Language of document : ECLI:EU:C:2002:583

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 15 octobre 2002 (1)

Affaire C-326/00

Idryma Koinonikon Asfaliseon (IKA)

contre

Vasileios Ioannidis

[demande de décision préjudicielle formée par le Dioikitiko Protodikeio Thessalonikis (Grèce)]

«Remboursement de frais d'hospitalisation engagés par un titulaire de pension dans un autre État membre - Conditions - Sécurité sociale - Articles 22, 31 et 36 du règlement (CEE) n° 1408/71 - Libre prestation de services - Articles 46 CE, 49 CE et 50 CE - Droits fondamentaux - Droit de propriété»

1.
    Le Dioikitiko Protodikeio Thessalonikis (2) (Grèce) demande à la Cour de justice, en vertu de l'article 234 CE, d'interpréter les articles 31 et 36 du règlement (CEE) n° 1408/71 (3), les articles 31 et 93 du règlement (CEE) n° 574/72 (4), les articles 46 CE, 49 CE et 50 CE, ainsi que l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il importe de déterminer, en substance, si la prise en charge obligatoire, par l'institution du pays dans lequel il réside, de prestations de maladie en nature servies à un pensionné par l'institution de sécurité sociale de l'État membre dans lequel il effectue un séjour peut être soumise à la condition que la maladie soit apparue de façon soudaine et que les soins aient présenté un caractère urgent ou si, en revanche, il suffit que l'intéressé ait requis des soins médicaux.

I - Les faits du litige au principal

2.
    M. Ioannidis est titulaire d'une pension de vieillesse versée par l'Idryma Koinokinon Asfaliseon (ci-après l'«IKA») et il réside en Grèce. À l'occasion d'un séjour en Allemagne, il a été hospitalisé dans une clinique spécialisée dans les maladies cardio-vasculaires entre le 26 novembre et le 2 décembre 1996. Le 6 décembre 1996, il a introduit auprès de la caisse de maladie de l'entreprise Karstadt en Allemagne, institution du lieu de séjour, une demande de prise en charge de ses frais d'hospitalisation avec l'intention que l'IKA les rembourse.

3.
    Usant du formulaire E 107 (5), utilisé pour demander l'attestation du droit à des prestations en nature, cette caisse a demandé à l'IKA, qui était l'institution compétente, de lui envoyer le formulaire E 112 concernant le maintien des prestations en cours de l'assurance maladie (6), à titre d'autorisation pour la période d'hospitalisation visée par le formulaire E 113 (7). Elle a demandé à être informée s'il s'avérait impossible de fournir cette attestation.

4.
    L'IKA a constaté que, le 15 novembre 1996, elle avait délivré à M. Ioannidis le formulaire E 111 attestant de son droit aux prestations de maladie en nature pendant un séjour dans un État membre pour une période de validité allant du 16 novembre au 31 décembre 1996.

5.
    Le 31 mars 1997, le service «Prestations de maladie en nature» de l'IKA a envoyé le formulaire E 107 à sa commission juridique de santé du second degré (ci-après la «CJS») composée de médecins pour qu'elle se prononce sur l'opportunité d'autoriser a posteriori le paiement de l'hospitalisation de M. Ioannidis après avoir examiné si la maladie pour laquelle il avait été hospitalisé en Allemagne était apparue de façon soudaine.

6.
    La CJS a émis un avis négatif le 15 avril au motif que, la maladie ne s'étant pas déclarée de façon soudaine, l'hospitalisation immédiate n'était pas justifiée, étant donné que le patient aurait pu être soigné de façon régulière dans un hôpital en Grèce (8). Pour arrêter cet avis, elle a tenu compte du fait qu'il s'agissait d'une maladie chronique, comme en témoignaient la coronographie et l'angioplastie effectuées en juin 1996, que la détérioration de son état de santé n'avait pas été soudaine, puisqu'il avait subi une autre coronographie le 11 novembre 1996 dans son pays d'origine et que son hospitalisation en Allemagne avait été planifiée, étant donné que la coronographie réalisée lors de son admission avait révélé les mêmes résultats que celle effectuée en Grèce quelques jours auparavant.

7.
    À la lecture de cet avis, l'IKA a rejeté la demande le 18 avril 1997 par décision du directeur de sa délégation territoriale en considérant que les conditions prévues pour l'application des dispositions de l'article 3 bis, paragraphe 4, sous g), de son règlement des soins hospitaliers n'étaient pas remplies.

Le formulaire E 107 a été retourné à la caisse de maladie allemande, sa rubrique 10.2 précisant les raisons pour lesquelles l'IKA, en sa qualité d'institution compétente, était dans l'impossibilité d'envoyer le formulaire E 112.

8.
    M. Ioannidis a introduit une réclamation contre cette décision devant la commission administrative locale de la délégation territoriale de l'IKA, qui l'a accueillie le 14 juillet 1997. Après avoir apprécié les circonstances du cas d'espèce et, en particulier, le fait que l'intéressé avait épousé une Allemande, qu'il s'était rendu en Allemagne pour voir son fils, pays dans lequel la maladie était apparue de façon soudaine, et que son état était grave, elle a conclu que l'article 3 bis, paragraphe 4, sous g), du règlement des soins hospitaliers de l'IKA était applicable et qu'il convenait d'autoriser l'hospitalisation a posteriori, en remboursant les frais.

9.
    L'IKA a introduit un recours dirigé contre cette décision devant le Dioikitiko Protodikeio Thessalonikis en demandant son annulation au motif que, d'après les informations dont il disposait, les conditions exigées pour l'octroi de l'autorisation a posteriori n'étaient pas remplies.

II - Les questions préjudicielles

10.
    Le juge de renvoi saisit la Cour de justice des questions suivantes pour statuer sur le litige:

«1)    La disposition de l'article 3 bis, paragraphe 4, sous g), du règlement des soins hospitaliers de l'IKA (Institut grec des assurances sociales), dans sa version en vigueur lors de l'hospitalisation du défendeur, en ce qu'elle prévoit, comme condition supplémentaire au remboursement par l'Institut des frais d'une hospitalisation qui a déjà eu lieu, sur un plan général dans des établissements hospitaliers situés à l'étranger, la délivrance, accordée dans des cas très exceptionnels, à savoir les cas d'apparition soudaine d'une affection déterminée, chez le titulaire d'une pension versée par l'Institut réclamant le remboursement de ces frais exposés durant son séjour provisoire à l'étranger ou lors de son transfert urgent en vue d'éviter un risque réel pour sa vie, d'une autorisation spéciale du directeur de l'office régional compétent de l'Institut, après avis de la commission sanitaire du second degré, est-elle conforme aux dispositions des articles 31 et 36 du règlement n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, et 31 et 93 du règlement n° 574 du Conseil, du 21 mars 1972, dans la mesure où, en admettant même que ces dispositions confèrent aux États membres un pouvoir en principe discrétionnaire les habilitant, à propos, entre autres, des prestations de maladie en nature en cas de séjour provisoire sur le territoire d'un État membre autre que celui où réside le retraité, au nombre desquelles il convient de considérer comme figurant les soins hospitaliers, à prendre des dispositions prévoyant comme condition supplémentaire au remboursement des frais inhérents à ces prestations une autorisation, même si celle-ci doit être donnée a posteriori, il n'est toutefois pas absolument clair ni indubitable que lesdites dispositions communautaires autorisent en outre les États membres à prendre des dispositions qui exigent absolument pour la délivrance d'une telle autorisation la réunion de conditions du type de celles prévues par la disposition précitée du règlement de l'Institut, soit l'existence de circonstances impliquant la nécessité immédiate de soins hospitaliers?

2)    Si la prestation de services hospitaliers dispensés de manière générale dans les établissements hospitaliers constitue une prestation de services au sens de l'article 60 du traité CE, la même disposition du règlement de l'Institut est-elle compatible, sur les points précédemment évoqués, avec les articles 59 et 60 du traité CE, même si elle n'est pas contraire aux dispositions des règlements précités du Conseil des Communautés européennes?

3)    En cas de réponse négative à la question énoncée sous 2), la réglementation instaurée par la disposition en cause de l'Institut est-elle justifiée par des raisons de santé publique, en l'occurrence l'assurance d'un service hospitalier équilibré et accessible à toutes les personnes résidant sur le territoire grec et, à ce titre, relève-t-elle des exceptions prévues à l'article 56 du traité CE?

4)    Si l'on admet que le droit à des prestations de maladie en nature et son corollaire, soit le droit au remboursement des frais inhérents constituent des ‘biens’ au sens de l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signé à Paris le 20 mars 1952, la disposition en cause du règlement de l'Institut, même considérée, sur les points précédemment évoqués, comme n'étant pas contraire aux prescriptions susmentionnées des règlements communautaires précités et du traité CE, ou encore, pour le cas où elle serait contraire à ces prescriptions, si cette disposition est justifiée au titre des raisons précédemment évoquées, est-elle, sur ces points, conforme aux dispositions de l'article 1er, premier alinéa, du Protocole additionnel?

5)    En cas de réponse négative à la question énoncée au point 4), la réglementation instaurée par la disposition précitée du règlement de l'Institut est-elle justifiée par des raisons d'intérêt public liées à la protection de l'équilibre financier du système de sécurité sociale et, à ce titre, relève-t-elle des exceptions prévues à l'article 1er, second alinéa du Protocole additionnel?»

III - La législation nationale

11.
    L'arrêté n° 416/993 du ministre des Affaires sociales (9) du 31 juillet 1984, adopté en vertu de l'article 16 de la loi n° 1846/1951 (10), a ajouté l'article 3 bis au règlement des soins hospitaliers de l'IKA (11). Le paragraphe 1, sous a), de cet article prévoit que si le diagnostic de la maladie ou les soins à prodiguer à un assuré de l'IKA ne sont pas possibles en Grèce, en raison d'un manque soit de médecins ayant la spécialité requise, soit de moyens scientifiques appropriés, l'IKA prend en charge la totalité des dépenses supportées par l'assuré à l'étranger. Il couvre aussi les frais de transfert du malade et d'un accompagnant, en versant des indemnités journalières, dont le montant est déterminé en fonction du pays de destination.

En règle générale, l'hospitalisation à l'étranger doit être précédée d'une autorisation. Le paragraphe 4, sous g), du même article (12) admet cependant une exception et dispose que, dans des cas très exceptionnels, le directeur de l'office régional compétent a la faculté, après avis de la commission sanitaire compétente, d'autoriser une hospitalisation ayant déjà eu lieu à l'étranger lorsque la maladie est apparue de façon soudaine durant un séjour du patient dans un autre pays ou lorsque le transfert a été réalisé d'urgence en vue d'éviter un risque réel pour sa vie. Cette réglementation est entrée en vigueur le 23 août 1984.

12.
    L'arrêté n° F.7/oik. du vice-ministre du Travail et de la Sécurité sociale du 7 janvier 1997 (13), adopté en vertu de l'article 40, paragraphe 4, de la loi n° 1316/1983 (14), régit de façon uniforme les conditions d'hospitalisation à l'étranger des assurés de tous les organismes et régimes de maladie dépendant du secrétariat général de la sécurité sociale, parmi lesquels figure l'IKA, ainsi que la procédure d'autorisation.

Depuis le 20 janvier 1997, l'article 3 bis, paragraphe 4, sous g), n'est plus en vigueur, son application demeurant limitée aux assurés et aux retraités de l'IKA (15) ayant été hospitalisés à l'étranger entre le 23 août 1984 et le 19 janvier 1997 (16).

IV - La procédure devant la Cour

13.
    L'IKA, les gouvernements belge, hellénique, espagnol, irlandais, autrichien, du Royaume-Uni et la Commission ont déposé des observations écrites dans la présente procédure dans le délai fixé par l'article 20 du statut CE de la Cour de justice.

Le représentant de l'IKA, ainsi que les agents des gouvernements hellénique, espagnol, irlandais, néerlandais, finlandais, du Royaume-Uni et de la Commission ont comparu à l'audience du 10 septembre 2002 pour présenter leur point de vue oralement.

V - Examen des questions préjudicielles

A - Sur la première question

14.
    En posant la première question préjudicielle, le juge de renvoi souhaite savoir si les articles 31 et 36 du règlement n° 1408/71 et les articles 31 et 93 du règlement n° 574/72 s'opposent à une réglementation nationale qui exige, à titre de condition supplémentaire pour que l'institution de sécurité sociale prenne en charge le coût d'une hospitalisation qui a eu lieu à l'étranger, une autorisation spéciale accordée dans des circonstances très exceptionnelles, à savoir lorsque la maladie de l'assuré, qui est titulaire d'une pension, est apparue de façon soudaine durant un séjour à l'étranger et que les soins ont été immédiatement nécessaires, ou lorsque le transfert du malade a été réalisé d'urgence pour éviter un risque réel pour sa vie.

15.
    Le gouvernement belge considère que la portée des articles 22 et 31 du règlement n° 1408/71 est différente et que le deuxième d'entre eux accorde au titulaire d'une pension, lorsqu'il effectue un séjour à l'étranger, le droit de recevoir tous les soins médicaux qu'il requiert, y compris si, au regard de son état de santé lorsqu'il a entamé le voyage, il était déjà prévisible qu'il en aurait besoin.

16.
    À l'instar de l'IKA, le gouvernement hellénique soutient que le cas d'espèce n'est pas régi par les articles 31 et 36 du règlement n° 1408/71, mais qu'il relève de l'article 22, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2. L'institution allemande a réclamé le formulaire E 112 à l'IKA bien que l'assuré disposât du formulaire E 111, parce qu'elle n'a pas reconnu que les soins prodigués étaient nécessaires ou urgents, ce qui confirme, d'après elle, que le déplacement de l'intéressé était dû à des raisons médicales. Le gouvernement espagnol défend la même thèse.

17.
    Le gouvernement irlandais propose de reformuler la question parce que les circonstances de fait sont régies par les articles 22, 22 bis et 31 du règlement n° 1408/71. Dans cette hypothèse, il existe un droit à recevoir des soins médicaux sans qu'il soit nécessaire d'obtenir la moindre autorisation, le juge national devant apprécier s'il était indispensable pour l'assuré de subir l'intervention décrite. Si la question n'est pas reformulée, il suggère de répondre au juge national que la réglementation communautaire citée ne s'oppose pas à la disposition grecque litigieuse.

18.
    Le gouvernement néerlandais souligne que, en application du principe d'égalité, toutes les personnes qui relèvent du champ d'application du règlement n° 1408/71 doivent bénéficier du droit à des prestations de sécurité sociale dans les mêmes conditions et dans la même mesure. Il ajoute que les articles 22 et 22 bis régissent toutes les hypothèses envisageables d'assistance sanitaire des assurés, y compris les retraités, lorsqu'ils ont besoin d'être soignés dans un autre État membre.

19.
    Le gouvernement autrichien considère que, aux fins du règlement n° 1408/71, les titulaires d'une pension sont assimilés aux travailleurs en activité et que, en cas de séjour dans un État membre dans lequel ils n'ont pas leur résidence, ils sont soumis, par analogie, à l'article 22, paragraphe 1, sous a), de sorte qu'ils ont uniquement droit aux prestations qui s'avèrent immédiatement nécessaires. Il est d'avis que l'article 22, paragraphe 1, sous a), s'oppose à une disposition comme celle de l'article 3 bis, paragraphe 4, sous g), du règlement des soins hospitaliers de l'IKA, qui prévoit l'obligation d'obtenir une autorisation en toute circonstance et pas uniquement dans les hypothèses régies par le paragraphe 1, sous c).

20.
    Le gouvernement finlandais estime que l'application de l'article 31 du règlement n° 1408/71 ne justifie pas l'exigence d'une autorisation, fût-ce a posteriori. Pour obtenir l'assistance sanitaire dont il a besoin alors qu'il séjourne dans un État membre autre que celui de sa résidence, le retraité est uniquement tenu de présenter le formulaire E 111, sans devoir par ailleurs démontrer qu'il la requiert d'urgence ou de façon imprévue. Dans le cas d'une intervention programmée, il doit en revanche disposer du formulaire E 112.

21.
    Le gouvernement du Royaume-Uni fait observer que les articles 31 et 32, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1408/71 régissent des hypothèses distinctes. Si le juge national considère que la maladie de M. Ioannidis s'est aggravée alors qu'il séjournait en Allemagne et qu'il avait besoin d'être hospitalisé, il y aurait lieu d'appliquer l'article 31, l'IKA prenant les frais en charge. Si, en revanche, il est convaincu que la santé de l'intéressé ne s'est pas détériorée soudainement, il doit statuer par application de l'article 22, paragraphe 1, sous c), l'IKA n'étant alors pas tenue par cette obligation. Il fait valoir que la disposition hellénique litigieuse est compatible avec les articles 31 et 36 du règlement n° 1408/71 et avec les articles 31 et 93 du règlement n° 574/72, mais non avec l'article 22, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, du règlement n° 1408/71.

22.
    La Commission établit une distinction entre les soins nécessaires immédiatement à l'étranger, visés à l'article 22, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1408/71, qui sont autorisés aux personnes disposant du formulaire E 111, les prestations programmées dans un hôpital, régies par l'article 22, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, deuxième alinéa, qui sont dispensées moyennant autorisation préalable à travers le formulaire E 112, et les soins dont les retraités ont besoin à l'étranger, qui sont visés à l'article 31 et sont reconnus aux porteurs du formulaire E 111.

23.
    Il est curieux de constater les grandes différences qui séparent les points de vue des parties qui ont déposé des observations dans la présente procédure, non seulement quant à la réponse qu'elles proposent, mais aussi, et c'est cela qui est surprenant, quant à la portée qu'elles reconnaissent aux mêmes dispositions du règlement n° 1408/71, dont l'application doit être uniforme dans toute la Communauté. Ces disparités ne manquent pas de se manifester chaque fois que les organismes de sécurité sociale des divers États sont confrontés au financement de soins médicaux dispensés dans un autre État membre, comme l'ont mis en évidence certaines affaires tranchées par la Cour de justice ces dernières années, soit parce que, dans certains États, l'assurance maladie accorde des prestations en nature et, dans d'autres, elle rembourse une partie des coûts supportés par l'assuré, soit parce que l'expérience concrète des organismes de sécurité sociale exige qu'ils adoptent une position bien définie (17).

Il est utile de rappeler que, conformément à l'article 249 CE, tant le règlement n° 1408/71 que le règlement n° 574/72 le mettant en oeuvre, qui ont été adoptés en vue de donner exécution aux dispositions de l'article 42 CE, sont directement applicables sur tout le territoire de l'Union. La Cour de justice a déclaré à ce propos qu'un État membre n'est pas libre de créer une situation dans laquelle l'effet direct des règlements communautaires serait compromis (18).

24.
    Dans la présente affaire, la discussion préliminaire se concentre sur le point de savoir si la disposition dont l'interprétation est pertinente pour trancher le litige est l'article 31 du règlement n° 1408/71, auquel se réfère le juge de renvoi, ou l'article 22, comme le soutiennent l'IKA et la majorité des États membres représentés.

Si la Cour de justice a effectivement eu à ce jour plusieurs occasions d'examiner l'article 22 (19), elle ne s'est prononcée qu'une seule fois sur l'article 31 et de façon indirecte.

25.
    À compter des arrêts rendus dans les affaires Pierik (20), et le champ d'application personnel et la portée des articles 22 et 31 du règlement n° 1408/71 auraient dû être clairs. Toutefois, à en juger par les différences révélées par les organismes de sécurité sociale et les États membres, cette appréciation s'avère trop optimiste.

Je partage de ce fait la thèse de la Commission quant à la nécessité d'analyser, d'une part, les disparités entre les règles applicables aux travailleurs en activité et aux retraités lorsqu'ils ont besoin de soins médicaux durant un séjour dans un État membre où ils ne résident pas et, d'autre part, l'identité de ces règles lorsqu'ils se déplacent dans un autre État membre pour bénéficier de prestations de soins programmées.

26.
    L'article 22 du règlement n° 1408/71 fait partie du chapitre 1 du titre III, consacré aux prestations de maladie et de maternité. La deuxième section de ce chapitre, qui comprend les articles 19 à 24, concerne les travailleurs salariés ou non salariés et les membres de leur famille (21).

Cet article régit trois hypothèses: le séjour en dehors de l'État compétent, le retour ou le transfert de résidence dans un autre État membre durant une maladie ou une maternité, et la nécessité de se déplacer dans un autre État membre pour recevoir les soins nécessaires. Seules la première et la troisième de ces hypothèses sont utiles pour statuer en l'espèce.

27.
    La première hypothèse est visée par le paragraphe 1, sous a), d'après lequel le travailleur qui satisfait aux conditions requises par la législation de l'État compétent pour avoir droit aux prestations et qui requiert des soins immédiats durant un séjour sur le territoire d'un autre État membre a droit aux prestations en nature à charge de l'institution compétente par l'institution du lieu de séjour, comme s'il était affilié à cette dernière. Comme on le voit, cette règle exige que les prestations soient immédiatement nécessaires.

28.
    La troisième hypothèse est visée au paragraphe 1, sous c), i), et au paragraphe 2, deuxième alinéa. En vertu de cette disposition, le travailleur qui satisfait aux conditions exigées par la législation d'un État pour bénéficier des prestations et qui est autorisé par l'institution compétente à se déplacer sur le territoire d'un autre État membre pour recevoir des soins appropriés à sa maladie a droit aux prestations en nature servies, à charge de l'institution compétente, par l'institution du lieu de séjour, comme s'il y était affilié. L'autorisation ne peut être refusée lorsque les soins figurent parmi les prestations prévues par la législation de l'État membre sur le territoire duquel réside l'intéressé ni lorsque, compte tenu de son état actuel de santé et de l'évolution probable de la maladie, les soins ne peuvent pas lui être dispensés dans le délai normalement nécessaire pour obtenir le traitement dont il s'agit dans l'État membre de résidence.

L'accent est mis ici sur l'obtention, par l'intéressé, de l'autorisation de l'institution compétente délivrée préalablement au déplacement, bien que la Cour de justice ait admis que, lorsqu'une demande présentée par un assuré est refusée en vertu de l'article 22, paragraphe 1, sous c), et que le caractère non fondé d'un tel refus est ultérieurement établi, soit par l'institution compétente elle-même, soit par une décision judiciaire, cet assuré est en droit d'obtenir directement à charge de l'institution compétente le remboursement d'un montant équivalent à celui qui aurait normalement été pris en charge si l'autorisation avait été dûment délivrée dès l'origine (22).

29.
    La Cour de justice a délimité dans son arrêt Pierik II (23) le champ d'application personnel de l'article 22, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1408/71. Elle était appelée dans cette affaire à dire pour droit si cette disposition, qui reconnaît le droit aux prestations en nature au «travailleur», s'étend au titulaire d'une pension «qui n'est pas en activité» et qui demande à l'institution compétente l'autorisation de se déplacer dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel il réside pour recevoir les soins appropriés à sa santé.

Elle a considéré que la définition de la notion de «travailleur», adoptée «aux fins de l'application du règlement», a une portée générale et couvre toute personne qui, exerçant ou non une activité professionnelle, possède la qualité d'assuré au titre de la législation de sécurité sociale d'un ou de plusieurs États membres. Il s'ensuit que les titulaires d'une pension, même s'ils n'exercent pas une activité professionnelle, relèvent, du fait de leur affiliation à un régime de sécurité sociale, des dispositions du règlement concernant les «travailleurs», à moins qu'ils ne fassent l'objet de dispositions particulières édictées à leur égard (24).

30.
    La Cour a précisé par la suite que les articles 27 à 33 figurent à la section 5 du chapitre 1 du titre III, consacré aux titulaires de pensions ou de rentes et aux membres de leur famille, et qu'ils s'appliquent exclusivement à ces catégories d'assurés, ce dont elle a tiré deux conséquences: la première, c'est que l'article 31 reconnaît aux titulaires de pensions le droit à des prestations en nature lorsqu'ils en ont besoin durant un séjour dans un État membre où ils ne résident pas; la deuxième, c'est que l'article 22, paragraphe 1, sous c), de la deuxième section du même chapitre régit le droit aux prestations en nature de l'assurance maladie de l'intéressé qui, résidant dans un État membre, demande à l'institution compétente l'autorisation de se déplacer sur le territoire d'un autre État pour recevoir les soins appropriés à sa situation.

31.
    Il ressort de la teneur littérale de l'article 22, paragraphe 1, sous a), et de l'article 31 du règlement n° 1408/71, du contexte dans lequel ils sont situés et de l'interprétation que leur a donnée la Cour de justice dans son arrêt Pierik II que les dispositions applicables aux titulaires de pensions et à toutes les autres catégories d'assurés, lorsqu'ils requièrent des prestations de maladie en nature durant un séjour dans un État membre où ils ne résident pas, sont distinctes et ont un contenu différent: alors que l'article 31 reconnaît aux premiers le droit de les obtenir sans autre condition que celle d'en avoir besoin, l'article 22, paragraphe 1, sous a), exige des seconds que leur état de santé nécessite immédiatement ces prestations.

Cette différence fondamentale entre les uns et les autres se retrouve explicitement sous le point a) des instructions figurant au verso du formulaire E 111, qui est le formulaire complété par l'institution compétente à la demande de l'intéressé avant un déplacement, ou à la demande de l'institution du lieu de séjour si c'est elle qui le sollicite, et qui est destiné à attester que l'assuré a droit aux prestations de l'assurance maladie durant un séjour dans un autre État membre (25).

32.
    Je me suis interrogé sur la raison de la différence de régime entre ces deux hypothèses. Quoi qu'il en soit, la différence existe et il ne faut pas appliquer l'article 22, paragraphe 1, sous a), par analogie aux titulaires de pensions. En traitant de façon plus généreuse les retraités que le reste des assurés, les premiers représentant un secteur de la population qui recourt fréquemment aux soins médicaux en raison de maladies chroniques ou des conséquences de l'âge sur leur santé, le législateur entend favoriser leur mobilité sur le territoire de l'Union, en leur évitant de renoncer à effectuer des déplacements par la crainte que susciterait l'absence éventuelle de couverture en cas de détérioration de leur état de santé.

En effet, la condition imposant que leur état de santé requiert des soins médicaux immédiats alors qu'ils séjournent temporairement en dehors de leur pays de résidence ou, comme le prévoit l'article 3 bis, paragraphe 4, sous g), du règlement de soins hospitaliers de l'IKA, que la maladie soit apparue soudainement est susceptible de décourager les personnes du troisième âge de se rendre dans d'autres États membres.

33.
    Je dois ajouter que, si le législateur communautaire avait souhaité traiter les retraités et le reste des assurés sur un pied d'égalité lorsqu'ils reçoivent des soins médicaux pendant un séjour dans un État membre sur le territoire duquel ils ne résident pas, il se serait abstenu d'adopter des dispositions telles que l'article 31 du règlement n° 1408/71 et l'article 31 du règlement n° 574/72, qui sont uniquement applicables aux premiers, et il aurait procédé comme il l'a fait pour les déplacements programmés, régis par l'article 22, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1408/71 pour tous les assurés.

34.
    Comme chacun le sait, dans le cadre d'une procédure préjudicielle, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, il appartient à la juridiction nationale d'établir les faits qui ont donné lieu au litige et d'en tirer les conséquences pour la décision qu'elle est appelée à rendre (26). La Cour n'est donc pas compétente pour trancher les faits au principal ou pour appliquer à des mesures ou à des situations nationales les règles communautaires dont elle a donné l'interprétation, ces questions relevant de la compétence exclusive de la juridiction nationale (27).

35.
    Au regard de la description des faits du juge de renvoi et compte tenu des dispositions du règlement n° 1408/71 en ce qui concerne les titulaires de pensions, d'une part, et tous les autres assurés, de l'autre, la juridiction nationale a correctement identifié le problème lorsqu'elle demande à la Cour de justice d'interpréter l'article 31.

Il n'y a donc pas lieu de reformuler la première question préjudicielle en ce sens que ce qui serait en réalité nécessaire pour trancher le litige au principal, c'est l'interprétation de l'article 22, paragraphe 1, sous c), comme le prétendent l'IKA et une bonne partie des États membres.

36.
    Le souhait de recourir à l'article 22, paragraphe 1, sous c), est motivé, semble-t-il, par l'attitude de l'institution allemande qui n'a pas accepté le formulaire E 111. Ce refus a contraint l'intéressé à accomplir de très nombreuses démarches, y compris un litige en Grèce et un incident préjudiciel au Luxembourg, pour déterminer qui doit prendre en charge le coût d'une prestation qu'il a selon toute probabilité le droit de recevoir gratuitement en tant que bénéficiaire de l'assurance maladie d'un État membre.

37.
    L'ordonnance de renvoi ne mentionne pas les raisons qui ont poussé l'institution allemande à rejeter le formulaire E 111 délivré par l'institution grecque et à demander qu'elle lui adresse, en lieu et place, le formulaire E 112 (28). Je considère ce modus operandi pour le moins surprenant, et ce pour plusieurs raisons: d'abord, parce que l'article 31 du règlement n° 574/72 exige uniquement que l'assuré présente une attestation à l'institution du lieu de séjour, qui établit son droit aux prestations; ensuite, parce que le formulaire E 111 a précisément pour but d'attester du droit aux prestations de maladie en nature et, enfin, parce que, conformément aux dispositions de l'article 93, paragraphe 1, du règlement n° 574/72, le montant effectif des prestations en nature servies en vertu des articles 22 et 31 du règlement n° 1408/71 est remboursé par l'institution compétente à l'institution qui a servi lesdites prestations, tel qu'il ressort de la comptabilité de cette dernière institution, de sorte que l'institution allemande aurait reçu de son homologue grecque le même montant, que l'hospitalisation ait été réalisée sous couverture du formulaire E 111, comme y a sans doute prétendu l'assuré, ou du formulaire E 112, comme le souhaitait l'institution allemande.

38.
    La Commission souligne judicieusement que chaque institution de sécurité sociale d'un État membre est tenue de reconnaître la validité des attestations délivrées dans les autres États, dont la finalité est d'assurer l'application uniforme et cohérente du règlement n° 1408/71, qui coordonne les régimes nationaux de sécurité sociale. Ce devoir de coopération loyale est visé en termes généraux à l'article 10 CE et, entre institutions de sécurité sociale, à l'article 84 du règlement n°s 1408/71 (29).

39.
    La Cour de justice a été confrontée pour la première fois au cours de ces dernières années à certaines questions préjudicielles portant sur les effets que produisent dans un État membre les formulaires émis par les institutions de sécurité sociale des autres États, en application des règlements n°s 1408/71 et 574/72. Elle a dit pour droit que le formulaire E 101 envoyé par l'institution compétente d'un État membre, qui précise la législation applicable en cas de déplacement temporaire du travailleur, lie les institutions de sécurité sociale des autres États membres dans la mesure où il atteste l'affiliation des travailleurs détachés par une entreprise de travail temporaire au régime de sécurité sociale de l'État membre où cette dernière est établie (30).

Elle a ajouté que l'institution compétente de l'État membre qui a établi le certificat E 101 doit reconsidérer le bien-fondé de cette délivrance et, le cas échéant, retirer le certificat lorsque l'institution compétente de l'État membre dans lequel sont détachés les travailleurs émet des doutes quant à l'exactitude des faits qui sont à la base dudit certificat et, partant, des mentions qui y figurent (31).

40.
    Je suis d'avis que, dans la mesure où il atteste le droit à des prestations de maladie en nature durant un séjour dans un État membre qui n'est pas celui de la résidence, il convient d'attribuer au formulaire E 111 le même caractère contraignant et la même force probatoire à l'égard des institutions de sécurité sociale des autres États, que ceux que la Cour de justice a reconnus au formulaire E 101, qui prouve l'affiliation d'un travailleur déplacé au régime de sécurité sociale de l'État membre dans lequel l'entreprise est établie.

Dans l'hypothèse où l'institution du lieu de séjour établit que, en réalité, l'assuré s'est déplacé avec l'intention de recevoir des soins médicaux, elle doit, en vertu du principe de coopération loyale (32), inscrit à l'article 10 CE et à l'article 84 du règlement n° 1408/71, transmettre cette information à l'institution de l'État de résidence, qui pourra annuler la validité du formulaire E 111 pour la période durant laquelle les prestations programmées ont été réalisées.

41.
    Si l'institution du lieu de résidence pouvait contester inconditionnellement la validité du certificat E 111 délivré par l'institution de l'État de résidence, comme semble l'avoir fait l'institution allemande, la personne qui, de bonne foi, a cru que, en le détenant, elle avait droit à des prestations de maladie en nature durant son séjour dans un autre État membre serait dépourvue de couverture médicale, la libre circulation des personnes dans la Communauté étant par ailleurs sérieusement entravée (33).

42.
    Il me semble évident que les observations de l'IKA et des différents gouvernements représentés dans cette affaire trahissent le souci d'éviter que la demande de prestations de maladie en nature, de la part d'un retraité qui réalise un séjour dans un État membre sous couverture du formulaire E 111, ne dissimule le déplacement dans un autre pays avec l'intention de recevoir un traitement médical, en se soustrayant à la procédure établie pour tous les assurés par l'article 22, paragraphe 1, sous c), qui inclut l'autorisation de la part de l'institution compétente au moyen du formulaire E 112.

Ce souci ne saurait cependant justifier que l'on élude l'application de la règle prévue par le législateur pour le cas concret ou que l'on applique, par analogie, une règle à une hypothèse qu'elle n'est pas appelée à régir. Si les autorités de l'État membre de résidence suspectent que le déplacement de l'intéressé sous couverture du formulaire E 111 est motivé par l'intention de recevoir un traitement médical, elles doivent, avant de prendre une décision, apprécier non seulement l'attitude adoptée par l'institution de l'État membre de séjour mais aussi les documents provenant d'autres sources, comme les certificats délivrés par le centre hospitalier ou par les médecins qui ont soigné le patient. De plus, elles peuvent recourir à des indices et par exemple examiner si l'intéressé était inscrit sur une longue liste d'attente pour subir l'intervention pratiquée dans un autre État membre, ou vérifier s'il avait demandé à une date récente l'autorisation de l'institution compétente pour le déplacement et que cette autorisation lui ait été refusée, indices qui, sans être déterminants, semblent susceptibles, dès lors qu'ils sont ajoutés à d'autres, d'aider les institutions à prendre une décision.

43.
    Il est établi dans le litige au principal que le patient, titulaire d'une pension, souffre d'une affection cardiaque et qu'il a eu besoin d'être hospitalisé alors qu'il était en visite en Allemagne. Le dossier comporte aussi le certificat établi par le directeur du centre et le rapport du médecin qui a soigné le patient, d'après lesquels l'hospitalisation a eu lieu d'urgence, en raison de douleurs répétées au thorax dues à une angine de poitrine. Il est également établi que l'intéressé disposait d'un certificat E 111 en cours de validité.

En application de l'article 31 du règlement n° 1408/71, il avait donc droit de recevoir des prestations de maladie en nature alors qu'il séjournait en Allemagne, prestations servies par l'institution de cet État, conformément à sa législation et à charge de l'institution grecque.

44.
    Lorsque le titulaire d'une pension se déplace temporairement dans un État membre sur le territoire duquel il ne réside pas et qu'il a besoin de soins médicaux, l'institution du lieu de séjour doit appliquer l'article 31 du règlement n° 1408/71 sans exiger aucune condition supplémentaire ni commencer à examiner si la nécessité des soins est immédiate, condition qui est uniquement imposée par l'article 22, paragraphe 1, sous a), pour tous les autres assurés.

Par ailleurs, l'institution du pays de résidence ne peut pas non plus imposer l'obtention d'une autorisation a posteriori, comme le prévoit l'article 3 bis, paragraphe 4, sous g), du règlement des soins hospitaliers de l'IKA.

45.
    Cette disposition semble être conçue pour permettre à l'institution de sécurité sociale grecque de contrôler la façon dont l'article 22, paragraphe 1, sous a), a été appliqué à l'étranger, d'une part, et de se prononcer, d'autre part, lorsque le déplacement a eu lieu d'urgence, sur l'opportunité d'accorder l'autorisation visée à l'article 22, paragraphe 1, sous c), une fois que les soins médicaux ont été prodigués.

Dans ce dernier cas, l'autorisation de verser les prestations est conditionnée par le fait que le transfert a eu lieu d'urgence pour éliminer un risque réel pour la vie du patient. Je ferai toutefois observer que cette exigence est encore plus restrictive que celle de l'article 22, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1408/71, qui exige uniquement, pour autoriser le transfert et, le cas échéant, le remboursement ultérieur, que, compte tenu de l'état de santé et de l'évolution probable de la maladie, les soins ne peuvent pas être dispensés dans le délai normalement nécessaire pour obtenir le traitement dans l'État de résidence.

46.
    Le coût de l'hospitalisation de M. Ioannidis en Allemagne doit dès lors être supporté par l'institution de l'État de résidence s'il est satisfait aux conditions prévues par l'article 31 du règlement n° 1408/71, à savoir que le titulaire d'une retraite a effectué un séjour dans un État membre sur le territoire duquel il ne réside pas et qu'il a eu besoin de soins médicaux.

47.
    Le dossier ne précise pas si la caisse de maladie allemande a pris en charge le paiement de l'hospitalisation ou si c'est l'intéressé qui l'a acquitté directement, le seul élément que le juge national indique dans son dossier étant que l'envoi du formulaire E 112 a été demandé à l'institution grecque (34).

48.
    Dans la première hypothèse, il y a lieu d'appliquer l'article 36 du règlement n° 1408/71 et l'article 93 du règlement n° 574/72, qui régissent les modalités de remboursement des prestations de maladie ou de maternité servies en nature par l'institution d'un État membre pour le compte de l'institution d'un autre État membre. Le remboursement entre institutions est réalisé en fonction des coûts reflétés par la comptabilité de celle qui a réalisé les prestations, si le bénéficiaire avait le droit de les obtenir.

49.
    Dans la deuxième hypothèse, il y a lieu de recourir à l'article 34 du règlement n° 574/72, en vertu duquel, si les formalités prévues par l'article 31 n'ont pu être accomplies pendant le séjour et que le patient a supporté les frais médicaux, ils sont remboursés par l'institution compétente aux tarifs de remboursement appliqués par l'institution du lieu de séjour.

50.
    La condition d'application de l'article 34 du règlement n° 574/72 est qu'il n'a pas été possible d'accomplir la formalité prévue par l'article 31 du même règlement. Cette formalité consiste à présenter un certificat établissant le droit aux prestations et précisant la durée maximale durant laquelle elles sont autorisées dans l'État de résidence. Le non-respect de cette obligation peut être dû au fait que l'assuré ne disposait pas du formulaire E 111, que l'institution du lieu de séjour ne l'a pas demandé à celle du lieu de résidence, ou qu'il n'a pas été envoyé à temps.

51.
    J'ignore s'il existe un accord entre l'institution allemande et l'institution grecque en vertu duquel elles renonçent à tout remboursement ou au remboursement au forfait des prestations effectuées conformément à l'article 31 du règlement n° 1408/71. Si un tel accord existait, la première devrait verser à la seconde le montant qu'elle doit rembourser à l'intéressé qui a supporté le coût de la prestation.

52.
    Le paragraphe 4 de l'article 34 du règlement n° 574/72 (35) prévoit une exception à la règle énoncée en permettant à l'institution compétente de procéder au remboursement des frais exposés aux tarifs de remboursement qu'elle applique, à condition que ces tarifs permettent le remboursement, que le montant de ces frais ne dépasse pas un montant fixé par la commission administrative et que l'intéressé ait donné son accord pour se voir appliquer cette disposition. Il appartient à l'institution compétente de prendre l'initiative d'appliquer cette procédure. En aucun cas, le montant du remboursement ne peut toutefois dépasser le montant des frais exposés (36). Si la législation de l'État membre de séjour ne fixe pas de tarifs, l'institution compétente peut rembourser les frais sans que l'intéressé doive marquer son accord.

53.
    Le refus, par l'institution du lieu de séjour, d'accepter le formulaire E 111 que lui présente un retraité résidant dans un autre État membre lorsqu'il a besoin de soins médicaux n'est pas visé par l'article 34 du règlement n° 574/72 comme une circonstance ayant pour effet que l'institution de l'État de résidence rembourse les frais exposés à l'assuré.

Toutefois, lorsque le refus d'accepter le formulaire E 111 est injustifié, les conséquences doivent à mon sens être les mêmes que celles visées par la règle précitée, de sorte que le retraité ne subisse aucun préjudice.

54.
    Il y a par conséquent lieu de déclarer que l'article 31 du règlement n° 1408/71 et l'article 31 du règlement n° 574/72 s'opposent à une réglementation nationale qui exige, à titre d'exigence supplémentaire pour que l'institution de sécurité sociale prenne en charge le coût d'une hospitalisation qui a eu lieu à l'étranger, une autorisation spéciale accordée à condition que la maladie de l'assuré, qui est titulaire d'une pension, est apparue de façon soudaine durant un séjour à l'étranger et que les soins ont été immédiatement nécessaires.

B - Sur les autres questions préjudicielles

55.
    Le juge de renvoi a déféré les questions restantes dans l'hypothèse où la Cour de justice interpréterait les dispositions du règlement n° 1408/71 et du règlement n° 574/72 en ce sens qu'elles ne sont pas contraires à la disposition nationale litigieuse, qui fait l'objet de la première question.

La réponse que je préconise étant affirmative, il n'y a pas lieu d'examiner les autres questions.

VI - Conclusion

56.
    Eu égard aux arguments exposés, je suggère à la Cour de justice de répondre aux questions préjudicielles déférées par le Dioikitiko Protodikeio Thessalonikis (Grèce) en déclarant que:

«L'article 31 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, et l'article 31 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/71, s'opposent à une réglementation nationale qui exige, à titre d'exigence supplémentaire pour que l'institution de sécurité sociale prenne en charge le coût d'une hospitalisation qui a eu lieu à l'étranger, une autorisation spéciale accordée à condition que la maladie de l'assuré, qui est titulaire d'une pension, est apparue de façon soudaine durant un séjour à l'étranger et que les soins ont été immédiatement nécessaires.»


1: -     Langue originale: l'espagnol.


2: -     Tribunal administratif de première instance de Thessalonique.


3: -     Règlement du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 1), dans la version résultant du règlement (CE) n° 3096/95 du Conseil, du 22 décembre 1995 (JO L 335, p. 10).


4: -     Règlement du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/71 (JO L 74, p. 1), dans la version résultant du règlement n° 3096/95.


5: -     L'application du règlement n° 1408/71 et du règlement n° 574/72 a exigé l'approbation, de la part de la commission administrative des Communautés européennes pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, créée par l'article 80 du règlement n° 1408/71, de différents modèles de formulaires, rédigés dans les langues officielles, qui sont utilisés en général en tant que certificats. Les formulaires mentionnés dans la présente affaire ont été approuvés par la décision n° 153 (94/604/CE) du Conseil, du 7 octobre 1993, concernant les modèles de formulaires nécessaires à l'application des règlements n° 1408/71 et n° 574/72 (E 001, E 103 - E 127) (JO L 244, p. 22).


6: -     Il s'agit du formulaire utilisé par l'institution compétente lorsqu'elle autorise un assuré, en application de l'article 22, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1408/71, à se rendre dans un autre État membre pour recevoir les soins médicaux appropriés.


7: -    Ce formulaire est délivré en cas de remboursement du coût de prestations en nature sur la base des frais réels et il précise la date d'entrée et de sortie lors d'une hospitalisation.


8: -     Les hôpitaux Geniko Kratiko, Ippokrateio, Evangelismos et Onaseio, d'Athènes, ou Achema et G. Papanicolaou, de Thessalonique, sont cités comme exemples.


9: -     FEK (Journal officiel de la République hellénique), B'584/23.8.1984.


10: -     FEK A'179.


11: -     Arrêté n° 33.651/E, 1089 du ministre du Travail, du 2 juin 1956, FEK B´ 126/3.7.1956.


12: -     Rectificatif publié au FEK B´ 669/20.9.1984.


13: -     FEK, B´ 22/20.1.1997.


14: -     FEK A´ 3. Version définitive résultant du remplacement de cet article par l'article 39 de la loi n° 1759/1988, FEK A´ 50.


15: -     Conformément à la disposition de l'article 31, paragraphe 2, de la loi n° 1846/1951.


16: -     D'après les informations fournies par la Commission dans ses observations écrites, la nouvelle réglementation n'a pas modifié de façon substantielle celle qui était appliquée antérieurement, ce qu'a confirmé le représentant de l'IKA à l'audience.


17: -     Par exemple, le gouvernement belge a signalé à la Cour qu'il s'est vu contraint de mettre sur pied une procédure pour l'envoi urgent du formulaire E 112 en faveur des retraités qui effectuent des séjours dans certaines régions espagnoles, qui se voient refuser les soins médicaux dont ils ont besoin et doivent rentrer en Belgique pour ne pas mettre leur santé en danger; le gouvernement autrichien assure que les États membres font preuve de souplesse lorsqu'ils appliquent les règlements n° 1408/71 et n° 574/72 en matière de soins de santé dispensés dans un autre État, de sorte que, une fois les prestations servies, l'institution du lieu de séjour réclame à l'institution compétente le formulaire correspondant pour s'assurer, a posteriori, du remboursement entre institutions; le gouvernement hellénique affirme que l'article 31 du règlement n° 1408/71 n'est pas interprété de façon uniforme dans la Communauté et qu'une écrasante majorité d'organismes de sécurité sociale dans les États membres appliquent par analogie l'article 22, paragraphe 1, sous a), aux titulaires de pension. Je souligne que, dans ses observations, le gouvernement autrichien préconise la même application par analogie.


18: -     Arrêts du 7 février 1973, Commission/Italie (39/72, Rec. p. 101, point 17), et du 28 mars 1985, Commission/Italie (272/83, Rec. p. 1057, point 26).


19: -     Voir, en particulier, les arrêts du 16 mars 1978, Pierik (117/77, Rec. p. 825), ci-après l'«arrêt Pierik I»); du 31 mai 1979, Pierik (182/78, Rec. p. 1977, ci-après l'«arrêt Pierik II»); du 28 avril 1998, Decker (C-120/95, Rec. p. I-1831) et Kohll (C-158/96, Rec. p. I-1931), et du 12 juillet 2001, Vanbraekel e.a. (C-368/98, Rec. p. I-5363).


20: -     Arrêts précités à la note 19.


21: -     En vue de faciliter les séjours temporaires et l'accès à l'aide médicale sur le territoire de l'Union avec l'autorisation de l'institution compétente, le Conseil a étendu en 1995 le bénéfice de l'article 22, paragraphe 1, sous a) et c), à tous les citoyens communautaires qui sont assurés en vertu de la législation d'un État membre et aux membres de leur famille qui résident avec eux, y compris lorsqu'ils ne sont pas travailleurs salariés ou non salariés. Règlement (CE) n° 3095/95 du Conseil, du 22 décembre 1995, modifiant le règlement n° 1408/71, le règlement (CEE) n° 574/72, le règlement (CEE) n° 1247/92 modifiant le règlement (CEE) n° 1408/71 et le règlement (CEE) n° 1945/93 modifiant le règlement (CEE) n° 1247/92 (JO L 335, p. 1).


22: -     Arrêt Vanbraekel e.a., précité à la note 19, point 34.


23: -     Arrêt précité à la note 19, point 3.


24: -     Arrêt Pierik II, précité à la note 19, point 4.


25: -     Cette indication est aussi reproduite dans la version récente du formulaire E 111 approuvé par la décision n° 179 (2002/154/CE), du 18 avril 2000, concernant les modèles de formulaires nécessaires à l'application des règlements n° 1408/71 et n° 574/72 (E 111, E 111 B, E 113 à E 118 et E 125 à E 127) (JO 2002, L 54, p. 1). Cette nouvelle version mentionne également le droit aux prestations en nature en cas de maladies chroniques. L'agent du gouvernement espagnol a indiqué à l'audience que, en juin 2002, un accord s'est dégagé pour mentionner aussi sur le formulaire les maladies préexistantes.


26: -     Arrêts du 15 novembre 1979, Denkavit Futtermittel (36/79, Rec. p. 3439, point 12); du 29 avril 1982, Pabst & Richarz (17/81, Rec. p. 1331, point 12); du 2 juin 1994, AC-ATEL Electronics Vertriebs (C-30/93, Rec. p. I-2305), et du 16 juillet 1998, Dumon et Froment (C-235/95, Rec. p. I-4531, point 25).


27: -     Arrêts du 19 décembre 1968, Salgoil (13/68, Rec. p. 661, 672); du 23 janvier 1975, Van der Hulst (51/74, Rec. p. 79, point 12); du 8 février 1990, Shipping and Forwarding Enterprise Safe (C-320/88, Rec. p. I-285, point 11), et du 5 octobre 1999, Lirussi et Bizzaro (C-175/98 et C-177/98, Rec. p. I-6881, points 37 et 38).


28: -     L'institution allemande n'est pas partie au litige au principal, de sorte qu'elle n'a pas pu être représentée dans le cadre de l'incident préjudiciel. Le gouvernement allemand qui aurait sans doute été en mesure de donner des indications à la Cour de justice sur ce point n'a pas présenté d'observations dans la présente procédure.


29: -     Arrêts du 24 octobre 1996, Picard (C-335/95, Rec. p. I-5625, point 18).


30: -     Arrêts du 10 février 2000, FTS (C-202/97, Rec. p. I-883, point 59). Dans son arrêt du 30 mars 2000, Banks e.a. (C-178/97, Rec. p. I-2005, point 40), la Cour de justice a dit pour droit que le certificat E 101, dans la mesure où il crée une présomption de régularité de l'affiliation du travailleur non salarié concerné au régime de sécurité sociale de l'État membre où il est établi, s'impose à l'institution compétente de l'État membre dans lequel ce travailleur effectue un travail.


31: -     Arrêts FTS et Banks e.a., précités à la note 30, respectivement points 56 et 43.


32: -     Le formulaire E 111 précise explicitement qu'il ne donne pas droit à obtenir des prestations de maladie en nature lorsque l'intéressé s'est déplacé dans un autre pays avec l'intention de recevoir un traitement médical.


33: -     L'agent du gouvernement espagnol a indiqué à la Cour lors de l'audience que la Commission avait engagé un recours en manquement contre le royaume d'Espagne parce qu'il exigeait le formulaire E 112 des titulaires de pension des autres États membres dont la santé requérait une hospitalisation durant un séjour sur son territoire, notamment pour les ressortissants belges et italiens. L'affaire a été radiée lorsque le royaume d'Espagne a commencé à accepter le formulaire E 111. Il a toutefois affirmé que d'autres États continuent d'adopter ce comportement négatif.


34: -     En réponse aux questions que j'ai posées lors de l'audience, l'agent du gouvernement grec a affirmé qu'il ne disposait pas de l'information et le représentant de l'IKA a déclaré qu'il pensait que le coût avait été supporté en Allemagne par M. Ioannidis.


35: -     Dans la version résultant du règlement (CEE) n° 1249/92 du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 28). Ce paragraphe a été ajouté en vue d'établir une procédure simplifiée pour autoriser, sous certaines conditions, le remboursement des frais médicaux conformément aux tarifs appliqués par l'institution compétente.


36: -     Cette règle est uniquement appliquée lorsque le montant global des frais exposés durant le séjour temporaire est inférieur ou égal à un montant fixé par chaque État membre dans la limite générale de 1 000 euros. Décision n° 176 (2000/582/CE), du 24 juin 1999, concernant le remboursement par l'institution compétente d'un État membre des frais exposés lors d'un séjour dans un autre État membre selon la procédure visée à l'article 34, paragraphe 4, du règlement n° 574/72 (JO 2000, L 243, p. 42).