Langue du document : ECLI:EU:C:2007:407

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Paolo Mengozzi

présentées le 5 juillet 2007 (1)

Affaire C‑291/05

Minister voor Vreemdelingenzaken en Integratie

contre

Rachel Nataly Geradina Eind

[demande de décision préjudicielle formée par le Nederlandse Raad van State (Pays‑Bas)]

«Libre circulation des personnes – Droit de séjour – Retour du travailleur migrant dans son État d’origine – Droit de la fille du travailleur migrant, ressortissante d’un pays tiers, de séjourner dans l’État d’origine du père après le retour de celui-ci dans cet État – Règlement (CEE) n° 1612/68, directive 90/364/CEE et article 18 CE»





I –    Introduction

1.        Par ordonnance du 13 juillet 2005, le Nederlandse Raad van State (Pays‑Bas) a soumis à la Cour, en vertu de l’article 234 CE, une série de questions préjudicielles portant sur l’interprétation de la réglementation communautaire en matière de libre circulation des personnes, et plus particulièrement sur la problématique du droit de séjour d’un ressortissant d’un pays tiers membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre.

2.        Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige entre le Minister voor Vreemdelingenzaken en Integratie (ministre de l’Immigration et de l’Intégration néerlandais) et Mlle Rachel Nataly Geradina Eind, citoyenne du Suriname et fille d’un ressortissant néerlandais, portant sur la légalité d’une décision refusant à cette dernière la délivrance d’un permis de séjour sur le territoire des Pays‑Bas.

II – Cadre normatif

3.        La réglementation communautaire pertinente aux fins de l’examen des questions préjudicielles posées par le Raad van State est celle applicable avant l’entrée en vigueur de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil (2).

4.        L’article 17 CE prévoit ce qui suit:

«1. Il est institué une citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. La citoyenneté de l’Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.

2. Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité.»

En application de l’article 18, paragraphe 1, CE, «[t]out citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le [traité CE] et par les dispositions prises pour son application».

5.        L’article 39 CE prévoit ce qui suit:

«1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté.

2. Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique:

a)       de répondre à des emplois effectivement offerts;

b)       de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres;

c)       de séjourner dans un des États membres afin d’y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux;

d)       de demeurer, dans des conditions qui feront l’objet de règlements d’application établis par la Commission, sur le territoire d’un État membre, après y avoir occupé un emploi.

4. […]»

6.        Le règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (3), dispose à l’article 1er, en matière d’accès à l’emploi, ce qui suit:

«1. Tout ressortissant d’un État membre, quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre État membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet État.

2. Il bénéficie notamment sur le territoire d’un autre État membre de la même priorité que les ressortissants de cet État dans l’accès aux emplois disponibles.»

7.        L’article 10, paragraphe 1, du même règlement (4), à propos de la famille du travailleur, énonce:

«1. Ont le droit de s’installer avec le travailleur ressortissant d’un État membre employé sur le territoire d’un autre État membre, quelle que soit leur nationalité:

a)       son conjoint et leurs descendants de moins de vingt et un ans ou à charge;

b)       les ascendants de ce travailleur et de son conjoint qui sont à sa charge.»

8.        La directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté (5), prévoit, en particulier, ce qui suit:

«Article premier      

Les États membres suppriment, dans les conditions prévues à la présente directive, les restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants desdits États et des membres de leur famille auxquels s’applique le règlement (CEE) n° 1612/68.

[…]

Article 3

1. Les États membres admettent sur leur territoire les personnes visées à l’article 1er, sur simple présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité.

2. Aucun visa d’entrée ni obligation équivalente ne peut être imposé, sauf aux membres de la famille qui ne possèdent pas la nationalité d’un des États membres. Les États membres accordent à ces personnes toutes facilités pour obtenir les visas qui leur seraient nécessaires.

Article 4

1. Les États membres reconnaissent le droit de séjour sur leur territoire aux personnes visées à l’article 1er qui sont en mesure de présenter les documents énumérés au paragraphe 3.

[…]

4. Lorsqu’un membre de la famille n’a pas la nationalité d’un État membre, il lui est délivré un document de séjour ayant la même validité que celui délivré au travailleur dont il dépend.»

9.        L’article 1er de la directive 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour (6), énonce:

«1. Les États membres accordent le droit de séjour aux ressortissants des États membres qui ne bénéficient pas de ce droit en vertu d’autres dispositions du droit communautaire, ainsi qu’aux membres de leur famille tels qu’ils sont définis au paragraphe 2, à condition qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, d’une assurance maladie couvrant l’ensemble des risques dans l’État membre d’accueil et de ressources suffisantes pour éviter qu’ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l’assistance sociale de l’État membre d’accueil.

[…]

2. Ont le droit de s’installer dans un autre État membre avec le titulaire du droit de séjour, quelle que soit leur nationalité:

a)       son conjoint et leurs descendants à charge;

b)       les ascendants du titulaire du droit de séjour et de son conjoint qui sont à sa charge.»

III – Faits et questions préjudicielles

10.      En février 2000, M. Runaldo Ruben Leonard Eind s’est déplacé des Pays‑Bas, État dont il est ressortissant, au Royaume-Uni, où il a exercé une activité salariée et où, en décembre de la même année, il a été rejoint par sa fille R. N. G. Eind (née le 29 avril 1989), qui est arrivée directement du Suriname et qui est ressortissante de ce dernier État.

11.      Par une lettre du 4 juin 2001, les autorités britanniques ont fait savoir à M. Eind qu’il disposait du droit de séjour au Royaume-Uni en vertu du règlement n° 1612/68. Par un courrier du même jour, Mlle Eind a été informée du fait qu’elle avait, elle aussi, le droit de séjourner au Royaume-Uni, en sa qualité de membre de la famille d’un travailleur communautaire. M. Eind a reçu un permis de séjour valable du 6 juin 2001 au 6 juin 2006.

12.      Le 17 octobre 2001, M. Eind et sa fille sont arrivés aux Pays‑Bas. Le 9 novembre 2001, Mlle Eind s’est inscrite auprès des services de police, à qui elle a demandé la délivrance d’un permis de séjour à durée déterminée pour séjourner avec son père dans ledit État.

13.      Par décision du 2 janvier 2002, le Staatssecretaris van Justitie (secrétaire d’État à la Justice) a rejeté la demande de Mlle Eind en soulignant que cette dernière n’était pas munie d’une autorisation de séjour provisoire et en ajoutant que ne pouvait pas lui être octroyé un permis de séjour fondé sur la qualité de membre de la famille d’un «ressortissant communautaire», à savoir, au sens du droit national, un citoyen d’un État membre ayant le droit, en vertu du traité, d’entrer et de séjourner dans un autre État membre. À ce dernier égard, il est affirmé dans la décision que M. Eind ne pouvait plus être considéré comme un «ressortissant communautaire» dans la mesure où, après avoir séjourné dans un autre État membre et être rentré aux Pays‑Bas, il n’avait exercé aucune activité professionnelle réelle et effective dans ce dernier État et qu’il n’était pas un citoyen économiquement non actif au sens de la réglementation communautaire.

14.      Mlle Eind a formé une réclamation contre la décision précitée. Le 21 mai 2002, devant la commission administrative chargée de traiter la demande de Mlle Eind, M. Eind a déclaré bénéficier d’une allocation au titre de l’aide sociale depuis son retour aux Pays‑Bas et que, à partir de la même date, pour des raisons de maladie, il n’avait ni travaillé ni cherché d’emploi. Il a ajouté qu’il avait eu, le 7 mai 2002, un entretien au Banenmarkt (bourse de l’emploi) en vue de sa réintégration sur le marché du travail et qu’il était dans l’attente d’un deuxième entretien.

15.      La réclamation présentée par Mlle Eind contre la décision du 2 janvier 2002 a été rejetée par décision du Staatssecretaris van Justitie du 5 juillet 2002, qui a précisé notamment que M. Eind ne pouvait pas être considéré comme une personne économiquement non active au sens de la réglementation communautaire, car il ne disposait pas personnellement de ressources suffisantes, mais il bénéficiait d’une aide sociale.

16.      Toutefois, le 20 octobre 2004, le Rechtbank te ’s Gravenhage (tribunal d’arrondissement de La Haye), en se référant aux arrêts Antonissen (7) et Singh (8), a annulé cette seconde décision et a renvoyé l’affaire devant le Minister voor Vreemdelingenzaken en Integratie aux fins d’un réexamen de la réclamation.

17.      Ce dernier a interjeté appel du jugement du Rechtbank te ’s Gravenhage devant le Nederlandse Raad van State, lequel, par ordonnance du 13 juillet 2005 (ci-après l’«ordonnance de renvoi»), a suspendu la procédure pendante devant lui pour soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)       a)     Si un ressortissant d’un État tiers est considéré par l’État membre d’accueil comme membre de la famille d’un travailleur au sens de l’article 10 du règlement n° 1612/68, et que la validité de l’autorisation de séjour accordée par cet État membre n’est pas encore arrivée à échéance, cela a-t-il pour conséquence que l’État membre dont le travailleur est un ressortissant ne peut refuser de ce fait à ce ressortissant d’un État tiers le droit d’accès et de séjour en cas de retour de ce travailleur?

         b)     Si l’on répond par la négative à cette première question, cela signifie-t-il dès lors que cet État membre a le droit de décider lui-même si, en cas d’arrivée sur son territoire de ce ressortissant d’un État tiers, les conditions d’accès et de séjour fondées sur le droit national sont réunies ou doit-il d’abord apprécier si ce même ressortissant, en tant que membre de la famille de ce travailleur, bénéficie encore des droits résultant du droit communautaire?

2)      La réponse aux deux questions qui précèdent serait-elle différente si ce ressortissant d’un État tiers ne disposait pas du droit de séjour fondé sur le droit national dans l’État membre dont le travailleur est un ressortissant avant de séjourner dans l’État membre d’accueil?

3)       a)     Si l’État membre dont le travailleur (le père) est un ressortissant est autorisé, lors du retour de celui-ci, d’apprécier si les conditions de droit communautaire relatives à la délivrance d’une autorisation de séjour en tant que membre de la famille ne sont pas satisfaites, un ressortissant d’un État tiers, qui est membre de la famille du père qui revient de l’État membre d’accueil vers l’État dont il est ressortissant en vue d’y chercher du travail, bénéficie-t-il du droit de séjour dans cet État membre et, dans l’affirmative, pour quelle durée?

         b)     Ce droit existe-t-il également si le père n’exerce aucune activité réelle et effective dans cet État membre et ne peut pas ou ne peut plus être considéré comme demandeur d’emploi, dans le cadre de la directive [90/364], eu égard à la circonstance qu’au titre de sa nationalité néerlandaise, le père bénéficie d’allocations d’aide sociale?

4)      En vue de répondre aux questions qui précèdent, quelle signification y a-t-il lieu d’accorder à la circonstance que [ce] [ressortissant] d’un État tiers [est] membre de la famille d’un citoyen de l’Union, qui a fait usage du droit qui lui est reconnu en application de l’article 18 CE et qui revient dans l’État membre dont il est ressortissant?»

IV – Analyse juridique

A –    Sur les première et deuxième questions préjudicielles

18.      Les première et deuxième questions préjudicielles partent explicitement de la prémisse selon laquelle Mlle Eind a obtenu au Royaume-Uni un permis de séjour fondé sur l’article 10 du règlement n° 1612/68. L’ordonnance de renvoi indique, dans la partie en fait, que, par courrier du 4 juin 2001, Mlle Eind a été informée qu’elle disposait du droit de séjourner au Royaume-Uni en sa qualité de membre de la famille de M. Eind «sur le même fondement» que le droit de séjour de ce dernier, à savoir «en vertu du règlement n° 1612/68» (9).

19.      Par la première question préjudicielle, sous a), la juridiction de renvoi veut savoir en substance si la détention d’un tel permis, dont la validité n’est pas encore expirée, confère à son titulaire, ressortissant d’un pays tiers, un droit d’entrée et de séjour dans l’État membre dont le père est ressortissant et dans lequel il est revenu (ci-après également l’«État membre en question») après avoir exercé dans l’État membre qui a délivré ledit permis (ci-après également l’«État membre d’accueil») une activité salariée.

20.      Par la première question préjudicielle, sous b), la juridiction de renvoi demande si, dans le cas d’une réponse négative à la première question, sous a), les autorités de l’État membre en question, en examinant la demande d’entrée et de séjour introduite par la ressortissante du pays tiers, doivent, avant de vérifier si cette dernière remplit les conditions prescrites par le droit national pour l’entrée et le séjour dans ledit État, apprécier si, en tant que membre de la famille du ressortissant de cet État ayant fait usage de la liberté de circulation des travailleurs, elle tire du droit communautaire un droit d’entrée et de séjour dans le même État.

21.      Par la deuxième question préjudicielle, la Cour est invitée à préciser si, aux fins de la solution des deux questions préjudicielles précédentes, il importe que la ressortissante du pays tiers, avant de séjourner dans l’État membre d’accueil, n’ait pas bénéficié dans l’État membre en question d’un droit de séjour fondé sur le droit national.

22.      La portée des questions précitées n’est pas très claire sur la base de leur libellé. Cela explique l’extrême hétérogénéité de la façon selon laquelle la Commission des Communautés européennes et les gouvernements qui ont déposé des observations à la Cour (10) ont compris, traité et résolu ces questions. Pour mieux en comprendre la portée, il convient de souligner que, comme il ressort des motifs de l’ordonnance de renvoi (11), elles ont été soulevées par la juridiction de renvoi afin de pouvoir prendre position sur une thèse soutenue par le ministre requérant fondée sur l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Akrich (12).

23.      En soulignant qu’il ressort de cet arrêt que le ressortissant d’un pays tiers, conjoint d’un citoyen de l’Union, doit séjourner légalement dans un État membre pour pouvoir invoquer, en tant que membre de la famille, le droit d’entrée et de séjour dans un autre État membre (13), la juridiction de renvoi indique que, selon le ministre requérant, Mlle Eind n’ayant pas eu de séjour légal aux Pays‑Bas avant son entrée au Royaume-Uni, elle ne pouvait pas avoir un droit de séjour au Royaume‑Uni sur la base de l’article 10 du règlement n° 1612/68 (14).

24.      Ladite juridiction précise que, «dans l’esprit du ministre, il est clair qu’il n’est pas lié par la décision [des autorités britanniques] selon laquelle l’étranger doit être considéré comme un membre de la famille d’un ressortissant communautaire, car avant son séjour au Royaume-Uni, l’étranger n’avait pas de droit de séjour aux Pays‑Bas fondé sur le droit national et, par conséquent, il n’est pas question d’un séjour légal, au sens de l’arrêt Akrich» (15).

25.      Selon la juridiction de renvoi, la thèse du ministre requérant soulève donc «la question de savoir quelle signification il y a lieu de reconnaître à la circonstance qu’au Royaume-Uni, il est accordé à [Mlle Eind] une autorisation de séjour sur la base de l’article 10 du règlement n° 1612/68» (16) et implique, en définitive, que le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que l’État membre en question juge de façon autonome si le membre de la famille de son ressortissant qui a fait usage de la liberté de circulation des travailleurs – membre de la famille ayant bénéficié d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil sur le fondement du droit communautaire – peut tirer du droit communautaire un droit d’entrée et de séjour également dans le premier État (17).

26.      En substance, face à la contestation, de la part du ministre requérant, de la validité, du point de vue du droit communautaire, du permis de séjour octroyé par le Royaume-Uni à Mlle Eind, en tant qu’acte fondé sur l’article 10 du règlement n° 1612/68, la juridiction de renvoi, par les première et deuxième questions préjudicielles, cherche à savoir si la délivrance dudit permis et le fait qu’il soit encore en vigueur obligent par eux-mêmes les autorités néerlandaises à autoriser l’entrée et le séjour de Mlle Eind sur le territoire des Pays‑Bas au retour de son père dans ce territoire, et ce même dans l’hypothèse où il faudrait retenir qu’un tel permis, à la lumière de la circonstance évoquée dans la deuxième question et de l’arrêt Akrich, aurait été délivré sans que les conditions d’application de l’article 10 précité aient été réunies.

27.      À cet égard, il faut d’emblée relever qu’il existe des doutes à propos de la réalité de la prémisse de laquelle part la juridiction de renvoi en posant les questions préjudicielles analysées, à savoir que le permis de séjour délivré par les autorités britanniques à Mlle Eind aurait été fondé sur l’article 10 du règlement n° 1612/68.

28.      Le gouvernement du Royaume-Uni, dans ses observations écrites, a indiqué que Mlle Eind a obtenu au Royaume-Uni un permis de séjour fondé non sur l’article 10 du règlement n° 1612/68, mais sur le droit britannique, plus précisément sur le règlement n° 2000/2326 en matière d’immigration (Espace économique européen), les [Immigration (European Economic Area) Regulations n° 2000/2326] en tant que membre de la famille d’une personne remplissant les conditions pour séjourner au Royaume-Uni. Dans les mêmes observations écrites et également à l’audience, ledit gouvernement a précisé que la reconnaissance à Mlle Eind d’un droit de séjour au Royaume-Uni s’est opérée sur la base de dispositions nationales qui ne reflétaient pas une obligation de droit communautaire, mais un choix politique discrétionnaire du législateur national (18). À l’audience, le représentant du gouvernement du Royaume-Uni a indiqué que la lettre du 4 juin 2001 envoyée par les autorités britanniques à Mlle Eind ne contient aucune référence explicite au règlement n° 1612/68, mais plutôt le rappel à la réglementation nationale applicable.

29.      Si ces indications, qui contrastent avec ce qui a été mentionné dans l’ordonnance de renvoi, devaient être confirmées, les première et deuxième questions préjudicielles deviendraient privées d’objet. Il incombe toutefois à la juridiction de renvoi d’effectuer une vérification plus complète quant au titre juridique sur la base duquel les autorités britanniques ont octroyé à Mlle Eind le permis de séjour.

30.      Dans le cadre de la présente procédure préjudicielle, on ne peut que maintenir l’affirmation dont est partie la juridiction de renvoi, à savoir que ce permis de séjour était fondé sur l’article 10 du règlement n° 1612/68.

31.      Or, un tel permis obligeait-il ou non les autorités néerlandaises à autoriser Mlle Eind à entrer et à séjourner sur le territoire des Pays‑Bas?

32.      À notre avis, la réponse à cette question ne peut être que négative.

33.      Ce n’est pas, en effet, l’existence en soi d’un permis de séjour non encore expiré, délivré par un État membre d’accueil à un ressortissant d’un pays tiers en tant que membre de la famille d’un travailleur communautaire qui s’y est déplacé, qui garantit à ce ressortissant, au retour dudit travailleur dans l’État membre dont il a la nationalité, le droit d’entrer et de séjourner avec celui-ci dans ce dernier État.

34.      En d’autres termes, au retour du travailleur communautaire dans l’État dont il est ressortissant, les autorités de cet État ne sont pas obligées d’octroyer un permis de séjour au ressortissant du pays tiers, membre de la famille de ce travailleur, du seul fait que, dans l’État d’accueil que tous deux ont quitté, le ressortissant du pays tiers aurait obtenu un permis de séjour en vertu de l’article 10 du règlement n° 1612/68, et que ce permis ne serait pas encore expiré.

35.      L’effet du permis de séjour délivré en vertu de l’article 10 du règlement n° 1612/68 est clairement limité au territoire de l’État membre qui le délivre. Ledit article envisage le droit de certains membres de la famille de «s’installer avec le travailleur ressortissant d’un État membre employé sur le territoire d’un autre État membre». Ce droit est dérivé, en vertu d’une relation de parenté, du droit du travailleur communautaire de se déplacer d’un État membre à l’autre pour «accéder à une activité salariée» et «l’exercer sur le territoire d’un autre État membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet État» (article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1612/68) (19). Le caractère territorial du permis de séjour délivré aux fins du regroupement familial reflète donc le caractère territorial du permis de séjour délivré aux fins de l’accès à une activité salariée (20).

36.      Le permis de séjour délivré par un État membre vaut donc pour son territoire et non pour celui de toute la Communauté.

37.      En outre, comme la Cour l’a souligné, la délivrance d’un titre de séjour à un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre, doit être considérée non comme un acte constitutif de droits, mais comme un acte destiné à constater, de la part d’un État membre, la situation individuelle d’un ressortissant d’un pays tiers au regard des dispositions du droit communautaire (21). Nous ajouterons que cette constatation concerne, plus précisément, la situation individuelle de cette personne au regard des dispositions du droit communautaire quant au séjour dans l’État membre qui procède à cette constatation.

38.      Il nous semble alors clair que l’État membre dont le travailleur est ressortissant ne sera pas, au retour de celui-ci de l’État d’accueil, obligé de reconnaître au membre de la famille du travailleur qui est ressortissant d’un pays tiers le droit d’entrée et de séjour sur son propre territoire du seul fait que l’État d’accueil aurait accordé à ce membre de la famille un permis de séjour en vertu de l’article 10 du règlement n° 1612/68 (22). D’autre part, aucune règle ou aucun principe de droit communautaire ne prescrit que, une fois reconnu par un État membre, en vertu dudit article, le droit au regroupement sur son territoire entre un travailleur ressortissant d’un autre État membre et un membre de sa famille ressortissant d’un pays tiers, le même droit doit par la suite être reconnu, indépendamment des circonstances concrètes et du simple effet de cette première reconnaissance, par un tout autre État membre dans lequel les deux personnes souhaiteraient s’installer.

39.      Les autorités de l’État membre dont le travailleur est ressortissant seront en revanche autorisées, et même tenues, d’apprécier de façon autonome si le membre de la famille du travailleur dispose d’un droit d’entrée et de séjour sur le territoire dudit État, au retour du travailleur dans ce territoire, sur la base de l’ordre juridique communautaire et en particulier de l’article 10 du règlement n° 1612/68 (23).

40.      L’applicabilité directe de ce règlement et le principe de la primauté du droit communautaire sur le droit national impliquent, à notre avis, que cette appréciation doit nécessairement précéder la vérification de l’existence des conditions auxquelles le droit national, en dehors du champ d’application de la réglementation communautaire, subordonne la reconnaissance d’un droit d’entrée et de séjour sur le territoire de l’État en question. Nous estimons avoir ainsi répondu à la première question, sous b), posée par la juridiction de renvoi dans l’éventualité d’une solution négative à la première question, sous a).

41.      La circonstance, rappelée dans la deuxième question, que le ressortissant du pays tiers, membre de la famille du travailleur, n’aurait pas bénéficié avant le séjour dans l’État membre d’accueil d’un droit de séjour fondé sur le droit national dans l’État membre dont le travailleur a la nationalité ne saurait à l’évidence jouer aucun rôle en sens contraire aux conclusions auxquelles nous sommes parvenu aux points 38 à 40 ci‑dessus. Ladite circonstance pourrait, tout au plus, jouer un rôle en tant qu’élément excluant le caractère obligatoire, dans le sens envisagé dans la première question, sous a), du permis de séjour au titre de l’article 10 du règlement n° 1612/68 délivré par l’État d’accueil au membre de la famille du travailleur. Nous avons toutefois déjà exclu d’une façon générale, et donc indépendamment de la circonstance en question, qu’un tel permis oblige par lui-même l’État membre dont le travailleur est ressortissant, au retour de celui-ci de l’État d’accueil, à reconnaître à ce membre de la famille, ressortissant d’un pays tiers, un droit d’entrée et de séjour sur son propre territoire. Aux fins de la solution à donner à la première question, sous a) et b), peu importe donc le fait que le ressortissant du pays tiers, membre de la famille du travailleur, n’ait pas bénéficié avant de séjourner dans l’État membre d’accueil d’un droit de séjour fondé sur le droit national dans l’État membre dont le travailleur a la nationalité.

42.      Cela dit, la nature de cette circonstance et les observations qui, dans l’ordonnance de renvoi, précèdent la formulation des première et deuxième questions, en particulier les références à l’arrêt Akrich, appellent d’autres considérations afin de dissiper les doutes que la juridiction de renvoi pourrait nourrir, au-delà de ce qui transparaît du libellé de ces questions, quant à la pertinence et à l’application en l’espèce des principes résultant de cet arrêt.

43.      Dans l’arrêt Akrich (24), la Cour, après avoir relevé que «le règlement n° 1612/68 ne vise que la libre circulation à l’intérieur de la Communauté» et qu’«[i]l est muet sur l’existence des droits d’un ressortissant d’un pays tiers, conjoint d’un citoyen de l’Union, quant à l’accès au territoire de la Communauté», a considéré que, «[p]our pouvoir bénéficier, dans une situation telle que celle en cause au principal, des droits prévus à l’article 10 du règlement n° 1612/68, le ressortissant d’un pays tiers, conjoint d’un citoyen de l’Union, doit légalement séjourner dans un État membre lorsque son déplacement a lieu vers un autre État membre dans lequel le citoyen de l’Union migre ou a migré».

44.      Puisque le transfert de Mlle Eind au Royaume-Uni a eu lieu directement du pays tiers dont elle est ressortissante, et non d’un autre État membre de la Communauté, on pourrait de prime abord penser, sur la base de l’arrêt Akrich, que les autorités britanniques n’auraient pas dû délivrer à celle-ci un permis de séjour fondé sur l’article 10 du règlement n° 1612/68 (25).

45.      Dans cette optique, la première question, sous a), relative au caractère obligatoire pour les autorités néerlandaises de ce permis de séjour, pourrait également s’entendre comme visant à déterminer si les autorités néerlandaises doivent nécessairement, étant donné un tel permis, considérer comme satisfaite par Mlle Eind, à la date à laquelle elle a fait sa demande de permis de séjour aux Pays‑Bas, la condition du séjour légal préalable dans un État membre de la Communauté évoquée dans l’arrêt Akrich ou si elles sont, au contraire, en dépit de ce permis, en droit de considérer ladite condition comme non remplie, compte tenu du fait que, Mlle Eind n’ayant pas bénéficié d’un droit de séjour fondé sur le droit national ni aux Pays‑Bas ni dans un aucun autre État membre de la Communauté avant le regroupement avec son père au Royaume-Uni, les conditions de délivrance de ce permis faisaient défaut.

46.      Or, dans le récent arrêt Jia (26), la Cour a précisé la portée de l’arrêt Akrich, dont l’avocat général Geelhoed (27) avait souligné la contradiction, au moins apparente, avec d’autres décisions, tant antérieures que postérieures, dans lesquelles la Cour a déclaré que le droit d’entrer et de séjourner sur le territoire des États membres des ressortissants d’un pays tiers mariés avec des ressortissants d’un État membre découle du seul lien familial (28). Dans l’arrêt Jia, la Cour a exclu que la condition mentionnée du séjour légal préalable visée dans l’arrêt Akrich ait une valeur générale (29). Elle a en effet précisé que «le droit communautaire, eu égard à l’arrêt Akrich, précité, n’impose pas aux États membres de soumettre l’octroi d’un droit de séjour à un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un ressortissant communautaire ayant fait usage de sa liberté de circulation à la condition que ce membre de la famille ait, au préalable, séjourné légalement dans un autre État membre» (30). La Cour a ainsi considéré qu’une telle condition était strictement liée au cadre factuel particulier qui caractérisait le litige ayant donné lieu à l’arrêt Akrich (31) et qu’elle ne saurait être transposée à un cas dans lequel il ne serait pas «reproché au membre de la famille en question de séjourner illégalement dans un État membre ni de chercher à se soustraire abusivement à l’emprise d’une réglementation nationale en matière d’immigration» (32).

47.      En abordant la situation faisant l’objet de la présente procédure préjudicielle, dans laquelle aucun comportement abusif n’est évoqué par la juridiction de renvoi à la charge des intéressés, il faut admettre, étant donné que Mlle Eind ne séjournait pas illégalement dans un État membre avant de rejoindre son père au Royaume-Uni, que les principes résultant de l’arrêt Akrich n’interdisaient pas aux autorités britanniques de délivrer à celle-ci un permis de séjour fondé sur l’article 10 du règlement n° 1612/68 (33).

48.      De la même façon, puisque Mlle Eind, avant d’entrer avec son père aux Pays‑Bas, séjournait au Royaume-Uni sur la base d’un permis de séjour valablement délivré par les autorités britanniques et donc ne séjournait pas illégalement dans un État membre, les principes précités n’interdisaient pas aux autorités néerlandaises de reconnaître à celle-ci un droit d’entrée et de séjour aux Pays‑Bas en vertu du droit communautaire (34).

49.      À plus forte raison, le fait que Mlle Eind, avant son séjour au Royaume-Uni, n’ait pas bénéficié d’un droit de séjour aux Pays‑Bas, qu’il ait été fondé sur le droit communautaire ou sur le droit national, ne saurait constituer un motif valable pour lui refuser un permis de séjour aux Pays‑Bas fondé sur l’article 10 du règlement n° 1612/68 ou sur d’autres règles de droit communautaire éventuellement applicables.

50.      Nous suggérons donc à la Cour de répondre aux première et deuxième questions préjudicielles par la juridiction de renvoi de la manière suivante:

1)       a)      Le fait qu’un ressortissant d’un pays tiers ait été considéré par un État membre d’accueil comme un membre de la famille d’un travailleur, au sens de l’article 10 du règlement n° 1612/68, et qu’il ait à ce titre reçu de cet État un permis de séjour en vertu de cet article, n’impose pas, en soi, même si la validité de ce permis n’est pas encore expirée, à l’État membre dont le travailleur est ressortissant de reconnaître au ressortissant précité d’un pays tiers, au retour du travailleur dans ce dernier État membre, le droit d’entrée et de séjour sur son territoire.

         b)      L’État membre dont le travailleur est ressortissant est tenu d’apprécier si le ressortissant du pays tiers, membre de la famille du travailleur, dispose, au retour de ce dernier sur le territoire de cet État membre, d’un droit d’entrée et de séjour sur ce territoire sur la base du droit communautaire, avant de vérifier si un tel droit peut ou non être reconnu à ce ressortissant en vertu du droit national en dehors du champ d’application de la réglementation communautaire.

2)       Pour la réponse à la première question, sous a) et b), est dépourvue de pertinence la circonstance que ce ressortissant du pays tiers, avant de séjourner dans l’État membre d’accueil, n’ait pas bénéficié d’un droit de séjour fondé sur le droit national dans l’État membre dont le travailleur a la nationalité. Cette circonstance ne s’oppose pas à la délivrance, de la part de ce dernier État, au ressortissant du pays tiers d’un permis de séjour fondé sur le droit communautaire»

B –    Sur les troisième et quatrième questions préjudicielles

1.      Considérations préliminaires

51.      Les interrogations soulevées par la juridiction de renvoi dans le cadre des troisième et quatrième questions préjudicielles sont posées dans le cas où il faudrait, comme en effet il le faut à notre avis, retenir que les autorités de l’État membre dont le travailleur est ressortissant seraient en droit d’apprécier si le ressortissant du pays tiers, membre de la famille du travailleur, dispose, au retour de ce dernier sur le territoire de cet État membre, d’un droit de séjour sur ce territoire en vertu du droit communautaire. Lesdites interrogations sont destinées à vérifier si les conditions pour la reconnaissance d’un tel droit à une personne qui se trouve dans la situation de Mlle Eind sont réunies.

52.      Par la troisième question, sous a), la juridiction de renvoi demande en substance si ce droit doit être reconnu – et, dans l’affirmative, jusqu’à quand – dans le cas où l’on pourrait retenir que le travailleur serait rentré dans l’État membre dont il est ressortissant pour y chercher un emploi.

53.      Par la troisième question, sous b), la juridiction de renvoi demande si le droit en question peut exister, sur la base de l’article 1er de la directive 90/364 et nonobstant le fait que le travailleur reçoit une aide sociale dans l’État membre en question en vertu de sa nationalité, même dans l’hypothèse où le travailleur, après son retour dans cet État, n’aurait pas réussi à trouver un emploi et ne pourrait plus être considéré comme étant à la recherche d’un emploi.

54.      Par la quatrième question, il est demandé, en substance, s’il importe, aux fins de la reconnaissance du droit précité, qu’il s’agisse d’un membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui a fait usage du droit de circuler et de séjourner au titre de l’article 18 CE et qui rentre dans l’État membre dont il est ressortissant.

55.      Avant d’aborder le fond de ces questions, nous observons que le droit de séjour conféré par le droit communautaire aux membres de la famille d’une personne qui use de la liberté de circulation des personnes vise à supprimer l’obstacle que représenterait, pour l’exercice de cette liberté de la part de cette personne, l’impossibilité pour les membres de sa famille de l’accompagner ou de le rejoindre dans l’État membre d’accueil et l’atteinte à la vie familiale qui en découlerait. Le même droit vise, d’une façon positive, à permettre à cette personne une meilleure intégration dans l’État membre d’accueil, en favorisant de cette façon l’exercice de cette liberté.

56.      En ce sens, le cinquième considérant du règlement n° 1612/68 indique que «le droit de libre circulation exige, pour qu’il puisse s’exercer dans des conditions objectives de liberté et de dignité, que […] soient [aussi] éliminés les obstacles qui s’opposent à la mobilité des travailleurs notamment en ce qui concerne le droit pour le travailleur de se faire rejoindre par sa famille, et les conditions d’intégration de cette famille dans le milieu du pays d’accueil» (35). La Cour elle-même a eu l’occasion d’observer que «l’objectif du règlement n° 1612/68, à savoir la libre circulation des travailleurs, exige, pour que celle-ci soit assurée dans le respect de la liberté et de la dignité, des conditions optimales d’intégration de la famille du travailleur communautaire dans le milieu de l’État membre d’accueil» (36). À son tour, le cinquième considérant de la directive 90/364 indique que «le droit de séjour ne peut être réellement exercé que s’il est aussi accordé aux membres de la famille».

57.      Le droit au regroupement familial assuré par le droit communautaire dans le cadre de l’application des règles du traité sur la libre circulation des personnes au sein de la Communauté vise donc à garantir l’exercice effectif de cette liberté (37) et il présuppose que l’on se trouve dans une situation dans laquelle on peut dire que cette même liberté a été exercée.

2.      Sur la troisième question, sous a): le droit de séjour du membre de la famille en vertu des règles relatives à la libre circulation des travailleurs

58.      En faisant référence au retour d’un «travailleur» dans son pays d’origine et à la recherche par celui-ci d’un «emploi», la troisième question, sous a), porte sur la possibilité de reconnaître au ressortissant du pays tiers, membre de la famille du travailleur qui revient dans son État d’origine, un droit de séjour sur le territoire de cet État (ci-après également le «droit au regroupement familial») sur la base de la réglementation communautaire relative à la libre circulation des travailleurs.

59.      Dans le cadre de cette réglementation, c’est l’article 10 du règlement n° 1612/68 qui prévoit et régit le droit au regroupement familial. Par conséquent, il faut tout d’abord se demander si les conditions d’application de cet article sont réunies en l’espèce, alors qu’il est constant que M. Eind n’est pas revenu aux Pays‑Bas afin de répondre à une offre d’emploi effective et n’a exercé aucune activité professionnelle dans l’État précité au cours de la période comprise entre la date de son retour (le 17 octobre 2001) et la date de la décision de rejet de la réclamation introduite par sa fille contre le refus du permis de séjour qu’elle avait demandé (le 5 juillet 2002), mais on peut toutefois retenir qu’il est «retourné dans l’État membre dont il est ressortissant pour y chercher du travail» (38), comme indiqué dans l’ordonnance de renvoi.

a)      Conditions d’application de l’article 10 du règlement n° 1612/68

60.      L’existence d’un droit au regroupement familial au titre de l’article 10 du règlement n° 1612/68 présuppose, comme l’a observé la Commission à juste titre dans ses observations écrites, outre un lien de parenté déterminé avec un ressortissant communautaire, que ce dernier puisse être qualifié de travailleur salarié au sens de l’article 39 CE et de l’article 1er dudit règlement.

61.      En conséquence, pour admettre le droit de Mlle Eind, au titre de l’article 10 du règlement n° 1612/68, à séjourner aux Pays‑Bas avec son père au retour de ce dernier du Royaume-Uni, il faut pouvoir reconnaître à M. Eind, une fois revenu dans son pays d’origine, la qualité de travailleur salarié au sens de l’article 39 CE et de l’article 1er du même règlement, ayant le droit de séjourner aux Pays‑Bas à ce titre.

62.      Il faut se demander tout d’abord si la circonstance qu’il est ressortissant des Pays‑Bas fait obstacle à la reconnaissance de cette qualité à M. Eind. En d’autres termes, se pose la question de l’applicabilité des dispositions précitées à la situation d’un travailleur qui rentre et souhaite séjourner dans l’État membre dont il est ressortissant.

63.      En effet, l’article 1er du règlement n° 1612/68, tel que formulé, se réfère au droit de tout citoyen d’un État membre d’accéder à une activité salariée et de l’exercer «sur le territoire d’un autre État membre» (39) (droit qui implique manifestement celui de séjourner dans cet État), ce qui pourrait faire penser que ledit article ne confère pas un droit analogue relativement au territoire de l’État membre dont l’intéressé est ressortissant.

64.      De la même façon, le libellé de l’article 10 du règlement n° 1612/68 pourrait faire penser que cet article confère à certains membres de la famille du travailleur un droit de séjour dans un État membre autre que celui dont le travailleur a la nationalité.

65.      Ensuite, sous un autre angle, le libellé lui-même des articles 1er et 10 dudit règlement laisserait penser que le droit de séjourner dans un État membre que ces articles prévoient appartiendrait à l’intéressé et aux membres de sa famille, à condition que celui-ci soit «employé» dans cet État.

66.      L’analyse de la jurisprudence de la Cour montre toutefois que la portée de ces articles va bien au-delà de ce que laisserait penser leur libellé.

i) Les articles 1er et 10 du règlement n° 1612/68 peuvent-ils être invoqués afin de revendiquer un droit de séjour dans l’État membre dont l’intéressé est ressortissant?

67.      À notre avis, les dispositions du règlement n° 1612/68 peuvent être invoquées par l’intéressé, à condition qu’il soit un «travailleur» au sens de ce règlement, même à l’égard de l’État membre dont il est ressortissant, afin de voir garanti, pour lui et pour les membres de sa famille, le droit de séjourner dans le territoire de cet État dans des conditions au moins équivalentes à celles qui leur sont assurées par le droit communautaire sur le territoire d’un autre État membre (40).

68.      En premier lieu, aucune des dispositions de l’article 39 CE – à la lumière desquelles il faut interpréter les dispositions du règlement n° 1612/68, adoptées conformément à l’article 49 du traité CEE (devenu, après modification, article 40 CE), pour préciser ces dispositions (41) – ne limite la portée de la liberté de circulation des travailleurs au territoire des États membres dont le travailleur n’est pas ressortissant (42).

69.      En second lieu, selon la jurisprudence de la Cour, si les règles du traité en matière de libre circulation des personnes et les actes adoptés en exécution desdites règles ne peuvent pas être appliqués à des activités qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire et dont l’ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, il est pourtant vrai que les dispositions en question s’appliquent à tout citoyen communautaire, indépendamment de son lieu de résidence et de sa nationalité, qui a fait usage du droit à la libre circulation des travailleurs et qui a exercé une activité salariée dans un autre État membre. La Cour a ainsi considéré que l’article 39 CE et l’article 7 du règlement n° 1612/68 (43) peuvent être invoqués par un travailleur même à l’égard de l’État membre dont il est ressortissant, lorsqu’il a résidé et exercé une activité salariée dans un autre État membre (44).

70.      En particulier, bien qu’en principe le ressortissant d’un État membre entre et séjourne sur le territoire de cet État en vertu des droits attachés à sa nationalité et non de ceux qui lui sont conférés par le droit communautaire, cela n’empêche pas que, dans le cas où ledit ressortissant se serait rendu sur le territoire d’un autre État membre pour y exercer une activité salariée, au titre de l’article 39 CE, et qu’il revient s’installer, pour exercer une activité salariée ou indépendante, sur le territoire de l’État membre dont il a la nationalité, le droit d’entrer et de séjourner dans ce dernier État lui est garanti également, respectivement, par l’article 39 CE et par l’article 43 CE. Comme la Cour l’a observé dans l’arrêt Singh, «un ressortissant d’un État membre pourrait être dissuadé de quitter son pays d’origine pour exercer une activité salariée ou non salariée, au sens du traité, sur le territoire d’un autre État membre s’il ne pouvait pas bénéficier, lorsqu’il revient dans l’État membre dont il a la nationalité pour exercer une activité salariée ou non salariée, de facilités d’entrée et de séjour au moins équivalentes à celles dont il peut disposer, en vertu du traité ou du droit dérivé, sur le territoire d’un autre État membre» (45).

71.      Ces considérations ont notamment amené la Cour, dans le même arrêt Singh, à conclure que le conjoint d’un ressortissant communautaire ayant fait usage des droits de circulation et d’établissement reconnus par les articles 48 et 52 du traité CEE (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE) «doit, lorsque [son époux ou son épouse] revient dans son pays d’origine, disposer au moins des mêmes droits d’entrée et de séjour que ceux que lui reconnaîtrait le droit communautaire si son époux ou son épouse choisissait d’entrer et de séjourner dans un autre État membre» (46).

72.      Par conséquent, le fait que M. Eind soit ressortissant des Pays‑Bas et qu’il puisse ainsi faire valoir un droit de séjour dans cet État sur la base du droit national ne fait pas en lui-même de son retour dans son pays d’origine une situation purement interne qui, en tant que telle, n’est pas soumise à l’application de la réglementation communautaire. Il faut au contraire vérifier, aux fins de l’éventuelle application en l’espèce de l’article 10 du règlement n° 1612/68, si ce retour dans le pays d’origine constitue ou non lui aussi un acte d’exercice de la liberté de circulation des travailleurs garantie par l’article 39 CE et par ledit règlement.

ii) Les articles 1er et 10 du règlement n° 1612/68 peuvent-ils être invoqués, même si l’intéressé n’est pas employé dans l’État membre dans lequel on revendique le droit de séjour?

73.      Selon la jurisprudence de la Cour, la notion de «travailleur», au sens de l’article 39 CE et du règlement n° 1612/68, revêt une portée communautaire et ne doit pas être interprétée de manière restrictive. Doit être considérée comme «travailleur» toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La caractéristique de la relation de travail est, selon cette jurisprudence, la circonstance qu’une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération (47).

74.      Ladite notion, par ailleurs, comprend non seulement celui qui se déplace dans un autre État membre pour répondre à une offre d’emploi effective, mais également celui qui le fait afin d’y chercher un emploi (48).

75.      Comme le rappelle opportunément la juridiction de renvoi elle‑même (49), dans l’arrêt Antonissen, la Cour a en effet considéré que «le paragraphe 3 de l’article 48 [du traité CE (devenu article 39, paragraphe 3, CE)] doit être interprété en ce sens qu’il énonce de façon non limitative certains droits dont bénéficient les ressortissants des États membres dans le cadre de la libre circulation des travailleurs et que cette liberté implique également le droit pour les ressortissants des États membres de circuler librement sur le territoire des autres États membres et d’y séjourner aux fins d’y rechercher un emploi». La Cour a souligné que «[c]ette interprétation du traité correspond d’ailleurs à celle du législateur communautaire, comme l’indiquent les dispositions prises pour la mise en œuvre du principe de libre circulation, notamment les articles 1er et 5 du règlement [n° 1612/68], dispositions qui supposent le droit pour les ressortissants communautaires de se déplacer pour rechercher un emploi dans un autre État membre et, par conséquent, le droit d’y séjourner» (50).

76.      Si le ressortissant communautaire peut donc invoquer l’article 39 CE et l’article 1er du règlement n° 1612/68 pour revendiquer le droit de se déplacer et de séjourner dans un autre État membre, y compris dans celui dont il est ressortissant, pour y chercher un emploi, il reste à vérifier si les membres de sa famille, relevant des catégories visées à l’article 10 du même règlement, peuvent invoquer cette dernière disposition pour revendiquer le droit de séjourner avec lui dans l’État membre d’accueil.

77.      Le gouvernement danois s’est exprimé à cet égard dans un sens négatif dans ses observations écrites. Ce gouvernement soutient que le ressortissant communautaire qui se déplace dans un autre État membre ou rentre dans son propre pays d’origine pour y trouver un emploi exerce ainsi la liberté de circulation des travailleurs, mais qu’il ne peut pas se prévaloir de l’article 10 du règlement n° 1612/68 pour les membres de sa famille. Il fait observer que cet article est inséré dans le titre II de la première partie de ce règlement et que, comme la Cour l’aurait précisé dans l’arrêt Collins (51), dans le cadre de ce titre le terme «travailleur» désigne uniquement une personne occupant effectivement un emploi.

78.      Il est vrai que, dans l’arrêt Collins, la Cour a relevé que «la notion de ‘travailleur’ n’est pas utilisée dans le règlement n° 1612/68 d’une manière uniforme» et que, «[s]i dans le titre II de la première partie dudit règlement ce terme vise uniquement les personnes qui ont déjà accédé au marché du travail, dans d’autres parties du même règlement la notion de ‘travailleur’ doit être comprise dans une acception plus large» (52). D’ailleurs, le titre II en question est relatif à l’«exercice de l’emploi […]» et l’application des règles correspondantes semblerait présupposer que l’«accès à l’emploi», qui constitue en revanche l’objet de la réglementation contenue dans le précédent titre I, se serait déjà produit (53).

79.      Néanmoins, il faut, à notre avis, situer cette remarque de la Cour dans son contexte et la nuancer.

80.      D’un côté, elle s’insère dans le cadre d’un raisonnement destiné essentiellement à exclure que le ressortissant d’un État membre qui se déplace pour chercher un emploi dans un autre État membre soit en droit de bénéficier, sur la base de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux (en l’espèce il s’agissait d’une indemnité pour les personnes à la recherche d’un emploi). L’arrêt Collins ne concerne nullement le droit des membres de la famille d’accompagner ou de rejoindre dans l’État membre d’accueil le ressortissant communautaire qui y cherche un emploi.

81.      D’un autre côté, nous observons que l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1612/68, inséré lui aussi dans le titre II précité, consacre la nullité de plein droit, lorsque des conditions discriminatoires à l’égard des travailleurs ressortissants des autres États membres y sont prévues ou autorisées, de clauses de conventions collectives ou individuelles ou d’autres réglementations collectives concernant, parmi d’autres aspects, l’«accès à l’emploi». Cela montre qu’en réalité la matière de l’accès à l’emploi n’est pas tout à fait étrangère au titre II et que la distinction quant à l’objet respectif du titre I et du titre II n’est pas aussi rigide qu’elle pourrait le sembler à première vue.

82.      La Cour a déjà relevé que l’article 10 du règlement n° 1612/68 doit être interprété «en fonction du système et des finalités de ce règlement» (54). Ce dernier se situe dans le cadre des diverses réglementations destinées à faciliter la réalisation des finalités visées à l’article 39 CE et doit de ce fait permettre, notamment, au travailleur de se déplacer librement dans le cadre du territoire des autres États membres et d’y séjourner afin d’y exercer un travail ou d’y chercher un emploi. Selon la Cour, «il résulte de l’ensemble de ses dispositions que, en vue de faciliter la circulation des membres de la famille des travailleurs, le Conseil a pris en considération, d’une part, l’importance que revêt du point de vue humain, pour le travailleur, le regroupement à ses côtés de sa famille et, d’autre part, l’importance que revêt, à tout point de vue, l’intégration du travailleur et de sa famille dans l’État membre d’accueil, sans aucune différence de traitement par rapport aux nationaux» (55). La Cour a également indiqué que, compte tenu du contexte et des finalités poursuivies par celui-ci, l’article 10 du règlement n° 1612/68 ne saurait être interprété de façon restrictive (56).

83.      Plus généralement, la Cour a rappelé qu’il ressort des règlements et des directives du Conseil relatifs à la libre circulation des travailleurs salariés et non salariés à l’intérieur de la Communauté, en particulier, que le législateur communautaire a reconnu l’importance d’assurer la protection de la vie familiale des ressortissants des États membres afin d’éliminer les obstacles à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité (57).

84.      Or, il faut reconnaître que l’impossibilité, pour les membres de la famille d’une personne exerçant le droit de se déplacer et de séjourner dans un autre État membre pour y chercher un emploi, d’accompagner ou de rejoindre leur parent proche sur le territoire de cet État risque de compromettre l’effet utile de ce droit. Il n’est pas difficile d’envisager des situations dans lesquelles, en l’absence de reconnaissance du droit des membres de la famille d’accompagner ou de rejoindre dans l’État d’accueil l’intéressé, la liberté de circuler afin de chercher un emploi ne serait pas exercée en pratique (par exemple, un citoyen qui élève seul un enfant en bas âge). Il faut garder présent à l’esprit que le séjour dans un autre État membre en vue d’y chercher un emploi peut se prolonger légalement pendant une période non négligeable (voir, à ce sujet, les points 109 à 115 ci-dessous).

85.      Il faut en outre penser à la nécessité de prendre en compte, dans l’interprétation des dispositions d’un règlement communautaire, les prescriptions en matière de respect des principes généraux du droit communautaire, et notamment des droits fondamentaux (58). Ce qui nous intéresse ici est le droit au respect de la vie familiale, protégé tant au titre de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), que, en présence d’enfants mineurs, au titre de la convention relative aux droits de l’enfant adoptée à New York le 20 novembre 1989.

86.      D’un côté, la Cour a déjà expressément affirmé que le droit au respect de la vie familiale au sens de l’article 8 de la CEDH fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence constante de la Cour, par ailleurs réaffirmée par le préambule de l’Acte unique européen et par l’article 6, paragraphe 2, UE, sont protégés dans l’ordre juridique communautaire (59) et a observé que, même si la CEDH ne garantit à un étranger aucun droit d’entrée ou de séjour sur le territoire d’un pays déterminé, l’exclusion d’une personne d’un pays où vivent ses proches parents peut constituer une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale tel que protégé à l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH (60).

87.      La Cour a également souligné qu’il faut interpréter le règlement n° 1612/68 à la lumière de l’exigence du respect de la vie familiale mentionné par l’article 8 de la CEDH (61).

88.      D’un autre côté, la Cour a reconnu, dans l’arrêt Parlement/Conseil, que la convention relative aux droits de l’enfant lie chacun des États membres et figure au nombre des instruments internationaux relatifs à la protection des droits fondamentaux dont elle tient compte pour l’application des principes généraux du droit communautaire (62). À cet égard, la Cour a constaté que ladite convention «reconnaît également le principe du respect de la vie familiale» et «qu’elle est fondée sur la reconnaissance, exprimée à son sixième considérant, que l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial» (63).

89.      L’article 9, paragraphe 1, de cette convention prévoit, dans ce sens, que les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré et, selon l’article 10, paragraphe 1, il résulte de cette obligation que toute demande présentée par un mineur ou ses parents en vue d’entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence (64).

90.      L’ensemble des éléments d’interprétation susvisés nous amène à conclure que, nonobstant sa formulation (c’est-à-dire le fait qu’elle se réfère aux membres de la famille du «travailleur ressortissant d’un État membre employé sur le territoire d’un autre État membre» (65)) et son insertion dans le titre II de la première partie du règlement n° 1612/68, l’article 10 de ce règlement fonde un droit au regroupement familial dans l’État membre d’accueil non seulement dans le cas du ressortissant communautaire qui s’y serait déplacé pour répondre à une offre d’emploi effective, mais également dans le cas du ressortissant communautaire qui s’y serait déplacé pour chercher un emploi.

91.      À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où il faudrait retenir qu’il n’est pas possible d’affirmer l’existence du droit au regroupement familial, même dans le second cas au moyen d’une interprétation extensive de l’article 10 précité, nous sommes d’avis qu’il serait possible de le faire par le biais d’une application par analogie de la même disposition dont la raison d’être est parfaitement compatible avec une extension au cas de la recherche d’un emploi de la solution prévue par la disposition elle-même pour le cas d’exercice de l’emploi.

92.      Ce n’est qu’à titre encore plus subsidiaire que nous relevons que le droit en question pourrait en toute hypothèse se déduire, sur la base du principe de l’effet utile, des mêmes dispositions – à savoir l’article 39 CE et l’article 1er du règlement n° 1612/68 – qui confèrent aux ressortissants communautaires le droit de se déplacer et de séjourner dans un État membre afin d’y chercher un emploi (66). La jurisprudence de la Cour en matière de libre circulation des personnes offre des exemples similaires de droits de séjour reconnus à des membres de la famille, en l’absence d’une disposition spécifique qui les fonderait, sur la base du principe de l’effet utile des droits de séjour attribués à leur parent proche (67).

93.      Il ressort des considérations qui précèdent que, à la première partie de la troisième question, sous a), il serait certes possible de répondre qu’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un travailleur qui rentre de l’État membre d’accueil dans celui dont il est ressortissant pour y chercher un emploi, a le droit de séjourner dans ce dernier État.

94.      Avant d’examiner la seconde partie de la troisième question, sous a), visant à voir préciser la période durant laquelle un tel droit subsiste, il nous semble nécessaire toutefois d’élucider un point de grande importance qui n’a pas été pris en considération par la juridiction de renvoi dans la formulation des questions préjudicielles (68).

iii) Le droit au regroupement familial au titre de l’article 10 du règlement n° 1612/68 existe-t-il même dans le cas où le retour dans le pays d’origine du travailleur n’est pas effectué pour y exercer une activité professionnelle ou y chercher un emploi?

95.      Comme il a été soutenu en substance par la Commission, le ressortissant d’un État membre qui aurait usé de la liberté de circulation des travailleurs figurant à l’article 39 CE et à l’article 1er du règlement n° 1612/68 pour exercer une activité professionnelle dans un autre État membre tire des mêmes dispositions le droit de rentrer et de séjourner dans le premier État, même s’il n’a pas l’intention ou s’il n’est pas en mesure d’y exercer une activité professionnelle ou d’y chercher un emploi (69).

96.      Il est vrai que le droit du ressortissant d’un État membre à rentrer, avec son conjoint, dans l’État membre dont il a la nationalité après avoir exercé sur le territoire d’un autre État membre une activité salariée a été reconnu par la Cour, dans l’arrêt Singh, précité, en vertu de l’article 52 du traité et en considération du fait que ledit ressortissant revenait s’établir dans son propre État pour y exercer une activité non salariée.

97.      Toutefois, cela ne signifie pas que, par cet arrêt, la Cour aurait conditionné l’existence, en droit communautaire, du droit de rentrer et de séjourner dans l’État membre dont on est ressortissant, après avoir exercé une activité salariée dans un autre État membre, à l’exercice, au retour dans le premier État, d’une activité économique, qu’elle soit salariée ou non salariée.

98.      La Commission a rappelé, à juste titre, dans ses observations écrites que, sur la base de la jurisprudence de la Cour, si dans le cadre de l’article 39 CE et du règlement n° 1612/68 doit être considérée comme un travailleur la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle perçoit une rémunération, et si, une fois que la relation de travail a pris fin, l’intéressé perd en principe la qualité de travailleur, cette qualité peut cependant produire certains effets après la cessation de la relation de travail (70). Les droits dont bénéficient le travailleur communautaire et les membres de sa famille en vertu du règlement n° 1612/68, tout comme la qualité de travailleur migrant elle‑même, peuvent, dans certaines circonstances, subsister même après la cessation de la relation de travail (71).

99.      Or, parmi ces droits figure, à notre avis, également le droit du travailleur migrant de rentrer et de séjourner dans l’État membre dont il est ressortissant, une fois que la relation de travail a cessé dans l’État membre d’accueil.

100. Il est vrai qu’un tel droit est généralement reconnu par le droit national, dans la mesure où il est rattaché au statut de citoyen, également conformément à l’article 3, paragraphe 2, du protocole n° 4 qui complète la CEDH, signé à Strasbourg le 16 septembre 1963, qui établit que «nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’État dont il est le ressortissant».

101. Néanmoins, il faut admettre que ce droit est conféré également par le droit communautaire, dans la mesure où il est nécessaire pour assurer l’effet utile des dispositions garantissant la liberté de circulation des travailleurs. Il est évident en effet que le ressortissant d’un État membre pourrait être dissuadé de quitter son pays d’origine pour exercer une activité salariée sur le territoire d’un autre État membre s’il n’avait pas la certitude de pouvoir revenir un jour dans l’État membre dont il a la nationalité, même indépendamment de l’exercice d’une activité économique ou de la recherche d’un emploi dans ce dernier État.

102. Le retour d’un travailleur communautaire de l’État membre d’accueil à son État d’origine, même s’il n’est pas destiné à la recherche ou à l’exercice d’un emploi dans ce dernier État, est donc une situation qui, loin d’être purement interne, est régie et garantie par le droit communautaire, plus précisément par l’article 39 CE et par l’article 1er du règlement n° 1612/68.

103. En conséquence, et par analogie avec ce que nous avons observé aux points 76 à 90 ci-dessus, pourvu que le lien de parenté exigé par l’article 10 du même règlement existe, même les membres de la famille de ce travailleur peuvent, à notre avis, faire valoir, sur la base de cet article et indépendamment du fait que le travailleur reprenne ou recherche ou non une activité salariée dans l’État dont il est ressortissant, un droit de séjour sur le territoire de cet État quand ledit travailleur y revient après avoir exercé une activité salariée dans l’État d’accueil. Il est évident, en particulier, que le droit communautaire du travailleur de rentrer dans son État d’origine ne serait pas effectif s’il pouvait être dissuadé de l’exercer par des obstacles opposés dans cet État au séjour de ses parents les plus proches.

104. On ne saurait soutenir, en sens contraire de l’approche que nous avons suivie, comme l’ont fait pourtant les gouvernements néerlandais et danois dans leurs observations écrites, que la perspective de ne pas pouvoir poursuivre, lors du retour dans l’État d’origine, une vie commune familiale éventuellement établie dans l’État d’accueil n’est pas de nature à dissuader le ressortissant communautaire de se déplacer dans l’État d’accueil pour y exercer une activité salariée. En particulier, le gouvernement néerlandais a souligné le fait que M. Eind ne pouvait être dissuadé d’exercer ladite liberté en se déplaçant au Royaume-Uni par l’impossibilité pour sa fille de séjourner avec lui une fois revenu dans son pays d’origine, dans la mesure où Mlle Eind, déjà à l’époque de ce déplacement, ne disposait pas d’un droit de séjour aux Pays‑Bas.

105. Nous estimons que l’effet dissuasif en question est exercé par la simple perspective, pour le ressortissant d’un État membre qui voudrait accepter une offre d’emploi dans un autre État membre, de ne pas pouvoir poursuivre, après son retour dans son État d’origine, une vie commune (72) avec ses proches parents qui puisse éventuellement commencer – par l’effet du mariage, de la filiation ou, comme en l’espèce, du regroupement familial – dans l’État d’accueil.

106. Pensons au cas d’un travailleur communautaire qui se serait déplacé dans un autre État membre pour y exercer une activité salariée, qui y aurait contracté un mariage avec un ressortissant d’un pays tiers légalement résident et aurait eu avec celui-ci un enfant, auquel ni l’État d’origine du travailleur ni l’État d’accueil n’attribuent la nationalité. Pourrait-on sérieusement objecter à ce travailleur que, à son retour dans son pays d’origine, il n’a pas le droit de se faire accompagner par son conjoint et son enfant, ressortissants de pays tiers, au motif que, à la date à laquelle il a pris la décision de se déplacer dans l’État d’accueil, il n’avait pas de tels liens et, de ce fait, qu’il ne pouvait être dissuadé de se déplacer dans cet État par l’impossibilité d’un regroupement familial ultérieur dans l’État d’origine?

b)      Conclusion sur l’application de l’article 10 du règlement n° 1612/68 dans un cas comme celui de l’espèce

107. Nous estimons donc que, en réponse à la troisième question préjudicielle, sous a), il faut considérer que le ressortissant d’un pays tiers, qui serait membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre qui revient dans cet État après avoir exercé une activité salariée dans un autre État membre, dispose, en vertu de l’article 10 du règlement n° 1612/68, d’un droit de séjourner dans le premier État avec son parent proche indépendamment du fait que ce dernier y exerce ou y recherche un emploi.

108. Ce droit, comme l’a observé la Commission, appartient à son titulaire sans autres limites de temps, si ce n’est celles résultant des conditions figurant aux points a) et b) de l’article 10 précité. S’agissant, comme en l’espèce, d’un descendant du travailleur, le droit lui appartient jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 21 ans et, au-delà de cette date, tant que le descendant reste à la charge du travailleur.

c)      Durée du droit de séjour au titre de l’article 10 du règlement n° 1612/68 revenant aux membres de la famille d’une personne à la recherche d’un emploi

109. Dans l’éventualité où la Cour n’entendrait pas reprendre la solution que nous avons décrite au point 107 ci-dessus, mais reconnaîtrait au moins que le ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre qui revient dans son État d’origine à partir de l’État d’accueil pour y chercher un emploi, dispose d’un droit de séjour dans le premier État en vertu de l’article 10 du règlement n° 1612/68, il resterait encore à déterminer, afin de compléter la réponse à la troisième question préjudicielle, sous a), la période durant laquelle ce droit existe.

110. La Cour a eu l’occasion d’observer que l’article 10 du règlement n° 1612/68 et les articles 1er et 4 de la directive 68/360 «prévoient que les États membres reconnaissent au conjoint et aux enfants du travailleur un droit de séjour équivalant à celui reconnu au travailleur lui-même» (73). En particulier, l’article 4, paragraphe 4, de cette directive dispose que le membre de la famille qui n’a pas la nationalité d’un État membre a le droit à ce qu’il lui soit délivré un document de séjour ayant la même validité que celui délivré au travailleur dont il dépend. Il s’ensuit que la réglementation communautaire confère aux membres de la famille de travailleurs migrants un droit de séjour «ayant la même étendue que le droit de séjour de ces derniers» (74).

111. Il faut donc vérifier quelles sont les limites temporelles du droit de séjour conféré aux fins de la recherche d’un emploi par l’article 39 CE et par l’article 1er du règlement n° 1612/68.

112. La jurisprudence de la Cour a déjà examiné cet aspect. Depuis l’arrêt Antonissen, la Cour a relevé «que l’effet utile de l’article 48 [du traité CEE, devenu article 39 CE] est garanti dans la mesure où la législation communautaire, ou, à défaut de celle-ci, la législation d’un État membre, accorde aux intéressés un délai raisonnable qui leur permette de prendre connaissance, sur le territoire de l’État membre concerné, des offres d’emplois correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d’être engagés» (75).

113. En l’absence de disposition communautaire fixant un délai pour le séjour des ressortissants communautaires à la recherche d’un emploi dans un État membre, les États membres sont donc en droit de déterminer un délai raisonnable à cette fin (76). La Cour a déjà indiqué qu’un délai de six mois n’apparaît pas, en principe, comme insuffisant, en précisant que, «si, après l’écoulement du délai en question, l’intéressé apporte la preuve qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances véritables d’être engagé, il ne saurait toutefois être contraint de quitter le territoire de l’État membre d’accueil» (77). Ainsi, une réglementation nationale qui obligerait les ressortissants communautaires qui cherchent un emploi à quitter automatiquement le territoire après l’expiration du délai imparti serait contraire au droit communautaire (78).

114. La période durant laquelle peut s’exercer le droit du ressortissant communautaire de séjourner dans un État membre afin d’y chercher un emploi est donc, en l’absence d’une disposition communautaire qui le fixe, celui déterminé par chaque État membre dans le respect des exigences imposées à cet effet par le droit communautaire. Il doit s’agir donc d’un délai raisonnable dont l’expiration ne peut en aucun cas être opposée au citoyen communautaire qui prouve qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances véritables d’être engagé.

115. Tant que ce ressortissant a le droit de séjourner dans un État membre afin d’y chercher un emploi, les membres de sa famille relevant des catégories énumérées à l’article 10 du règlement n° 1612/68 pourront eux aussi faire valoir, au titre de cet article, un droit de séjour dans le même État.

116. Or, la réglementation néerlandaise, telle qu’elle ressort de l’ordonnance de renvoi (79), est parfaitement en ligne avec les exigences posées par la jurisprudence de la Cour, en ce qu’elle prévoit que la durée du document de séjour délivré à l’étranger à la recherche d’un emploi est de six mois (délai que la Cour considère en principe comme raisonnable) et que cette durée est prorogée à chaque fois de trois mois si l’étranger démontre qu’il est encore à la recherche d’un emploi et qu’il a des chances véritables d’en trouver.

d)      Réponse suggérée pour la troisième question, sous a)

117. Nous suggérons donc à la Cour de répondre à la troisième question, sous a) comme suit:

Un ressortissant d’un pays tiers, qui serait membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre qui rentre dans cet État après avoir exercé une activité salariée dans un autre État membre, a, en vertu de l’article 10 du règlement n° 1612/68 et si le lien de famille requis existe, le droit de séjourner dans le premier État avec son parent proche indépendamment du fait que ce dernier y exerce ou y recherche un emploi. Ce droit revient à son titulaire sans autres limites de temps que celles résultant des conditions visées aux points a) et b) de l’article 10 précité.

3.      Sur la troisième question, sous b), et la quatrième question: droit d’entrée et de séjour du membre de la famille au titre de l’article 18 CE et de la directive 90/364

118. La réponse que nous suggérons de donner à la troisième question préjudicielle, sous a) – dont découlerait la reconnaissance en l’espèce du droit de Mlle Eind de séjourner avec son père aux Pays‑Bas au titre de l’article 10 du règlement n° 1612/68 –, rendrait superflue l’analyse de la troisième question, sous b), et de la quatrième question. C’est donc seulement dans un souci d’exhaustivité et de façon résumée que nous procéderons ci-après à cette analyse.

119. En commençant par l’article 18 CE, nous estimons qu’il ne peut pas, pris isolément, fonder un droit de Mlle Eind à séjourner avec son père aux Pays‑Bas. Nous sommes en effet d’avis que l’observation avancée dans la doctrine selon laquelle un «paradoxe de la citoyenneté européenne concernant la liberté de circulation des personnes est d’annoncer beaucoup tout en ne permettant rien d’autre que ce qui existe déjà» (80) vaut au moins pour ce qui concerne les conditions de reconnaissance d’un droit de séjour dans un État membre.

120. Même en faisant abstraction du fait que Mlle Eind n’est pas une citoyenne de l’Union et en nous limitant à considérer tout d’abord la situation de M. Eind, qui est en revanche un citoyen de l’Union, nous estimons qu’il faut déjà exclure la possibilité de reconnaître dans le chef de celui-ci, sur le fondement du seul article 18, paragraphe 1, CE, le droit de séjourner sur le territoire des Pays‑Bas.

121. Le paragraphe 1 de cet article reconnaît certes que «[t]out citoyen a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres», mais «sous réserve des limitations et conditions prévues par [le traité] et par les dispositions prises pour son application». Cela implique clairement, à notre avis, que ledit droit n’existe qu’en présence de ces «conditions» et que sa portée est définie également par ces «limitations».

122. La jurisprudence de la Cour nous semble exclure en substance la possibilité de reconnaître dans le chef d’un citoyen de l’Union, sur le fondement du seul article 18, paragraphe 1, CE, le droit de séjourner sur le territoire d’un quelconque État membre.

123. Certes, la jurisprudence fait état d’affirmations d’une certaine ambiguïté pouvant créer quelques confusions, telles que celle selon laquelle le «droit de séjourner sur le territoire des États membres prévu à l’article 18, paragraphe 1, CE, […] est reconnu directement à tout citoyen de l’Union par une disposition claire et précise du traité CE», de sorte qu’il serait possible d’invoquer l’article 18, paragraphe 1, CE en vertu de la «seule qualité de ressortissant d’un État membre, et partant, de citoyen de l’Union» (81). On a parlé à ce sujet, dans la doctrine, de la reconnaissance de la part de la Cour, sur la base des suggestions exprimées en ce sens par ses avocats généraux (82), de l’effet direct de cette disposition. Dans l’arrêt Baumbast et R, la Cour a en particulier souligné que «l’application des limitations et conditions admises à l’article 18, paragraphe 1, CE, pour l’exercice dudit droit de séjour est susceptible d’un contrôle juridictionnel», de sorte que «les éventuelles limitations et conditions de ce droit n’empêchent pas que les dispositions de l’article 18, paragraphe 1, CE confèrent aux particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice et que les juridictions nationales doivent sauvegarder» (83).

124. Il ressort toutefois clairement de la jurisprudence de la Cour, et même de celle rappelée au point précédent, que le droit du citoyen de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres, visé à l’article 18, paragraphe 1, CE, n’est pas inconditionnel, mais qu’il n’est reconnu que sous réserve des conditions prévues par le traité CE ainsi que par les dispositions prises pour son application (84), de sorte qu’il «incombe aux citoyens de l’Union d’apporter la preuve qu’ils remplissent les conditions posées à cet égard par les dispositions communautaires pertinentes» (85).

125. À notre avis, il vaudrait mieux alors parler d’effet direct non de l’article 18, paragraphe 1, CE en tant que tel, mais de la combinaison de cette disposition avec chacune des autres dispositions du traité ou du droit dérivé qui établissent les conditions d’existence du droit en question, lequel ne peut donc, en l’état actuel du droit communautaire, être considéré comme attribué en vertu de la seule citoyenneté européenne.

126. Comme la Cour l’a précisé dans l’arrêt Commission/Belgique (86) à propos du cadre juridique antérieur à l’entrée en vigueur de la directive 2004/38, «[l]es conditions de la délivrance du titre de séjour sont régies, en ce qui concerne les travailleurs salariés, par la directive 68/360; en ce qui concerne les travailleurs indépendants, par la directive 73/148; en ce qui concerne les étudiants, par la directive 93/96; en ce qui concerne les travailleurs salariés et non salariés ayant cessé leur activité professionnelle, par la directive 90/365, et, en ce qui concerne les ressortissants communautaires qui ne bénéficient pas de droit de séjour en vertu d’autres dispositions communautaires, par la directive 90/364».

127. Aux fins du litige au principal entrent en ligne de compte, outre la réglementation relative aux travailleurs salariés déjà examinée dans le cadre de l’analyse de la troisième question préjudicielle, sous a), les dispositions de la directive 90/364, sur lesquelles porte précisément la troisième question préjudicielle, sous b).

128. Le droit de séjour que chaque État membre doit accorder sur son territoire aux ressortissants d’un autre État membre conformément à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive présuppose que ceux‑ci disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, d’une assurance maladie couvrant l’ensemble des risques dans l’État membre d’accueil ainsi que de ressources suffisantes pour éviter qu’ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l’assistance sociale de cet État (87).

129. Ces conditions, lues à la lumière du quatrième considérant de ladite directive, selon lequel les bénéficiaires du droit de séjour ne doivent pas devenir une charge déraisonnable pour les finances publiques de l’État membre d’accueil, s’inspirent de l’idée que l’exercice du droit de séjour des citoyens de l’Union peut être subordonné aux intérêts légitimes des États membres (88).

130. En l’espèce, l’article 1er de la directive 90/364 a été pris en considération par la juridiction de renvoi en tant que fondement juridique possible pour la reconnaissance à Mlle Eind, en tant que «descendant à charge» du titulaire du droit de séjour au sens du paragraphe 2 de l’article précité, d’un droit de séjour aux Pays‑Bas dérivé de celui que, par hypothèse, son père tirerait en vertu du même article.

131. En conséquence, pour que celle-ci puisse se prévaloir de ces dispositions, il faut qu’il soit démontré, précisément, que M. Eind peut invoquer un droit de séjour aux Pays‑Bas non seulement sur la base du droit néerlandais et de sa nationalité, mais également au titre de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive en question.

132. À cet égard, nous observons tout d’abord que la directive 90/364 ne semble pas conçue pour attribuer aux ressortissants communautaires des droits à l’égard de l’État membre dont ils ont la nationalité. Il apparaît à la lecture de son troisième considérant qu’elle est destinée à harmoniser les «dispositions nationales relatives au séjour des ressortissants des États membres dans un État membre autre que le leur». Elle vise donc essentiellement à favoriser la mobilité des ressortissants communautaires vers les États membres dont ils n’ont pas la nationalité. Cela s’explique par le fait que le droit de séjourner dans l’État membre dont on est ressortissant est, comme nous l’avons déjà rappelé (voir point 100 ci-dessus), généralement reconnu par les ordres juridiques nationaux, également conformément aux obligations de droit international.

133. Néanmoins, à la lumière de l’objectif que la directive 90/364, adoptée sur la base de l’article 235 CE, entend poursuivre – celui, prévu à l’article 3, sous c), CE et rappelé dans le premier considérant de la directive elle-même, de l’abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des personnes – et compte tenu de l’exigence de respecter le principe général d’égalité, nous estimons possible une interprétation extensive des dispositions de ladite directive qui la rende applicable également à des personnes – résidant dans un État membre autre que celui dont elles sont ressortissantes, soit parce qu’elles y sont nées, soit parce qu’elles s’y sont déplacées – qui voudraient se déplacer dans l’État membre dont elles sont ressortissantes, mais ne peuvent pas se prévaloir à cet effet du droit national ou d’autres dispositions de droit communautaire.

134. Dans le cadre d’une telle interprétation extensive, il faut vérifier si M. Eind et, par conséquent, sa fille remplissent les conditions leur ouvrant le droit de séjourner aux Pays‑Bas en vertu de la directive 90/364.

135. L’existence du droit de séjour prévu à l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive exige en particulier de disposer de «ressources suffisantes pour éviter que [l’intéressé ne devienne], pendant [son] séjour, une charge pour l’assistance sociale de l’État membre d’accueil». La disponibilité de ressources suffisantes, en tant que condition nécessaire pour l’ouverture du droit de séjour en question, doit logiquement préexister à l’exercice de ce droit. En d’autres termes, l’intéressé doit, au moment où il demande à pouvoir séjourner dans l’État membre d’accueil, démontrer qu’il ne doit pas compter sur l’aide économique de cet État pour sa subsistance. Le séjour ne doit pas générer en substance des charges excessives pour les finances de l’État dans lequel on désire séjourner (voir quatrième considérant de la directive).

136. Comme la Cour a eu l’occasion de le constater, selon les termes mêmes de cette disposition, «il suffit que les ressortissants des États membres ‘disposent’ de ressources nécessaires sans que cette disposition comporte la moindre exigence quant à la provenance de celles-ci» (89). Par conséquent, même une aide sociale peut en théorie représenter une source de «ressources suffisantes» au sens de l’article 1er de la directive 90/364.

137. En effet, le ressortissant communautaire qui reçoit d’un État membre une aide sociale qui serait «exportable» en cas de déplacement dans un autre État membre, car exonérée de conditions de résidence, pourrait certainement faire valoir à l’égard de ce dernier cette aide aux fins visées à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive en question, en vue de démontrer qu’il ne doit pas compter sur l’assistance sociale de cet État d’accueil.

138. La même faculté devrait être reconnue à ce ressortissant à l’égard de son propre État qui lui verse l’aide et dans lequel il voudrait se déplacer ou revenir. En effet, si le droit de percevoir cette aide ne présuppose pas le séjour du ressortissant dans ledit État, un tel séjour ne provoquerait pas de charges supplémentaires pour l’assistance sociale de l’État en question, qui serait tenu en toute hypothèse de verser l’aide, même si son ressortissant ne séjournait pas sur son territoire.

139. À notre avis, les conditions d’attribution de l’aide sociale sont donc décisives. En l’espèce, la Cour ne dispose pas d’informations suffisamment précises à propos des conditions d’attribution de l’aide versée par les autorités néerlandaises à M. Eind. Certes, l’ordonnance de renvoi, si elle mentionne le fait que M. Eind jouit de l’aide en question depuis son retour aux Pays‑Bas (90), indique qu’il «bénéficie par sa nationalité néerlandaise du droit aux allocations d’aide sociale néerlandaise» (91). Il n’est pas exclu toutefois, étant donné que la juridiction de renvoi peut ne pas avoir gardé à l’esprit l’importance des conditions d’attribution de l’aide sociale aux fins qui nous occupent ici, que M. Eind ait obtenu cette aide également compte tenu de sa résidence aux Pays‑Bas.

140. S’il apparaissait que cette aide de l’État néerlandais revient à M. Eind en vertu de sa nationalité néerlandaise et indépendamment du fait qu’il séjourne aux Pays‑Bas, il pourrait la faire valoir pour invoquer un droit de séjour dans cet État en vertu de la directive 90/364, et sa fille avec lui. À l’inverse, ils ne pourraient pas le faire si cette aide était accordée à M. Eind en tant que citoyen résidant aux Pays‑Bas, c’est‑à‑dire si elle présupposait le séjour de celui-ci dans cet État.

141. Les troisième question préjudicielle, sous b), et la quatrième mériteraient donc, si la Cour ne jugeait pas leur examen superflu, une réponse de la teneur suivante:

Aux fins de l’application de l’article 1er de la directive 90/364, il n’est pas, en principe, exclu de prendre en considération, dans le cadre de la vérification de la disponibilité de «ressources suffisantes» au sens de cet article, une aide sociale versée par un État membre. S’il s’agit d’une aide versée à un de ses ressortissants par l’État à l’égard duquel on revendique en vertu du même article un droit de séjour, cette aide ne saurait être prise en considération dans le cadre précité, si son octroi présuppose la résidence du bénéficiaire sur le territoire dudit État.

L’article 18, paragraphe 1, CE n’attribue pas au citoyen de l’Union un droit d’entrée et de séjour sur le territoire des États membres en dehors des conditions prévues par les autres dispositions du traité ainsi que par les dispositions d’application correspondantes. La circonstance que le ressortissant du pays tiers soit un membre de la famille d’une personne qui bénéficie du statut de citoyen de l’Union ne modifie pas la réponse à donner aux précédentes questions préjudicielles.

V –    Conclusions

142. À la lumière des considérations qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles qui lui sont soumises par le Nederlandse Raad van State comme suit:

«1)       a)      Le fait qu’un ressortissant d’un pays tiers ait été considéré par un État membre d’accueil comme un membre de la famille d’un travailleur, au sens de l’article 10 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, et qu’il ait à ce titre reçu de cet État un permis de séjour en vertu de cet article, n’impose pas, en soi, même si la validité de ce permis n’est pas encore expirée, à l’État membre dont le travailleur est ressortissant de reconnaître au ressortissant précité d’un pays tiers, au retour du travailleur dans ce dernier État membre, le droit d’entrée et de séjour sur son territoire.

         b)      L’État membre dont le travailleur est ressortissant est tenu d’apprécier si le ressortissant du pays tiers, membre de la famille du travailleur, dispose, au retour de ce dernier sur le territoire de cet État membre, d’un droit d’entrée et de séjour sur ce territoire sur la base du droit communautaire, avant de vérifier si un tel droit peut ou non être reconnu à ce ressortissant en vertu du droit national en dehors du champ d’application de la réglementation communautaire.

2)       Pour la réponse à la première question, sous a) et b), est dépourvue de pertinence la circonstance que ce ressortissant du pays tiers, avant de séjourner dans l’État membre d’accueil, n’ait pas bénéficié d’un droit de séjour fondé sur le droit national dans l’État membre dont le travailleur a la nationalité. Cette circonstance ne s’oppose pas à la délivrance de la part de ce dernier État au ressortissant du pays tiers d’un permis de séjour fondé sur le droit communautaire.

3)       a)      Un ressortissant d’un pays tiers, qui serait membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre qui rentre dans cet État après avoir exercé une activité salariée dans un autre État membre, a, en vertu de l’article 10 du règlement n° 1612/68, et si le lien de famille requis existe, le droit de séjourner dans le premier État avec son parent proche indépendamment du fait que ce dernier y exerce ou y recherche un emploi. Ce droit revient à son titulaire sans autres limites de temps que celles résultant des conditions visées aux points a) et b) de l’article 10 précité.

         b)      Aux fins de l’application de l’article 1er de la directive 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour, il n’est pas, en principe, exclu de prendre en considération, dans le cadre de la vérification de la disponibilité de ‘ressources suffisantes’ au sens de cet article, une aide sociale versée par un État membre. S’il s’agit d’une aide versée à un de ses ressortissants par l’État à l’égard duquel on revendique en vertu du même article un droit de séjour, cette aide ne saurait être prise en considération dans le cadre précité, si son octroi présuppose la résidence du bénéficiaire sur le territoire dudit État.

4)       L’article 18, paragraphe 1, CE n’attribue pas au citoyen de l’Union un droit d’entrée et de séjour sur le territoire des États membres en dehors des conditions prévues par les autres dispositions du traité CE ainsi que par les dispositions d’application correspondantes. La circonstance que le ressortissant du pays tiers soit un membre de la famille d’une personne qui bénéficie du statut de citoyen de l’Union ne modifie pas la réponse à donner aux précédentes questions préjudicielles.»


1 – Langue originale: l’italien.


2 – Directive du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77).


3 – JO L 257, p. 2.


4 – L’article 10 du règlement n° 1612/68, de même que l’article 11 suivant, a été abrogé à partir du 30 avril 2006, par la directive 2004/38.


5 – JO L 257, p. 13. Cette directive a été abrogée, à partir du 30 avril 2006, par la directive 2004/38.


6 – JO L 180, p. 26. Cette directive a elle aussi été abrogée, à partir du 30 avril 2006, par la directive 2004/38.


7 – Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, Rec. p. I‑745).


8 – Arrêt du 7 juillet 1992 (C‑370/90, Rec. p. I‑4265).


9 – Ordonnance de renvoi, point 2.4.


10 – Il s’agit des gouvernements du Royaume-Uni, tchèque, danois, néerlandais et allemand, qui ont déposé des observations écrites, et du gouvernement grec, intervenu seulement à l’audience.


11 – Voir points 2.7 à 2.9 de cette ordonnance.


12 – Arrêt du 23 septembre 2003 (C‑109/01, Rec. p. I‑9607).


13 – Ordonnance de renvoi, point 2.9.2.


14 – Ordonnance de renvoi, point 2.7.


15 – Ordonnance de renvoi, point 2.9.3.


16 – Ibidem.


17 – Ibidem.


18 – Le gouvernement du Royaume-Uni a motivé cette précision en relevant que, comme cela ressortirait de l’arrêt Akrich précité, le ressortissant d’un pays tiers qui est membre de la famille d’un travailleur communautaire tire de l’article 39 CE et de l’article 10 du règlement n° 1612/68 un droit de séjourner avec ce dernier dans l’État membre d’accueil seulement s’il séjourne déjà légalement dans un autre État membre de la Communauté avant de se déplacer dans le premier État.


19 – C’est nous qui soulignons.


20 – Ladite limitation territoriale du permis de séjour se déduit, directement ou indirectement, également d’autres dispositions communautaires. Par exemple, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 68/360 impose aux États membres de reconnaître à leurs ressortissants et aux membres de leur famille auxquels s’applique le règlement n° 1612/68, qui sont en mesure de présenter les documents requis, «le droit de séjour sur leur territoire». L’article 11 du règlement n° 1612/68 prévoit le droit du conjoint et des enfants du ressortissant d’un État membre exerçant sur le territoire d’un État membre une activité salariée ou non salariée «d’accéder à toute activité salariée sur l’ensemble du territoire de ce même État» (c’est nous qui soulignons). La Cour, dans l’arrêt du 30 mars 2006, Mattern et Cikotic (C‑10/05, Rec. p. I‑3145, point 24), a souligné qu’il résulte du libellé même de l’article 11 du règlement que le droit d’un ressortissant d’un État tiers, conjoint d’un ressortissant communautaire, d’accéder au marché du travail ne peut être invoqué que dans l’État membre où ce ressortissant communautaire exerce une activité salariée ou non salariée.


21 – Arrêt du 14 avril 2005, Commission/Espagne (C‑157/03, Rec. p. I‑2911, point 28).


22 – C’est dans ce sens que se sont exprimés, dans leurs observations écrites, les gouvernements tchèque et allemand.


23 – Cela implique que lesdites autorités pourront vérifier, par exemple, la réalité du lien de parenté requis.


24 – Précité, points 49 et 50.


25 – À supposer, bien entendu, que le permis de séjour en question ait été réellement fondé sur l’article 10 du règlement n° 1612/68: voir points 27 à 29 ci-dessus.


26 – Arrêt du 9 janvier 2007 (C‑1/05, Rec. p. I‑1).


27 – Conclusions présentées le 27 avril 2006 dans l’affaire Jia, précitée, point 28.


28 – Arrêts du 25 juillet 2002, MRAX (C‑459/99, Rec. p. I‑6591, point 59), et Commission/Espagne, précité, point 28.


29 – La Commission et le gouvernement tchèque, dans leurs observations écrites déposées dans le cadre de la présente procédure préjudicielle avant le prononcé de l’arrêt Jia, ont eux aussi soutenu que la condition du séjour légal préalable n’est pas d’application générale et n’est pas pertinente en l’espèce. À l’audience, le représentant de Mlle Eind s’est exprimé dans ce sens; en revanche, les gouvernements grec et allemand se sont prononcés en sens contraire.


30 – Arrêt Jia, précité, point 33.


31 – Comme rappelé par la juridiction de renvoi elle-même au point 2.9.1 de l’ordonnance de renvoi, ce litige portait sur une situation dans laquelle le conjoint marocain d’un ressortissant britannique séjournait illégalement au Royaume-Uni et avait été expulsé vers l’Irlande, où il a rejoint son conjoint, qui y vivait et y travaillait, avant que les deux ne reviennent ensemble au Royaume-Uni, où ledit conjoint a accepté un emploi.


32 – Arrêt Jia, précité, point 31.


33 – Le gouvernement allemand s’est expressément prononcé dans un sens contraire au nôtre dans ses observations écrites présentées dans le cadre de la présente procédure, antérieures toutefois au prononcé de l’arrêt Jia, précité.


34 – Par ailleurs, même à vouloir considérer que, contrairement à ce qui est précisé par la Cour dans l’arrêt Jia, la condition du séjour légal préalable dans un État membre, visée dans l’arrêt Akrich, serait d’application générale – avec la conséquence que les autorités britanniques n’auraient pas dû octroyer à Mlle Eind un permis de séjour fondé sur l’article 10 du règlement n° 1612/68 –, nous estimons que le séjour de celle-ci au Royaume-Uni ne pourrait être qualifié d’illégal, étant donné qu’il a été en toute hypothèse expressément autorisé par les autorités britanniques, fût-ce en l’absence des conditions.


35 – C’est nous qui soulignons. De même façon, le cinquième considérant de la directive 2004/38 indique actuellement que «[l]e droit de tous les citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres devrait, pour qu’il puisse s’exercer dans des conditions objectives de liberté et de dignité, être légalement accordé aux membres de leur famille quelle que soit leur nationalité» (c’est nous qui soulignons).


36 – Arrêts du 13 novembre 1990, Di Leo (C‑308/89, Rec. p. I‑4185, point 13), et 17 septembre 2002, Baumbast et R (C‑413/99, Rec. p. I‑7091, point 50).


37 – La directive 2004/38, elle-même, maintient cette conception fonctionnelle du droit au regroupement familial du citoyen de l’Union – comme cela ressort de son article 3, paragraphe 1, aux termes duquel «[l]a présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2, qui l’accompagnent ou le rejoignent» –, de sorte que le regroupement familial des citoyens de l’Union qui n’exercent pas leur droit à la libre circulation continue à être régi par le droit national. Voir, dans ce sens, Urbano De Sousa, C., «Le droit des membres de la famille du citoyen de l’Union européenne de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres, dans la directive 2004/38/CE», dans Carlier, J. Y., et Guild, E. (sous la direction de), L’avenir de la libre circulation des personnes dans l’UE, Bruylant, Bruxelles, 2006, p. 103, en particulier p. 124 et 125. Voir, également, conclusions de l’avocat général Stix-Hackl du 13 septembre 2001 dans l’affaire MRAX, précitée, point 30.


38 – Ordonnance de renvoi, point 2.10.2.


39 – C’est nous qui soulignons.


40 – Le gouvernement tchèque et la Commission sont en substance de ce même avis.


41 – Voir arrêt du 18 mai 1989, Commission/Allemagne (249/86, Rec. p. 1263, point 8).


42 – L’article 39, paragraphe 1, CE garantit la «libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté». L’article 39, paragraphe 3, se réfère, sous b), au droit de «se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres», sous c), au droit de «séjourner dans un des États membres» et, sous d), au droit «de demeurer […] sur le territoire d’un État membre, après y avoir occupé un emploi» (c’est nous qui soulignons).


43 – L’article 7 du règlement n° 1612/68 consacre le droit du travailleur ressortissant d’un État membre à l’égalité de traitement par rapport aux travailleurs nationaux sur le territoire des autres États membres pour ce qui concerne les conditions d’emploi et de travail.


44 – Arrêt du 26 janvier 1999, Terhoeve (C‑18/95, Rec. p. I‑345, points 26 à 29 et jurisprudence citée).


45 – Arrêt précité, point 19.


46 – Ibidem, point 23.


47 – Arrêt du 23 mars 2004, Collins (C‑138/02, Rec. p. I‑2703, point 26 et jurisprudence citée).


48 – Voir dans ce sens, expressément, arrêt du 12 mai 1998, Martínez Sala (C‑85/96, Rec. p. I‑2691, point 32), selon lequel dans le cadre de l’article 39 CE et du règlement n° 1612/68 «une personne à la recherche réelle d’un emploi doit également être qualifiée de travailleur».


49 – Ordonnance de renvoi, point 2.10.1.


50 – Arrêt Antonissen, précité, points 13 et 14 (c’est nous qui soulignons). Voir, également, arrêts du 26 mai 1993, Tsiotras (C‑171/91, Rec. p. I‑2925, point 8); du 20 février 1997, Commission/Belgique (C‑344/95, Rec. p. I‑1035, point 15), et Collins, précité, point 36.


51 – Précité, point 32.


52 – Ibidem.


53 – Voir conclusions de l’avocat général Darmon présentées le 8 novembre 1990 dans l’affaire tranchée par l’arrêt Antonissen, précité (point 7).


54 – Arrêt Commission/Allemagne, précité, point 11.


55 – Ibidem.


56 – Arrêt du 13 février 1985, Diatta (267/83, Rec. p. 567, point 17).


57 – Arrêts du 11 juillet 2002, Carpenter (C‑60/00, Rec. p. I‑6279, point 38); MRAX, précité, point 53, et Commission/Espagne, précité, point 26.


58 – Ex multis, arrêt du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a. (C‑67/91, Rec. p. I‑4785, point 30).


59 – Arrêts Commission/Allemagne, précité, point 10; Carpenter, précité, point 41; Akrich, précité, point 58, et du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C‑540/03, Rec. p. I‑5769, point 52). Le droit au respect de la vie familiale est également mentionné à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1, ci-après la «charte»).


60 – Arrêts précités Carpenter, point 42, Akrich, point 59, et Parlement/Conseil, point 53.


61 – Arrêts précités Commission/Allemagne, point 10, et Baumbast et R, point 72.


62 – Arrêt Parlement/Conseil, précité, point 37.


63 – Ibidem, point 57.


64 – Ibidem. À son tour, la charte consacre à l’article 24, paragraphe 2, l’obligation pour les autorités publiques ou les institutions privées de prendre comme une considération primordiale l’intérêt supérieur de l’enfant dans tous les actes relatifs aux enfants et, à l’article 24, paragraphe 3, le droit de tout enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents.


65 – C’est nous qui soulignons.


66 – Le recours à l’application par analogie de l’article 10 du règlement n° 1612/68 nous paraît plus approprié que le simple recours au principe de l’effet utile de l’article 39 CE et de l’article 1er du règlement n° 1612/68, étant donné le caractère spécifique de la première disposition et le fait qu’elle délimite clairement le cercle des membres de la famille auxquels elle attribue un droit de séjour dans l’État membre d’accueil.


67 – Dans l’arrêt du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C‑200/02, Rec. p. I‑9925, points 45 et 46), la Cour a déduit le droit de séjour au Royaume-Uni de Mme Chen, ressortissante chinoise et mère de Catherine, de nationalité irlandaise, non d’une disposition spécifique du droit communautaire relative au regroupement familial, mais sur la base du principe de l’effet utile des dispositions (article 18 CE et article 1er, paragraphe 1, de la directive 90/364) qui conféraient à la fille un droit de séjour dans cet État membre. Un raisonnement similaire a été effectué par la Cour dans l’arrêt Baumbast et R, précité, points 73 à 75, où, sur la base du principe de l’effet utile, elle a déduit du droit de l’enfant de séjourner au titre de l’article 12 du règlement n° 1612/68 dans l’État membre d’accueil afin d’y suivre des cours d’enseignement général le droit du parent qui en a effectivement la garde, quelle que soit sa nationalité, de séjourner avec celui-ci, indépendamment du fait que le mariage entre les parents aurait été medio tempore dissous ou que le parent citoyen de l’Union européenne ne serait plus un travailleur migrant dans l’État membre d’accueil.


68 – Nous rappelons, à cet égard, qu’il incombe à la Cour de fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions (arrêt du 7 septembre 2004, Trojani (C‑456/02, Rec. p. I‑7573, point 38 et jurisprudence citée).


69 – Les gouvernements tchèque, allemand et du Royaume-Uni se sont en revanche exprimés en sens contraire.


70 – Arrêt Martínez Sala, précité, point 32 et jurisprudence citée.


71 – Arrêts Baumbast et R, précité, point 70 et jurisprudence citée, ainsi que du 24 septembre 1998, Commission/France (C‑35/97, Rec. p. I‑5325, point 41).


72 – Nous utilisons l’expression «vie commune» dans un sens large, ne présupposant pas nécessairement le partage du même logement. La Cour a en effet précisé que «les membres de la famille d’un travailleur migrant, au sens de l’article 10 du règlement n° 1612/68, ne doivent pas nécessairement habiter en permanence avec lui pour être titulaires d’un droit de séjour en vertu de cette disposition» (arrêt Diatta, précité, point 22).


73 – Arrêt Singh, précité, point 18 (c’est nous qui soulignons).


74 – Arrêt du 11 avril 2000, Kaba (C‑356/98, Rec. p. I‑2623, point 23).


75 – Arrêt Antonissen, précité, point 16. Dans les mêmes termes, arrêts précités Tsiotras, point 13, et Commission/Belgique, point 16.


76 – Arrêts précités Commission/Belgique, point 17, et Collins, point 37.


77 – Arrêt Antonissen, précité, point 21. Voir, également, arrêts précités Tsiotras, point 13, Commission/Belgique, point 17, et Collins, point 37.


78 – Arrêt Commission/Belgique, précité, point 18.


79 – Point 2.3.1.


80 – Rodière P., «Libre circulation des personnes et citoyenneté européenne dans la jurisprudence de la Cour de justice», dans Revue trimestrielle de droit européen, 2006, vol. 42 (1), p. 163, notamment p. 164.


81 – Arrêts précités Baumbast et R, point 84, Trojani, point 31, et Zhu et Chen, point 26.


82 – Voir conclusions de l’avocat général La Pergola présentées le 1er juillet 1997 dans l’affaire Martínez Sala, précitée, et conclusions de l’avocat général Cosmas présentées le 16 mars 1999 dans l’affaire Wijsenbeek (arrêt du 21 septembre 1999, C‑378/97, Rec. p. I‑6207).


83 – Arrêt Baumbast et R, précité, point 86.


84 – Arrêts Kaba, précité, point 30; Baumbast et R, précité, point 85; du 6 mars 2003, Kaba (C‑466/00, Rec. p. I‑2219, point 46); Trojani, précité, point 32, et Zhu et Chen, précité, point 26.


85 – Arrêt du 23 mars 2006, Commission/Belgique (C‑408/03, Rec. p. I‑2647, point 64).


86 – Ibidem, point 65.


87 – Ibidem, point 36.


88 – Ibidem, point 37.


89 – Arrêts précités Zhu et Chen, point 30, et du 23 mars 2006, Commission/Belgique, point 40.


90 – Point 2.4.


91 – Point 2.10.4.