Language of document : ECLI:EU:C:1999:442

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TRADUCTION PROVISOIRE DU

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GEORGES COSMAS

présentées le 21 septembre 1999 (1)

Affaire C-411/98

Angelo Ferlini

contre

Centre hospitalier de Luxembourg

(demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg — 8e chambre)

«Fonctionnaires des Communautés européennes — Égalité de traitement — Concurrence — Sécurité sociale — Tarifs des soins médicaux et hospitaliers — Entente des hôpitaux luxembourgeois»

Table des matières

     I — Introduction

I - 3

     II — Cadre légal

I - 5

         A — Cadre légal communautaire

I - 5

             a)    Dispositions du traité et des règlements pertinents

I - 5

             b)    Dispositions du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «SF») et de la réglementation commune dans le cadre du RCAM

I - 8

         B — Cadre légal national

I - 10

             a)    Assurance maladie-maternité pour les affiliés au régime national

I - 10

             b)    Assurance maladie-maternité pour les non-affiliés au régime national

I - 14

     III — Faits

I - 15

     IV — Question préjudicielle

I - 18

     V — Réponse à la question préjudicielle

I - 21

         A — Sur la formulation de la question préjudicielle

I - 21

         B — Sur l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité

I - 22

             a)    Sur le fondement juridique de l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité

I - 25

                 aa)    Sur l'application du règlement n° 1408/71

I - 25

                 ab)    Sur l'application de l'article 48 du traité CEE et du règlement n° 1612/68

I - 29

                 ac)    Sur l'application de l'article 7 du traité CEE

I - 36

                 ad)    Conclusion concernant le choix de la base juridique

I - 50

             b)    Sur l'application d'un traitement différent à des cas similaires

I - 51

                 ba)    Objet de la différence de traitement

I - 51

                 bb)    Similitude des cas traités différemment

I - 54

             c)    Sur la justification objective de la différence de traitement

I - 60

             d)    Conclusion sur l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité

I - 63

         C — Sur la protection de la concurrence

I - 64

             a)    Sur l'existence d'une entreprise et d'une association d'entreprises

I - 66

             b)    Sur l'existence d'un accord entre entreprises, d'une décision d'association d'entreprises ou d'une pratique concertée

I - 71

             c)    Sur le point de savoir si le jeu de la concurrence est empêché, restreint ou faussé

I - 73

             d)    Sur l'incidence sur le commerce intracommunautaire

I - 74

             e)    Sur le caractère sensible de la restriction de la concurrence et de l'incidence sur le commerce intracommunautaire

I - 80

             f)    Conclusion sur la protection de la concurrence

I - 83

     VI — Conclusion

I - 8450

I — Introduction

1.
    Par la présente demande de décision préjudicielle, formée au titre de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), le Tribunal

d'arrondissement de Luxembourg (8e chambre) a déféré à la Cour une question préjudicielle concernant l'interprétation, d'une part, des articles 7 et 48 du traité CEE (2), du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (3), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 312/76 du Conseil, du 9 février 1976 (4), et du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que codifié et mis à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (5), et, d'autre part, de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Plus précisément, la Cour est invitée à décider si l'interdiction des discriminations entre ressortissants des États membres de la Communauté et la protection de la concurrence font obstacle, d'une part, à une réglementation nationale luxembourgeoise et, d'autre part, à une circulaire de l'Union des caisses de maladie (ci-après l'«UCM») et à une décision de l'Entente des hôpitaux luxembourgeois (ci-après l'«EHL»), dont résulte l'application de tarifs de soins médicaux et hospitaliers différents selon qu'il s'agit de personnes affiliées au régime

national de sécurité sociale du grand-duché de Luxembourg ou de personnes non affiliées à ce régime, tels que, en l'espèce, les fonctionnaires des Communautés européennes, qui sont affiliés au régime commun d'assurance maladie des Communautés européennes (ci-après le «RCAM»).

II — Cadre légal

A — Cadre légal communautaire

a)    Dispositions du traité et des règlements pertinents

2.
    Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, du traité CEE (devenu ultérieurement article 6, paragraphe 1, du traité CE, puis, après modification, article 12, paragraphe 1, CE):

«Dans le domaine d'application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.»

3.
    Aux termes de l'article 48, paragraphe 2, du traité CEE (devenu ultérieurement article 48, paragraphe 2, du traité CE, puis, après modification, article 39, paragraphe 2, CE):

«[La libre circulation des travailleurs] implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.»

4.
    En outre, aux termes de l'article 7 du règlement n° 1612/68, précité:

«1.    Le travailleur ressortissant d'un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d'emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s'il est tombé en chômage.

2.    Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

(...)»

5.
    Aux termes de l'article 2 du règlement n° 1408/71, tel que codifié et mis à jour par le règlement n° 2001/83:

«Le présent règlement s'applique aux travailleurs salariés ou non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un ou de

plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l'un des États membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d'un des États membres ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants.

(...)»

6.
    En outre, aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de ce même règlement:

«Les personnes qui résident sur le territoire de l'un des États membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci, sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement.»

7.
    Enfin, aux termes de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE (devenu ultérieurement article 85, paragraphe 1, du traité CE, puis, après modification, article 81, paragraphe 1, CE):

«Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de

restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à:

a)    fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction,

(...)»

b)    Dispositions du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «SF») et de la réglementation commune dans le cadre du RCAM

8.
    En vertu des articles 64 et 72 du SF, les fonctionnaires des Communautés européennes versent des cotisations au RCAM, qui prend en charge les frais médicaux. En vertu de l'article 72, paragraphe 1, du SF, le conjoint du fonctionnaire est couvert contre les risques de maladie visés par cet article.

9.
    En vue, notamment, de l'application des dispositions précitées, a été adoptée une réglementation commune relative à la couverture desrisques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes. En vertu de l'article 2 de cette réglementation commune, les fonctionnaires sont affiliés au RCAM. En outre, l'article 3 de cette même réglementation prévoit que les conjoints des fonctionnaires sont

aussi affiliés, cette affiliation étant soumise à certaines conditions dont il ne paraît pas douteux qu'elles soient remplies, en l'espèce, dans le cas de l'épouse de M. Ferlini.

10.
    En vertu de l'article 72 du SF, des articles 1er, 2 et 3, de la réglementation commune et du titre VIII de l'annexe I à cette réglementation, en ce qui concerne les soins hospitaliers dispensés en cas d'accouchement, à l'époque à laquelle se sont déroulés les faits de l'affaire au principal, les frais remboursés par le RCAM étaient les honoraires médicaux dus pour l'accouchement et l'anesthésie, ainsi que les frais de salle d'accouchement et les frais de kinésithérapie et, en outre, tous les autres frais se rapportant à des prestations liées directement à l'accouchement; ces frais étaient remboursés à 100 % et dans les limites d'un plafond. Les frais de séjour dans un établissement hospitalier étaient remboursés à 85 % et dans les limites d'un plafond.

11.
    L'article 9, paragraphe 2, de la réglementation commune prévoit que «les institutions s'efforcent, dans la mesure du possible, de négocier, avec les représentants du corps médical et/ou les autorités, associations et établissements compétents, des accords fixant les taux applicables aux bénéficiaires, compte tenu des conditions locales et, le cas échéant, des barèmes déjà en vigueur, tant du point de vue médical que du point de vue hospitalier».

12.
    Des éléments du dossier, il résulte que, à l'époque des faits de l'affaire au principal, aucun accord n'avait été conclu entre le RCAM et l'EHL, malgré les initiatives des Communautés allant dans ce sens (6).

B — Cadre légal national

a)    Assurance maladie-maternité pour les affiliés au régime national

13.
    D'après l'ordonnance de renvoi, la législation nationale qui était applicable à l'époque des faits litigieux de l'affaire au principal, aux personnes affiliées aux caisses de maladie luxembourgeoises était contenue essentiellement dans les articles 308bis à quater du code des assurances sociales (7).

14.
    Du fait de la nature du régime de sécurité sociale voulu par le législateur luxembourgeois, les tarifs applicables aux actes médicaux sont absolument uniformes. Ils sont fixés exclusivement d'après la nature de la prestation et ne varient ni en fonction du revenu du patient ni en fonction des qualifications du prestataire de soins.

15.
    En ce qui concerne l'assurance maladie-maternité, les personnes couvertes sont obligatoirement affiliées à des caisses de maladie, qui sont des établissements publics autonomes dotés de la personnalité juridique, placés sous la surveillance de l'État. Les caisses de maladie sont financées principalement au moyen de cotisations, soit directes soit indirectes.

16.
    Comme l'indiquent tant M. Ferlini que la Commission, le système applicable aux prestations en cas de maternité différait de celui valant pour les prestations en cas de maladie. A l'époque des faits de l'affaire au principal, le système applicable aux prestations en cas de maladie prévoyait la conclusion de conventions collectives entre les caisses d'assurance et les diverses catégories de prestataires, sans distinction entre le secteur hospitalier et le secteur non-hospitalier. Des arrêtés ministériels conféraient une force obligatoire erga omnes à ces conventions, même pour les prestataires qui n'étaient pas membres de

l'association ayant négocié la convention (8). En revanche, le système valant pour l'assurance maternité était fondé sur le versement d'une somme forfaitaire par l'État. Selon M. Ferlini, le système paraissait relever, en réalité, plus du secteur des allocations familiales que du secteur de l'assurance maladie.

17.
    Comme il est indiqué dans l'ordonnance de renvoi, en vertu de la législation applicable à l'époque des faits de l'affaire au principal (lois du 27 juin 1983 et du 3 juillet 1975), les assurées bénéficiaient, lors de l'accouchement, des soins d'une sage-femme, de l'assistance médicale, du séjour en maternité ou clinique, de fournitures pharmaceutiques et de produits diététiques pour nourrissons. Ces prestations étaient couvertes grâce à une somme forfaitaire fixée par un règlement grand-ducal pour chaque prestation séparément.

18.
    Le règlement grand-ducal en vigueur à l'époque des faits de l'affaire au principal était le règlement grand-ducal du 31 décembre 1974 (9), tel que modifié, ayant pour objet de déterminer, en exécution des articles 6 et 13 du code des assurances sociales, les prestations en nature en cas de maladie et de maternité. L'article 12 de ce règlement

fixait le niveau de la somme forfaitaire susmentionnée et détaillait les diverses composantes de cette somme et les prix correspondant à chacune d'entre elles.

19.
    Conformément à la circulaire de l'UCM du 1er décembre 1988, relative à la répartition des éléments composant les forfaits pour frais de maternité à partir du 1er janvier 1989, qui est citée dans l'ordonnance de renvoi (10), en pratique, le système qu'imposaient la loi en vigueur à l'époque des faits litigieux et le règlement grand-ducal du 31 décembre 1974 concerné, prévoyait un calcul fondé sur trois composantes, à savoir l'assistance médicale, les frais de maternité et les produits diététiques (11).

b)    Assurance maladie-maternité pour les non-affiliés au régime national

20.
    Comme l'indiquent le gouvernement luxembourgeois et la Commission, les tarifs prévus au Luxembourg pour les prestations de soins concernant les personnes entrant dans le champ d'application du règlement n° 1408/71 sont les mêmes que ceux qui s'appliquent aux

affiliés au régime national. En outre, ces personnes sont expressément comprises dans le champ d'application des conventions collectives en matière de maladie. Il faut donc admettre que, dans le cas de l'assurance maternité, le forfait prévu par le règlement grand-ducal du 31 décembre 1974, s'appliquait aussi à ces personnes.

21.
    En revanche, pour les autres personnes qui n'étaient pas affiliées au régime national de sécurité sociale, il s'avère que les réglementations et conventions collectives précitées ne s'appliquaient pas et que, sous réserve de dispositions légales ou réglementaires ou d'engagements internationaux liant le grand-duché de Luxembourg, les prestataires de soins jouissaient d'une entière liberté quant à la fixation des tarifs.

22.
    Ainsi, faute de convention entre le RCAM et l'EHL, cette dernière a fixé unilatéralement les tarifs des soins hospitaliers applicables à compter du 1er janvier 1989 aux personnes qui n'étaient pas affiliées au régime national de sécurité sociale, y compris les fonctionnaires des Communautés, qui étaient affiliés au RCAM.

III — Faits

23.
    M. Ferlini est fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes et travaille à Luxembourg. L'ordonnance de renvoi ne

précise, toutefois, pas si M. Ferlini et son épouse ont la nationalité d'un État membre de la Communauté (12).

24.
    Du fait que M. Ferlini a la qualité de fonctionnaire des Communautés européennes, lui-même et son épouse sont affiliés au RCAM.

25.
    Entre le 17 janvier 1989 et le 24 janvier 1989, l'épouse de l'appelant a séjourné au Centre hospitalier de Luxembourg (ci-après le «CHL») pour y accoucher. L'ordonnance de renvoi indique que le CHL est un établissement public.

26.
    Le 24 février 1989, le CHL a fait parvenir à l'appelant une facture relative aux frais d'hospitalisation, d'un montant de 73 460 LUF.

27.
    M. Ferlini a relevé contredit contre une ordonnance conditionnelle de paiement délivrée contre lui le 22 avril 1993 et lui enjoignant de payer la somme susmentionnée au CHL.

28.
    Par un jugement du 24 juin 1994, le Tribunal de paix de Luxembourg, siégeant en matière civile et en instance de contredit, a déclaré non fondé le contredit et condamné M. Ferlini à payer au CHL la somme susmentionnée, majorée des intérêts légaux.

29.
    Le 5 octobre 1994, M. Ferlini a fait appel de ce jugement.

30.
    Comme il est indiqué dans l'ordonnance de renvoi, selon l'appelant, la facturation effectuée par le CHL résulte, d'une part, de l'application des tarifs hospitaliers fixés par l'EHL, valant, à partir du 1er janvier 1989, pour les personnes et organismes non affiliés au régime national de sécurité sociale et, d'autre part, de l'application des tarifs valant pour les affiliés aux caisses de maladie et résultant d'une circulaire de l'UCM du 1er décembre 1988. Or, ces tarifs dépassaient largement ceux appliqués aux affiliés au régime national de sécurité sociale et étaient discriminatoires.

31.
    A l'appui de son appel, M. Ferlini fait valoir que la fixation des frais de soins hospitaliers opérée par le CHL était contraire au principe d'égalité. Ensuite, l'appelant soutient que le système de tarification des soins hospitaliers qui est appliqué aux fonctionnaires des Communautés, tel qu'il résulte d'un accord entre les hôpitaux luxembourgeois, réunis au sein de l'entente des hôpitaux luxembourgeois, est contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

32.
    A titre subsidiaire, l'appelant estime que la somme réclamée est excessive et disproportionnée par rapport aux services rendus.

33.
    Le CHL, intimé, demande le rejet de l'appel et la confirmation du jugement attaqué, ainsi qu'une indemnité de procédure. Le CHL

affirme essentiellement que la situation des fonctionnaires des Communautés n'est pas comparable à celle des affiliés au régime national de sécurité sociale. Les premiers ne paient pas d'impôts ni de cotisations au régime national de sécurité sociale et leur revenu est plus élevé; par ailleurs, à l'époque des faits de l'affaire au principal, le RCAM n'avait conclu aucune convention avec l'EHL. Enfin, le CHL soutient que les conditions énoncées à l'article 85 du traité ne sont pas remplies en l'espèce.

IV — Question préjudicielle

34.
    Selon la juridiction de renvoi, l'article 48 du traité et les règlements n° 1408/71 et 1612/68 concernent seulement les ressortissants communautaires qui accèdent, dans un autre État membre, à un emploi ou à une couverture sociale régie par les lois de celui-ci. Cependant, dans la mesure où les fonctionnaires des Communautés résident dans un État membre autre que le leur en raison, précisément, de leurs fonctions, il ne saurait être admis qu'ils soient placés dans une situation moins favorable que celle de tout autre travailleur salarié ressortissant d'un État membre. Ils doivent, au contraire, jouir de l'ensemble des avantages qui découlent du droit communautaire pour les ressortissants des États membres en matière de libre circulation des personnes, de liberté d'établissement et de protection sociale.

35.
    Le juge national a estimé aussi ne pouvoir se prononcer sur les questions soulevées par l'appelant et les objections formulées par l'intimé sans une interprétation des principes régissant le droit de la concurrence, notamment en ce qui concerne la question de la compétence des États membres pour aménager leur système de sécurité sociale, le statut particulier des entreprises et des prestations concernées, ainsi que l'incidence sur le marché commun.

36.
    Eu égard aux considérations qui précèdent, le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg (8e chambre) a décidé de déférer la question préjudicielle suivante à la Cour:

«au regard du principe de non-discrimination entre ressortissants des États membres de l'Union européenne, principe consacré par les articles 6 et 48 du traité CE et, dans le domaine de la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, par le règlement 1612/68 du Conseil du S octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, modifié par le règlement312/76 du Conseil du 9 février 1976 et, dans le domaine de la sécurité sociale par le règlement 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983,

et

au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE qui interdit tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre les États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun,

sont-ils compatibles avec le droit communautaire le règlement grand-ducal du 31 décembre 1974, (Mémorial A n° 95 du 31.12.1974, p. 2398), tel que modifié, ayant pour objet de déterminer en exécution des articles 6 et 13 du code des assurances sociales les prestations en nature en cas de maladie et de maternité, les tarifs hospitaliers à partir du 1er janvier 1989 valables pour les personnes et organismes non affiliés au régime de la sécurité sociale nationale, la circulaire de l'UCM du 1er décembre 1988 relative à la répartition des éléments composant les forfaits pour frais de maternité à partir du 1er janvier 1989 et les pratiques de l'EHL consistant à appliquer aux personnes et organismes non affiliés au régime de sécurité sociale nationale et aux fonctionnaires des Communautés européennes affiliés au RCAM des tarifs uniformes pour frais médicaux et hospitaliers supérieurs à ceux appliqués aux résidents affiliés au régime de sécurité sociale nationale?».

V — Réponse à la question préjudicielle

37.
    Par la question préjudicielle qu'il lui a déférée, le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg (8e chambre) invite la Cour à prendre position sur l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité (B) et la protection de la concurrence (C), eu égard à la fixation, dans un État membre, des tarifs des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité, valant pour les non-affiliés au régime national de sécurité sociale, y compris les fonctionnaires des Communautés qui, du fait de leurs fonctions, travaillent et résident dans cet État, mais sont affiliés au RCAM. Nous examinerons ces deux questions, après avoir fait une brève remarque concernant la formulation de la question préjudicielle (A).

A — Sur la formulation de la question préjudicielle

38.
    Étant donné la formulation de la question préjudicielle, nous voudrions rappeler que la Cour, dans le cadre de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), ne se prononce pas sur l'interprétation ou la validité de dispositions nationales ni sur la compatibilité de ces dispositions avec les dispositions du droit communautaire, mais fournit à la juridiction de renvoi tous les éléments

d'interprétation qui lui permettront de juger si une disposition du droit interne est ou non compatible avec les règles communautaires (13).

39.
    En conséquence, il faut considérer que la question préjudicielle déférée par la juridiction nationale concerne le point de savoir si les articles 7 et 48 du traité CEE et les dispositions des règlements n° 1612/71 et 1408/71 doivent être interprétés en ce sens qu'ils font obstacle à des réglementations nationales ou à des pratiques mises en oeuvre par des associations de prestataires de soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité, dont il résulte que, pour ces soins, des personnes et des organismes qui ne sont pas affiliés au régime national de sécurité sociale, y compris les fonctionnaires des Communautés, affiliés au RCAM, se voient appliquer des tarifs plus élevés que ceux valant pour les résidents affiliés au régime national de sécurité sociale.

B — Sur l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité

40.
    L'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité constitue le contenu négatif du principe de l'égalité de traitement des ressortissants des États membres de la Communauté — maintenant des

citoyens de l'Union — et une expression du principe général d'égalité, qui est une notion de base du droit communautaire.

41.
    Cette interdiction, qui est précisée par de nombreuses dispositions du droit communautaire, ne s'oppose pas, d'une manière générale, à l'existence de distinctions, qui peuvent consister à appliquer des règles différentes à des situations similaires ou à appliquer la même règle à des situations différentes (14). Ce à quoi s'oppose cette interdiction, ce sont les distinctions arbitraires que l'on peut identifier en vérifiant si elles sont objectivement justifiées (15).

42.
    Selon une jurisprudence constante de la Cour, l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité vise non seulement les discriminations directes, mais aussi les discriminations indirectes ou déguisées, qui, même si elles ne sont pas basées directement sur la nationalité, critère prohibé, sont fondées sur d'autres critères qui produisent des résultats identiques ou, du moins, analogues à ceux

auxquels aboutit l'application du critère de la nationalité (16). Sur ce point, il y a lieu de signaler que, en l'espèce, la discrimination litigieuse est un exemple caractéristique de discrimination indirecte fondée sur la nationalité. L'application du critère de l'affiliation au régime national de sécurité sociale, sur lequel est fondée la différenciation des tarifs des soins médicaux et hospitaliers implique une application déguisée du critère de la nationalité, dans la mesure où, comme la Commission le souligne, la majeure partie des affiliés au régime national sont des ressortissants luxembourgeois, tandis que l'écrasante majorité des non-affiliés, surtout parmi les fonctionnaires des Communautés, sont des ressortissants d'autres États membres (17).

43.
    Après ces remarques liminaires, nous pensons que, compte tenu des diverses dispositions du droit communautaire que la Cour est invitée à interpréter, il faudra que nous examinions successivement les questions suivantes. Tout d'abord, pour juger si l'on est, en l'espèce, en présence d'un cas de discrimination fondée sur la nationalité contraire au droit communautaire (d), il faudra, eu égard aux faits de l'affaire au principal,

identifier le fondement juridique de l'interdiction de cette discrimination et examiner les conditions d'application plus spécifiques de cette interdiction (a). Ensuite, il faudra faire certaines remarques concernant le point de savoir si ces conditions sont remplies en l'espèce et, plus précisément, sur l'existence d'un traitement différent appliqué à des situations similaires dans le cadre des faits de l'affaire au principal et des données du droit national luxembourgeois (b). Enfin, il faudra examiner si cette différence de traitement est objectivement justifiée ou non (c).

a)    Sur le fondement juridique de l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité

aa)    Sur l'application du règlement n° 1408/71

44.
    D'après la jurisprudence de la Cour, «une personne a la qualité de travailleur au sens du règlement n° 1408/71 dès lors qu'elle est assurée, ne serait-ce que contre un seul risque, au titre d'une assurance obligatoire ou facultative auprès d'un régime général ou particulier de sécurité sociale mentionné à l'article 1er, sous a), du règlement n° 1408/71, et ce indépendamment de l'existence d'une relation de travail» (18).

45.
    Même s'ils sont affiliés à un régime spécifique, tel que le RCAM, les fonctionnaires des Communautés, comme M. Ferlini, ne paraissent pas pouvoir être considérés comme des travailleurs, au sens de la définition qui précède.

46.
    Comme l'avocat général M. Lenz l'a indiqué, de manière caractéristique, dans ses conclusions sous l'arrêt Schmid (19), «la notion de travailleur salarié doit être définie en fonction des finalités et de l'objet matériel du règlement» (20). En d'autres termes, la qualité de travailleur salarié dépend essentiellement de la possibilité générale d'application du règlement.

47.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler que, bien que le règlement n° 1408/71, qui a été adopté sur la base de l'article 51 du traité CEE, soit lié à l'établissement de la libre circulation des travailleurs, son objectif fondamental est la coordination des diverses législations nationales relatives aux prestations sociales, de telle sorte que la libre circulation des travailleurs n'ait pas pour effet de placer les travailleurs qui font usage de cette liberté dans une situation moins favorable que celle des travailleurs exerçant leur activité à l'intérieur d'un seul État membre.

48.
    En l'espèce, comme la Commission le souligne dans ses observations, les conditions générales d'application du règlement n° 1408/71 ne sont pas remplies, parce qu'il ne s'agit pas de la coordination de régimes nationaux de sécurité sociale, mais de prestations de soins fournies à l'intérieur d'un seul État membre et de l'application de tarifs différents, pour ces prestations, à une catégorie de personnes qui comprend essentiellement des travailleurs qui sont des ressortissants d'autre États membres. En conséquence, il n'est pas possible de qualifier M. Ferlini de travailleur au sens du règlement n° 1408/71.

49.
    La raison pour laquelle M. Ferlini ne peut être qualifié de travailleur «salarié» au sens du règlement n° 1408/71 est liée à la raison, découlant directement de l'article 2, paragraphe 1, de ce dernier, pour laquelle on ne peut pas appliquer ce règlement en l'espèce. En vertu de cette disposition, le règlement n° 1408/71 «s'applique aux travailleurs salariés ou non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l'un des États membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d'un des États membres ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants». En l'espèce, M. Ferlini, en sa qualité de fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes est affilié au RCAM. En conséquence, comme il résulte des éléments du dossier, ni lui ni son épouse ne sont soumis à une législation nationale

en matière de sécurité sociale, comme l'exige l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71.

50.
    Eu égard à ce qui précède, ni M. Ferlini ni son épouse ne peuvent entrer dans le champ d'application personnel du règlement n° 1408/71 (21). Toutefois, puisque, en droit communautaire, la notion de travailleur n'est pas univoque, mais a un contenu différent selon le secteur où elle est utilisée (22), il n'est pas exclu que M. Ferlini et son épouse entrent dans le champ d'application personnel d'autres règles du droit communautaire, telles que l'article 48 du traité CEE ou le règlement n° 1612/68.

ab)    Sur l'application de l'article 48 du traité CEE et du règlement n° 1612/68

51.
    Si l'on prend en considération la jurisprudence de la Cour relative aux ressortissants des États membres de la Communauté qui ont la qualité de fonctionnaires internationaux en général (23), il faut, a fortiori, considérer que les fonctionnaires des Communautés, comme M. Ferlini, conservent la qualité de travailleur, qui leur permet, à eux aussi bien qu'aux membres de leur famille, d'entrer dans le champ d'application personnel de l'article 48 du traité CEE et du règlement n° 1612/68.

52.
    Cependant, on peut se poser la question de savoir si le traitement appliqué à M. et Mme Ferlini entre dans le champ d'application matériel des règles communautaires en question (24). Plus précisément, il convient d'examiner si l'application, pour les soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité, de tarifs plus élevés que ceux valant pour

les affiliés au régime national de sécurité sociale concerne une«condition de travail», au sens des dispositions de l'article 48, paragraphe 2, du traité CEE et de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1612/68 ou un «avantage social», au sens de l'article 7, paragraphe 2, de ce même règlement.

53.
    La notion de «condition de travail», qui est utilisée dans les dispositions précitées, semble couvrir des éléments liés directement au contrat de travail, comme la rémunération, le licenciement, le calcul de l'ancienneté, la réinsertion professionnelle ou la remise au travail. A cet égard, il est significatif que la Cour, pour décider si un système prévoyant le versement des cotisations à l'assurance vieillesse et survivants, lorsque le travailleur effectue son service militaire, concerne une «condition de travail», a examiné si ce versement constitue une obligation légale ou contractuelle dont serait titulaire l'employeur (25).

54.
    En l'espèce, nous pensons que l'application de tarifs plus élevés pour les soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité ne peut entrer dans le champ sémantique des termes «condition de travail». Comme la Commission le fait observer, bien que l'application de ces tarifs puisse grever le revenu net des non-affiliés au régime national luxembourgeois de sécurité sociale, puisqu'il est probable que ces derniers soient contraints de payer des sommes plus importantes du fait que leurs organismes d'assurance ne sont pas en mesure de

rembourser la totalité des tarifs imposés, il faut admettre que cette charge est liée, de manière indirecte et hypothétique, aux «conditions de travail» et, plus particulièrement, à la rémunération de ces travailleurs. La position contraire conduirait, en substance, à adopter la conception simplificatrice selon laquelle toute forme de tarification de produits ou de services qui entraîne une majoration des dépenses extraordinaires, telles que les frais liés aux soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité, doit être considérée comme ayant une incidence sur la rémunération des travailleurs fixée par voie conventionnelle ou légale.

55.
    Puisqu'il ne semble pas que l'on puisse admettre que le niveau des tarifs des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité relève des «conditions de travail», il faudra examiner si la fixation de ces tarifs présente les caractéristiques d'un «avantage social», au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68. Une jurisprudence constante définit ces avantages comme étant «tous ceux qui, liés ou non à un contrat d'emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national, et dont l'extension aux travailleurs ressortissants d'autres États

membres apparaît dès lors comme apte à faciliter leur mobilité à l'intérieur de la Communauté» (26).

56.
    Selon la Commission, eu égard à la définition précitée, il n'est pas exclu que l'on puisse considérer la garantie, pour les prestations médicales, d'un niveau de prix raisonnable et, conformément aux principes du système luxembourgeois, basé sur les coûts réels des prestations en question comme un avantage social qui doit être accordé à toutes les personnes travaillant au Luxembourg.

57.
    Selon M. Ferlini, la somme forfaitaire payée par l'État luxembourgeois en cas d'accouchement constitue incontestablement un «avantage social», qui ne diffère pas fondamentalement de l'allocation de maternité, que la Cour a considérée comme telle (27). La tarification des prestations couvertes par le forfait constitue un élément essentiel de ce dernier, qui devrait être versé à tous ceux qui bénéficient de la libre circulation des personnes au Luxembourg. Dans la pratique, les fonctionnaires des Communautés ne bénéficient pas de cet avantage consistant dans le forfait, mais cette question n'a pas été soulevée dans le cadre de l'affaire au principal. Cependant, M. Ferlini soutient qu'il est

possible d'invoquer la nature d'avantage social du forfait pour revendiquer, au moins, l'égalité au niveau de la facturation des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité.

58.
    Tant la Commission, qui invoque un droit à des tarifs raisonnables et correspondant aux coûts réels, que M. Ferlini, qui invoque le forfait versé en cas d'accouchement, tentent de donner un contenu positif au droit à l'égalité de traitement quant aux tarifs des prestations concernées, de telle sorte que la qualification de ce droit comme «avantage social» soit en harmonie avec la jurisprudence de la Cour, qui a qualifié d'«avantages sociaux» notamment des prestations ayant un contenu positif (28). Toutefois, les informations fournies par l'ordonnance de renvoi ne font pas apparaître de manière absolument claire que, à l'époque des faits de l'affaire au principal, les tarifs appliqués aux affiliés au régime national de sécurité sociale correspondaient au coût des prestations, tandis que les tarifs appliqués

aux non-affiliés, et plus particulièrement aux fonctionnaires des Communautés, ne correspondaient pas à ce coût, ni que le forfait couvrant les soins dispensés en cas d'accouchement ni, a fortiori, la tarification de ces soins avaient la même nature que l'allocation de maternité. C'est au juge national, qui a une connaissance approfondie du droit national et des faits de l'affaire au principal, qu'il appartient donc de vérifier si les arguments décrits ci-dessus sont valables.

59.
    Toutefois, nous pensons que l'on peut considérer que la tarification litigieuse des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas d'accouchement relève du champ d'application matériel du principe de l'égalité de traitement, consacré par l'article 7 du règlement n° 1612/68, sans qu'il faille vérifier si l'on est en présence d'une prestation ou d'un avantage à contenu positif. Il suffit de faire un raisonnement «a majori ad minus». Dès lors que l'égalité de traitement vaut pour les «avantages sociaux», il faut admettre qu'elle s'applique à toute réglementation qui, même si elle ne crée pas un avantage de contenu positif au sens strict, concerne la situation sociale des travailleurs — indépendamment du point de savoir s'il existe ou non un lien avec un contrat de travail donné —, qui s'applique d'une manière générale aux travailleurs nationaux, principalement en raison de leur qualité objective de travailleurs ou purement et simplement en raison de leur séjour sur le territoire national, et dont l'extension aux travailleurs ressortissants des autres États membres paraît, pour ce motif, être de nature à faciliter leur libre circulation à l'intérieur de la Communauté. Il est manifeste que la

tarification des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité couvre tous les éléments de la définition précitée.

60.
    Si l'on admet que les faits de l'affaire au principal entrent dans le champ d'application matériel de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, il y a lieu de signaler un dernier problème. Conformément à une jurisprudence récente de la Cour, une législation nationale, entrant dans le champ d'application de l'article 48 du traité et de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, qui empêche ou dissuade un ressortissant d'un État membre de quitter son pays pour exercer son droit à la libre circulation, est considérée comme contraire à l'article 48 du traité, sans qu'il soit nécessaire d'examiner s'il existe une discrimination indirecte fondée sur la nationalité (29). Il paraît résulter de cette jurisprudence que le cas où une législation nationale empêche ou dissuade les travailleurs d'exercer leur droit à la libre circulation est différent de celui où il existe une discrimination indirecte fondée sur la nationalité dans le cadre de l'exercice de ce même droit. Plus précisément, il semble que, dans le premier cas, le champ d'application soit plus large que dans le second et que l'on se fonde sur une simple présomption (30).

61.
    Cependant, en l'espèce, on peut difficilement affirmer que, outre l'introduction d'une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, l'application, dans un État membre, pour les soins dispensés en cas de maternité, de tarifs plus élevés que ceux valant pour les affiliés au régime de sécurité sociale de cet État membre empêcherait ou dissuaderait, d'une manière générale, un ressortissant d'un autre État membre de travailler dans le premier État, surtout en tant que fonctionnaire des Communautés. Nous parvenons à cette conclusion, parce que nous prenons en considération le caractère exceptionnel, relativement prévisible et limité des dépenses liées aux soins dispensés en cas de maternité, compte tenu aussi de la large possibilité d'assurance et de couverture de ces dépenses dans divers États membres qu'offre le RCAM. En revanche, s'il était démontré que, dans un État membre, comme, en l'espèce, le grand-duché de Luxembourg, il existe une tarification qui comporte une semblable discrimination pour la totalité — ou pour une partie importante — des soins médicaux et hospitaliers en général, on pourrait, en effet, soutenir que cela dissuaderait éventuellement le ressortissant d'un État membre de quitter l'État membre où il réside pour travailler en qualité de fonctionnaire des Communautés dans l'État concerné.

ac)    Sur l'application de l'article 7 du traité CEE

62.
    L'article 7 du traité CEE, en vertu duquel «dans le domaine d'application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en

raison de la nationalité», ne peut s'appliquer de manière autonome que dans les cas régis par le droit communautaire pour lesquels le traité ne prévoit pas d'interdiction spécifique des discriminations (31).

63.
    Dans la mesure où le principe interdisant les discriminations fondées sur la nationalité est réaffirmé spécifiquement à l'article 48 du traité, il faut donc, admettre que, en l'espèce, il n'y a lieu d'appliquer l'article 7 du traité que si l'article 48 et le règlement n° 1612/68 ne sont pas applicables. Eu égard aux analyses qui précèdent, le problème de l'application de l'article 7 peut donc se poser si la Cour juge soit que M. Ferlini n'a pas la qualité de travailleur au sens de l'article 48 et du règlement n° 1612/68, soit que la discrimination litigieuse ne relève pas du champ d'application matériel de ces dispositions, c'est-à-dire qu'elle ne concerne ni des «conditions de travail» ni des «avantages sociaux».

64.
    Dans un tel cas, il faudra examiner si les faits de l'affaire au principal entrent dans le champ d'application du traité, condition à laquelle est subordonnée l'application du principe de non-discrimination, tel qu'énoncé à l'article 7 du traité CEE.

65.
    Sur ce point, il y a lieu de souligner que la Cour paraît accepter que l'on fasse une interprétation large du contenu de cette condition et reconnaît que des situations qui, tout en n'ayant pas de lien direct avec les libertés fondamentales consacrées par le droit communautaire, ont une incidence indirecte sur l'exercice de ces libertés, entrent dans le champ d'application du traité (32). En d'autres termes, la détermination du domaine d'application du traité, au sens de l'article 7, comporte une dynamique qui permet d'intégrer graduellement à ce domaine d'application une série de matières qui ne sont pas étrangères au droit communautaire ou sont régies même partiellement par celui-ci (33).

66.
    En particulier, en ce qui concerne les fonctionnaires des Communautés, dans l'arrêt Forcheri, qui, comme la présente affaire, concernait la situation de l'épouse d'un fonctionnaire des Communautés européennes (34), la Cour a estimé, tout d'abord, que «la situation juridique des fonctionnaires de la Communauté dans l'État membre de leur affectation relève du domaine d'application du traité à un double titre, en raison de leur lien d'emploi avec la Communauté et en tant

qu'ils doivent jouir de l'ensemble des avantages qui découlent du droit communautaire pour les ressortissants des États membres en matière de libre circulation des personnes, en matière d'établissement et en matière de protection sociale» (35). Ainsi, dans le même arrêt, la Cour, examinant la question plus particulière de savoir si, dans le cas du conjoint d'un fonctionnaire des Communautés qui n'a pas la nationalité de l'État membre où il est installé avec ce dernier, le paiement du droit d'inscription entre dans le champ d'application du traité et estcompatible avec le droit communautaire, a jugé que «lorsqu'un État membre met en oeuvre des cours d'enseignement concernant notamment la formation professionnelle, le fait d'exiger du ressortissant d'un autre État membre licitement installé dans le premier État membre un droit d'inscription, qui n'est pas exigé de ses propres ressortissants, pour pouvoir participer à ces cours, constitue une discrimination en raison de la nationalité, interdite par l'article 7 du traité» (36).

67.
    Dans l'arrêt précité, qui a précédé chronologiquement les arrêts Echternach e.a. (déjà cité à la note 22) et Schmid (déjà cité à la note 18), la Cour, considérant tacitement qu'un fonctionnaire des Communautés, ressortissant d'un État membre de la Communauté, n'est pas un travailleur au sens de l'article 48 du traité CEE et du règlement n° 1612/68, mais admettant qu'il n'est pas possible qu'on lui refuse les

droits conférés par ces règles communautaires, a décidé de fonder son arrêt sur l'article 7 du traité CEE. Dès lors, la question qui s'est posée concernait la détermination des personnes qui, sans être des travailleurs au sens précité, pourraient entrer dans le champ d'application du traité. Pour répondre à cette question, la Cour a recouru au critère du «ressortissant d'un autre État membre licitement installé dans le premier État membre». En outre, tandis que, dans les motifs de l'arrêt, il semble que l'épouse de M. Forcheri puise son droit à l'égalité de traitement dans sa qualité de conjoint d'un fonctionnaire des Communautés, circonstance dont il résulte qu'elle est licitement installée dans l'État membre concerné, dans le dispositif de l'arrêt, la Cour paraît se référer d'une manière générale à la condition consistant dans l'établissement licite, abstraction faite du cas particulier des conjoints des fonctionnaires des Communautés. Cela a conduit les commentateurs de l'arrêt à parler d'une nouvelle perspective ouverte par la Cour au droit communautaire; en d'autres termes, dès lors qu'un ressortissant de la Communauté, même s'il n'a pas la qualité de travailleur au sens de l'article 48 et du règlement n° 1612/68, s'est établi licitement sur le territoire d'un État membre, il bénéficierait de l'égalité de traitement

pour toutes les matières entrant dans le champ d'application du traité (37).

68.
    Sur ce point, il y a lieu de signaler que cette perspective qui s'est ouverte en 1983 dans la jurisprudence de la Cour a été consacrée par les articles 8 (devenu, après modification, article 17 CE) et 8 A (devenu, après modification, article 18 CE) du traité CE (38). Comme la Cour l'a indiqué dans sa jurisprudence récente, «l'article 8, paragraphe 2, du traité attache au statut de citoyen de l'Union les devoirs et les droits prévus par le traité, dont celui, prévu à l'article 6 du traité, de ne pas subir de discrimination en raison de la nationalité dans le champ d'application ratione materiae du traité. Il en résulte qu'un citoyen de

l'Union européenne qui, telle la requérante au principal, réside légalement sur le territoire de l'État membre d'accueil peut se prévaloir de l'article 6 du traité dans toutes les situations relevant du domaine d'application ratione materiae du droit communautaire, (...)» (39). La similitude de cette interprétation des articles 8 et 8 A avec la jurisprudence Forcheri est plus qu'évidente. En conséquence, bien que les articles précités ne puissent s'appliquer à l'époque des faits de l'affaire au principal, cette interprétation que la Cour en a donnée peut éclairer la signification de la jurisprudence Forcheri.

69.
    Si nous appliquons cette jurisprudence en l'espèce, il convient d'admettre que, puisque l'épouse de M. Ferlini avait la qualité de ressortissante d'un État membre de la Communauté — élément qu'il appartient au juge national de vérifier — et était licitement installée au Luxembourg en tant que conjoint d'un fonctionnaire des Communautés travaillant dans ce pays, elle ne pouvait faire l'objet d'une discrimination fondée sur la nationalité, interdite par l'article 7 du traité, dans tous les cas qui entraient dans le champ d'application de ce dernier. Il est manifeste que les barèmes des soins médicaux et hospitaliers concernent des services qui, comme la Commission l'indique dans ses observations, entraient et entrent sans aucun doute dans ce champ d'application (40),

sans qu'il soit nécessaire de vérifier s'ils concernent des «conditions de travail» ou des «avantages sociaux», comme en cas d'application de l'article 48 du traité et du règlement n° 1612/68 (41).

70.
    L'épouse de M. Ferlini jouit du droit précité de manière autonome. En tout cas, elle le puise dans sa qualité de conjoint d'un fonctionnaire des Communautés, ressortissant d'un État membre de la Communauté — qualité qu'il appartient également à la juridiction nationale de vérifier —, dont la situation juridique entre, conformément à ce qui précède, dans le champ d'application du traité et qui, avec sa famille, doit jouir de la totalité des avantages conférés par la droit communautaire aux ressortissants des États membres en matière de libre circulation des personnes, de liberté d'établissement et de protection sociale.

71.
    La dernière question — qui n'est, toutefois, pas la moins importante — qu'il convient d'examiner dans le cadre de l'interprétation de l'article 7 du traité CEE concerne la possibilité d'appliquer cet article à l'encontre non seulement des discriminations résultant de l'action des institutions de la Communauté ou des États membres, mais aussi à celles existant dans les relations entre particuliers. Eu égard aux faits de l'affaire au principal, cette question se pose si l'on considère qu'une discrimination est imputable aux activités de personnes morales de droit

privé; en d'autres termes, si l'on considère qu'une discrimination est imputable au CHL, à l'EHL ou à l'UCM et si l'on estime que les personnes morales en question sont des personnes morales de droit privé. Sur ce point, il convient de signaler que, mis à part le fait qu'elle indique simplement que le CHL est un établissement public, l'ordonnance de renvoi ne contient pas d'informations suffisantes pour que l'on puisse décider du caractère public ou privé de ces personnes morales. C'est au juge national, qui connaît le droit national, qu'il appartient donc d'éclaircir ce point.

72.
    Nous pensons que, malgré les sérieuses hésitations marquées de temps en temps par la doctrine (42), l'évolution de la jurisprudence de la Cour nous permet, en l'espèce, de répondre affirmativement à la question de savoir si l'article 7 peut avoir ce que l'on appelle habituellement un «effet direct horizontal».

73.
    Cette réponse peut se fonder sur le fait que l'action des personnes morales de droit privé, qui est incompatible avec le droit communautaire parce qu'elle implique une discrimination fondée sur la nationalité, est imputée à l'État membre lui-même.

74.
    Dans le cadre de la réglementation des relations de travail, la Cour a admis une imputation de ce type lorsqu'elle a considéré que l'action des personnes morales de droit privé a un caractère quasi réglementaire, qui l'assimile à l'action de l'État membre lui-même. Ainsi, en ce qui concerne les articles 7 et 48 du traité CEE, la Cour a jugé que «les articles 7, 48 et 59 ont en commun de prohiber, dans leurs domaines d'application respectif, toutes discriminations exercées en raison de la nationalité; (...) la prohibition de ces discriminations s'impose non seulement à l'action des autorités publiques mais s'étend également aux réglementations d'une autre nature visant à régler, de façon collective, le travail salarié et les prestations de services» (43). En ce qui concerne plus spécifiquement l'article 48 du traité CEE (devenu article 48 du traité CE et maintenant article 39 CE), la Cour a aussi jugé que «l'abolition entre les États membres des obstacles à la libre circulation des personnes et à la libre prestation des services, objectifs fondamentaux de la Communauté, énoncés à l'article 3, lettre c), du traité, serait compromise si l'abolition des barrières d'origine étatique

pouvait être neutralisée par des obstacles résultant de l'exercice de leur autonomie juridique par des associations ou organismes ne relevant pas du droit public (...). Par ailleurs, la Cour a souligné que les conditions de travail sont régies, dans les différents États membres, tantôt par la voie de dispositions d'ordre législatif ou réglementaire, tantôt par des conventions et autres actes conclus ou adoptés par des personnes privées. Dès lors, si l'objet de l'article 48 du traité était limité aux actes de l'autorité publique, des inégalités pourraient en découler quant à son application» (44).

75.
    Cependant, si, dans la présente affaire, on devait considérer que la discrimination est due aux décisions et aux pratiques de l'UCM ou de l'EHL, on ne pourrait appliquer la jurisprudence précitée de la Cour et décider que l'article 7 du traité CEE s'applique en l'espèce, au motif que, indépendamment du caractère public ou privé de ces personnes morales, leur action vise, d'une manière générale, à régler, de manière collective, la sécurité sociale au grand-duché de Luxembourg. Il est vrai que, comme il ressort de l'ordonnance de renvoi et des observations des parties, ces personnes morales participent activement aux négociations collectives relatives à la fixation des tarifs des soins médicaux et hospitaliers et, de ce fait, jouent, dans le cadre de la sécurité sociale, un rôle analogue à celui des organisations syndicales représentatives des travailleurs et des employeurs dans le cadre de la réglementation des

relations de travail par la voie de conventions collectives. Considérées, donc, sous l'angle de leurs compétences générales, ces personnes morales sont des organismes ayant pour fonction de contribuer à la réglementation de la sécurité sociale, ce qui confère, d'une manière générale, un caractère quasi réglementaire à leur action. Cependant, dans l'affaire au principal, la fixation par l'EHL des tarifs des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité pour les non-affiliés au régime national de sécurité sociale ne relève pas de la réglementation, adoptée sous forme collective, de la sécurité sociale, parce que, d'une part, cette fixation est unilatérale et non collective et que, d'autre part, elle concerne les non-affiliés au régime national de sécurité sociale (45). Ces deux éléments ne permettent pas de considérer que l'action de l'EHL qui est à l'origine du litige dans l'affaire au principal doit être conçue, en substance, comme une action de l'État lui-même.

76.
    Nous pensons, toutefois, que la conclusion qui précède n'empêche pas que l'on puisse imputer à l'État membre la responsabilité de la discrimination fondée sur la nationalité qui résulte de l'action des personnes morales de droit privé.

77.
    En effet, en l'espèce, l'origine des discriminations fondées sur la nationalité paraît se situer dans la législation nationale (articles 6, 13 et

308bis et suiv. du code des assurances sociales), qui a prévu la possibilité de réglementer par des conventions collectives les tarifs des soins médicaux et hospitaliers et l'adoption du règlement grand-ducal du 31 décembre 1974, qui a défini les prestations en nature en cas d'accouchement. C'est au niveau, précisément, de l'interprétation de ce cadre légal et réglementaire, qui est manifestement imputable à l'État membre, que se situe la non-extension aux ressortissants des autres États membres de la Communauté non affiliés au régime national de sécurité sociale des tarifs valant pour les affiliés à celui-ci. Ce cadre légal et réglementaire, sans fixer directement des tarifs plus élevés pour la première catégorie de personnes, paraît permettre aux organismes compétents de fixer de tels tarifs. En d'autres termes, c'est au niveau de ce cadre légal et réglementaire que se situe, d'abord, la discrimination, résultant non pas d'une action positive, mais de la circonstance qu'une catégorie de personnes donnée est dépourvue de protection ou que, du moins, la possibilité de lui appliquer un traitement différent est admise. Ainsi, si le comportement des personnes morales qui dispensent les soins hospitaliers et en fixent les tarifs implique une discrimination fondée sur la nationalité, cela est dû, en premier lieu, au fait que le cadre légal et réglementaire précité leur donne la possibilité d'exercer cette discrimination.

78.
    A cet égard, la Cour a indiqué que le fait pour un État membrede s'abstenir d'agir ou, le cas échéant, de rester en défaut d'adopter les mesures suffisantes pour empêcher des obstacles aux libertés communautaires garanties dans le marché unique sans frontières

intérieures, obstacles créés notamment par des actions de particuliers sur son territoire, peut avoir des conséquences aussi graves qu'un acte positif portant atteinte à ces libertés. Sur ce point, les États membres ont l'obligation non seulement de ne pas accomplir eux-mêmes des actes ou adopter des comportements susceptibles de constituer un obstacle aux libertés fondamentales, mais également, en liaison avec l'article 5 du traité CEE (devenu article 5 du traité CE et, maintenant, article 10 CE), de prendre toutes mesures nécessaires et appropriées pour assurer sur leur territoire le respect de ces libertés (46).

79.
    Étant donné cette imputation à un État membre de la discrimination due à l'action de particuliers sur son territoire, il n'est pas douteux que l'on puisse appliquer aux relations entre ces particuliers non seulement l'article 48 du traité CEE et l'article 7 du règlement n° 1612/68, mais aussi l'article 7 du traité CEE, surtout dans la mesure où les obligations découlant de cet article sont bien définies et claires. A cet égard, il n'est pas du tout étonnant que, en ce qui concerne l'article 119 du traité CEE (devenu ultérieurement article 119 du traité CE; les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 à 143 CE), il soit désormais admis que, puisque cet article a un caractère impératif, la prohibition des discriminations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins s'impose non seulement

aux autorités publiques, mais s'étend également à toutes conventions visant à régler de façon collective le travail salarié, ainsi qu'aux contrats entre particuliers (47). Cela étant, il est vraiment difficile d'imaginer que, alors qu'un contrat de travail conclu entre particuliers doit, en vertu de l'article 119 du traité CEE, être conforme au principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins, le principe de l'égalité de traitement entre les ressortissants des États membres de la Communauté, consacré par l'article 7 du traité CEE, pourrait ne pas être respecté dans le cas d'une convention portant sur la prestation de soins médicaux et hospitaliers. En conséquence, même si l'on devait considérer que la discrimination fondée sur la nationalité résulte du pouvoir discrétionnaire d'un établissement hospitalier isolé, comme le CHL, ou de l'application par celui-ci d'une décision d'une entente entre établissements hospitaliers, comme l'EHL, et que ces personnes morales sont des personnes morales de droit privé, il faudrait encore admettre que l'article 7 du traité CEE est applicable.

ad)    Conclusion concernant le choix de la base juridique

80.
    Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons donc à la Cour, en ce qui concerne la base juridique de l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité, de déclarer que le juge national doit appliquer l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68

aux faits de l'affaire au principal. Si, malgré cela, la Cour juge que ces faits n'entrent pas dans le champ d'application matériel de ce règlement, alors elle peut très bien décider qu'il y a lieu d'appliquer l'article 7 du traité CEE.

b)    Sur l'application d'un traitement différent à des cas similaires

81.
    Compte tenu des faits de l'affaire au principal, il est opportun de formuler un certain nombre de remarques concernant, d'une part, l'existence et, plus particulièrement, l'objet du traitement discriminatoire (ba) et, d'autre part, la similitude de ces cas traités différemment (bb).

ba)    Objet de la différence de traitement

82.
    Dans l'ordonnance de renvoi, le juge national n'indique pas de manière détaillée pour quelles composantes particulières des soins hospitaliers dispensés en cas d'accouchement il existe une différence de traitement, quant aux tarifs appliqués, entre les affiliés et les non-affiliés au régime national de sécurité sociale. Les seules données chiffrées à cet égard que comporte l'ordonnance de renvoi figurent dans la description

des affirmations de l'appelant (48), mais il n'y est en aucun cas indiqué précisément sur la base de quelles règles, conventions ou décisions chacun des prix mentionnés avait été fixé. La seule donnée qui puisse être tirée de l'ordonnance de renvoi, et plus particulièrement de la formulation de la question préjudicielle, et délimiter la réponse de la Cour, c'est le fait qu'il résulte de l'ensemble des dispositions en vigueur au Luxembourg à l'époque des faits de l'affaire au principal que, pour les soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas d'accouchement, on appliquait aux personnes et organismes non affiliés au régime de sécurité sociale nationale et aux fonctionnaires des Communautés, affiliés au RCAM, des tarifs uniformes plus élevés que ceux valant pour les résidents affiliés au régime national de sécurité sociale.

83.
    Cependant, il y a lieu de signaler que, comme M. Ferlini le soutient et comme il paraît résulter des documents qu'il joint en annexe, sur la base des prix appliqués dans la pratique, la différence de traitement concerne seulement certaines prestations hospitalières et, surtout, des dépenses générales liées à l'accouchement, pour lesquelles les tarifs étaient, dans le cas des non-affiliés au régime national de sécurité sociale, fixés par une décision unilatérale de l'EHL. Selon

M. Ferlini, pour certaines prestations de soins autres que les frais d'accouchement et d'hospitalisation, l'EHL avait décidé, de manière également unilatérale, d'appliquer aux non-affiliés au régime national de sécurité sociale des prix uniformes qui avaient fait l'objet de la convention conclue le 31 décembre 1974 entre l'UCM et l'EHL, relative aux dépenses couvertes par le forfait d'accouchement prévu pour les affiliés aux caisses d'assurance luxembourgeoises. D'après M. Ferlini également, cette convention a probablement été conclue au regard de celle passée entre l'UCM et l'AMMD.

84.
    En tout cas, ce n'est pas à la Cour, mais au juge national, qui connaît le droit national et les faits de l'affaire au principal, qu'il appartient de définir l'objet de la différence de traitement, ainsi que l'étendue et les modalités du mécanisme qui aboutit à celle-ci.

85.
    Toutefois, il y a lieu de signaler que, si la Cour estime que la différence de traitement et, par conséquent, la discrimination sont imputables au cadre légal et réglementaire plus général du grand-duché de Luxembourg (49), alors il n'importe plus spécialement d'éclaircir exactement en relation avec quels tarifs et sur la base de quelles décisions, conventions ou pratiques, précisant ce cadre légal et réglementaire, cette discrimination est exercée. Il y a discrimination si l'on admet la possibilité d'une différence de traitement contraire au droit

communautaire, laquelle existe au niveau du cadre légal et réglementaire susmentionné, indépendamment du point de savoir si ceux qui font application de ce cadre, pour quelque raison que ce soit, exploitent ou n'exploitent pas cette possibilité à un moment donné.

bb)    Similitude des cas traités différemment

86.
    Eu égard aux faits de l'affaire au principal, il se pose la question de savoir si les deux catégories de personnes, c'est-à-dire, d'une part, les affiliés au régime national luxembourgeois de sécurité sociale et, d'autre part, les non-affiliés à ce régime, parmi lesquels figurent les fonctionnaires des Communautés, qui sont affiliés au RCAM, se trouvent dans des situations similaires, de telle sorte que l'application à chacune de ces catégories de tarifs différents pour les soins hospitaliers dispensés en cas d'accouchement constitue une discrimination. Nous pensons qu'il convient de répondre affirmativement à cette question, en dépit des arguments qu'invoquent le gouvernement luxembourgeois et le CHL, intimé au principal.

87.
    Premièrement, le fait que les deux catégories de personnes soient affiliées à des régimes légaux de sécurité sociale différents ne pourrait justifier que l'on affirme qu'il s'agit de deux cas qui doivent être différenciés au regard du droit communautaire en ce qui concerne les tarifs des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas d'accouchement. Malgré leur autonomie, tant le régime national luxembourgeois de sécurité sociale que le RCAM ne peuvent violer les

principes et les règles régissant le droit communautaire. Comme la Cour l'a jugé, même si, «en l'absence d'une harmonisation au niveau communautaire, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer, d'une part, les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale (....) et, d'autre part, les conditions qui donnent droit à des prestations (...), les États membres doivent néanmoins, dans l'exercice de cette compétence, respecter le droit communautaire» (50). Par ailleurs, une discrimination quant aux tarifs des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité pourrait difficilement être considérée comme concernant l'organisation du régime de sécurité sociale, au sens précité. Parallèlement, le fait que l'article 9, paragraphe 2, de la réglementation commune concernant le RCAM prévoit que «les institutions s'efforcent, dans la mesure du possible, de négocier, avec les représentants du corps médical et/ou les autorités, associations et établissements compétents, des accords fixant les taux applicables aux bénéficiaires, compte tenu des conditions locales et, le cas échéant, des barèmes déjà en vigueur, tant du point de vue médical que du point de vue hospitalier» ne signifie pas que, dans le cadre des accords précités, ces institutions puissent violer le droit communautaire primaire et, plus particulièrement, le principe interdisant les discriminations fondées sur la nationalité entre les travailleurs ressortissants de la Communauté.

88.
    En outre, on ne peut considérer comme convaincant l'argument selon lequel les fonctionnaires des Communautés n'ont pas besoin d'invoquer les règles du droit communautaire pour circuler librement sur le territoire des États membres, puisqu'ils bénéficient des droits prévus par le protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes. Ces droits sont accordés dans l'intérêt des Communautés, pour leur permettre d'accomplir leur mission (51), font référence, en règle générale, au traitement dont bénéficient les missions diplomatiques (52) et leur ampleur et leur dynamique ne sont pas les mêmes que celles des droits que le droit communautaire confère aux ressortissants de la Communauté — maintenant citoyens de l'Union. Ainsi, alors que l'argument susmentionné pourrait éventuellement être invoqué dans le cas des fonctionnaires des Communautés qui n'ont pas la nationalité d'un État membre (53), cela ne serait pas possible dans celui des fonctionnaires possédant une telle nationalité. Comme il résulte des arrêts Echternach e.a. (déjà cité à la note 22), Schmid (déjà cité à la note 18) et Forcheri (déjà cité à la note 34), ces derniers continuent d'avoir la qualité de travailleur, au sens de l'article 48 du traité, et de jouir de l'ensemble des avantages conférés par le droit communautaire, indépendamment de leur fonction spécifique. Si l'on envisageait leur situation juridique dans le seul cadre du protocole sur les privilèges et

immunités des Communautés européennes, on violerait donc le droit communautaire et les droits qu'ils y puisent.

89.
    Deuxièmement, le fait que, à l'époque des faits de l'affaire au principal, aucun accord n'avait été conclu entre le RCAM et l'EHL, alors qu'il existait de tels accords avec l'UCM, ne paraît pas décisif quant à l'existence d'une discrimination entre cas similaires. Comme la Commission et M. Ferlini l'indiquent, il s'agit, en l'espèce, de tarifs de soins qui ne résultent pas de conventions, mais concernent l'ensemble des soins dispensés en cas d'accouchement qui sont définis par les dispositions légales et réglementaires. En tout cas, il y a lieu de souligner que, du fait de leur caractère obligatoire dans le cadre du système luxembourgeois, les accords précités constituent, en substance, une forme de réglementation uniforme émanant de l'État et diffèrent beaucoup de ce qu'il faut considérer comme des conventions de droit privé exprimant la liberté contractuelle des personnes fournissant des services.

90.
    Troisièmement, on ne peut considérer comme convaincante l'argumentation selon laquelle les non-affiliés au régime luxembourgeois de soins de santé, d'une part, ont des revenus élevés et bénéficient de taux élevés de couverture et de remboursement des frais dans le cadre de leur régime d'assurance et, d'autre part, ne paient pas l'impôt luxembourgeois ni ne versent de cotisations au régime national de sécurité sociale.

91.
    Tout d'abord, selon l'ordonnance de renvoi, les tarifs appliqués aux actes médicaux dans le cadre du régime de sécurité sociale luxembourgeois sont uniformes. Ils sont fixés exclusivement d'après la nature de la prestation et ne varient ni en fonction du revenu des patients ni des compétences du prestataire de soins.

92.
    En outre, en ce qui concerne la circonstance que les non-affiliés au régime national de sécurité sociale ne paient pas d'impôts, la Cour a jugé, en ce qui concerne la situation particulière d'un fonctionnaire des Communautés et de sa famille, que, «si, en vertu de l'article 13, deuxième alinéa, du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, il est exempt d'impôts nationaux sur traitements, salaires et émoluments versés par les Communautés, il est soumis, en contrepartie, en vertu du premier alinéa du même article, à un impôt sur traitements, salaires et émoluments au profit des Communautés, dont l'État membre d'accueil, en tant que membre des Communautés, bénéficie indirectement. Le fait qu'il n'acquitte pas un impôt sur son traitement au Trésor national ne constitue donc pas un motif valable pour différencier le cas du fonctionnaire et de sa famille de celui du travailleur migrant dont les revenus sont soumis à la fiscalité de l'État de résidence» (54).

93.
    De plus, on ne pourrait non plus justifier la différence des traitement appliqués aux deux catégories en faisant valoir que les

fonctionnaires des Communautés européennes, et plus généralement les non-affiliés au régime national de sécurité sociale, ne versent pas de cotisations à ce dernier. D'abord, comme nous l'avons déjà indiqué, dans le cadre du régime luxembourgeois, les tarifs sont calculés d'après la nature et le coût de la prestation et non pas en fonction de la cotisation payée. De plus, les frais résultant des soins dispensés en cas de maternité sont couverts directement par l'État et non par les caisses d'assurance, auquel cas l'absence de paiement de cotisations sociales pourrait éventuellement avoir une certaine importance.

94.
    Comme la Commission le fait observer à juste titre, si l'on se ralliait à l'argument précité, combiné avec l'affirmation du CHL, intimé au principal, selon laquelle les tarifs appliqués aux fonctionnaires des Communautés européennes correspondent à la valeur réelle des prestations offertes, cela signifierait que les tarifs qui sont appliqués aux affiliés au régime national sont inférieurs au coût — fait qu'il appartient, en tout cas, au juge national de vérifier — et que l'on pourrait exiger un paiement supplémentaire des ressortissants des autres États membres dès lors qu'ils ne paient pas d'impôts ni de cotisations dans cet État. Cependant, un tel résultat serait contraire au principe communautaire de la libre circulation des personnes, qui impose de conférer aux ressortissants des autres États membres les mêmes droits que ceux accordés aux nationaux, même si cela entraîne un coût supplémentaire

pour l'État membre dans lequel ces ressortissants ne paient pas d'impôts ni de cotisations (55).

95.
    Enfin, comme la Commission le souligne avec raison, si tous les arguments qui précèdent, qui concernent la situation financière des fonctionnaires des Communautés et la circonstance qu'ils ne paient pas d'impôts ni de cotisations, pourraient éventuellement être utilisés pour tenter de justifier l'absence de couverture et de remboursement des dépenses de santé par les caisses d'assurance luxembourgeoises, ils ne paraissent en aucun cas être des arguments appropriés pour justifier simplement une majoration des tarifs des soins.

c)    Sur la justification objective de la différence de traitement

96.
    La différence de traitement quant aux tarifs des soins médicaux et hospitaliers dont font l'objet les non-affiliés au régime national luxembourgeois de sécurité sociale ne paraît pas justifiée objectivement, élément qui, parmi d'autres, prouve que cette différence de traitement est contraire au droit communautaire (56).

97.
    Outre le fait qu'elles ne sont pas invoquées par le CHL ni par le gouvernement luxembourgeois, aucune des exceptions prévues à l'article 48, paragraphe 3, du traité CEE, pas même celle visant la santé publique, ne paraît pouvoir s'appliquer en l'espèce. Comme la Commission le signale avec raison, on ne pourrait raisonnablement imaginer que la santé publique dépende d'une différenciation des tarifs des soins médicaux appliqués, d'une part, aux affiliés au régime national et, d'autre part, aux fonctionnaires des Communautés ni, naturellement, que l'application des mêmes tarifs constitue une menace pour la santé publique.

98.
    Puisque la différence de traitement litigieuse concerne un problème purement économique, on pourrait éventuellement affirmer qu'elle entre dans le champ d'application de la jurisprudence Decker, conformément à laquelle «des objectifs de nature purement économique ne peuvent justifier une entrave au principe fondamental de libre circulation des marchandises. Toutefois, il ne saurait être exclu qu'un risque d'atteinte grave à l'équilibre financier du système de sécurité sociale puisse constituer une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier pareille entrave» (57).

99.
    Outre le fait que personne n'invoque ni ne prouve «un risque d'atteinte grave à l'équilibre financier du système de sécurité sociale» luxembourgeois, il ne semble pas qu'un tel risque existe dans la pratique.

100.
    Il convient de rappeler que ni l'État luxembourgeois ni les caisses d'assurance de cet État ne couvrent les frais résultant des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité aux non-affiliés au régime national, et en particulier aux fonctionnaires des Communautés, alors que, dans le cas des affiliés, ces frais sont couverts par l'État et non par les caisses d'assurance. En conséquence, malgré le nombre peut-être important de fonctionnaires des Communautés résidant au Luxembourg, les soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité à ces fonctionnaires ne grèvent pas spécialement le régime de sécurité sociale de cet État.

101.
    S'il était démontré que les tarifs appliqués aux affiliés au régime national sont inférieurs au coût des prestations, on pourrait éventuellement soutenir que l'application de ces tarifs aux fonctionnaires des Communautés, qui ne sont pas affiliés au régime national, grèverait le budget affecté au financement par l'État des soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité. Cependant, comme nous l'avons déjà indiqué, d'une part, cela n'est pas contraire à l'esprit de la protection de la libre circulation des personnes à l'intérieur de la Communauté (58) et, d'autre part, on ne peut objecter aux fonctionnaires

des Communautés qu'ils doivent payer plus cher les mêmes services parce qu'ils ne versent pas d'impôts à l'État luxembourgeois (59).

102.
    En dernière analyse, rien ne permet d'affirmer que, en raison de leurs revenus — éventuellement — comparativement élevés ou en raison des plafonds — éventuellement — comparativement élevés jusqu'à concurrence desquels leur caisse de maladie couvre et rembourse les frais, les fonctionnaires des Communautés et leur organisme d'assurance doivent financer le régime national luxembourgeois de sécurité sociale.

d)    Conclusion sur l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité

103.
    Eu égard aux observations qui précèdent, nous pensons donc que l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 signifie qu'il exclut l'application aux ressortissants des États membres qui travaillent sur le territoire d'un autre État membre, comme, en l'espèce, le Luxembourg, mais ne sont pas affiliés au régime national de sécurité sociale de cet État et parmi lesquels figurent les fonctionnaires des Communautés, qui sont affiliés au RCAM, de tarifs plus élevés, pour les soins hospitaliers et médicaux dispensés en cas de maternité, que ceux valant pour les personnes résidant dans cet État qui sont affiliées au régime national de sécurité sociale.

104.
    Comme la Commission le signale, il faut admettre, en conséquence de ce qui précède, que «les membres du groupe défavorisé doivent être traités de la même façon et se voir appliquer le même régime que les autres intéressés, régime qui, à défaut de l'application correcte du droit communautaire, reste le seul système de référence valable» (60).

C — Sur la protection de la concurrence

105.
    En l'espèce, l'éventuelle violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE concerne principalement le fait qu'une entente entre hôpitaux, comme, en l'espèce, l'EHL, applique aux personnes et organismes qui ne sont pas affiliés au régime national de sécurité sociale et parmi lesquels figurent les fonctionnaires des Communautés, qui sont affiliés au RCAM, des tarifs plus élevés, pour les soins hospitaliers dispensés en cas de maternité, que ceux valant pour les affiliés au régime national de sécurité sociale.

106.
    Il y a, toutefois, lieu de signaler, à titre préliminaire, que la violation précitée, dans la mesure où elle existe, peut être imputée à l'État membre lui-même dont le cadre légal et réglementaire permet des violations de ce genre (61). Comme la Cour l'a déclaré, bien qu'il soit vrai que, par lui-même, l'article 85 du traité concerne uniquement le

comportement des entreprises et ne vise pas les mesures législatives ou réglementaires émanant des États membres, il est également vrai que cet article, lu en combinaison avec l'article 5 du traité, impose aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises. Tel est le cas lorsqu'un État membre soit impose ou favorise la conclusion d'ententes contraires à l'article 85 ou renforce les effets de telles ententes, soit retire à sa propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intervention en matière économique (62).

107.
    Donc, pour décider s'il existe, en l'espèce, un accord entre entreprises, une décision d'association d'entreprises ou une pratique concertée interdits, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE (f), nous examinerons ci-après si les conditions nécessaires sont remplies et, précisément, s'il existe une entreprise et une association d'entreprises (a), un accord entre entreprises, une décision d'association d'entreprises ou une pratique concertée (b), qui a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (c) et est susceptible d'affecter le commerce entre les États membres (d) de manière sensible (e).

a)    Sur l'existence d'une entreprise et d'une association d'entreprises

108.
    L'article 85, paragraphe 1, vise les accords entre entreprises, les décisions d'associations d'entreprises et les pratiques concertées. En conséquence, il convient d'examiner, d'abord, si les hôpitaux sont des entreprises et si une entente entre hôpitaux, telle que l'EHL, est une association d'entreprises au sens de la disposition en question.

109.
    Selon la jurisprudence, la notion d'entreprise «comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement» (63).

110.
    A notre avis, il ne fait aucun doute que, dans leurs relations avec les non-affiliés au régime national de sécurité sociale et, en particulier, avec les fonctionnaires des Communautés, relations qui nous intéressentdirectement en l'espèce, les hôpitaux luxembourgeois, indépendamment de leur caractère public ou privé, sont des entreprises au sens défini ci-dessus.

111.
    Le CHL et les autres hôpitaux luxembourgeois exercent une activité économique dans la mesure où ils fournissent des services — en

l'espèce, les soins dispensés en cas de maternité — contre rémunération (64). Nous pensons que, compte tenu de l'interprétation large que fait la Cour de la notion d'activité économique et, par suite, de la notion d'«entreprise», on ne peut objecter que des activités professionnelles telles que celles qui sont liées à la profession médicale sont régies par des règles particulières quant à la déontologie et à la fixation des honoraires, sont, en principe, dépourvues de caractère commercial et ne peuvent, pour ces seuls motifs, constituer une activité économique soumise aux règles de concurrence (65). Cela est encore plus vrai lorsque, comme nous l'expliquerons ci-après, le lien concret de l'objet de l'activité en cause avec l'accord entre entreprises, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée ne justifie pas que l'on invoque les motifs précités, qui, à première vue, confèrent, en effet, une spécificité aux activités de prestation de soins médicaux et hospitaliers.

112.
    En outre, il est, en principe, indifférent qu'un hôpital soit public ou privé, bien que le caractère public d'un hôpital puisse, dans certaines conditions, que nous indiquerons ci-après, susciter des doutes quant à sa qualification en tant qu'entreprise.

113.
    Comme la Commission le signale avec raison, on ne pourrait soutenir que, dans leurs relations avec les non-affiliés au régime national de sécurité sociale, les hôpitaux, même si l'on pouvait les qualifier de publics, exercent une activité qui s'insère dans le cadre du service de la sécurité sociale. Dès lors que les hôpitaux eux-mêmes invoquent le fait que les fonctionnaires des Communautés ne relèvent pas de ce cadre, leurs relations avec ces derniers, bien qu'elles concernent des soins médicaux et hospitaliers, ne peuvent qu'être, en principe, qualifiées d'économiques et d'étrangères à toute notion de solidarité nationale dans le cadre de la sécurité sociale. En conséquence, il n'y a pas lieu d'appliquer la jurisprudence qui se dégage de l'arrêt Poucet et Pistre, précité, où la Cour a jugé que «les caisses de maladie ou les organismes qui concourent à la gestion du service public de la sécurité sociale remplissent une fonction de caractère exclusivement social. Cette activité est, en effet, fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif. Les prestations versées sont des prestations légales et indépendantes du montant des cotisations. Il s'ensuit que cette activité n'est pas une activité économique et que, dès lors, les organismes qui en sont chargés ne constituent pas des entreprises au sens des articles 85 et 86 du traité» (66). De plus, en l'espèce, l'accord présumé concerne simplement les hôpitaux et non les caisses de maladie ou les organismes d'assurance. En outre, comme il résulte des données mêmes de la question préjudicielle, l'EHL, en tant qu'entente entre ces hôpitaux, a la possibilité de fixer le niveau de la

contrepartie exigée pour les services fournis aux non-affiliés au régime national de sécurité sociale et même de la fixer unilatéralement, sans devoir conclure préalablement un accord avec les organismes d'assurance concernés.

114.
    Sur ce dernier point, qui est aussi le point litigieux en ce qui concerne l'éventuelle violation des règles de concurrence, il y a lieu de signaler que, comme la Cour l'a indiqué, «la notion d'entreprise, placée dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l'objet de l'accord» (67). En d'autres termes, dans chaque affaire, la notion d'«entreprise» doit être entendue dans un sens fonctionnel, compte tenu de l'activité qui est liée à l'objet de l'accord entre entreprises, de la décision d'association d'entreprises ou de la pratique concertée en cause.

115.
    En l'espèce, cette approche fonctionnelle du problème incite à considérer que la relation entre les hôpitaux et les non-affiliés au régime national de sécurité sociale relève du secteur privé de l'économie et fait obstacle à ce que l'on envisage, même pour les hôpitaux publics, une activité liée à l'exercice de privilèges attachés à la puissance publique, servant l'intérêt public ou protégeant la santé publique. En réalité, comme nous l'avons indiqué dans un point précédent des présentes conclusions, il serait très difficile de soutenir que la fixation unilatérale

de tarifs plus élevés pour les non-affiliés au régime national de sécurité sociale est nécessaire pour des motifs d'intérêt public ou de protection de la santé publique.

116.
    Dès lors que, dans leurs relations avec les non-affiliés au régime national de sécurité sociale, les hôpitaux peuvent être qualifiés d'entreprises, il semble que l'entente existant entre eux, en l'espèce l'EHL, puisse constituer une association d'entreprises dans le cadre des relations précitées. Cependant, puisque l'ordonnance de renvoi ne mentionne pas dans le détail les règles régissant l'organisation et le fonctionnement de l'EHL, il ne paraît pas que la Cour puisse apprécier les éléments invoqués surtout par M. Ferlini, selon lesquels l'EHL est une association sans but lucratif qui est dotée de la personnalité juridique et doit être considérée comme une association d'entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1. C'est au juge national, qui connaît le droit national, qu'il appartient d'apprécier ces éléments et d'appliquer les critères dégagés par la jurisprudence de la Cour quant à l'existence d'une «association d'entreprises» (68); il peut, en tout cas, s'il le juge

nécessaire, poser sur ce point une question préjudicielle à la Cour. Il faut, cependant, signaler que les observations qui suivent concernant l'existence ou non d'un accord entre entreprises, d'une décision d'association d'entreprises ou d'une pratique concertée risquent de rendre superflue l'élucidation de la question de savoir s'il existe ou non une «association d'entreprises».

b)    Sur l'existence d'un accord entre entreprises, d'une décision d'association d'entreprises ou d'une pratique concertée

117.
    Comme la Commission le fait observer, la question préjudicielle déférée semble partir de l'hypothèse, sinon de la certitude, qu'il existe entre les hôpitaux luxembourgeois un accord visant à appliquer aux

personnes et organismes qui ne sont pas affiliés au régime national de sécurité sociale et aux fonctionnaires des Communautés, qui sont affiliés au RCAM, des tarifs uniformes pour les soins dispensés en cas de maternité. C'est dans le cadre de cet accord que semble s'inscrire la fixation par l'EHL des tarifs hospitaliers applicables à partir du 1er janvier 1989 aux personnes et organismes non affiliés au régime national de sécurité sociale. Ces tarifs paraissent avoir été respectés par les hôpitaux adhérant à l'EHL, parmi lesquels le CHL.

118.
    Puisque l'article 85, paragraphe 1, du traité vise les trois formes éventuelles de coopération (accord entre entreprises, décision d'association d'entreprises et pratique concertée), il ne semble pas qu'il soit très important d'opérer une distinction précise entre elles pour répondre à la présente question préjudicielle. Cependant, il résulte de ce qui précède que, en l'espèce, il s'agit, selon toute probabilité, d'une décision d'association d'entreprises, sans que l'on puisse, bien sûr, exclure l'existence d'un accord entre entreprises ou d'une simple pratique concertée. En tout cas, il appartient ici aussi au juge national, qui connaît le mieux les aspects juridiques et les faits de l'affaire au principal, de procéder à la qualification appropriée, en appliquant les conclusions de la jurisprudence de la Cour et en posant éventuellement, s'il le juge nécessaire, une nouvelle question préjudicielle à la Cour au sujet de cette qualification.

c)    Sur le point de savoir si le jeu de la concurrence est empêché, restreint ou faussé

119.
    L'article 85, paragraphe 1, du traité interdit tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

120.
    En outre, «d'après une jurisprudence constante de la Cour, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue dès qu'il apparaît qu'il a pour objet de restreindre, empêcher ou fausser le jeu de la concurrence. La même considération s'applique à une décision d'une association d'entreprises» (69).

121.
    De plus, l'accord horizontal, la pratique concertée ou la décision d'association d'entreprises d'un même secteur visant à fixer un tarif uniforme des prestations fournies constituent, comme l'indiquent tant la Commission que M. Ferlini, un exemple classique d'accord ayant pour objet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché de services concerné. C'est pourquoi, l'article 85, paragraphe 1, sous a), mentionne expressément parmi les formes de violation des règles de la libre

concurrence la fixation directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente de biens ou de services (70).

122.
    En l'espèce, il ne semble qu'il soit douteux que la fixation de tarifs uniformes pour les soins hospitaliers dispensés en cas de maternité, applicables aux personnes et organismes non affiliés au régime national luxembourgeois de sécurité sociale, entre dans le champ d'application de la règle interdisant tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui ont pour objet de restreindre le jeu de la concurrence dans le cadre de la prestation des services précités.

d)    Sur l'incidence sur le commerce intracommunautaire

123.
    Il faut rappeler que, d'après la jurisprudence de la Cour, l'article 85, paragraphe 1, du traité n'exige pas que les accords visés à cette disposition aient affecté les échanges intracommunautaires, preuve qui dans la plupart des cas ne saurait d'ailleurs que difficilement être administrée à suffisance de droit, mais demande qu'il soit établi que ces accords sont de nature à avoir un tel effet (71). De même, d'après une

jurisprudence constante, «pour qu'une décision, un accord ou une entente soit susceptible d'affecter le commerce entre États membres, ils doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres et cela de manière à faire craindre qu'ils puissent entraver la réalisation d'un marché unique entre États membres» (72).

124.
    En outre, d'après une jurisprudence constante de la Cour, «le fait qu'une entente de prix du type litigieux n'ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres peut être affecté; (...) en effet, une entente s'étendant à l'ensemble du territoire d'un Etat membre est susceptible d'avoir, par sa nature même, l'effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité et assurant une protection à la production nationale; (...) à cet égard, il importe de rechercher à la fois les moyens dont disposent les membres d'une entente pour assurer que la clientèle reste fidèle, l'importance relative

de l'entente dans le marché en cause et le contexte économique dans lequel l'entente se situe» (73).

125.
    En l'espèce, l'incidence sur le commerce intracommunautaire peut résulter du fait que l'application de tarifs plus élevés pour les soins hospitaliers dispensés en cas de maternité peut, selon toute probabilité, amener les non-affiliés au régime national luxembourgeois à souhaiter être hospitalisés en dehors du Luxembourg. En d'autres termes, il est probable que la décision litigieuse de l'EHL, qui a fixé des tarifs plus élevés pour les non-affiliés au régime national de sécurité sociale et pour les fonctionnaires des Communautés travaillant au Luxembourg, qui sont affiliés au RCAM, détourne de son orientation attendue le commerceconcernant les soins hospitaliers dispensés en cas de maternité existant sur le marché concerné.

126.
    Bien qu'il appartienne au juge national, qui connaît le mieux le droit national et les faits de l'affaire au principal, d'examiner dans le détail les paramètres juridiques et factuels sur la base desquels

l'incidence en question sur le commerce intracommunautaire pourra être établie avec une certaine probabilité, il y a lieu de signaler certains éléments qui, eu égard aux critères définis par la jurisprudence, devraient conduire de manière positive à la conclusion en question.

127.
    D'une part, la fixation de tarifs plus élevés pour les soins hospitaliers dispensés en cas de maternité, concernant l'ensemble du territoire et des hôpitaux d'un État membre peut, d'une manière générale, du fait de sa nature même, avoir pour résultat de renforcer l'étanchéité du marché national, en faisant ainsi obstacle à l'interpénétration économique à laquelle vise le traité. Le fait que, en l'espèce, il s'agit de l'État luxembourgeois et, principalement, des fonctionnaires des Communautés qui travaillent sur le territoire de ce dernier plaide largement en faveur de la probabilité susmentionnée. En raison de la faible étendue de cet État membre et de son voisinage avec trois autres États membres (Belgique, France et Allemagne), on peut considérer qu'il est très probable qu'une grande partie des fonctionnaires des Communautés qui travaillent au Luxembourg souhaitent recevoir les soins hospitaliers nécessaires dans les hôpitaux de ces États voisins, de même qu'il est très probable que les fonctionnaires des Communautés qui travaillent dans ces États évitent d'être hospitalisés dans les hôpitaux luxembourgeois, en raison des tarifs élevés qu'ils leur appliquent. De plus, on ne peut exclure l'éventualité, qu'invoque M. Ferlini dans ses observations, que les hôpitaux des États voisins tentent d'adapter leurs tarifs aux tarifs élevés fixés par l'EHL, ni

l'éventualité, qu'invoque la Commission, que les organismes auprès desquels sont assurés les non-affiliés au régime national de sécurité sociale concluent des conventions de préférence avec des hôpitaux ou cliniques se trouvant dans un autre État membre.

128.
    D'autre part, la nature des soins hospitaliers litigieux, dispensés en cas de maternité, renforce encore la probabilité évoquée ci-dessus (74). La possibilité de prévoir l'évolution de la grossesse permet habituellement de programmer le lieu de l'accouchement. En outre, on pourrait soutenir que les distances similaires entre les hôpitaux belges, français, allemands et luxembourgeois permettent de choisir un hôpital en fonction du tarif des services offerts, même en cas de circonstances relativement exceptionnelles.

129.
    Sur ce point, il convient de souligner que le juge national risque de constater que les restrictions probables des échanges intracommunautaires dont nous venons de parler n'ont pas été observées dans la pratique jusqu'à présent — surtout avec le caractère sensible qu'exige la jurisprudence (75), parce que les tarifs majorés des soins hospitaliers dispensés en cas de maternité, qui sont appliqués particulièrement aux fonctionnaires des Communautés, sont couverts

dans une très large mesure par le RCAM, ce qui réduit l'importance qu'a pour eux le niveau des tarifs en question lorsqu'ils ont à choisir un hôpital. Cependant, cette constatation éventuelle ne doit pas amener à conclure qu'il n'y a aucune incidence sur le commerce intracommunautaire, au sens des dispositions du droit communautaire. D'une part, il faut rappeler qu'il suffit que cette incidence soit probable et qu'il n'est pas requis qu'elle se soit déjà concrétisée. D'autre part, la couverture des tarifs élevés par le RCAM constitue un facteur extérieur et susceptible de modification contribuant à ce que l'incidence susvisée ne se manifeste pas dans la pratique, facteur qui n'est pas de nature à écarter durablement et de manière générale la possibilité que la fixation litigieuse de tarifs plus élevés ait, par sa nature même, une incidence sur le commerce intracommunautaire (76). A cet égard, dans la mesure où on estime que la fixation des tarifs concernés implique une discrimination fondée sur la nationalité et est contraire au droit communautaire, il est très probable que le RCAM cessera de couvrir ces tarifs élevés susvisés, ce qui, si les hôpitaux luxembourgeois maintiennent ces tarifs, fera

apparaître dans la pratique leur incidence sur le commerce intracommunautaire.

e)    Sur le caractère sensible de la restriction de la concurrence et de l'incidence sur le commerce intracommunautaire

130.
    Pour qu'ils tombent sous le coup de l'interdiction énoncée à l'article 85, un accord entre entreprises, une décision d'association d'entreprises ou une pratique concertée doivent être susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre les États membres et la concurrence (77). Sur ce point, la Cour a jugé que «l'influence que peut exercer un accord sur le commerce entre États membres s'apprécie notamment en considération de la position et de l'importance des parties sur le marché des produits concernés (...). Ainsi, même un accord contenant une protection territoriale absolue échappe à la prohibition de l'article 85 du traité, lorsqu'il n'affecte le marché que d'une manière insignifiante, compte tenu de la faible position qu'occupent les intéressés sur le marché des produits en cause (...)» (78).

131.
    En l'espèce, c'est au juge national, qui connaît le mieux les paramètres juridiques et factuels de l'affaire au principal qu'il appartient d'apprécier si le commerce intracommunautaire est affecté sensiblement par la décision de l'EHL, au regard de la place que les hôpitaux luxembourgeois occupent sur le marché concerné. Toutefois, il convient de délimiter préalablement le marché concerné.

132.
    Du point de vue de l'objet, il semble que le marché concerné soit le marché des services de soins hospitaliers dispensés en cas de maternité aux personnes travaillant au Luxembourg qui ne sont pas affiliées au régime national de sécurité sociale de cet État. Le marché des services en question paraît jouir, en fait, d'une autonomie relative, parce que, comme la Commission le souligne, il se différencie du marché des services correspondants visant les affiliés au régime national, pour lequel les tarifs ont été fixés de manière uniforme soit par la voie réglementaire, soit sur la base de conventions collectives rendues obligatoires pour tous. De plus, il y a lieu de signaler que, du point de vue de la demande, c'est-à-dire des personnes qui ne sont pas affiliées

au régime national de sécurité sociale et ont besoin des soins hospitaliers dispensés en cas de maternité, les soins en question n'ont pas de substitut, circonstance qui renforce encore davantage l'autonomie du marché concerné.

133.
    Sur le plan géographique, le marché concerné paraît être plus malaisé à délimiter. Sa définition dépend du lieu de résidence des personnes travaillant au Luxembourg qui ne sont pas affiliées au régime national de sécurité sociale et qui, en majeure partie, semblent être des fonctionnaires des Communautés. En particulier, il faut tenir compte de l'étendue géographique du lieu où sont situés les établissements hospitaliers qui offrent les soins dispensés en cas de maternité et, vu la nature de ces soins, se trouvent à une distance appropriée du lieu de résidence des destinataires susvisés de ces soins. On pourrait soutenir que, dans les grandes lignes, ces critères délimitent, du point de vue géographique, un marché concerné qui s'étend, en l'espèce, sur l'ensemble du territoire du Luxembourg et sur la partie appropriée du territoire des États voisins.

134.
    Sur la base des considérations qui précèdent, c'est au juge national qu'il appartient de déterminer si, à l'intérieur du marché ainsi défini géographiquement, la part de marché détenue par les hôpitaux participant à l'EHL concernant les soins susvisés dispensés aux personnes travaillant au Luxembourg qui ne sont pas affiliées au régime national de sécurité sociale est significative ou non.

f)    Conclusion sur la protection de la concurrence

135.
    Eu égard aux remarques qui précèdent, nous pensons que l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'il interdit une décision d'association d'hôpitaux, telle que, en l'espèce, la décision de l'EHL, qui fixe, pour les ressortissants des États membres qui travaillent sur le territoire d'un autre État membre, comme, en l'espèce, le grand-duché de Luxembourg, mais qui ne sont pas affiliés au régime national de sécurité sociale de cet État et parmi lesquels figurent les fonctionnaires des Communautés, qui sont affiliés au RCAM, des tarifs concernant les soins hospitaliers dispensés en cas de maternité plus élevés que ceux valant pour les résidents de cet État qui sont affiliés au régime national de sécurité sociale, si le juge national estime que la décision précitée est de nature à affecter sensiblement le commerce intracommunautaire (79).

VI — Conclusion

136.
    Nous proposons à la Cour de répondre dans les termes suivants à la question préjudicielle déférée par le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg (8e chambre):

«1) L'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68 signifie qu'il exclut l'application aux ressortissants des États membres qui travaillent sur le territoire d'un autre État membre, comme, en l'espèce, le grand-duché de Luxembourg, mais ne sont pas affiliés au régime national de sécurité sociale de cet État, et parmi lesquels figurent les fonctionnaires des Communautés européennes, qui sont affiliés au RCAM, de tarifs concernant les soins médicaux et hospitaliers dispensés en cas de maternité plus élevés que ceux valant pour les résidents de cet État qui sont affiliés au régime national de sécurité sociale.

2) L'article 85, paragraphe 1, du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'il interdit une décision d'association d'hôpitaux, comme, en l'espèce, la décision de l'EHL, qui fixe, pour les ressortissants des États membres qui travaillent sur le territoire d'un autre État membre, comme, en l'espèce, le grand-duché de Luxembourg, mais ne sont pas affiliés au régime national de sécurité sociale de cet État, et parmi lesquels figurent les fonctionnaires des Communautés européennes, qui sont affiliés au RCAM, des tarifs concernant les soins hospitaliers dispensés en cas de maternité plus élevés que ceux valant pour les résidents de cet État qui sont affiliés au régime national de sécurité

sociale, si l'on estime que la décision précitée est de nature à affecter sensiblement le commerce intracommunautaire.»


1: Langue originale: le grec.


2: —     La juridiction de renvoi se réfère aux articles correspondants du traité CE. Cependant, étant donné l'époque à laquelle se sont déroulés les faits de l'affaire au principal, il y a lieu de considérer que la réponse à la question préjudicielle doit porter sur l'interprétation des articles du traité CEE.


3: —     JO L 257, p. 2.


4: —     JO L 39, p. 2.


5: —     JO L 230, p. 6.


6: —     Selon M. Ferlini, les Communautés européennes revendiquaient la même nomenclature des actes médicaux, les mêmes barèmes de cotisations et les mêmes tarifs que ceux qui étaient appliqués aux personnes affiliées au régime luxembourgeois de sécurité sociale. Toutefois, les milieux professionnels luxembourgeois s'opposaient à ces revendications, souhaitant tarifer les prestations médicales en fonction des revenus, présumés importants, des fonctionnaires des Communautés et de la nature des prestations.


7: —     Plus précisément, comme le juge national l'indique, avant 1925, la législation sur l'assurance sociale ne prévoyait pas le libre choix du médecin. Elle recommandait mais n'imposait pas de conventions entre les caisses de maladie et les prestataires de services médicaux. Si celles-ci existaient, elles étaient donc de nature purement conventionnelle.

    La loi du 17 décembre 1925 prévoyait une réglementation générale des tarifsmédicaux. mais avec une très large marge de variation (du simple au triple). Puisque, par ailleurs, elle fixait des contributions maximales pouvant être demandées par les caisses aux affiliés, qui avaient désormais le libre choix du médecin, des conventions étaient nécessaires, même si elles n'étaient toujours

pas obligatoires. De plus, la nature même de l'assurance sociale exigeait des tarifs uniformes pour tous les affiliés relevant d'une même catégorie professionnelle.

    La loi du 6 septembre 1933 a introduit dans le code des assurances sociales un article 308bis selon lequel, à défaut de convention, un organisme paritaire arrêterait une sentence qui serait rendue obligatoire par le gouvernement.

    Les conventions collectives et les sentences de la commission devenaient obligatoires après homologation par le gouvernement.

    A partir de 1951, le bénéfice de l'assurance-maladie a été étendu à toute la population. L'association des médecins a revendiqué une certaine liberté de fixer ses tarifs en fonction du revenu du patient. Cette revendication a été satisfaite dans une certaine mesure avec la loi de réforme du 24 avril 1954.

    Par la loi de réforme du 2 mai 1974, le gouvernement a imposé une nomenclature et un tarif uniformes pour les actes médicaux, quel que soit le revenu de l'assuré et le niveau de qualification du prestataire.

    Depuis cette loi, il existe, en fait, quatre types de normes: les conventions collectives rendues obligatoires par arrêtés ministériels, les sentences de la commission de conciliation et d'arbitrage à défaut de conventions collectives, également rendues obligatoires par arrêtés ministériels, les normes purement conventionnelles et, enfin, les normes purement réglementaires ou légales.

    Les prestations médicales qui sont susceptibles de donner lieu à des tarifs négociés collectivement ou arrêtés par une sentence de la Commission paritaire sont en principe seulement celles qui figurent dans une nomenclature fixée par arrêté ministériel qui fait partie du statut des caisses de maladie luxembourgeoises.

    A partir de la loi budgétaire du 20 décembre 1982, le législateur est intervenu directement pour fixer le tarif de certaines prestations. On peut constater la même pratique dans chaque loi budgétaire depuis lors.


8: —     La Commission indique que, aujourd'hui, le système n'a pas fondamentalement changé dans sa nature, à ceci près que des conventions séparées sont maintenant conclues pour le secteur hospitalier et pour le secteur non-hospitalier.


9: —     Mémorial A n° 95, du 31 décembre 1974, p. 2398.


10: —     Le texte de cette circulaire est annexé aux observations écrites de M. Ferlini.


11: —     Se référant à la circulaire de l'UCM, M. Ferlini affirme que la première de ces trois composantes était tarifée d'après la convention entre l'UCM et l'Association des médecins et médecins-dentistes (ci-après l'«AMMD»), les deuxième et troisième d'après la convention entre l'UCM et l'EHL.

    M. Ferlini souligne, en outre, que, à l'heure actuelle, le nouveau régime légal a été adapté à cette pratique, consistant à faire référence aux tarifs fixés conventionnellement pour toutes ces composantes du forfait prévu.


12: —     Les observations déposées par M. Ferlini indiquent que ce dernier possède la nationalité italienne.


13: —     Voir, à titre indicatif arrêts du 22 octobre 1974, Demag (27/74, Rec. p. 1037, point 8); du 28 janvier 1992, Bachmann (C-204/90, Rec. p. I-249, point 6); du 29 octobre 1980, Boussac/Gerstenmeier, 22/80, Rec. p. 3427, point 5), et du 7 mars 1990, Krantz (69/88, Rec. p. I-583, point 7).


14: —     Sur la différence entre discrimination formelle et discrimination matérielle, voir, à titre indicatif, arrêt du 17 juillet 1963, Italie/Commission [13/63, Rec. p. 337, surtout point 4 a)].


15: —     En ce qui concerne l'article 7 du traité CEE, voir, à titre indicatif, arrêt du 10 février 1994, Mund & Fester (C-398/92, Rec. p. I-467, point 17). En ce qui concerne l'article 48 du traité et l'article 7 du règlement n° 1612/68, voir, à titre indicatif, arrêt du 27 novembre 1997, Meints (C-57/96, Rec. p. I-6689, point 45).


16: —     Voir, à titre indicatif, arrêts du 23 février 1994, Scholz (C-419/92, Rec. p. I-505, point 7) et du 24 septembre 1998, Commission/France (C-35/97, Rec. p. I-5325, point 37).


17: —     Voir, à titre indicatif, arrêt Meints (déjà cité à la note 16 ci-dessus, points 45 et 46). Comme, d'ailleurs, la Commission le souligne, la circonstance que, dans la catégorie favorisée, puissent figurer des ressortissants des autres États membres ou que, dans la catégorie défavorisée, puissent figurer des ressortissants luxembourgeois n'empêche pas qu'il existe une discrimination indirecte. Voir, à titre indicatif, arrêt du 7 juin 1988, Roviello (20/85, Rec. p. 2805, point 16).


18: —     Voir arrêt du 12 mai 1998, Martínez Sala (C-85/96, Rec. p. I-2691, point 36)


19: —     Arrêt du 27 mai 1993 (C-310/91, Rec. p. I-3011).


20: —     Point 44.


21: —     A cet égard, il y a lieu de signaler que l'article 16, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71 prévoit, spécialement pour les agents auxiliaires des Communautés européennes, la possibilité de choisir entre certains régimes nationaux de sécurité sociale. De la limitation de cette possibilité de choix, telle qu'elle ressort de la disposition précitée, il résulte indirectement que le règlement lui-même admet que les fonctionnaires permanents des Communautés ne sont pas soumis aux régimes nationaux ni, par conséquent, ne relèvent de leur champ d'application.

    Selon le gouvernement luxembourgeois, le RCAM, qui a pour base les droits statutaires des fonctionnaires des Communautés, n'entre pas dans le champ d'application du règlement n° 1408/71, dans la mesure où il prévoit un niveau de protection au moins équivalent aux mesures de coordination adoptées en place sur la base de l'article 51 du traité CEE.


22: —     Voir arrêt Martínez Sala (déjà cité à la note 17 ci-dessus, point 31).


23: —     Voir, de manière caractéristique, arrêt du 15 mars 1989, Echternach e.a. (389/87 et 390/87, Rec. p. 723), où la Cour a déclaré qu'«un ressortissant d'un État membre qui occupe, dans un autre État membre, un emploi régi par un statut spécial de droit international, comme, par exemple, un emploi auprès de l'Agence spatiale européenne, doit être considéré comme travailleur d'un État membre au sens de l'article 48, paragraphes 1 et 2, du traité et bénéficie donc, comme les membres de sa famille, des droits et privilèges prévus par ces dispositions et par celles du règlement n° 1612/68 du Conseil» (point 15). Voir aussi arrêt Schmid (déjà cité à la note 18 ci-dessus, point 20).


24: —     Au sujet de la question — différente — de l'effet direct horizontal de l'article 48, voir ci-après le point 77 des présentes conclusions.


25: —     Voir arrêt du 14 mars 1996, De Vos (C-315/94, Rec. p. I-1417, point 18).


26: —     Voir, à titre indicatif, arrêts du 14 janvier 1982, Reina (65/81, Rec. p. 33, point 12); du 27 mars 1985, Hoeckx (249/83, Rec. p. 973, point 20); du 6 juin 1985, Frascogna (157/84, Rec. p. 1739, point 30), ainsi qu'arrêts Schmid (déjà cité à la note 18 ci-dessus, point 18) et Meints (déjà cité à la note 14 ci-dessus, point 39).


27: —     Voir arrêt du 10 mars 1993, Commission/Luxembourg (C-111/91, Rec. p. I-817).


28: —     Voir, à titre indicatif, arrêts du 15 octobre 1969, Ugliola (15/69, Rec. p. 363), concernant la protection contre les désavantages résultant de l'accomplissement des obligations militaires; du 13 décembre 1972, Marsman (44/72, Rec. p. 1243), concernant les mesures de protection contre le licenciement; du 12 février 1974, Sotgiu (152/73, Rec. p. 153), concernant l'«indemnité de séparation» accordée à des travailleurs affectés dans un autre lieu que leur domicile; du 30 septembre 1975, Christini (32/75, Rec. p. 1085), concernant la carte de réduction délivrée par une société nationale de chemins de fer; du 12 juillet 1984, Prodest (237/83, Rec. p. 3153), concernant le droit au maintien de l'affiliation au régime de sécurité sociale de l'État membre où l'entreprise est établie, et du 11 juillet 1985, Mutsch (137/84, Rec. p. 2681), concernant la possibilité pour un travailleur d'utiliser sa langue maternelle dans le cadre d'une procédure devant les juridictions de l'État membre où il réside.


29: —     Voir arrêt du 26 janvier 1999, Terhoeve (C-18/95, Rec. p. I-345, point 41).


30: —     Voir arrêt Terhoeve (déjà cité à la note 28, point 40).


31: —     Voir, à titre indicatif, arrêts du 30 mai 1989, Commission/Grèce (305/87, Rec. p. 1461, point 13), et du 17 mai 1994, Corsica Ferries (C-18/93, Rec. p. I-1783, point 19). Quant au caractère dit subsidiaire de l'article 6 du traité CE (devenu article 12 CE), voir aussi les conclusions de l'avocat général M. La Pergola (points 10 et suiv.) sous l'arrêt du 26 septembre 1996, Data Delecta et Forsberg (C-43/95, Rec. p. I-4661).


32: —     Voir, de manière caractéristique, arrêt Data Delecta (déjà cité à la note 30 ci-dessus, points 14 et 15), concernant des dispositions légales nationales qui entrent dans le champ d'application du traité en raison de leur incidence, même indirecte, sur les échanges intracommunautaires de produits et de services.


33: —     Au sujet de la formation professionnelle, voir, à titre indicatif, arrêts du 13 février 1985, Gravier (293/83, Rec. p. 593), et du 2 février 1988, Blaizot (24/86, Rec. p. 379).


34: —     L'épouse de M. Forcheri avait incontestablement la nationalité italienne.


35: —     Arrêt du 13 juillet 1983, 152/82, Rec. p. 2323, point 9.


36: —     Point 18.


37: —     Voir Starkle, G., «Extension du principe de non-discrimination en droit communautaire au ressortissant d'un État membre licitement installé dans un autre État membre» [observations sur l'arrêt Forcheri, précité], dans Cahiers de droit européen, 1984, p. 672 et suiv. De même, selon l'avocat général M. Darmon, dans l'arrêt Forcheri, la Cour consacre «apparemment le droit, pour tout ressortissant communautaire, indépendamment d'un lien d'emploi avec les institutions communautaires, de jouir de 'l'ensemble des avantages qui découlent du droit communautaire‘, notamment en matière de libre circulation des travailleurs» (conclusions sous l'arrêt Echternach e.a., déjà cité à la note 22, point 24).


38: —     L'article 8 est formulé comme suit:

    «1. Il est institué une citoyenneté de l'Union.

    Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre.

    2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité.»

    En outre, en vertu de l'article 8 A, paragraphe 1, «tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application».


39: —     Voir arrêt Martínez Sala, déjà cité à la note 17, points 62 et 63.


40: —     Au sujet des soins médicaux, la Commission fait référence à l'arrêt du 31 janvier 1984, Luisi et Carbone (286/82 et 26/83, Rec. p. 377), où la Cour ajugé que «les touristes, les bénéficiaires de soins médicaux (...) sont à considérer comme des destinataires de services» (point 16).


41: —     Voir ci-dessus points 52 et suiv. des présentes conclusions.


42: —     Les principaux arguments justifiant ces hésitations étaient les suivants: a) l'économie générale du traité est fondée sur des obligations qui s'adressent aux États membres, sauf dans certains cas peu nombreux où le traité impose expressément des obligations aux particuliers, surtout aux entreprises, pour des motifs de protection de la concurrence; b) d'autres dispositions du traité dont la formulation est vague, comme l'article 48, paragraphe 2, du traité CEE n'avaient pas d'effet direct horizontal; c) c'est, tout d'abord, à la Commission qu'il appartient de contrôler le respect des obligations découlant du traité, Commission qui ne peut agir devant la Cour que contre un acte imputé à un État membre. Voir, à ce sujet, Durand, C.-F., «Les principes», dans Commentaire Mégret. Le droit de la CEE, t. 1 Préambule. Principes. Libre circulation des marchandises, Éditions de l'Université de Bruxelles, Études européennes, 2e éd., 1992, p. 60.


43: —     Voir arrêt du 12 décembre 1974, Walrave et Koch (36/74, Rec. p. 1405, points 16 et 17). Voir aussi arrêt du 14 juillet 1976, Dona/Mantero (13/76, Rec. p. 1333, points 17 et suiv.).


44: —     Voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, Rec. p. I-4921, points 83 et 84).


45: —     Voir ci-après les points 113 à 115 des présentes conclusions.


46: —     Voir arrêt du 9 décembre 1997, Commission/France (C-265/95, Rec. p. I-6959, points 30 à 32), qui concerne plus particulièrement la libre circulation des marchandises.


47: —     Voir, à titre indicatif, arrêt du 31 mai 1995, Royal Copenhagen (C-400/93, Rec. p. I-1275, point 45).


48: —     Comme le juge national l'indique, «au moment où Madame Ferlini était hospitalisée, le forfait remboursé par la caisse de maladie luxembourgeoise aurait été de 36.854,-francs, soit 4.645,-francs pour assistance médicale, 29.949,-francs pour frais de maternité et 2.260.-francs pour produits diététiques, tandis que l'appelant et le RCAM auraient dû payer la somme de 59.306 francs pour les mêmes services, soit une majoration de 71,43% par rapport au tarif national».


49: —     Voir ci-dessus point 77 des présentes conclusions.


50: —     Voir arrêt du 28 avril 1998, Kohll (C-158/96, Rec. p. I-1931, points 18 et 19).


51: —     Voir article 18 du protocole.


52: —     Voir article 6 du protocole.


53: —     La nomination en qualité de fonctionnaire des Communautés d'une personne qui n'a pas la qualité de ressortissant d'un État membre est possible si une dérogation telle que prévue à l'article 28, sous a), du SF lui est accordée.


54: —     Voir arrêt Forcheri (déjà cité à la note 34 ci-dessus, point 19).


55: —     Voir arrêts du 2 février 1989, Cowan (186/87, Rec. p. 195, points 15 à 17), et du 15 mars 1994, Commission/Espagne (C-45/93, Rec. p. I-911), concernant le droit pour les touristes, ressortissants d'un État membre de la Communauté, de se rendre dans un autre État membre et d'y bénéficier de services dans les mêmes conditions que celles valant pour les nationaux et les personnes qui y résident en permanence.


56: —     Voir, à titre indicatif, arrêt Meints (déjà cité à la note 14 ci-dessus, point 45).


57: —     Voir arrêt du 28 avril 1998 (C-120/95, Rec. p. I-1831, point 39).


58: —     Voir ci-dessus point 94 des présentes conclusions.


59: —     Voir ci-dessus point 92 des présentes conclusions.


60: —     Voir arrêt Terhoeve (déjà cité à la note 28 ci-dessus, point 57).


61: —     Voir ci-dessus point 77 des présentes conclusions.


62: —     Voir, à titre indicatif, arrêt du 19 mars 1993, Meng (C-2/91, Rec. p. I-5791, point 14), et du 17 juin 1997, Sodemare e.a. (C-70/95, Rec. p. I-3395, point 41).


63: —     Voir, à titre indicatif, arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C-41/90, Rec. p. I-1979, point 21), et du 17 février 1993, Poucet et Pistre (C-159/91 et C-160/91, Rec. p. I-637, p. 17).


64: —     Voir, au sujet de la notion d'activité économique, arrêt du 18 juin 1998, Commission/Italie (C-35/96, Rec. p. I-3851, point 36).


65: —     Voir Commentaire J. Mégret. Le droit de la CE. 4. Concurrence; Waelbroeck, M., et Frignani, A., Études européennes, Collection dirigée par l'Institut d'Études européennes, 2e éd., 1997, p. 37 et 38.


66: —     Voir arrêt Poucet et Pistre (déjà cité à la note 62, points 18 et 19).


67: —     Voir, sur ce point, arrêt du 12 juillet 1984, Hydrotherm (170/83, Rec. p. 2999, point 11).


68: —     Il y a lieu de signaler que l'on estime que l'on est en présence d'une «association d'entreprises» s'il existe un organe de coordination, même en l'absence de personnalité juridique (voir, sur ce point, Commentaire J. Mégret, ouvr. cit., p. 133 et 134). De même, la Cour a estimé que le but lucratif ou non de l'association était indifférent (voir arrêt du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 88).

    En outre, il y a lieu de signaler que, en ce qui concerne l'existence d'une «association d'entreprises», la Cour a répété plusieurs fois l'idée d'une représentation immédiate ou directe des intérêts des opérateurs d'un secteur

donné et a défini les conditions auxquelles les membres de certaines commissions chargées d'élaborer le tarif applicable à l'ensemble des entreprises exerçant une activité déterminée ne peuvent être considérés comme des représentants des milieux professionnels concernés. Tel est le cas, selon la jurisprudence de la Cour, lorsque: a) les membres des commissions en question (commissions tarifaires) ne sont pas liés par des ordres ou des instructions de la part des entreprises ou associations qui ont proposé leur désignation; les commissions ne peuvent être considérées comme des réunions de représentants d'entreprises du secteur concerné; les membres des commissions peuvent, par conséquent, être qualifiés d'experts indépendants; et b) la loi oblige les membres de ces commissions tarifaires à fixer les tarifs en fonction non des seuls intérêts des entreprises ou associations d'entreprises du secteur qui les ont désignés, mais aussi de l'intérêt général et des intérêts des entreprises d'autres secteurs ou des destinataires de ces services. Voir, à titre indicatif, arrêts du 17 novembre 1993, Reiff (C-185/91, Rec. p. I-5801); du 9 juin 1994, Delta Schiffahrts- und Speditionsgesellschaft (C-153/93, Rec. p. I-2517); du 5 octobre 1995, Centro Servizi Spediporto (C-96/94, Rec. p. I-2883), et du 17 octobre 1995, Dip e.a. (C-140/94 à C-142/94, Rec. p. I-3257).


69: —    Voir arrêt du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission (45/85, Rec. p. 405, point 39).


70: —    Voir arrêt du 3 juillet 1985, Binon/AMP (243/83, Rec. p. 2015, point 44) et arrêt Verband der Sachversicherer/Commission (déjà cité à la note 68, point 41).


71: —    Voir, à titre indicatif, arrêts du 30 janvier 1985, BNIC/Clair (123/83, Rec. p. 391, point 22), et du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission (C-219/95 P, Rec. p. I-4411, point 19).


72: —    Voir, à titre indicatif, arrêt Ferriere Nord/Commission (déjà cité à la note 70, point 19); arrêt du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis e.a. (C-399/93, Rec. p. I-4515, point 18), et arrêt Van Landewyck (déjà cité à la note 67, point 170).


73: —     Voir arrêt du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints/Commission (73/74, Rec. p. 1491, points 24 à 26).

    Il y a lieu de signaler que, dans d'autres arrêts, la Cour paraît utiliser une formule plus absolue, lorsqu'elle indique simplement qu'«une entente s'étendant à l'ensemble du territoire d'un Etat membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité». Voir, à titre indicatif, arrêts du 17 octobre 1972, Vereniging van Cementhandelaren/Commission (8/72, Rec. p. 977, point 29), et du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission (42/84, Rec. p. 2545, point 22).


74: —     Cependant, comme la Commission le signale, si les tarifs plus élevés litigieux visent l'ensemble des soins hospitaliers et non seulement les frais de maternité (voir ci-dessus point 83 des présentes conclusions), il faudra en tenir compte pour apprécier, dans sa globalité, l'incidence probable sur le commerce intracommunautaire.


75: —     Voir ci-après points 130 et suiv. des présentes conclusions.


76: —     Il y a lieu de signaler que la Cour, dans son arrêt du 25 octobre 1983, AEG/Commission (107/82, Rec. p. 3151, point 60) a jugé que, en ce qui concerne les accords qui, par leur nature, sont susceptibles d'influencer le commerce intracommunautaire, «le seul fait qu'à un moment donné les commerçants qui demandent à être admis dans un réseau de distribution ou qui y ont déjà été admis n'effectuent pas d'échanges intracommunautaires ne saurait suffire pour exclure que des limitations à la liberté d'action des négociants puissent entraver le commerce intracommunautaire, la situation pouvant changer d'année en année en fonction de modifications dans les conditions ou la composition du marché tant dans le marché commun dans son ensemble que dans les différents marchés nationaux» (souligné par nous).


77: —     Voir arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin (22/71, Rec. p. 949, point 16).


78: —     Voir arrêt du 28 avril 1998, Javico (C-306/96, Rec. p. I-1983, point 17).

    Il y a lieu de signaler que la Commission, tentant de fixer une limite pour les accords d'importance mineure qui ne sont pas visés par les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, a considéré que les accords horizontaux étaient des accords de ce genre lorsque la part de marché que détiennent les sociétés participantes ne dépasse pas 5% de la partie du marché commun où s'appliquent ces accords ou que le chiffre d'affaires total réalisé au cours d'un exercice par les entreprises participantes ne dépasse pas 200 millions d'écus (voir communication de la Commission, du 3 septembre 1986, concernant les

accords d'importance mineure qui ne sont pas visés par les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne; JO C 231, p. 2). Cependant, comme la Commission elle-même l'indique dans ses observations, dans une communication récente, elle paraît ne pas exclure le cas où, même si les parts de marché sont limitées, c'est-à-dire inférieures au chiffre cité ci-dessus, on puisse admettre l'application de l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, pour certaines catégories d'accords, tels que ceux ayant pour objet de fixer les prix (voir communication concernant les accords d'importance mineure qui ne sont pas visés par les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté européenne; JO 1997, C 372, p. 13).


79: —     Dans le cadre de la présente affaire, il n'est pas nécessaire d'examiner si une telle décision d'association d'hôpitaux peut être exemptée en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE (devenu ultérieurement article 85,paragraphe 3, du traité CE, puis article 81, paragraphe 3, CE). Seule la Commission est compétente pour accorder ces exemptions et il ne résulte d'aucun élément du dossier de l'affaire qu'il ait été question de l'exercice de cette compétence exclusive — ni donc du contrôle exercé dans ce cas par la Cour.