue de tout but lucratif. Les prestations versées sont des
prestations légales et indépendantes du montant des cotisations. Il
s'ensuit que cette activité n'est pas une activité économique et que, dès
lors, les organismes qui en sont chargés ne constituent pas des
entreprises au sens des articles 85 et 86 du traité» (66). De plus, en
l'espèce, l'accord présumé concerne simplement les hôpitaux et non les
caisses de maladie ou les organismes d'assurance. En outre, comme il
résulte des données mêmes de la question préjudicielle, l'EHL, en tant
qu'entente entre ces hôpitaux, a la possibilité de fixer le niveau de la
contrepartie exigée pour les services fournis aux non-affiliés au régime
national de sécurité sociale et même de la fixer unilatéralement, sans
devoir conclure préalablement un accord avec les organismes
d'assurance concernés.
- 114.
- Sur ce dernier point, qui est aussi le point litigieux en ce qui
concerne l'éventuelle violation des règles de concurrence, il y a lieu de
signaler que, comme la Cour l'a indiqué, «la notion d'entreprise, placée
dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme
désignant une unité économique du point de vue de l'objet de
l'accord» (67). En d'autres termes, dans chaque affaire, la notion
d'«entreprise» doit être entendue dans un sens fonctionnel, compte tenu
de l'activité qui est liée à l'objet de l'accord entre entreprises, de la
décision d'association d'entreprises ou de la pratique concertée en cause.
- 115.
- En l'espèce, cette approche fonctionnelle du problème incite à
considérer que la relation entre les hôpitaux et les non-affiliés au régime
national de sécurité sociale relève du secteur privé de l'économie et fait
obstacle à ce que l'on envisage, même pour les hôpitaux publics, une
activité liée à l'exercice de privilèges attachés à la puissance publique,
servant l'intérêt public ou protégeant la santé publique. En réalité,
comme nous l'avons indiqué dans un point précédent des présentes
conclusions, il serait très difficile de soutenir que la fixation unilatérale
de tarifs plus élevés pour les non-affiliés au régime national de sécurité
sociale est nécessaire pour des motifs d'intérêt public ou de protection
de la santé publique.
- 116.
- Dès lors que, dans leurs relations avec les non-affiliés au régime
national de sécurité sociale, les hôpitaux peuvent être qualifiés
d'entreprises, il semble que l'entente existant entre eux, en l'espèce
l'EHL, puisse constituer une association d'entreprises dans le cadre des
relations précitées. Cependant, puisque l'ordonnance de renvoi ne
mentionne pas dans le détail les règles régissant l'organisation et le
fonctionnement de l'EHL, il ne paraît pas que la Cour puisse apprécier
les éléments invoqués surtout par M. Ferlini, selon lesquels l'EHL est
une association sans but lucratif qui est dotée de la personnalité
juridique et doit être considérée comme une association d'entreprises au
sens de l'article 85, paragraphe 1. C'est au juge national, qui connaît le
droit national, qu'il appartient d'apprécier ces éléments et d'appliquer
les critères dégagés par la jurisprudence de la Cour quant à l'existence
d'une «association d'entreprises» (68); il peut, en tout cas, s'il le juge
nécessaire, poser sur ce point une question préjudicielle à la Cour. Il
faut, cependant, signaler que les observations qui suivent concernant
l'existence ou non d'un accord entre entreprises, d'une décision
d'association d'entreprises ou d'une pratique concertée risquent de
rendre superflue l'élucidation de la question de savoir s'il existe ou non
une «association d'entreprises».
b) Sur l'existence d'un accord entre entreprises, d'une décision
d'association d'entreprises ou d'une pratique concertée
- 117.
- Comme la Commission le fait observer, la question préjudicielle
déférée semble partir de l'hypothèse, sinon de la certitude, qu'il existe
entre les hôpitaux luxembourgeois un accord visant à appliquer aux
personnes et organismes qui ne sont pas affiliés au régime national de
sécurité sociale et aux fonctionnaires des Communautés, qui sont affiliés
au RCAM, des tarifs uniformes pour les soins dispensés en cas de
maternité. C'est dans le cadre de cet accord que semble s'inscrire la
fixation par l'EHL des tarifs hospitaliers applicables à partir du
1er janvier 1989 aux personnes et organismes non affiliés au régime
national de sécurité sociale. Ces tarifs paraissent avoir été respectés par
les hôpitaux adhérant à l'EHL, parmi lesquels le CHL.
- 118.
- Puisque l'article 85, paragraphe 1, du traité vise les trois formes
éventuelles de coopération (accord entre entreprises, décision
d'association d'entreprises et pratique concertée), il ne semble pas qu'il
soit très important d'opérer une distinction précise entre elles pour
répondre à la présente question préjudicielle. Cependant, il résulte de
ce qui précède que, en l'espèce, il s'agit, selon toute probabilité, d'une
décision d'association d'entreprises, sans que l'on puisse, bien sûr,
exclure l'existence d'un accord entre entreprises ou d'une simple
pratique concertée. En tout cas, il appartient ici aussi au juge national,
qui connaît le mieux les aspects juridiques et les faits de l'affaire au
principal, de procéder à la qualification appropriée, en appliquant les
conclusions de la jurisprudence de la Cour et en posant éventuellement,
s'il le juge nécessaire, une nouvelle question préjudicielle à la Cour au
sujet de cette qualification.
c) Sur le point de savoir si le jeu de la concurrence est empêché,
restreint ou faussé
- 119.
- L'article 85, paragraphe 1, du traité interdit tous accords entre
entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes
pratiques concertées qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.
- 120.
- En outre, «d'après une jurisprudence constante de la Cour, la
prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue dès
qu'il apparaît qu'il a pour objet de restreindre, empêcher ou fausser le
jeu de la concurrence. La même considération s'applique à une décision
d'une association d'entreprises» (69).
- 121.
- De plus, l'accord horizontal, la pratique concertée ou la décision
d'association d'entreprises d'un même secteur visant à fixer un tarif
uniforme des prestations fournies constituent, comme l'indiquent tant la
Commission que M. Ferlini, un exemple classique d'accord ayant pour
objet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché de services
concerné. C'est pourquoi, l'article 85, paragraphe 1, sous a), mentionne
expressément parmi les formes de violation des règles de la libre
concurrence la fixation directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente
de biens ou de services (70).
- 122.
- En l'espèce, il ne semble qu'il soit douteux que la fixation de
tarifs uniformes pour les soins hospitaliers dispensés en cas de
maternité, applicables aux personnes et organismes non affiliés au
régime national luxembourgeois de sécurité sociale, entre dans le champ
d'application de la règle interdisant tous accords entre entreprises,
toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques
concertées qui ont pour objet de restreindre le jeu de la concurrence
dans le cadre de la prestation des services précités.
d) Sur l'incidence sur le commerce intracommunautaire
- 123.
- Il faut rappeler que, d'après la jurisprudence de la Cour,
l'article 85, paragraphe 1, du traité n'exige pas que les accords visés à
cette disposition aient affecté les échanges intracommunautaires, preuve
qui dans la plupart des cas ne saurait d'ailleurs que difficilement être
administrée à suffisance de droit, mais demande qu'il soit établi que ces
accords sont de nature à avoir un tel effet (71). De même, d'après une
jurisprudence constante, «pour qu'une décision, un accord ou une
entente soit susceptible d'affecter le commerce entre États membres, ils
doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit ou de fait,
permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'ils
puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou
potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres et cela de
manière à faire craindre qu'ils puissent entraver la réalisation d'un
marché unique entre États membres» (72).
- 124.
- En outre, d'après une jurisprudence constante de la Cour, «le fait
qu'une entente de prix du type litigieux n'ait pour objet que la
commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas
pour exclure que le commerce entre États membres peut être affecté;
(...) en effet, une entente s'étendant à l'ensemble du territoire d'un Etat
membre est susceptible d'avoir, par sa nature même, l'effet de
consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi
l'interpénétration économique voulue par le traité et assurant une
protection à la production nationale; (...) à cet égard, il importe de
rechercher à la fois les moyens dont disposent les membres d'une
entente pour assurer que la clientèle reste fidèle, l'importance relative
de l'entente dans le marché en cause et le contexte économique dans
lequel l'entente se situe» (73).
- 125.
- En l'espèce, l'incidence sur le commerce intracommunautaire
peut résulter du fait que l'application de tarifs plus élevés pour les soins
hospitaliers dispensés en cas de maternité peut, selon toute probabilité,
amener les non-affiliés au régime national luxembourgeois à souhaiter
être hospitalisés en dehors du Luxembourg. En d'autres termes, il est
probable que la décision litigieuse de l'EHL, qui a fixé des tarifs plus
élevés pour les non-affiliés au régime national de sécurité sociale et pour
les fonctionnaires des Communautés travaillant au Luxembourg, qui sont
affiliés au RCAM, détourne de son orientation attendue le commerceconcernant les soins hospitaliers dispensés en cas de maternité existant
sur le marché concerné.
- 126.
- Bien qu'il appartienne au juge national, qui connaît le mieux le
droit national et les faits de l'affaire au principal, d'examiner dans le
détail les paramètres juridiques et factuels sur la base desquels
l'incidence en question sur le commerce intracommunautaire pourra être
établie avec une certaine probabilité, il y a lieu de signaler certains
éléments qui, eu égard aux critères définis par la jurisprudence,
devraient conduire de manière positive à la conclusion en question.
- 127.
- D'une part, la fixation de tarifs plus élevés pour les soins
hospitaliers dispensés en cas de maternité, concernant l'ensemble du
territoire et des hôpitaux d'un État membre peut, d'une manière
générale, du fait de sa nature même, avoir pour résultat de renforcer
l'étanchéité du marché national, en faisant ainsi obstacle à
l'interpénétration économique à laquelle vise le traité. Le fait que, en
l'espèce, il s'agit de l'État luxembourgeois et, principalement, des
fonctionnaires des Communautés qui travaillent sur le territoire de ce
dernier plaide largement en faveur de la probabilité susmentionnée. En
raison de la faible étendue de cet État membre et de son voisinage avec
trois autres États membres (Belgique, France et Allemagne), on peut
considérer qu'il est très probable qu'une grande partie des
fonctionnaires des Communautés qui travaillent au Luxembourg
souhaitent recevoir les soins hospitaliers nécessaires dans les hôpitaux
de ces États voisins, de même qu'il est très probable que les
fonctionnaires des Communautés qui travaillent dans ces États évitent
d'être hospitalisés dans les hôpitaux luxembourgeois, en raison des tarifs
élevés qu'ils leur appliquent. De plus, on ne peut exclure l'éventualité,
qu'invoque M. Ferlini dans ses observations, que les hôpitaux des États
voisins tentent d'adapter leurs tarifs aux tarifs élevés fixés par l'EHL, ni
l'éventualité, qu'invoque la Commission, que les organismes auprès
desquels sont assurés les non-affiliés au régime national de sécurité
sociale concluent des conventions de préférence avec des hôpitaux ou
cliniques se trouvant dans un autre État membre.
- 128.
- D'autre part, la nature des soins hospitaliers litigieux, dispensés
en cas de maternité, renforce encore la probabilité évoquée ci-dessus (74).
La possibilité de prévoir l'évolution de la grossesse permet
habituellement de programmer le lieu de l'accouchement. En outre, on
pourrait soutenir que les distances similaires entre les hôpitaux belges,
français, allemands et luxembourgeois permettent de choisir un hôpital
en fonction du tarif des services offerts, même en cas de circonstances
relativement exceptionnelles.
- 129.
- Sur ce point, il convient de souligner que le juge national risque
de constater que les restrictions probables des échanges
intracommunautaires dont nous venons de parler n'ont pas été
observées dans la pratique jusqu'à présent surtout avec le caractère
sensible qu'exige la jurisprudence (75), parce que les tarifs majorés des
soins hospitaliers dispensés en cas de maternité, qui sont appliqués
particulièrement aux fonctionnaires des Communautés, sont couverts
dans une très large mesure par le RCAM, ce qui réduit l'importance
qu'a pour eux le niveau des tarifs en question lorsqu'ils ont à choisir un
hôpital. Cependant, cette constatation éventuelle ne doit pas amener à
conclure qu'il n'y a aucune incidence sur le commerce
intracommunautaire, au sens des dispositions du droit communautaire.
D'une part, il faut rappeler qu'il suffit que cette incidence soit probable
et qu'il n'est pas requis qu'elle se soit déjà concrétisée. D'autre part, la
couverture des tarifs élevés par le RCAM constitue un facteur extérieur
et susceptible de modification contribuant à ce que l'incidence susvisée
ne se manifeste pas dans la pratique, facteur qui n'est pas de nature à
écarter durablement et de manière générale la possibilité que la fixation
litigieuse de tarifs plus élevés ait, par sa nature même, une incidence sur
le commerce intracommunautaire (76). A cet égard, dans la mesure où on
estime que la fixation des tarifs concernés implique une discrimination
fondée sur la nationalité et est contraire au droit communautaire, il est
très probable que le RCAM cessera de couvrir ces tarifs élevés susvisés,
ce qui, si les hôpitaux luxembourgeois maintiennent ces tarifs, fera
apparaître dans la pratique leur incidence sur le commerce
intracommunautaire.
e) Sur le caractère sensible de la restriction de la concurrence et de
l'incidence sur le commerce intracommunautaire
- 130.
- Pour qu'ils tombent sous le coup de l'interdiction énoncée à
l'article 85, un accord entre entreprises, une décision d'association
d'entreprises ou une pratique concertée doivent être susceptibles
d'affecter sensiblement le commerce entre les États membres et la
concurrence (77). Sur ce point, la Cour a jugé que «l'influence que peut
exercer un accord sur le commerce entre États membres s'apprécie
notamment en considération de la position et de l'importance des
parties sur le marché des produits concernés (...). Ainsi, même un
accord contenant une protection territoriale absolue échappe à la
prohibition de l'article 85 du traité, lorsqu'il n'affecte le marché que
d'une manière insignifiante, compte tenu de la faible position
qu'occupent les intéressés sur le marché des produits en cause (...)» (78).
- 131.
- En l'espèce, c'est au juge national, qui connaît le mieux les
paramètres juridiques et factuels de l'affaire au principal qu'il appartient
d'apprécier si le commerce intracommunautaire est affecté sensiblement
par la décision de l'EHL, au regard de la place que les hôpitaux
luxembourgeois occupent sur le marché concerné. Toutefois, il convient
de délimiter préalablement le marché concerné.
- 132.
- Du point de vue de l'objet, il semble que le marché concerné soit
le marché des services de soins hospitaliers dispensés en cas de
maternité aux personnes travaillant au Luxembourg qui ne sont pas
affiliées au régime national de sécurité sociale de cet État. Le marché
des services en question paraît jouir, en fait, d'une autonomie relative,
parce que, comme la Commission le souligne, il se différencie du marché
des services correspondants visant les affiliés au régime national, pour
lequel les tarifs ont été fixés de manière uniforme soit par la voie
réglementaire, soit sur la base de conventions collectives rendues
obligatoires pour tous. De plus, il y a lieu de signaler que, du point de
vue de la demande, c'est-à-dire des personnes qui ne sont pas affiliées
au régime national de sécurité sociale et ont besoin des soins
hospitaliers dispensés en cas de maternité, les soins en question n'ont
pas de substitut, circonstance qui renforce encore davantage l'autonomie
du marché concerné.
- 133.
- Sur le plan géographique, le marché concerné paraît être plus
malaisé à délimiter. Sa définition dépend du lieu de résidence des
personnes travaillant au Luxembourg qui ne sont pas affiliées au régime
national de sécurité sociale et qui, en majeure partie, semblent être des
fonctionnaires des Communautés. En particulier, il faut tenir compte de
l'étendue géographique du lieu où sont situés les établissements
hospitaliers qui offrent les soins dispensés en cas de maternité et, vu la
nature de ces soins, se trouvent à une distance appropriée du lieu de
résidence des destinataires susvisés de ces soins. On pourrait soutenir
que, dans les grandes lignes, ces critères délimitent, du point de vue
géographique, un marché concerné qui s'étend, en l'espèce, sur
l'ensemble du territoire du Luxembourg et sur la partie appropriée du
territoire des États voisins.
- 134.
- Sur la base des considérations qui précèdent, c'est au juge
national qu'il appartient de déterminer si, à l'intérieur du marché ainsi
défini géographiquement, la part de marché détenue par les hôpitaux
participant à l'EHL concernant les soins susvisés dispensés aux
personnes travaillant au Luxembourg qui ne sont pas affiliées au régime
national de sécurité sociale est significative ou non.
f) Conclusion sur la protection de la concurrence
- 135.
- Eu égard aux remarques qui précèdent, nous pensons que
l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE doit être interprété en ce sens
qu'il interdit une décision d'association d'hôpitaux, telle que, en l'espèce,
la décision de l'EHL, qui fixe, pour les ressortissants des États membres
qui travaillent sur le territoire d'un autre État membre, comme, en
l'espèce, le grand-duché de Luxembourg, mais qui ne sont pas affiliés au
régime national de sécurité sociale de cet État et parmi lesquels figurent
les fonctionnaires des Communautés, qui sont affiliés au RCAM, des
tarifs concernant les soins hospitaliers dispensés en cas de maternité plus
élevés que ceux valant pour les résidents de cet État qui sont affiliés au
régime national de sécurité sociale, si le juge national estime que la
décision précitée est de nature à affecter sensiblement le commerce
intracommunautaire (79).
VI Conclusion
- 136.
- Nous proposons à la Cour de répondre dans les termes suivants
à la question préjudicielle déférée par le Tribunal d'arrondissement de
Luxembourg (8e chambre):
«1) L'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68 signifie
qu'il exclut l'application aux ressortissants des États membres qui
travaillent sur le territoire d'un autre État membre, comme, en l'espèce,
le grand-duché de Luxembourg, mais ne sont pas affiliés au régime
national de sécurité sociale de cet État, et parmi lesquels figurent les
fonctionnaires des Communautés européennes, qui sont affiliés au
RCAM, de tarifs concernant les soins médicaux et hospitaliers dispensés
en cas de maternité plus élevés que ceux valant pour les résidents de cet
État qui sont affiliés au régime national de sécurité sociale.
2) L'article 85, paragraphe 1, du traité CEE doit être interprété en ce
sens qu'il interdit une décision d'association d'hôpitaux, comme, en
l'espèce, la décision de l'EHL, qui fixe, pour les ressortissants des États
membres qui travaillent sur le territoire d'un autre État membre,
comme, en l'espèce, le grand-duché de Luxembourg, mais ne sont pas
affiliés au régime national de sécurité sociale de cet État, et parmi
lesquels figurent les fonctionnaires des Communautés européennes, qui
sont affiliés au RCAM, des tarifs concernant les soins hospitaliers
dispensés en cas de maternité plus élevés que ceux valant pour les
résidents de cet État qui sont affiliés au régime national de sécurité
sociale, si l'on estime que la décision précitée est de nature à affecter
sensiblement le commerce intracommunautaire.»
1: Langue originale: le grec.
2:
La juridiction de renvoi se réfère aux articles correspondants du traité CE.
Cependant, étant donné l'époque à laquelle se sont déroulés les faits de
l'affaire au principal, il y a lieu de considérer que la réponse à la question
préjudicielle doit porter sur l'interprétation des articles du traité CEE.
3:
JO L 257, p. 2.
4:
JO L 39, p. 2.
5:
JO L 230, p. 6.
6:
Selon M. Ferlini, les Communautés européennes revendiquaient la même
nomenclature des actes médicaux, les mêmes barèmes de cotisations et les
mêmes tarifs que ceux qui étaient appliqués aux personnes affiliées au régime
luxembourgeois de sécurité sociale. Toutefois, les milieux professionnels
luxembourgeois s'opposaient à ces revendications, souhaitant tarifer les
prestations médicales en fonction des revenus, présumés importants, des
fonctionnaires des Communautés et de la nature des prestations.
7:
Plus précisément, comme le juge national l'indique, avant 1925, la législation
sur l'assurance sociale ne prévoyait pas le libre choix du médecin. Elle
recommandait mais n'imposait pas de conventions entre les caisses de maladie
et les prestataires de services médicaux. Si celles-ci existaient, elles étaient
donc de nature purement conventionnelle.
La loi du 17 décembre 1925 prévoyait une réglementation générale des tarifsmédicaux. mais avec une très large marge de variation (du simple au triple).
Puisque, par ailleurs, elle fixait des contributions maximales pouvant être
demandées par les caisses aux affiliés, qui avaient désormais le libre choix du
médecin, des conventions étaient nécessaires, même si elles n'étaient toujours
pas obligatoires. De plus, la nature même de l'assurance sociale exigeait des
tarifs uniformes pour tous les affiliés relevant d'une même catégorie
professionnelle.
La loi du 6 septembre 1933 a introduit dans le code des assurances sociales
un article 308bis selon lequel, à défaut de convention, un organisme paritaire
arrêterait une sentence qui serait rendue obligatoire par le gouvernement.
Les conventions collectives et les sentences de la commission devenaient
obligatoires après homologation par le gouvernement.
A partir de 1951, le bénéfice de l'assurance-maladie a été étendu à toute la
population. L'association des médecins a revendiqué une certaine liberté de
fixer ses tarifs en fonction du revenu du patient. Cette revendication a été
satisfaite dans une certaine mesure avec la loi de réforme du 24 avril 1954.
Par la loi de réforme du 2 mai 1974, le gouvernement a imposé une
nomenclature et un tarif uniformes pour les actes médicaux, quel que soit le
revenu de l'assuré et le niveau de qualification du prestataire.
Depuis cette loi, il existe, en fait, quatre types de normes: les conventions
collectives rendues obligatoires par arrêtés ministériels, les sentences de la
commission de conciliation et d'arbitrage à défaut de conventions collectives,
également rendues obligatoires par arrêtés ministériels, les normes purement
conventionnelles et, enfin, les normes purement réglementaires ou légales.
Les prestations médicales qui sont susceptibles de donner lieu à des tarifs
négociés collectivement ou arrêtés par une sentence de la Commission
paritaire sont en principe seulement celles qui figurent dans une nomenclature
fixée par arrêté ministériel qui fait partie du statut des caisses de maladie
luxembourgeoises.
A partir de la loi budgétaire du 20 décembre 1982, le législateur est intervenu
directement pour fixer le tarif de certaines prestations. On peut constater la
même pratique dans chaque loi budgétaire depuis lors.
8:
La Commission indique que, aujourd'hui, le système n'a pas
fondamentalement changé dans sa nature, à ceci près que des conventions
séparées sont maintenant conclues pour le secteur hospitalier et pour le
secteur non-hospitalier.
9:
Mémorial A n° 95, du 31 décembre 1974, p. 2398.
10:
Le texte de cette circulaire est annexé aux observations écrites de M. Ferlini.
11:
Se référant à la circulaire de l'UCM, M. Ferlini affirme que la première de
ces trois composantes était tarifée d'après la convention entre l'UCM et
l'Association des médecins et médecins-dentistes (ci-après l'«AMMD»), les
deuxième et troisième d'après la convention entre l'UCM et l'EHL.
M. Ferlini souligne, en outre, que, à l'heure actuelle, le nouveau régime légal
a été adapté à cette pratique, consistant à faire référence aux tarifs fixés
conventionnellement pour toutes ces composantes du forfait prévu.
12:
Les observations déposées par M. Ferlini indiquent que ce dernier possède la
nationalité italienne.
13:
Voir, à titre indicatif arrêts du 22 octobre 1974, Demag (27/74, Rec. p. 1037,
point 8); du 28 janvier 1992, Bachmann (C-204/90, Rec. p. I-249, point 6); du
29 octobre 1980, Boussac/Gerstenmeier, 22/80, Rec. p. 3427, point 5), et du
7 mars 1990, Krantz (69/88, Rec. p. I-583, point 7).
14:
Sur la différence entre discrimination formelle et discrimination matérielle,
voir, à titre indicatif, arrêt du 17 juillet 1963, Italie/Commission [13/63, Rec.
p. 337, surtout point 4 a)].
15:
En ce qui concerne l'article 7 du traité CEE, voir, à titre indicatif, arrêt du 10
février 1994, Mund & Fester (C-398/92, Rec. p. I-467, point 17). En ce qui
concerne l'article 48 du traité et l'article 7 du règlement n° 1612/68, voir, à
titre indicatif, arrêt du 27 novembre 1997, Meints (C-57/96, Rec. p. I-6689,
point 45).
16:
Voir, à titre indicatif, arrêts du 23 février 1994, Scholz (C-419/92, Rec.
p. I-505, point 7) et du 24 septembre 1998, Commission/France (C-35/97, Rec.
p. I-5325, point 37).
17:
Voir, à titre indicatif, arrêt Meints (déjà cité à la note 16 ci-dessus, points 45
et 46). Comme, d'ailleurs, la Commission le souligne, la circonstance que,
dans la catégorie favorisée, puissent figurer des ressortissants des autres États
membres ou que, dans la catégorie défavorisée, puissent figurer des
ressortissants luxembourgeois n'empêche pas qu'il existe une discrimination
indirecte. Voir, à titre indicatif, arrêt du 7 juin 1988, Roviello (20/85, Rec.
p. 2805, point 16).
18:
Voir arrêt du 12 mai 1998, Martínez Sala (C-85/96, Rec. p. I-2691, point 36)
19:
Arrêt du 27 mai 1993 (C-310/91, Rec. p. I-3011).
20:
Point 44.
21:
A cet égard, il y a lieu de signaler que l'article 16, paragraphe 3, du règlement
n° 1408/71 prévoit, spécialement pour les agents auxiliaires des Communautés
européennes, la possibilité de choisir entre certains régimes nationaux de
sécurité sociale. De la limitation de cette possibilité de choix, telle qu'elle
ressort de la disposition précitée, il résulte indirectement que le règlement
lui-même admet que les fonctionnaires permanents des Communautés ne sont
pas soumis aux régimes nationaux ni, par conséquent, ne relèvent de leur
champ d'application.
Selon le gouvernement luxembourgeois, le RCAM, qui a pour base les droits
statutaires des fonctionnaires des Communautés, n'entre pas dans le champ
d'application du règlement n° 1408/71, dans la mesure où il prévoit un niveau
de protection au moins équivalent aux mesures de coordination adoptées en
place sur la base de l'article 51 du traité CEE.
22:
Voir arrêt Martínez Sala (déjà cité à la note 17 ci-dessus, point 31).
23:
Voir, de manière caractéristique, arrêt du 15 mars 1989, Echternach e.a.
(389/87 et 390/87, Rec. p. 723), où la Cour a déclaré qu'«un ressortissant d'un
État membre qui occupe, dans un autre État membre, un emploi régi par un
statut spécial de droit international, comme, par exemple, un emploi auprès
de l'Agence spatiale européenne, doit être considéré comme travailleur d'un
État membre au sens de l'article 48, paragraphes 1 et 2, du traité et bénéficie
donc, comme les membres de sa famille, des droits et privilèges prévus par ces
dispositions et par celles du règlement n° 1612/68 du Conseil» (point 15).
Voir aussi arrêt Schmid (déjà cité à la note 18 ci-dessus, point 20).
24:
Au sujet de la question différente de l'effet direct horizontal de l'article
48, voir ci-après le point 77 des présentes conclusions.
25:
Voir arrêt du 14 mars 1996, De Vos (C-315/94, Rec. p. I-1417, point 18).
26:
Voir, à titre indicatif, arrêts du 14 janvier 1982, Reina (65/81, Rec. p. 33,
point 12); du 27 mars 1985, Hoeckx (249/83, Rec. p. 973, point 20); du 6 juin
1985, Frascogna (157/84, Rec. p. 1739, point 30), ainsi qu'arrêts Schmid (déjà
cité à la note 18 ci-dessus, point 18) et Meints (déjà cité à la note 14
ci-dessus, point 39).
27:
Voir arrêt du 10 mars 1993, Commission/Luxembourg (C-111/91, Rec.
p. I-817).
28:
Voir, à titre indicatif, arrêts du 15 octobre 1969, Ugliola (15/69, Rec. p. 363),
concernant la protection contre les désavantages résultant de
l'accomplissement des obligations militaires; du 13 décembre 1972, Marsman
(44/72, Rec. p. 1243), concernant les mesures de protection contre le
licenciement; du 12 février 1974, Sotgiu (152/73, Rec. p. 153), concernant
l'«indemnité de séparation» accordée à des travailleurs affectés dans un autre
lieu que leur domicile; du 30 septembre 1975, Christini (32/75, Rec. p. 1085),
concernant la carte de réduction délivrée par une société nationale de chemins
de fer; du 12 juillet 1984, Prodest (237/83, Rec. p. 3153), concernant le droit
au maintien de l'affiliation au régime de sécurité sociale de l'État membre où
l'entreprise est établie, et du 11 juillet 1985, Mutsch (137/84, Rec. p. 2681),
concernant la possibilité pour un travailleur d'utiliser sa langue maternelle
dans le cadre d'une procédure devant les juridictions de l'État membre où il
réside.
29:
Voir arrêt du 26 janvier 1999, Terhoeve (C-18/95, Rec. p. I-345, point 41).
30:
Voir arrêt Terhoeve (déjà cité à la note 28, point 40).
31:
Voir, à titre indicatif, arrêts du 30 mai 1989, Commission/Grèce (305/87, Rec.
p. 1461, point 13), et du 17 mai 1994, Corsica Ferries (C-18/93, Rec. p. I-1783,
point 19). Quant au caractère dit subsidiaire de l'article 6 du traité CE
(devenu article 12 CE), voir aussi les conclusions de l'avocat général M. La
Pergola (points 10 et suiv.) sous l'arrêt du 26 septembre 1996, Data Delecta
et Forsberg (C-43/95, Rec. p. I-4661).
32:
Voir, de manière caractéristique, arrêt Data Delecta (déjà cité à la note 30
ci-dessus, points 14 et 15), concernant des dispositions légales nationales qui
entrent dans le champ d'application du traité en raison de leur incidence,
même indirecte, sur les échanges intracommunautaires de produits et de
services.
33:
Au sujet de la formation professionnelle, voir, à titre indicatif, arrêts du
13 février 1985, Gravier (293/83, Rec. p. 593), et du 2 février 1988, Blaizot
(24/86, Rec. p. 379).
34:
L'épouse de M. Forcheri avait incontestablement la nationalité italienne.
35:
Arrêt du 13 juillet 1983, 152/82, Rec. p. 2323, point 9.
36:
Point 18.
37:
Voir Starkle, G., «Extension du principe de non-discrimination en droit
communautaire au ressortissant d'un État membre licitement installé dans un
autre État membre» [observations sur l'arrêt Forcheri, précité], dans Cahiers
de droit européen, 1984, p. 672 et suiv. De même, selon l'avocat général M.
Darmon, dans l'arrêt Forcheri, la Cour consacre «apparemment le droit, pour
tout ressortissant communautaire, indépendamment d'un lien d'emploi avec
les institutions communautaires, de jouir de 'l'ensemble des avantages qui
découlent du droit communautaire, notamment en matière de libre
circulation des travailleurs» (conclusions sous l'arrêt Echternach e.a., déjà cité
à la note 22, point 24).
38:
L'article 8 est formulé comme suit:
«1. Il est institué une citoyenneté de l'Union.
Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre.
2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs
prévus par le présent traité.»
En outre, en vertu de l'article 8 A, paragraphe 1, «tout citoyen de l'Union a
le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États
membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent
traité et par les dispositions prises pour son application».
39:
Voir arrêt Martínez Sala, déjà cité à la note 17, points 62 et 63.
40:
Au sujet des soins médicaux, la Commission fait référence à l'arrêt du 31
janvier 1984, Luisi et Carbone (286/82 et 26/83, Rec. p. 377), où la Cour ajugé que «les touristes, les bénéficiaires de soins médicaux (...) sont à
considérer comme des destinataires de services» (point 16).
41:
Voir ci-dessus points 52 et suiv. des présentes conclusions.
42:
Les principaux arguments justifiant ces hésitations étaient les suivants: a)
l'économie générale du traité est fondée sur des obligations qui s'adressent
aux États membres, sauf dans certains cas peu nombreux où le traité impose
expressément des obligations aux particuliers, surtout aux entreprises, pour
des motifs de protection de la concurrence; b) d'autres dispositions du traité
dont la formulation est vague, comme l'article 48, paragraphe 2, du traité
CEE n'avaient pas d'effet direct horizontal; c) c'est, tout d'abord, à la
Commission qu'il appartient de contrôler le respect des obligations découlant
du traité, Commission qui ne peut agir devant la Cour que contre un acte
imputé à un État membre. Voir, à ce sujet, Durand, C.-F., «Les principes»,
dans Commentaire Mégret. Le droit de la CEE, t. 1 Préambule. Principes. Libre
circulation des marchandises, Éditions de l'Université de Bruxelles, Études
européennes, 2e éd., 1992, p. 60.
43:
Voir arrêt du 12 décembre 1974, Walrave et Koch (36/74, Rec. p. 1405,
points 16 et 17). Voir aussi arrêt du 14 juillet 1976, Dona/Mantero (13/76,
Rec. p. 1333, points 17 et suiv.).
44:
Voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, Rec. p. I-4921, points 83
et 84).
45:
Voir ci-après les points 113 à 115 des présentes conclusions.
46:
Voir arrêt du 9 décembre 1997, Commission/France (C-265/95, Rec. p. I-6959,
points 30 à 32), qui concerne plus particulièrement la libre circulation des
marchandises.
47:
Voir, à titre indicatif, arrêt du 31 mai 1995, Royal Copenhagen (C-400/93,
Rec. p. I-1275, point 45).
48:
Comme le juge national l'indique, «au moment où Madame Ferlini était
hospitalisée, le forfait remboursé par la caisse de maladie luxembourgeoise
aurait été de 36.854,-francs, soit 4.645,-francs pour assistance médicale,
29.949,-francs pour frais de maternité et 2.260.-francs pour produits
diététiques, tandis que l'appelant et le RCAM auraient dû payer la somme de
59.306 francs pour les mêmes services, soit une majoration de 71,43% par
rapport au tarif national».
49:
Voir ci-dessus point 77 des présentes conclusions.
50:
Voir arrêt du 28 avril 1998, Kohll (C-158/96, Rec. p. I-1931, points 18 et 19).
51:
Voir article 18 du protocole.
52:
Voir article 6 du protocole.
53:
La nomination en qualité de fonctionnaire des Communautés d'une personne
qui n'a pas la qualité de ressortissant d'un État membre est possible si une
dérogation telle que prévue à l'article 28, sous a), du SF lui est accordée.
54:
Voir arrêt Forcheri (déjà cité à la note 34 ci-dessus, point 19).
55:
Voir arrêts du 2 février 1989, Cowan (186/87, Rec. p. 195, points 15 à 17), et
du 15 mars 1994, Commission/Espagne (C-45/93, Rec. p. I-911), concernant
le droit pour les touristes, ressortissants d'un État membre de la
Communauté, de se rendre dans un autre État membre et d'y bénéficier de
services dans les mêmes conditions que celles valant pour les nationaux et les
personnes qui y résident en permanence.
56:
Voir, à titre indicatif, arrêt Meints (déjà cité à la note 14 ci-dessus, point 45).
57:
Voir arrêt du 28 avril 1998 (C-120/95, Rec. p. I-1831, point 39).
58:
Voir ci-dessus point 94 des présentes conclusions.
59:
Voir ci-dessus point 92 des présentes conclusions.
60:
Voir arrêt Terhoeve (déjà cité à la note 28 ci-dessus, point 57).
61:
Voir ci-dessus point 77 des présentes conclusions.
62:
Voir, à titre indicatif, arrêt du 19 mars 1993, Meng (C-2/91, Rec. p. I-5791,
point 14), et du 17 juin 1997, Sodemare e.a. (C-70/95, Rec. p. I-3395, point
41).
63:
Voir, à titre indicatif, arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C-41/90, Rec.
p. I-1979, point 21), et du 17 février 1993, Poucet et Pistre (C-159/91 et
C-160/91, Rec. p. I-637, p. 17).
64:
Voir, au sujet de la notion d'activité économique, arrêt du 18 juin 1998,
Commission/Italie (C-35/96, Rec. p. I-3851, point 36).
65:
Voir Commentaire J. Mégret. Le droit de la CE. 4. Concurrence;
Waelbroeck, M., et Frignani, A., Études européennes, Collection dirigée par
l'Institut d'Études européennes, 2e éd., 1997, p. 37 et 38.
66:
Voir arrêt Poucet et Pistre (déjà cité à la note 62, points 18 et 19).
67:
Voir, sur ce point, arrêt du 12 juillet 1984, Hydrotherm (170/83, Rec. p. 2999,
point 11).
68:
Il y a lieu de signaler que l'on estime que l'on est en présence d'une
«association d'entreprises» s'il existe un organe de coordination, même en
l'absence de personnalité juridique (voir, sur ce point, Commentaire J.
Mégret, ouvr. cit., p. 133 et 134). De même, la Cour a estimé que le but
lucratif ou non de l'association était indifférent (voir arrêt du 29 octobre 1980,
Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125,
point 88).
En outre, il y a lieu de signaler que, en ce qui concerne l'existence d'une
«association d'entreprises», la Cour a répété plusieurs fois l'idée d'une
représentation immédiate ou directe des intérêts des opérateurs d'un secteur
donné et a défini les conditions auxquelles les membres de certaines
commissions chargées d'élaborer le tarif applicable à l'ensemble des
entreprises exerçant une activité déterminée ne peuvent être considérés
comme des représentants des milieux professionnels concernés. Tel est le cas,
selon la jurisprudence de la Cour, lorsque: a) les membres des commissions
en question (commissions tarifaires) ne sont pas liés par des ordres ou des
instructions de la part des entreprises ou associations qui ont proposé leur
désignation; les commissions ne peuvent être considérées comme des réunions
de représentants d'entreprises du secteur concerné; les membres des
commissions peuvent, par conséquent, être qualifiés d'experts indépendants;
et b) la loi oblige les membres de ces commissions tarifaires à fixer les tarifs
en fonction non des seuls intérêts des entreprises ou associations d'entreprises
du secteur qui les ont désignés, mais aussi de l'intérêt général et des intérêts
des entreprises d'autres secteurs ou des destinataires de ces services. Voir, à
titre indicatif, arrêts du 17 novembre 1993, Reiff (C-185/91, Rec. p. I-5801);
du 9 juin 1994, Delta Schiffahrts- und Speditionsgesellschaft (C-153/93, Rec.
p. I-2517); du 5 octobre 1995, Centro Servizi Spediporto (C-96/94, Rec. p. I-2883), et du 17 octobre 1995, Dip e.a. (C-140/94 à C-142/94, Rec. p. I-3257).
69: Voir arrêt du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission
(45/85, Rec. p. 405, point 39).
70: Voir arrêt du 3 juillet 1985, Binon/AMP (243/83, Rec. p. 2015, point 44) et
arrêt Verband der Sachversicherer/Commission (déjà cité à la note 68, point
41).
71: Voir, à titre indicatif, arrêts du 30 janvier 1985, BNIC/Clair (123/83, Rec.
p. 391, point 22), et du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission (C-219/95
P, Rec. p. I-4411, point 19).
72: Voir, à titre indicatif, arrêt Ferriere Nord/Commission (déjà cité à la note 70,
point 19); arrêt du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis e.a. (C-399/93, Rec.
p. I-4515, point 18), et arrêt Van Landewyck (déjà cité à la note 67,
point 170).
73:
Voir arrêt du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers
peints/Commission (73/74, Rec. p. 1491, points 24 à 26).
Il y a lieu de signaler que, dans d'autres arrêts, la Cour paraît utiliser une
formule plus absolue, lorsqu'elle indique simplement qu'«une entente
s'étendant à l'ensemble du territoire d'un Etat membre a, par sa nature même,
pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant
ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité». Voir, à titre
indicatif, arrêts du 17 octobre 1972, Vereniging van
Cementhandelaren/Commission (8/72, Rec. p. 977, point 29), et du 11 juillet
1985, Remia e.a./Commission (42/84, Rec. p. 2545, point 22).
74:
Cependant, comme la Commission le signale, si les tarifs plus élevés litigieux
visent l'ensemble des soins hospitaliers et non seulement les frais de maternité
(voir ci-dessus point 83 des présentes conclusions), il faudra en tenir compte
pour apprécier, dans sa globalité, l'incidence probable sur le commerce
intracommunautaire.
75:
Voir ci-après points 130 et suiv. des présentes conclusions.
76:
Il y a lieu de signaler que la Cour, dans son arrêt du 25 octobre 1983,
AEG/Commission (107/82, Rec. p. 3151, point 60) a jugé que, en ce qui
concerne les accords qui, par leur nature, sont susceptibles d'influencer le
commerce intracommunautaire, «le seul fait qu'à un moment donné les
commerçants qui demandent à être admis dans un réseau de distribution ou
qui y ont déjà été admis n'effectuent pas d'échanges intracommunautaires ne
saurait suffire pour exclure que des limitations à la liberté d'action des
négociants puissent entraver le commerce intracommunautaire, la situation
pouvant changer d'année en année en fonction de modifications dans les
conditions ou la composition du marché tant dans le marché commun dans son
ensemble que dans les différents marchés nationaux» (souligné par nous).
77:
Voir arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin (22/71, Rec. p. 949, point 16).
78:
Voir arrêt du 28 avril 1998, Javico (C-306/96, Rec. p. I-1983, point 17).
Il y a lieu de signaler que la Commission, tentant de fixer une limite pour les
accords d'importance mineure qui ne sont pas visés par les dispositions de
l'article 85, paragraphe 1, a considéré que les accords horizontaux étaient des
accords de ce genre lorsque la part de marché que détiennent les sociétés
participantes ne dépasse pas 5% de la partie du marché commun où
s'appliquent ces accords ou que le chiffre d'affaires total réalisé au cours d'un
exercice par les entreprises participantes ne dépasse pas 200 millions d'écus
(voir communication de la Commission, du 3 septembre 1986, concernant les
accords d'importance mineure qui ne sont pas visés par les dispositions de
l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique
européenne; JO C 231, p. 2). Cependant, comme la Commission elle-même
l'indique dans ses observations, dans une communication récente, elle paraît
ne pas exclure le cas où, même si les parts de marché sont limitées,
c'est-à-dire inférieures au chiffre cité ci-dessus, on puisse admettre
l'application de l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, pour
certaines catégories d'accords, tels que ceux ayant pour objet de fixer les prix
(voir communication concernant les accords d'importance mineure qui ne sont
pas visés par les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant
la Communauté européenne; JO 1997, C 372, p. 13).
79:
Dans le cadre de la présente affaire, il n'est pas nécessaire d'examiner si une
telle décision d'association d'hôpitaux peut être exemptée en vertu de
l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE (devenu ultérieurement article 85,paragraphe 3, du traité CE, puis article 81, paragraphe 3, CE). Seule la
Commission est compétente pour accorder ces exemptions et il ne résulte
d'aucun élément du dossier de l'affaire qu'il ait été question de l'exercice de
cette compétence exclusive ni donc du contrôle exercé dans ce cas par la
Cour.