Langue du document : ECLI:EU:C:2006:615

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. GEELHOED

présentées le 28 septembre 2006 (1)

Affaire C-212/05

Gertraud Hartmann

contre

Freistaat Bayern

[demande de décision préjudicielle introduite par le Bundessozialgericht (Allemagne)]

«Interprétation du règlement (CEE)n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté – Notion de travailleur – Fonctionnaire allemand ayant transféré sa résidence permanente en Autriche tout en continuant à travailler en Allemagne – Refus d’accorder une allocation d’éducation (‘Erziehungsgeld’) à son épouse de nationalité autrichienne résidant en Autriche et ne travaillant pas en Allemagne – Avantage social»





I –    Introduction

1.        Selon la loi fédérale relative aux allocations d’éducation, Bundeserziehungsgeldgesetz, ci-après  le «BErzGG», l’octroi d’une allocation d’éducation dépend, entre autres, du fait que le bénéficiaire réside en Allemagne. Dans le cas présent, le Bundessozialgericht demande à la Cour si cette obligation de résidence est incompatible avec le droit communautaire, plus particulièrement le règlement (CEE) n° 1612/68 (2), le règlement (CEE) n° 1408/71 (3) ou l’article 18 CE, de sorte qu’une ressortissante autrichienne vivant en Autriche avec son mari allemand employé en Allemagne en qualité de fonctionnaire devrait aussi pouvoir bénéficier du droit à cette allocation d’éducation.

2.        Parallèlement à cette affaire, le Bundessozialgericht a saisi la Cour d’une autre question concernant la même disposition de droit national qui détermine les conditions d’accès à une allocation d’éducation, mais cette fois concernant un travailleur frontalier vivant aux Pays-Bas et travaillant en Allemagne: c’est l’affaire Geven (C-213/05, pendante devant la Cour). Selon la disposition en question, les travailleurs frontaliers peuvent aussi avoir droit à cette prestation, à condition qu’ils aient un emploi dépassant le seuil de l’emploi mineur en Allemagne. Bien que les deux affaires soient intimement liées, les circonstances de fait dont elles découlent sont complètement différentes, aussi examinerai-je chaque cas dans des conclusions séparées, qui seront lues avec les présentes conclusions.

II – Les dispositions applicables

A –    Le droit communautaire

3.        L’article 7, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1612/68 dispose que:

«1. Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé en chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.»

B –    Le droit national

4.        En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, du BErzGG, dans sa version du 31 janvier 1994 (4), toute personne qui 1) réside de façon permanente ou habituelle en Allemagne, 2) a un enfant mineur à son foyer, 3) s’occupe de cet enfant et se charge de son éducation, et 4) est sans emploi, ou sans emploi à plein temps, a droit à une allocation d’éducation.

5.        L’article 1, paragraphe 4, du BErzGG donne droit aux ressortissants de l’Union européenne et aux travailleurs frontaliers venant de pays ayant une frontière commune avec l’Allemagne à cette allocation, à condition qu’ils exercent en Allemagne une activité dépassant le seuil de l’emploi mineur. Il ressort de la décision de renvoi que cette disposition ne s’applique pas aux fonctionnaires ou aux conjoints des travailleurs migrants.

6.        L’article 1, paragraphe 7, du BErzGG, dans sa version du 12 octobre 2000 (5), étend le droit à l’allocation d’éducation au conjoint des personnes travaillant dans le service public ou la fonction publique allemande et qui vit dans un autre État membre. Cette disposition n’est cependant pas applicable aux enfants nés avant le 1er janvier 2001.

III – Faits et procédure

7.        Le litige au fond pendant devant le Bundessozialgericht porte sur le refus du Freistaat Bayern (l’État libre de Bavière) d’accorder à Mme Hartmann l’allocation d’éducation pour ses trois enfants, nés en 1991, 1993 et 1997.

8.        Mme Hartmann est citoyenne autrichienne et vit en Autriche avec son mari allemand et ses trois enfants. Avant son mariage, M. Hartmann vivait en Allemagne, où il était employé depuis 1986 comme fonctionnaire des postes fédérales (Deutsche Bundespost). Après son mariage en mai 1990, M. Hartmann a transféré son domicile en Autriche, mais a continué à travailler pour la Deutsche Bundespost puis, plus tard, à compter de 1995, pour Deustche Telekom AG. Mme Hartmann n’exerce aucune activité salariée ou indépendante.

9.        Le Freistaat Bayern a refusé d’accorder à Mme Hartmann l’allocation d’éducation pour ses deux premiers enfants en application du BErzGG, parce qu’elle ne vivait pas en Allemagne et n’avait pas non plus de contrat de travail dans ce pays. Les réclamations introduites par Mme Hartmann en octobre 1996 ont été vaines, de même que sa demande d’allocation d’éducation pour la première année de son troisième enfant.

10.      Mme Hartmann a vainement contesté ces décisions, tout d’abord, devant le Sozialgericht München (tribunal du contentieux social de Munich) puis ensuite, en appel, devant le Bayerisches Landessozialgericht (tribunal supérieur du contentieux social du land de Bavière). Puis elle s’est pourvue devant le Bundessozialgericht qui a sursis à statuer et décidé de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle en application de l’article 234 CE.

11.      Dans sa décision de renvoi, le Bundessozialgericht a tout d’abord retenu que Mme Hartmann ne pouvait pas réclamer l’allocation d’éducation en vertu du règlement n° 1408/71. Bien que ces prestations sociales tombent dans le champ d’application ratione materiae de ce règlement et qu’elle aurait pu de ce fait prétendre y avoir droit en application de la jurisprudence de la Cour (arrêt Hoever et Zachow (6)), en tant que fonctionnaire M. Hartmann n’était pas à l’époque des faits un «travailleur salarié» au sens du règlement et se trouvait exclu de son champ d’application ratione personae. La juridiction nationale a alors examiné si son droit à allocation pouvait être fondé sur l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68. Elle a conclu que le statut de fonctionnaire de M. Hartmann ne lui interdisait pas d’être considéré comme un travailleur, mais se demandait si les droits reconnus par ce règlement pouvaient être invoqués par le conjoint d’une personne qui, sans modification dans son travail, avait déménagé pour aller vivre dans un autre État membre dont son conjoint est un ressortissant. Elle a souligné que jusqu’à présent la Cour a considéré que l’objectif principal de l’article 39 CE et du règlement n° 1612/68 était de permettre à un travailleur de circuler librement sur le territoire d’un autre État membre et d’y demeurer pour les besoins de son travail (7). Toutefois, elle a aussi admis que, peut-être, une interprétation moins étroite de la libre circulation pouvait être possible, l’article 18 CE reconnaissant un droit général de séjour. Ces considérations ont conduit le Bundessozialgericht à poser à la Cour les deux questions suivantes:

«a)      Doit-on considérer comme un travailleur migrant au sens du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (ci-après le ‘règlement n° 1612/68’), pour des périodes comprises entre janvier 1994 et septembre 1998, également un ressortissant allemand qui, tout en maintenant son emploi en tant que fonctionnaire de la poste en Allemagne, a, en 1990, transféré son domicile de ce pays vers l’Autriche et exerce, depuis, son métier en tant que travailleur frontalier?

b)      En cas de réponse affirmative à la première question:

         Le fait que le conjoint de la personne visée à la première question, sans emploi, résidant en Autriche et ayant la nationalité de ce pays, ait été exclu du bénéfice de l’allocation allemande d’éducation au motif qu’il n’avait en Allemagne ni domicile, ni résidence habituelle, est-il constitutif d’une discrimination au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68?»

12.      Mme Hartmann, les gouvernements allemand, espagnol et du Royaume-Uni ainsi que la Commission des Communautés européennes ont déposé des observations écrites. À l’audience du 13 juin 2006, des observations additionnelles ont été déposées par Mme Hartmann, les gouvernements allemand, néerlandais, du Royaume-Uni et par la Commission.

IV – Résumé des moyens

13.      Mme Hartmann et le gouvernement espagnol estiment qu’il convient de répondre affirmativement à la première question, relative au statut de M. Hartmann en tant que travailleur migrant au sens du règlement n° 1612/68. Le gouvernement espagnol fait à cet égard référence à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1612/68 selon lequel «tout ressortissant d’un État membre, quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d’accéder à une activité salariée et de l’exercer sur le territoire d’un autre État membre […]» et souligne qu’en vertu de l’article 10 de ce règlement les prestations accordées aux travailleurs migrants couvrent aussi le conjoint de ces travailleurs (8). Il fait aussi observer que M. Hartmann devrait être considéré comme un travailleur frontalier au sens de l’article 1er, sous b) du règlement n° 1408/71 (9). Mme Hartmann et le gouvernement espagnol considèrent que, même s’il peut être opposé que M. Hartmann est un fonctionnaire et que les fonctionnaires ne sont entrés dans le champ d’application du règlement n° 1408/71 en ce qui concerne l’octroi des prestations familiales qu’en 1999(10), parallèlement à la portée ratione personae de l’article 39, paragraphe 4, CE, cette restriction devrait être considérée comme ne s’appliquant qu’aux fonctionnaires qui participent à l’exercice de l’autorité publique. Or, Deutsche Telekom AG est une entreprise qui fournit des services d’utilité publique, mais n’exécute pas de tâches liées à l’exercice de la puissance publique.

14.      Sur la deuxième question, Mme Hartmann et le gouvernement espagnol estiment que le refus d’accorder à Mme Hartmann les allocations d’éducation constituent une discrimination indirecte en violation de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 et de l’article 39 CE. Alors que les juridictions nationales estiment que le caractère exportable des prestations sociales dépend de l’existence d’un contrat de travail, le gouvernement espagnol, s’appuyant sur l’arrêt Hoever et Zachow (11), relève que le fait déclencheur du droit aux prestations familiales comme l’allocation d’éducation est que l’un des parents décide de se consacrer lui-même ou elle-même à l’éducation de l’enfant, indépendamment de la question de savoir si ce parent est affilié à un système de sécurité sociale ou travaille. Dans le cas présent, le mari de Mme Hartmann démontre son rattachement au système de sécurité sociale allemand.

15.      Les gouvernements allemand et du Royaume-Uni considèrent qu’une personne qui n’a pas exercé son droit à la libre circulation dans le but de prendre un emploi dans un autre État membre, mais a simplement changé son pays de résidence, ne saurait être considérée comme un travailleur migrant au sens du règlement n° 1612/68. D’autre part, en ce qui concerne la seconde question, ces deux gouvernements soulignent que, bien qu’il a été établi que l’allocation d’éducation en question tombe dans le champ d’application ratione materiae du règlement n° 1408/71, en tant que fonctionnaire, M. Hartmann n’était pas, à l’époque, couvert par ce règlement ratione personae pour l’octroi de prestations familiales. Contrairement au règlement n° 1408/71, le règlement nº 1612/68 ne prévoit pas que les prestations sociales soient exportables et ne contient pas de dispositions destinées à éviter le chevauchement des prestations. Dans la mesure où le premier doit être considéré comme la lex specialis par rapport au deuxième ou, pour reprendre les termes du gouvernement du Royaume-Uni, qu’il bénéficie d’une primauté relative sur le dernier, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 ne doit pas être interprété de manière à remettre en question l’effectivité du système établi par le règlement n° 1408/71. Le gouvernement allemand reconnaît que l’obligation de résidence imposée par le BErzGG peut constituer une discrimination indirecte, mais il considère qu’elle est justifiée afin de garantir qu’il existe un lien effectif entre le bénéficiaire et la société allemande. Le gouvernement du Royaume-Uni maintient que les États membres ne devraient pas être contraints de justifier objectivement la raison pour laquelle ils n’accordent pas des avantages comme l’allocation d’éducation aux personnes résidant dans d’autres États membres.

16.      La Commission estime, comme les gouvernements allemand et du Royaume-Uni, que les règlements n° 1612/68 et n° 1408/71 ne s’appliquent pas au cas présent, et pour les mêmes raisons qu’eux. Cependant, eu égard à l’observation du Bundessozialgericht dans sa décision de renvoi, selon laquelle la notion de libre circulation garantie par le règlement n° 1612/68 pourrait recevoir une interprétation plus large maintenant que l’article 18 CE accorde le droit de circuler et de séjourner dans les autres États membres indépendamment de toute finalité économique, la Commission considère que la Cour devrait aussi se prononcer sur la question de savoir si Mme Hartmann pourrait tirer de cette disposition un droit à l’allocation d’éducation.

17.      Sur cette question, se référant aux principes généraux relatifs à la citoyenneté résumés par la Cour dans son arrêt Pusa (12), la Commission relève que la législation nationale qui désavantage certains de ces nationaux, simplement parce qu’ils ont exercé leur droit à la libre circulation pour se rendre dans un autre État membre et y résider, donnerait lieu à une inégalité de traitement qui ne saurait être compatible avec l’article 18 CE que si elle est justifiée sur la base de considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et est proportionnée au but légitime poursuivi par les dispositions de droit national. Lorsqu’il apparaît que l’application de l’obligation de résidence prévue par le BErzGG constitue un tel désavantage, la Commission partage les doutes exprimés par le Bundessozialgericht quant à sa justification. Elle en trouve une confirmation dans le fait qu’entre-temps le BErzGG a été amendé de manière à permettre que l’allocation d’éducation soit versée aux conjoints de fonctionnaires allemands résidant dans d’autres États membres. Selon la Commission, qui se réfère à l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Bidar (13), il n’est pas nécessaire, «pour des raisons évidentes», d’examiner si M. Hartmann en tant que fonctionnaire travaillant dans son pays d’origine, est suffisamment intégré ou justifie d’un lien véritable avec la société allemande.

18.      À l’audience, les gouvernements allemand et du Royaume-Uni ont souligné que c’est Mme Hartmann et non M. Hartmann qui réclame le droit aux allocations d’éducation en application du BErzGG. Dans la mesure où Mme Hartmann n’a pas elle-même fait application des droits reconnus par l’article 18 CE, elle n’est pas fondée à invoquer cette disposition. À cet égard, son cas doit être distingué de celui qui a donné lieu à l’arrêt D’Hoop (14), et de celui qui a donné lieu à l’arrêt Pusa (15), par exemple. L’article 18 CE ne peut pas être interprété de manière à permettre à une personne qui n’a pas déménagé dans un autre État membre d’invoquer les droits de son conjoint qui, lui, a exercé ce droit. Les droits garantis par l’article 18 CE ont des limites. Ces limites se trouvent dans le règlement n° 1408/71 en ce qui concerne le caractère exportable des prestations de sécurité sociale.

19.      En réponse à la position de la Commission concernant l’applicabilité de l’article 18 CE, le gouvernement néerlandais relève que, bien qu’il existe une certaine similarité dans les circonstances de fait entre le cas présent et celui qui a donné lieu à l’arrêt Schempp (16), contrairement à cette dernière affaire, l’exercice par M. Hartmann de son droit de circuler dans un autre État membre n’a en aucune façon affecté le droit de Mme Hartmann à percevoir des prestations sociales en Allemagne. Peu importait, à cet égard, que M. Hartmann résida en Allemagne ou en Autriche. Soulignant que, dans la présente affaire, c’est l’épouse du citoyen migrant qui cherche à faire reconnaître ses droits dans le pays d’origine de ce dernier, le gouvernement néerlandais déclare que, dans son état actuel, le droit communautaire ne reconnaît que certains droits dérivés aux membres de la famille des citoyens migrants dans l’État membre d’accueil (17). Mme Hartmann ne peut pas réclamer le droit aux allocations d’éducation en vertu de l’article 18 CE, simplement parce qu’elle n’a pas exercé elle-même son droit de circuler. M.  Hartmann n’a en aucune façon été empêché d’exercer son droit de circuler en Autriche.

V –    Appréciation

A –    Remarques préliminaires

20.      Premièrement, il faut souligner que Mme Hartmann ne peut pas invoquer le droit communautaire indépendamment afin de contester les décisions en vertu desquelles des demandes d’allocations d’éducation lui ont été refusées, étant donné qu’elle n’a pas fait usage de ses droits à la libre circulation en vertu du droit communautaire. La seule façon dont elle peut bénéficier de ces prestations est indirecte, à travers son lien conjugal avec M. Hartmann, qui lui-même, soit dit en passant, ne répond pas aux conditions posées par l’article 1, paragraphe 1, du BErzGG.

21.      Les questions dont le Bundessozialgericht a saisi la Cour se concentrent par conséquent sur l’éventuel statut de travailleur migrant de M. Hartmann et sur les conséquences que cela pourrait avoir sur le droit de Mme Hartmann à bénéficier des allocations d’éducation allemandes. Est-ce que le fait que M. Hartmann se soit rendu en Autriche pour y vivre avec sa femme et ses enfants, tout en conservant son emploi en Allemagne signifie qu’il doive maintenant être considéré comme un travailleur migrant tombant dans le champ d’application du règlement n° 1612/68, ce qui donnerait ainsi un droit, par l’effet combiné des articles 7, paragraphe 2, et 10, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, à Mme Hartmann de réclamer une égalité de traitement en ce qui concerne les avantages sociaux dans l’État membre où travaille son mari, à savoir l’Allemagne?

22.      Avant d’examiner ces questions, il faut examiner brièvement, par souci d’exhaustivité, si Mme Hartmann ne pouvait pas tirer un droit aux allocations d’éducation allemandes de l’article 73 du règlement n° 1408/71. Cette question a été examinée par le Bundessozialgericht qui y a répondu par la négative et qui, par conséquent, n’a pas posé de question sur ce point. Néanmoins, Mme Hartmann et le gouvernement espagnol ont encore soulevé la question dans leurs observations écrites. Elle a aussi été examinée par le Royaume-Uni et la Commission.

B –    Le règlement n° 1408/71

23.      Selon l’article 73 du règlement n° 1408/71, «le travailleur soumis à la législation d’un État membre […] a droit, pour les membres de sa famille qui résident sur le territoire d’un autre État membre, aux prestations familiales prévues par la législation du premier État, comme s’ils résidaient sur le territoire de celui-ci […]». Dans l’arrêt Hoever et Zachow, la Cour a interprété cette disposition dans le sens où, «lorsqu’un travailleur salarié est soumis à la législation d’un État membre et vit avec sa famille dans un autre État membre, son conjoint est en droit, en vertu de l’article 73 du règlement n° 1408/71, de percevoir une prestation telle que l’allocation d’éducation dans l’État de l’emploi» (18). En d’autres termes, contrairement au libellé exact de cette disposition, le conjoint d’un travailleur a un droit autonome aux prestations familiales dans l’État membre dans lequel ce dernier est employé.

24.      Bien que cette règle puisse apparaître comme s’appliquant exactement à la situation de Mme Hartmann, le Bundessozialgericht a relevé à juste titre qu’elle ne pouvait cependant pas revendiquer un droit à l’allocation d’éducation en vertu de l’article 73 du règlement n° 1408/71, parce que, en tant que fonctionnaire, M. Hartmann ne répondait pas à la qualification de «travailleur salarié» au sens requis pour l’application du chapitre III de ce règlement relatif à l’octroi des prestations familiales. Cette restriction a été établie au point I. C de l’annexe I du règlement n° 1408/71 et n’a été abrogée qu’avec l’adoption du règlement n° 1399/1999 (19), qui est entré en vigueur le 1er septembre 1999. L’article 1er, paragraphe 7, de ce règlement a élargi la définition du travailleur salarié dans le contexte du chapitre III du règlement n° 1408/71 en ce qui concerne l’Allemagne «au fonctionnaire qui, par son statut, jouit au moins d’un niveau de rémunération tel qu’il donnerait lieu, chez un travailleur salarié, à une assurance obligatoire contre le risque de chômage».

25.      Le fait que les fonctionnaires ont été exclus du champ d’application des dispositions du règlement n° 1408/71 relatif aux prestations familiales a déjà été confirmé par la Cour dans son arrêt Kulzer (20), auquel le Bundessozialgericht a aussi fait référence. Dans cet arrêt, la Cour a souligné que la définition du travailleur salarié «est évincée par celle contenue au point I. C, de l’annexe I du règlement lorsque l’institution compétente pour l’octroi des prestations familiales, conformément au titre III, chapitre 7, du règlement, est allemande»(21). Elle a aussi relevé que «permettre à un fonctionnaire à la retraite, tel que le demandeur au principal, d’invoquer l’article 73 du règlement pour bénéficier des allocations familiales allemandes au motif que, en règle générale, la situation des fonctionnaires doit être assimilée à celle des travailleurs salariés méconnaîtrait les dispositions de l’annexe I» (22).

26.      L’affirmation avancée par Mme Hartmann et le gouvernement espagnol, selon laquelle l’exclusion des fonctionnaires du champ d’application du chapitre III du règlement n° 1408/71 est limitée aux fonctionnaires qui remplissent des fonctions couvertes par l’article 39, paragraphe 4, CE, tel qu’interprété par la Cour, c’est-à-dire ceux qui participent à l’exercice de l’autorité publique, est indéfendable. Le but essentiel de cette disposition est de permettre aux États membres d’imposer des conditions de nationalité pour l’exercice de certaines fonctions publiques. Elle n’est pas destinée à délimiter la notion de travailleur salarié en tant que telle. De plus, contrairement à la remarque faite par le gouvernement espagnol, elle ne constitue qu’une exception aux dispositions contenues à l’article 39, paragraphes 1 à 3, CE, et non pas aux autres dispositions du titre III relatif à la libre circulation des travailleurs, notamment de l’article 42 CE relatif à la coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale.

27.      Le Bundessozialgericht était par conséquent fondé à concentrer ses questions sur l’interprétation à donner à la notion de travailleur migrant pour l’application du règlement n° 1612/68.

C –    Le règlement n° 1612/68: le statut du travailleur

28.      Pour définir la portée des dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs, la Cour a estimé dans une jurisprudence constante que «tout ressortissant communautaire, indépendamment de son lieu de résidence et de sa nationalité, qui a fait usage du droit à la libre circulation des travailleurs et qui a exercé une activité professionnelle dans un État membre autre que celui de résidence, relève du champ d’application de l’article [39 CE]» (23). Elle a aussi décrit l’objectif de l’article 39 CE, que le règlement n° 1612/68 vise à mettre en œuvre, comme étant «notamment de permettre à un travailleur de se déplacer librement sur le territoire des autres États membres et d’y séjourner afin d’y exercer un emploi»(24).

29.      À la lumière de cette description du champ d’application de l’article 39 CE et, par voie de conséquence, de celui du règlement n° 1612/68, il semblerait que l’on puisse distinguer deux situations couvertes par les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs. La première est celle de ce que l’on pourrait appeler le modèle classique du ressortissant communautaire qui part vivre dans un autre État membre pour y occuper un emploi. La seconde situation est celle du travailleur frontalier, lorsqu’un ressortissant communautaire continue de séjourner dans l’État membre de sa résidence, mais travaille dans un autre État membre de manière régulière. Dans chacun de ces deux cas, le facteur essentiel est que la personne s’est déplacée dans un autre État membre pour y exercer un emploi.

30.      M. Hartmann ne relève clairement d’aucune de ces catégories, étant donné qu’il a établi sa résidence en Autriche indépendamment de toute finalité professionnelle.

31.      Cependant, en raison d’un développement récent de la jurisprudence, on pourrait se demander si cette distinction très tranchée est toujours valable. Dans son arrêt récent rendu dans l’affaire Ritter-Coulais (25), la Cour a considéré que l’article 39 CE pouvait être invoqué par un couple de ressortissants allemands (26) employés en Allemagne, mais résidant en France afin de pouvoir imputer les pertes de revenu liées à la location de leur maison d’habitation en France dans la détermination de leur impôt sur le revenu en Allemagne. Après avoir rappelé la jurisprudence évoquée au point précédent, la Cour a conclu que «la situation des époux Ritter-Coulais, qui travaillaient dans un État membre autre que celui où se trouvait leur résidence réelle, relève du champ d’application de l’article [39] du traité» (27).

32.      Cette conclusion de la Cour impliquerait que, dès qu’il est établi qu’une personne est résidente dans un État membre, mais est employée dans un autre, cela suffit pour entraîner l’application de l’article 39 CE. En d’autres termes, selon cette approche, les motifs qui poussent le ressortissant communautaire à transférer sa résidence dans un autre État membre n’importent pas. Si c’est effectivement le cas, il n’y a aucun problème à considérer les faits de l’espèce à l’aune de cette règle pour conclure que M. Hartmann a en effet acquis le statut de travailleur communautaire en transférant sa résidence en Autriche. On peut, toutefois, se demander si cela est bien conforme au système communautaire de libre circulation des personnes entre les États membres tel qu’établi par le traité CE.

33.      Ce système est basé sur la distinction entre quatre catégories de libre circulation selon les motifs pour lesquels un ressortissant communautaire souhaite se rendre dans un autre État membre. À l’origine, en vertu du traité, un droit de libre circulation a été accordé pour des raisons économiques et des régimes juridiques distincts ont été établis pour les ressortissants des États membres souhaitant se rendre dans d’autres États membres pour y occuper un emploi, s’y établir ou y fournir des services. Plus tard, avec l’introduction des dispositions relatives à la citoyenneté européenne par le traité de Maastricht, les ressortissants des États membres se sont aussi vu reconnaître le droit de circuler dans d’autres États membres et d’y séjourner pour des motifs non économiques.

34.      Les droits qui sont liés à chaque catégorie de libre circulation sont différents, même si au fil des années un certain degré de convergence a été atteint dans l’interprétation des dispositions du traité relatives aux travailleurs salariés, à l’établissement et aux services et qu’il existe une plus grande homogénéité dans la manière dont ces dispositions sont appliquées. Les dispositions du traité sur la citoyenneté, en revanche, demeurent une catégorie distincte et les droits qui peuvent être tirés de ce statut, bien qu’évoluant, sont limités en comparaison avec ceux qui découlent des libertés économiques. Pour déterminer quelle disposition du traité, et par conséquent quel régime juridique est applicable à une situation donnée, il demeure essentiel d’établir, de manière objective, la raison pour laquelle la personne concernée exerce son droit de se rendre dans un autre État membre. Cela constitue le facteur de rattachement avec telle ou telle disposition du traité sur la libre circulation.

35.      En accord avec cette approche, dans son arrêt Werner (28), la Cour a estimé qu’un dentiste allemand qui avait obtenu toutes ses qualifications professionnelles en Allemagne, qui n’avait pratiqué sa profession qu’en Allemagne et était soumis à la législation fiscale allemande, mais résidait aux Pays-Bas, ne pouvait se fonder sur l’article 43 CE pour s’opposer à ce qu’une charge fiscale plus lourde que celle qu’il aurait supportée s’il avait résidé en Allemagne ne lui soit imposée. Le seul facteur qui plaçait le cas de M. Werner hors d’un contexte purement national est qu’il vivait dans un autre État membre que celui dans lequel il pratiquait sa profession (29). Le simple fait qu’il soit allé vivre aux Pays-Bas était insuffisant pour conclure que son activité professionnelle en Allemagne équivalait à un établissement transfrontalier l’autorisant à invoquer l’article 43 CE.

36.      Il faut observer que l’arrêt Werner était antérieur à l’entrée en vigueur des dispositions relatives à la citoyenneté. Si les faits s’étaient produits à une date ultérieure, le résultat aurait été différent, étant donné les éclaircissements qui ont été apportés entre-temps concernant le champ d’application de ces dispositions.

37.      Cette observation pourrait expliquer l’approche qu’a adoptée la Cour dans son arrêt Ritter-Coulais. Alors que l’objet de cette affaire tombait ratione materiae dans le champ d’application des dispositions relatives à la libre circulation des capitaux (déductibilité fiscale des pertes de revenu liées à la location d’un bien immobilier) et, selon moi, ratione personae en vertu des dispositions relatives à la citoyenneté, aucune de ces dispositions n’était applicable ratione temporis, étant donné que l’affaire se rapportait à l’exercice fiscal 1987. Sur la suggestion de la Commission, la Cour a donc examiné l’affaire à la lumière de l’article 48 CEE (devenu, après modification, article 39 CE) et est arrivée à la conclusion citée au point 31 ci-dessus.

38.      Alors que le contexte factuel sous-tendant l’arrêt Ritter-Coulais était largement comparable à celui de l’arrêt Werner, il me semble que la Cour aurait dû traiter cette affaire de la même manière. Je sais bien que cela aurait abouti à un résultat qui pourrait être considéré comme non satisfaisant avec l’état actuel du droit. C’est bien le résultat qui aurait été conforme avec le droit tel qu’il se présentait en 1987. La conséquence de l’approche suivie dans l’arrêt Ritter‑Coulais est que la distinction entre la libre circulation des travailleurs et la libre circulation fondée sur la citoyenneté européenne s’est estompée. Selon cette approche, lorsqu’un citoyen européen se déplace dans un autre État membre pour des raisons non économiques, cela pourrait avoir pour effet de lui permettre de prétendre à des droits qui, dans le système actuel, sont réservés à ceux qui ont fait usage de leur droit à la libre circulation pour des motifs professionnels, d’établissement ou de prestation de services.

39.      Il est nécessaire dans ce contexte de se référer à un autre arrêt, l’arrêt Elsen (30), sur lequel se sont penchés les gouvernements allemand et du Royaume-Uni, les faits ayant donné lieu à cet arrêt présentant une certaine ressemblance avec le cas présent. Dans cet arrêt, la Cour a estimé qu’une ressortissante allemande, ayant travaillé en Allemagne et transféré sa résidence en France tout en continuant à travailler en Allemagne pouvait, en tant qu’ancien travailleur frontalier, se fonder sur les articles 18 CE, 39 CE, et 42 CE afin que soit pris en compte le temps qu’elle avait consacré à l’éducation de son enfant en France dans le calcul de sa pension de vieillesse en Allemagne.

40.      Je ne considère cependant pas que l’on puisse déduire de cet arrêt qu’une personne ayant une activité salariée dans un État membre et qui déménage uniquement afin de vivre dans un autre État membre doive automatiquement être considérée comme un travailleur au sens de l’article 39 CE et du règlement n° 1612/68. Bien que la Cour, dans le dispositif de son arrêt, ait fait référence aux articles 39 CE et 42 CE, il est clair que la question du statut exact de Mme Elsen a été examinée et déterminée à la lumière de l’article 13, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 1408/71. C’est parce que Mme Elsen «a exclusivement travaillé en Allemagne et était soumise, en qualité de travailleur frontalier, à la législation allemande au moment de la naissance de l’enfant [que] cette circonstance [a permis] d’établir un lien étroit entre les périodes d’éducation en cause et les périodes d’assurance accomplies en Allemagne du fait de l’exercice d’une activité professionnelle dans cet État» (31). En conséquence, elle était soumise à la législation allemande pour le calcul de sa pension de vieillesse, même après avoir cessé d’occuper tout emploi salarié dans cet État membre. Le fait que Mme Elsen pouvait être considérée comme un travailleur frontalier pour déterminer qu’elle était soumise à la législation en matière de sécurité sociale allemande ne signifie pas qu’elle avait le statut de travailleur dans un sens plus général pour l’application des dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs. La Cour, à plusieurs occasions, a souligné que «la notion de travailleur utilisée dans le cadre de l’article [39] du traité CE et du règlement n° 1612/68 ne coïncide pas nécessairement avec celle qui a cours dans le domaine de l’article [42] du traité CE et du règlement n° 1408/71»(32).

41.      Plus généralement, il est utile de rappeler que, du point de vue économique, les règles de base du marché commun ont été conçues pour libéraliser le mouvement non seulement des produits du cycle économique (biens et services), mais aussi des facteurs du cycle économique (le travail et le capital). À cet égard, il est possible de dissocier le travailleur migrant en tant que personne de ce qu’il représente en termes économiques. Lorsqu’un travailleur se déplace dans un autre État membre pour y travailler et y vivre, ou pour y travailler tout en continuant à vivre dans son État membre d’origine, le facteur «travail» est transféré à l’État membre où il travaille. Au contraire, lorsque, comme dans le cas présent, une personne se rend dans un autre État membre pour y vivre uniquement, mais conserve son emploi dans son État membre d’origine, cela signifie que le facteur productif «travail» demeure in situ. Le rapport d’emploi et donc le facteur «travail», n’ont pas été transférés à un autre État membre. Rien ne justifie donc d’appliquer l’article 39 CE, dans la mesure où le facteur entraînant l’application de cette disposition est absent.

42.      Eu égard au système communautaire qui régit la libre circulation des personnes, une situation telle que celle que présente la procédure au principal relève clairement du champ d’application de l’article 18 CE relatif à la citoyenneté. Je reviendrai sur ce point un peu plus bas.

43.      Cela me conduit à la conclusion qu’une personne ne peut être considérée comme un travailleur migrant aux fins de l’application du règlement n° 1612/68 que lorsqu’elle s’est rendue dans un autre État membre avec l’intention d’y rechercher ou d’y occuper un emploi. Lorsqu’elle s’est déplacée dans un autre État membre pour des raisons qui ne sont pas liées à la recherche ou à l’occupation d’un emploi dans cet État, les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs ne s’appliquent pas à elle. Une personne qui a exercé son droit de libre circulation vers un autre État membre pour des raisons non économiques tombe uniquement dans le champ d’application des dispositions du traité relatives à la citoyenneté.

44.      Bien que cette conclusion réponde à la première question posée par le Bundessozialgericht et que, vu la nature conditionnelle de la seconde question, il ne soit pas nécessaire d’y répondre, je poursuivrai mon analyse en prenant en compte l’hypothèse où la Cour estimerait néanmoins que M. Hartmann a acquis le statut de travailleur. Il s’agit de la question de savoir si un travailleur migrant dans sa situation peut prétendre à l’égalité de traitement en ce qui concerne l’octroi des avantages sociaux en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68.

D –    Le règlement n° 1612/68: les travailleurs frontaliers et les avantages sociaux

45.      Si M. Hartmann doit être considéré comme un travailleur migrant ou frontalier, ou comme ayant un statut analogue à celui de travailleur frontalier, cela n’entraîne pas automatiquement qu’il ait droit à l’égalité de traitement en ce qui concerne tous les avantages sociaux accordés dans l’État membre où il est employé. Ce droit dépend, selon moi, de l’objectif en vue duquel l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 prescrit que les travailleurs migrants bénéficieront des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

46.      À cet égard, la Cour a affirmé de jurisprudence constante «qu’on ne saurait interpréter limitativement la référence aux ‘avantages sociaux’ dans le paragraphe 2 de l’article 7» (33) et «qu’il faut entendre par ‘avantages sociaux’, tous avantages, qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison de leur qualité objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national, et dont l’extension aux travailleurs ressortissants d’autres États membres apparaît, dès lors, comme apte à faciliter leur mobilité à l’intérieur de la Communauté» (34).

47.      Malgré le fait que la notion d’avantage social ne doive pas être interprétée restrictivement, la définition donnée par la Cour contient un certain nombre d’éléments qui impliquent qu’elle ne soit pas non plus sans limite. La Cour indique ainsi que l’avantage concerné doit être accordé en raison de la qualité objective de travailleurs ou qu’il est octroyé du simple fait que le travailleur réside sur le territoire national. En outre, il est présumé que le fait de donner accès à un avantage aux travailleurs migrants facilite leur mobilité dans la Communauté.

48.      Dans le contexte plutôt différent de la définition d’une aide accordée pour l’entretien et pour la formation en vue de la poursuite d’études comme un avantage social au sens du règlement n° 1612/68, la Cour a aussi formulé l’observation de portée générale selon laquelle «l’égalité de traitement dont bénéficient les travailleurs d’un État membre qui occupent un emploi dans un autre État membre, par rapport aux travailleurs nationaux, en ce qui concerne les avantages attribués aux membres de leurs familles, contribue à l’intégration de ces travailleurs dans la vie sociale du pays d’accueil conformément aux objectifs de la libre circulation des travailleurs» (35).

49.      Ces considérations de la Cour visent toutes la situation de travailleurs qui ont quitté leur État membre d’origine pour un autre État membre afin d’y vivre et d’y travailler. L’égalité de traitement à l’égard de cette catégorie de travailleurs en ce qui concerne l’octroi d’avantages sociaux, telle que prévue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, sert à améliorer leurs chances d’intégration sociale dans leur nouvel État de résidence et à accroître leurs possibilités de participer à la communauté nationale de l’État en question. Les travailleurs frontaliers sont évidemment dans une position différente, étant donné qu’ils conservent leur résidence dans leur État membre d’origine où, on peut le présumer, ils sont déjà pleinement intégrés. Bien que cette catégorie de travailleurs bénéficie aussi de la protection prévue à l’article 39 CE et des diverses autres dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs, il semblerait que, fonctionnellement, cette protection ne doive viser que l’inégalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail. Les travailleurs frontaliers ne devraient pas pouvoir être traités différemment en ce qui concerne, par exemple, leur rémunération ou les avantages spécifiques liés à leur travail, pour la seule raison qu’ils ne résident pas dans l’État membre où ils sont employés. En ce qui concerne les avantages qui sont liés à leurs droits en tant que membres de la société, cela relève de la compétence de l’État membre où ils résident.

50.      Concernant ce dernier aspect, le Bundessozialgericht, dans sa décision de renvoi, tout comme les gouvernements allemand et du Royaume-Uni, dans leurs observations, a souligné qu’il ne faut pas exclure qu’une personne dans la position de M. Hartmann puisse bénéficier d’avantages analogues à l’allocation d’éducation dans son pays de résidence. Étant donné que le règlement n° 1612/68, contrairement au règlement n° 1408/71, ne prévoit pas de mécanisme destiné à prévenir la double attribution de prestations sociales, on ne doit accepter qu’avec réticence que des avantages sociaux soient exportables sans examen plus approfondi. Je suis d’accord avec le gouvernement allemand que, lorsqu’il a été décidé qu’un avantage particulier n’est pas exportable en vertu du règlement n° 1408/71 pour la raison que son bénéficiaire potentiel tombe hors du champ d’application ratione personae de ce règlement, comme c’est le cas dans la présente affaire, cela ne devrait pas être remis en cause en permettant que l’avantage en question puisse être obtenu à travers la règle de l’égalité de traitement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68. Il apparaîtrait que c’est l’objectif précis de l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, selon lequel ce règlement ne doit pas porter atteinte aux mesures prises conformément à l’article 42 CE, c’est-à-dire au règlement n° 1408/71. Cette disposition établit par conséquent une relative hiérarchie entre les deux règlements, en ce sens que le règlement n° 1408/71, étant le règlement le plus spécifique, devrait prévaloir sur l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, dans les cas où l’application des deux règlements aboutirait à des résultats contradictoires.

51.      Cette lecture, selon laquelle l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 vise essentiellement les travailleurs migrants qui établissent leur résidence dans l’État membre où ils travaillent et ne peut être invoqué par les travailleurs frontaliers que pour ce qui concerne les avantages qui sont directement liés à leur contrat de travail, est confirmée par le libellé de cette disposition. Comme l’a relevé le gouvernement allemand à l’audience, la version allemande de cette disposition précise au moyen du terme «dort» que les avantages sociaux doivent être perçus sur le territoire de l’État membre où est occupé l’emploi. Deux des autres versions rédigées dans des langues officielles lors de l’adoption du règlement n° 1612/68 emploient la même terminologie (en français: «Il y bénéficie […]», et en néerlandais: «Hij geniet er […]»); seule la version italienne ne contient pas cette référence.

52.      Alors que le quatrième considérant du préambule du règlement n° 1612/68 laisse entendre que les travailleurs frontaliers tombent pleinement dans le champ d’application de la protection de ce règlement, il semblerait que cette considération fasse référence en particulier («ce droit») à leur droit de circuler à des fins professionnelles et au droit d’y exercer l’activité de leur choix (36). Le cinquième considérant (37), au contraire, traite de questions qui peuvent n’avoir aucun impact sur la situation des travailleurs frontaliers telles que l’accès au logement, le droit pour un travailleur de se faire rejoindre par sa famille et les conditions d’intégration de sa famille dans le pays d’accueil. Cela laisse aussi entendre que les travailleurs frontaliers ne peuvent bénéficier des droits prévus par le règlement n° 1612/68 que dans la mesure où ces droits ont une relation fonctionnelle avec leur emploi dans l’État membre d’accueil.

53.      La restriction du champ d’application ratione materiae de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 en ce qui concerne les travailleurs frontaliers est cohérente avec l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Meints (38). Cette affaire concernait le droit d’un travailleur frontalier allemand, qui avait été employé dans une ferme aux Pays-Bas tout en continuant à résider en Allemagne, à une prestation spéciale destinée aux travailleurs agricoles dont le contrat de travail avait pris fin en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur. La Cour a estimé qu’une telle prestation pouvait être considérée comme un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, étant donné que «le droit à la prestation est intrinsèquement lié à la qualité objective de travailleurs des bénéficiaires» (39).

54.      Il est vrai que, dans l’arrêt Meints, la Cour a explicitement rejeté l’argument avancé par les gouvernements des deux États membres selon lequel le règlement n° 1612/68 ne permet pas d’exporter les avantages sociaux. Ce faisant, elle s’est référée au quatrième considérant du préambule de ce règlement, que nous avons cité ci-dessus, et au fait que l’article 7 vise sans restriction les travailleurs ressortissants d’un État membre (40). Bien que rédigée, en termes généraux, il me semble que la réaction de la Cour sur ce point a été déterminée par la nature particulière de l’avantage social en question dans cette affaire, qui était clairement lié à l’emploi et qui, par conséquent, pouvait être considéré comme exportable. Sa référence au préambule n’implique pas, selon moi, que le travailleur frontalier bénéficie de l’égalité de traitement pour tous les avantages sociaux accessibles dans l’État membre où il travaille, comme je l’ai indiqué au point 52 ci-dessus. Je rejoins à cet égard l’avocat général Lenz qui, dans les conclusions qu’il a présentées dans l’affaire Meints, a relevé que:

«Les craintes […] de voir cette appréciation de la position d’un travailleur frontalier rendre les prestations d’aide sociale exportables, résultat que le règlement n° 1408/71 a cherché à empêcher expressément et le règlement n° 1612/68 implicitement, sont à notre avis injustifiées.

[...] Pour accorder un avantage social, c’est au contrat de travail concret qu’il faut se rapporter. En se référant dans la définition des avantages sociaux à la qualité objective de travailleur et au contrat de travail, la Cour tient déjà compte de cette exigence en tout cas en substance. Il n’y a pas de raison de devoir verser à l’avenir toute prestation d’aide sociale en dehors des frontières par le jeu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68. C’est précisément le rattachement à la qualité de travailleur et au contrat de travail qui exclut les prestations d’aide sociale classiques.» (41).

55.      Ma conclusion sur ce point est donc que, dans le contexte de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, les travailleurs frontaliers bénéficient de l’égalité de traitement dans l’État membre où ils travaillent, en ce qui concerne l’octroi d’avantages sociaux, mais uniquement dans la mesure où ces avantages sont directement et exclusivement liés à l’emploi.

E –    L’allocation d’éducation et l’emploi

56.      La question qui se pose ensuite est de savoir si l’allocation d’éducation prévue par le BErzGG peut être considérée comme étant un avantage social suffisamment lié à l’emploi pour pouvoir être réclamé par les travailleurs frontaliers ou par les personnes qui se trouvent dans la situation de M. Hartmann et, par leur biais, par leurs conjoints. En soi, il s’agit là d’une question de fait du ressort de la juridiction nationale. Toutefois, la Cour s’est déjà exprimée sur le caractère de l’allocation d’éducation dans le contexte d’une affaire concernant des travailleurs résidant dans l’État membre où ils travaillaient. Dans son arrêt Martínez Sala, elle a estimé que, comme l’allocation d’éducation prévue par le BErzGG est accordée, notamment, aux travailleurs à temps partiel, elle doit être considérée comme un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 (42).

57.      Dans son arrêt Hoever et Zachow (43), dans lequel la question se posait concernant des travailleurs frontaliers, elle n’a pas eu à répondre à la question de savoir si l’allocation d’éducation est un avantage social lié à l’emploi, car l’affaire a été tranchée sur le fondement de l’article 73 du règlement n° 1408/71. Néanmoins, dans son arrêt, elle a bien caractérisé l’allocation d’éducation comme «visant à permettre à l’un des parents de se consacrer à l’éducation d’un jeune enfant. Comme l’a souligné la juridiction de renvoi, cette allocation vise plus précisément à rétribuer l’éducation dispensée à l’enfant, à compenser les autres frais de garde et d’éducation et, le cas échéant, à atténuer les désavantages financiers qu’implique la renonciation à un revenu d’activité à plein temps» (44). Cette description suggère que, même si les travailleurs à temps partiel peuvent bénéficier de cette prestation, le lien avec l’emploi est ténu.

58.      Dans sa décision de renvoi, le Bundessozialgericht a relevé que le BErzGG ne lie pas le droit à une prestation sociale à l’existence d’un rapport d’emploi et qu’en réalité, une activité professionnelle trop étendue faisait même échec au droit à l’allocation d’éducation. Il observe cependant que c’est précisément en cas d’exportation de prestations qu’un rapport d’emploi en tant que salarié ou fonctionnaire, actuel ou passé, et en Allemagne, est significatif. Pour justifier ses doutes quant à la légalité au regard du droit communautaire de la restriction à l’exportation de l’allocation d’éducation pour les travailleurs frontaliers, il considère que l’obligation d’occuper un emploi dépassant le seuil de l’activité mineure en Allemagne a, en soi, quelque chose d’absurde pour l’allocation d’éducation, puisque cette prestation est notamment censée faciliter l’abandon d’un emploi. Il voit aussi un décalage évident dans la juxtaposition de l’exclusion de personnes employées à plein temps et l’obligation (applicable aux travailleurs frontaliers) de dépasser le seuil de l’activité mineure afin de pouvoir bénéficier de l’allocation d’éducation.

59.      Il découle de la qualification de l’allocation d’éducation donnée et par la Cour dans l’arrêt Hoever et Zachow et par le Bundessozialgericht dans sa décision de renvoi que l’objectif essentiel de cette prestation est de rétribuer une personne qui soit n’a jamais travaillé de manière rémunérée, soit a abandonné, totalement ou partiellement, un contrat de travail pour se consacrer à l’éducation d’un enfant, au titre de l’inactivité économique que cela implique. Cette allocation est donc, intrinsèquement, nettement opposée à une prestation attachée à l’emploi. Il est vrai que le législateur allemand a étendu le bénéfice de l’allocation d’éducation à deux catégories de personnes qui ont un lien avec le marché de l’emploi en Allemagne (indirectement: les conjoints de fonctionnaires, à compter de 2001, et directement: les travailleurs frontaliers ayant une activité dépassant le seuil de l’activité mineure). Bien que l’introduction de ce critère puisse paraître contredire la conclusion selon laquelle l’allocation d’éducation est indépendante de l’emploi, celui-ci sert uniquement de facteur de rattachement nécessaire avec l’ordre juridique allemand par substitution à l’obligation de résidence qui, bien évidemment, ne peut pas s’appliquer dans ces cas. Les conditions essentielles pour bénéficier de la prestation posées par l’article 1, paragraphes 1, 2, et 3, du BErzGG demeurent indépendantes de l’emploi, de telle sorte que l’allocation elle-même répond à la même finalité dans tous les cas.

60.      Sur la base de ces considérations, je ne considère pas que l’allocation d’éducation soit suffisamment liée à l’emploi ou au statut objectif de travailleur pour être regardée comme un avantage social à l’égard duquel les travailleurs frontaliers puissent réclamer l’égalité de traitement en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68.

61.      Pour ne pas exclure l’hypothèse où la Cour ou la juridiction nationale arriveraient à une conclusion différente en ce qui concerne le caractère de l’allocation d’éducation, il est ensuite nécessaire d’examiner la compatibilité de l’obligation de résidence avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68.

F –    La discrimination indirecte: est-elle injustifiée?

62.      Il n’est pas contesté, même par le gouvernement allemand, que l’obligation de résidence posée à l’article 1, paragraphe 1, point 1, du BErzGG est une discrimination indirecte à l’encontre des travailleurs frontaliers, étant donné que les ressortissants allemands peuvent satisfaire plus facilement à cette obligation que les travailleurs étrangers. Il faut donc examiner si cette obligation est justifiée et si elle proportionnelle à l’objectif poursuivi.

63.      Premièrement, il faut rappeler que la Cour a déjà jugé, dans un certain nombre d’affaires, qu’une obligation de résidence qui était imposée pour des avantages sociaux similaires n’était pas justifiée à la lumière des objectifs en vue desquels elle était imposée. Ainsi, le Grand-duché de Luxembourg n’a pu convaincre la Cour qu’une obligation de résidence d’une année ainsi que l’obligation de se soumettre à des visites médicales périodiques, toutes deux imposées pour pouvoir bénéficier d’allocations de naissance et de maternité, étaient justifiées pour des motifs de santé publique (45).

64.      De même, dans son arrêt Meints, la Cour a conclu qu’une obligation de résidence n’était ni nécessaire ni appropriée pour exclure du bénéfice d’une allocation chômage agricole spécifique des personnes devenues sans emploi de leur propre fait. Elle a considéré en effet que le lieu de résidence du demandeur était sans rapport avec la question de savoir si ce dernier a été mis au chômage de son propre fait (46).

65.      Dans le cas présent, le Bundessozialgericht a posé une question ne portant que sur la compatibilité avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68 de l’obligation selon laquelle la personne réclamant le bénéfice d’une allocation d’éducation doit avoir sa résidence permanente ou habituelle en Allemagne. Les doutes qu’il a exprimés quant à la justification des obligations imposées par le BErzGG concernaient essentiellement les obligations imposées aux travailleurs frontaliers en ce qui concerne un seuil minima d’activité. Comme ces conditions ne constituent pas expressément le sujet de la présente demande de décision préjudicielle, mais ont été soulevées dans le contexte de l’affaire Geven (47), je les examinerai dans les conclusions que je présenterai dans cette affaire, et qui seront lues en même temps que les présentes conclusions.

66.      Pour déterminer l’objectif en vue duquel l’allocation d’éducation est attribuée en Allemagne, il est encore une fois utile de se référer aux observations faites par le Bundessozialgericht sur ce point dans sa décision de renvoi. À partir de l’exposé des motifs du projet de BErzGG et de la jurisprudence nationale, il a résumé ces objectifs dans les termes suivants:

«Le bénéfice de l’allocation d’éducation est censé permettre ou faciliter le fait, pour un parent, de se consacrer à la garde et à l’éducation d’un enfant durant la première phase de son existence, décisive pour son développement futur […]. Le versement de l’allocation constitue une reconnaissance de la prestation éducative des jeunes familles […] et un encouragement du taux de fécondité, en ce qu’il tend à faciliter le choix en faveur de l’enfant et contre l’interruption de la grossesse […]. L’objectif premier est de permettre aux parents de garder eux-mêmes leurs enfants en renonçant ou en réduisant leur activité professionnelle […]. L’idée de départ qui a motivé le législateur a été également que le fait d’élever un enfant en Allemagne contribuerait à assurer l’avenir politique, économique et social de la société de cet État […]. C’est pourquoi le législateur a procédé en limitant le droit à l’allocation d’éducation, pour ce qui concerne les étrangers résidant sur le territoire national […] aux personnes dont on peut s’attendre à ce qu’elles restent en Allemagne pendant longtemps […]; de la même façon, le législateur ne s’est pas estimé tenu d’accorder le bénéfice de la prestation, en cas de résidence à l’étranger, en l’absence d’un lien comparable par la contribution au marché du travail ou à la communauté nationale.»

67.      Il ressort de cette description que l’allocation d’éducation doit être considérée comme un instrument de politique familiale nationale au service d’objectifs sociaux, économiques et démographiques à long terme. La Cour, elle aussi, a reconnu que c’était là la nature essentielle de l’allocation d’éducation, lorsqu’elle l’a définie comme une «prestation non contributive qui s’inscrit dans un ensemble de mesures en matière de politique familiale»(48).

68.      Cependant, la question est de savoir si un État membre peut imposer une obligation de résidence en ce qui concerne l’accès à des prestations accordées en vue d’atteindre ces objectifs politiques légitimes. Selon une jurisprudence constante, une telle obligation n’est justifiée que si elle se fonde sur des critères objectifs indépendants de la nationalité des personnes concernées et qu’elle est proportionnée aux objectifs légitimes poursuivis par les dispositions de droit national en cause (49).

69.      Il ne fait aucun doute que les États membres sont totalement fondés à poursuivre des politiques visant à promouvoir la natalité en vue d’assurer un certain degré de stabilité dans la composition démographique de leurs populations. Par leur nature même, ces politiques doivent garantir que les mesures prises visent les personnes qui résident sur le territoire national. De même, il serait absurde d’assumer que les États membres doivent en tous les cas contribuer au développement démographique des autres États membres en faisant bénéficier de leurs instruments de politique familiale des personnes qui ne résident pas sur leur territoire. Il semblerait par conséquent qu’une obligation de résidence soit appropriée pour garantir que l’allocation d’éducation est accordée à des personnes qui appartiennent à la population nationale de l’État membre, laquelle, bien entendu, comprend non seulement les nationaux allemands, mais aussi toutes les personnes qui résident légalement en Allemagne quelle que soit leur nationalité.

70.      À cet égard, je vois un parallèle très clair entre les obligations de résidence dont il était question dans les affaires Collins (50), Bidar (51), et De Cuyper (52).

71.      Dans l’arrêt Collins, la Cour a reconnu qu’il était «légitime qu’un État membre n’octroie une telle allocation qu’après que l’existence d’un lien réel du demandeur d’emploi avec le marché du travail de cet État a pu être établie». Afin de respecter le principe de proportionnalité, la période de résidence requise «ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour que les autorités nationales puissent s’assurer que l’intéressé est réellement à la recherche d’un emploi dans le marché du travail de l’État membre d’accueil» (53).

72.      Dans l’arrêt Bidar, la Cour a jugé légitime pour les États membres d’exiger qu’un étudiant fasse la preuve d’un certain degré d’intégration à la communauté nationale de cet État pour pouvoir bénéficier d’une aide couvrant les frais d’entretien des étudiants dans cet État membre. Elle a jugé qu’une obligation de résidence de trois ans était une garantie suffisante à cet égard. Toutefois, étant donné qu’un étudiant était aussi tenu de démontrer qu’il avait établi sa résidence au Royaume-Uni et que la réglementation nationale en cause excluait toute possibilité pour un ressortissant d’un autre État membre d’obtenir, en tant qu’étudiant, le statut de personne établie, elle plaçait donc un tel ressortissant, quel que soit son degré d’intégration réelle dans la société de l’État membre d’accueil, dans l’impossibilité de bénéficier de cette aide (54).

73.      Plus récemment dans l’arrêt De Cuyper, la Cour a jugé qu’un État membre était fondé à imposer une obligation de résidence effective à une personne sans emploi de plus de 50 ans dispensée de l’obligation de justifier de sa disponibilité sur le marché de l’emploi, comme condition du maintien de son droit à une allocation de chômage. Cette obligation était nécessaire pour contrôler la situation professionnelle et familiale des chômeurs et tenir compte de modifications de leur situation personnelle susceptibles d’avoir une incidence sur les prestations octroyées. Étant donné que des mesures moins contraignantes auraient été moins efficaces, l’obligation de résidence a été jugée proportionnée à l’objectif à atteindre (55).

74.      Dans toutes ces affaires, il y avait une relation claire entre la nature de la prestation sociale et le type de lien avec l’État membre requis pour pouvoir bénéficier de ces prestations.

75.      Dans le cas présent, l’obligation de résidence sert à assurer que l’allocation d’éducation est bien perçue par des personnes dont il est probable qu’elles feront partie de la population allemande de manière durable et est par conséquent un instrument approprié pour atteindre les objectifs de politique familiale pour lesquels la prestation est accordée. La prestation est octroyée indépendamment de la nationalité et, comme aucune autre condition en ce qui concerne la durée de la période de résidence ne semble être posée, cette obligation de résidence peut elle aussi être considérée comme proportionnée à cet objectif. J’ajouterai que la question de la justification de l’obligation de résidence en tant que telle doit bien entendu être distinguée des méthodes de preuve, qui fait l’objet de l’affaire Martînez Sala.

76.      Ma conclusion sur ce point est, par conséquent, que l’obligation de résidence prévue à l’article 1, paragraphe 1, point 1, du BErzGG est justifiée.

G –    L’article 18 CE: une restriction aux droits attachés à la citoyenneté?

77.      La question de la possible application de l’article 18 CE dans cette affaire a été soulevée par la Commission en réponse à une remarque faite par le Bundessozialgericht dans sa décision de renvoi, selon laquelle une interprétation moins étroite de la notion de libre circulation en vertu du règlement n° 1612/68 devrait être possible, vu que l’article 18 CE garantit un droit général de séjourner, indépendamment de toute activité économique. Bien que la juridiction nationale n’ait pas laissé entendre que Mme Hartmann pourrait être fondée à invoquer l’article 18 CE pour contester l’obligation de résidence posée par le BErzGG, il convient néanmoins d’examiner cette question.

78.      Étant donné que Mme Hartmann n’a exercé elle-même aucun droit de libre circulation dans la Communauté, la seule question pertinente qui se pose ici est de savoir si le refus d’accorder à Mme Hartmann l’allocation d’éducation au motif qu’elle ne réside pas en Allemagne a entravé M. Hartmann dans l’exercice de ses droits de transférer sa résidence en Autriche et d’y séjourner, tels que garantis par l’article 18 CE.

79.      Premièrement, il faut relever que M. Hartmann s’est rendu en Autriche en 1990, soit trois ans et demi avant l’entrée en vigueur des dispositions relatives à la citoyenneté, le 1er novembre 1993. Cela signifie que la question doit être comprise comme signifiant que toute restriction découlant de l’application de l’obligation de résidence contenue dans le BErzGG doit se rapporter à son séjour continu en Autriche après le 1er novembre 1993.

80.      De plus, il ressort de la décision de renvoi que les demandes infructueuses d’allocation d’éducation pour les trois enfants de la famille Hartmann se rapportaient, pour le premier enfant, à une période antérieure en totalité à 1993, pour le deuxième enfant à une période en partie antérieure à novembre 1993, et en partie postérieure à novembre 1993, et pour le troisième enfant à une période entièrement postérieure à novembre 1993. En conséquence, la possibilité éventuelle d’invoquer l’article 18 CE dans cette affaire ne pouvait aboutir qu’à l’octroi d’une allocation partielle pour le deuxième enfant, et d’une allocation entière pour le troisième enfant.

81.      La Cour a déjà examiné un certain nombre d’affaires relatives aux restrictions imposées par les États membres à leurs ressortissants après que ceux-ci eurent exercé leurs droits, en vertu de l’article 18 CE, de circuler dans un autre État membre, notamment les affaires D’Hoop et Pusa (56). Dans ces arrêts, la Cour a posé comme principe général d’interprétation de cette disposition du traité qu’«il serait incompatible avec le droit de la libre circulation [qu’un citoyen de l’Union] puisse se voir appliquer dans l’État membre dont il est ressortissant un traitement moins favorable que celui dont il bénéficierait s’il n’avait pas fait usage des facilités ouvertes par le traité en matière de circulation.» (57). Elle a ajouté qu’«une réglementation nationale désavantageant certains ressortissants nationaux du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre engendrerait ainsi une inégalité de traitement, contraire aux principes qui sous-tendent le statut de citoyen de l’Union, à savoir la garantie d’un même traitement juridique dans l’exercice de sa liberté de circuler. Une telle réglementation ne pourrait être justifiée que si elle se fondait sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national» (58).

82.      Dans ces deux affaires, les parties avaient subi des désavantages tangibles pour avoir exercé leur droit à transférer leur résidence dans un autre État membre. Mme D’Hoop, ressortissante belge qui avait obtenu le baccalauréat en France, ne pouvait pas prétendre en vertu de la législation nationale à une allocation d’attente en Belgique, parce qu’elle n’avait pas achevé ses études secondaires dans cet État membre. M. Pusa, un ressortissant finlandais qui s’était établi en Espagne et dont la pension faisait l’objet d’une saisie, était désavantagé par le fait que le droit finlandais, pour le calcul de la partie saisissable de sa pension, ne tenait pas compte de l’impôt sur le revenu payable par lui en Espagne, tandis que l’impôt sur le revenu payable par lui en Finlande aurait été déduit s’il était demeuré en Finlande. Dans les deux affaires, il était clair que chacune de ces personnes voyait ses droits amputés en application du droit de leur pays d’origine et que la cause directe en était le fait qu’elles avaient transféré leur résidence dans un autre État membre.

83.      Au contraire, il apparaît que, dans le cas présent, en établissant sa résidence en Autriche M. Hartmann n’a subi aucun désavantage en ce qui concerne ses droits potentiels en vertu du BErzGG. En effet, s’il avait décidé de maintenir sa résidence en Allemagne, l’État membre où il travaillait, ni lui ni son épouse n’auraient pu bénéficier de l’allocation d’éducation. Son déménagement en Autriche n’a eu par conséquent aucun effet à cet égard.

84.      Mme Hartmann n’a pas non plus perdu de droits du fait que son mari a transféré sa résidence en Autriche pour la rejoindre. À cet égard, la situation doit être distinguée de celle qui a donné lieu à l’arrêt Schempp (59). Dans cette affaire, l’exercice par Mme Schempp de son droit en tant que citoyenne de circuler et de séjourner dans un autre État membre avait eu un effet immédiat sur la position juridique de son ex-mari qui était demeuré en Allemagne, en ce sens que cela influait sur sa capacité à déduire de son revenu imposable en Allemagne la pension alimentaire qu’il lui versait(60). Le départ de M. Hartmann pour l’Autriche n’a pas eu de tels effets sur la possibilité pour Mme Hartmann de pouvoir bénéficier des allocations d’éducation en Allemagne.

85.      De plus, si Mme Hartmann devait pouvoir en bénéficier à quelque égard, cela ne pourrait se faire qu’à travers les droits dont bénéficie son mari. En l’absence de toute disposition de cette nature autorisant l’exercice de tels droits, et vu le fait que M. Hartmann en tout état de cause ne semble pas pouvoir prétendre lui-même à une allocation d’éducation, rien ne justifie que Mme Hartmann puisse prétendre en bénéficier à travers lui.

86.      Plus généralement parlant, il faut relever que, lorsqu’une personne décide de se rendre dans un autre État membre en exerçant les droits que lui reconnaît l’article 18 CE ou toute autre disposition garantissant la libre circulation, il n’est pas garanti que ce transfert de résidence ou d’activités sera neutre d’un point de vue fiscal (61). Toute décision de se rendre dans un autre État membre implique à la fois de subir certains désavantages et d’acquérir de nouveaux avantages du fait des différences entre les législations des États membres concernés, particulièrement en matière de sécurité sociale et d’imposition. C’est au citoyen communautaire de peser les avantages et les inconvénients à l’heure de prendre sa décision, mais il ne devrait pas pouvoir espérer étendre ainsi ses droits à une prestation sociale, quelle qu’elle soit, pouvant être versée par son État membre d’origine pour différentes raisons de politique générale. Comme nous l’avons montré plus haut, cela dépend entièrement de la nature des prestations concernées. De même qu’il n’y a aucune garantie de neutralité fiscale dans le fait de transférer sa résidence dans un autre État membre, le même principe devrait s’appliquer à la préservation des droits de sécurité sociale. Il ne faudrait pas oublier que, en transférant sa résidence dans un autre État membre, d’autres formes de droits peuvent s’ouvrir dans l’État membre d’accueil. Pour reprendre les termes dans lesquels le gouvernement allemand s’est exprimé à l’audience, si les États membres sont tenus de ne pas imposer de restrictions à leurs ressortissants désirant transférer leur résidence dans un autre État membre, ils ne sont pas non plus tenus de leur octroyer une prime au départ.

87.      Rien ne permet donc de supposer que le rejet des demandes d’allocations d’éducation formées par Mme Hartmann en Allemagne au motif qu’elle ne satisfaisait pas à l’obligation de résidence de l’article 1, paragraphe 1, point 1, du BErzGG, était incompatible avec l’article 18 CE. Même si la Cour devait juger que ces refus ont affecté dans une certaine mesure les droits de M. Hartmann de circuler et de séjourner en vertu de l’article 18 CE, cette restriction doit être considérée comme justifiée pour les raisons exposées dans la précédente section des présentes conclusions.

VI – Conclusion

88.      À la lumière des observations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre aux questions préjudicielles dont le Bundessozialgericht l’a saisie comme suit:

«1)      Un ressortissant allemand qui, tout en conservant son emploi de fonctionnaire des postes en Allemagne, a transféré sa résidence permanente d’Allemagne en Autriche en 1990 et a depuis cette date poursuivi son activité en tant que travailleur frontalier, ne peut pas être considéré comme un travailleur migrant au sens du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, pour la période allant de janvier 1994 à septembre 1998.

2)      Une ressortissante autrichienne qui n’a pas exercé son droit de se rendre dans un autre État membre et d’y séjourner ne peut pas, lorsque son mari a transféré sa résidence dans l’État membre où elle réside tout en conservant son emploi dans son État membre d’origine, se fonder sur l’article 18 CE pour contester une obligation de résidence imposée comme condition pour pouvoir bénéficier des allocations d’éducation dans ce dernier État membre.»


1 – Langue originale: l’anglais.


2 ‑ Règlement du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté , (JO L 257), p. 2).


3 ‑ Règlement du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (JO L 149), p. 2, tel qu’amendé par le règlement (CE) n° 3095/95 du Conseil, du 22 décembre 1995, modifiant le règlement n° 1408/71, le règlement (CEE) n° 574/72 fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/71, le règlement (CEE) n° 1247/92 modifiant le règlement n° 1408/71 et le règlement (CEE) n° 1945/93 modifiant le règlement (CEE) n° 1247/92 (JO L 335, p. 1, et par le règlement (CE) n° 3096/95 du Conseil, du 22 décembre 1995, modifiant le règlement n° 1408/71 et le règlement (CEE) n° 574/72 fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/71 (JO L 335), p. 10, (ci-après, le «règlement n° 1408/71»).


4 ‑ BGBl. I, p. 180.


5 ‑ BGBl. I, p. 1426.


6 ‑ Arrêt du 10 octobre 1996 (C‑245/94 et C-312/94, Rec. p. I-4895).


7 ‑ Le Bundessozialgericht s’est référé à cet égard à l’arrêt du 5 juin 1997, Uecker et Jacquet (C‑64/96 et C-65/96, Rec. p. I-3171, point 21).


8 ‑ Voir arrêts du 18 juin 1987, Lebon, (316/85, Rec. p. 2811), et du 26 février 1992, Bernini, (C‑3/90, Rec. p. I-1071).


9 ‑ «Le terme, ‘travailleur frontalier’, désigne tout travailleur qui est occupé sur le territoire d'un État membre et réside sur le territoire d'un autre État membre, où il retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine».


10 ‑ Règlement (CE) n° 1399/1999 du Conseil, du 29 avril 1999, modifiant le règlement n° 1408/71 et le règlement (CEE) n° 574/72 fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/71, (JO L 164, p. 1).


11 ‑ Précité note 6.


12 ‑ Arrêt du 29 avril 2004, (C-224/02, Rec. p. I-5763, points 16 à 20).


13 ‑ Arrêt du 15 mars 2005 (C-209/03, Rec. p. I-2119, points 55 à 62).


14 ‑ Arrêt du 11 juillet 2002, (C-224/98, Rec. p. I-6191).


15 ‑ Précité note 12.


16 ‑ Arrêt du 12 juillet 2005 (C-403/03, Rec. p.I-6421).


17 ‑ Il a été fait référence à la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77).


18 ‑ Arrêt précité note 6, point 38.


19 ‑ Cité note 10.


20 ‑ Arrêt de la Cour du 5 mars 1998 (C-194/96, Rec. p. I-895).


21 ‑ Point 35 de l’arrêt.


22 ‑ Point 37 de l’arrêt. Voir aussi arrêt du 12 juin 1997, Merino García (C-266/95, Rec. p. I-3279, points 25 et 26).


23 ‑ Arrêts du 12 décembre 2002, De Groot, (C-385/00, Rec. p. I-11819, point 76); du 13 novembre 2003, Schilling et Fleck-Schilling,, (C‑209/01, Rec. p. I-13389, point 23), et du 21 février 2006, Ritter-Coulais, (C-152/03, Rec. p. I-1711, point 31).


24 ‑ Arrêt Uecker et Jacquet, précité note 7.


25 ‑ Précité note 23.


26 ‑ En fait, pour être précis, M. Ritter-Coulais n’avait que la nationalité allemande, tandis que Mme Ritter-Coulais avait la double nationalité française et allemande.


27 ‑ Point 32 de l’arrêt.


28 ‑ Arrêt du 26 janvier 1993, (C‑112/91, Rec. p. I-429).


29 ‑ Point 16 de l’arrêt.


30 ‑ Arrêt du 23 novembre 2000 (C-135/99, Rec. p. I-10409).


31 ‑ Point 26 de l’arrêt.


32 ‑ Arrêt du 12 mai 1998, Martínez Sala (C-85/96, Rec. p. I-2691, point 31).


33 ‑ Arrêt du 30 septembre 1975, Cristini (32/75, Rec. p. 1085, point 12), et arrêt du 27 novembre 1997, Meints (C-57/96, Rec. p. I-6689, point 39).


34 ‑ Arrêt du 27 mai 1993, Schmid (C-310/91, Rec. p. I-3011, point 18, et Meints, cité note précédente, point 39.


35 ‑ Arrêt du 15 mars 1989, Echternach et Moritz (389/87 et 390/87, Rec.p. 723, point 20), (c’est nous qui soulignons).


36 ‑ Les troisième et quatrième considérants du préambule du règlement n° 1612/68 sont rédigés ainsi: «considérant que la libre circulation constitue pour les travailleurs et leur famille un droit fondamental; que la mobilité de la main-d'œuvre dans la Communauté doit être pour le travailleur un des moyens qui lui garantissent la possibilité d'améliorer ses conditions de vie et de travail et de faciliter sa promotion sociale, tout en contribuant à la satisfaction des besoins de l'économie des États membres; qu'il convient d'affirmer le droit de tous les travailleurs des États membres d'exercer l'activité de leur choix à l'intérieur de la Communauté; considérant que ce droit doit être reconnu indifféremment aux travailleurs «permanents», saisonniers, frontaliers ou qui exercent leur activité à l'occasion d'une prestation de services» (c’est nous qui soulignons).


37 ‑ «considérant que le droit de libre circulation exige, pour qu'il puisse s'exercer dans des conditions objectives de liberté et de dignité, que soit assurée, en fait et en droit, l'égalité de traitement pour tout ce qui se rapporte à l'exercice même d'une activité salariée et à l'accès au logement, et aussi que soient éliminés les obstacles qui s'opposent à la mobilité des travailleurs notamment en ce qui concerne le droit pour le travailleur de se faire rejoindre par sa famille, et les conditions d'intégration de cette famille dans le milieu du pays d'accueil».


38 ‑ Précité note 33.


39 ‑ Point 41 de l’arrêt.


40 ‑ Points 49 et 50 de l’arrêt.


41 ‑      Aux points 57 et 58 des conclusions qu’il a présentées dans l’affaire Meints (précitée note 33).


42 ‑ Arrêt précité note 32, point 26.


43 ‑ Précité note 6.


44 ‑ Point 25 de l’arrêt.


45 ‑ Arrêt du 10 mars 1993, Commission/Luxembourg, (C-111/91, Rec. p. I‑817, points 12, 15 et 34).


46 ‑ Arrêt Meints, précité note 33, point 48 de l’arrêt.


47 ‑ Point 2 des conclusions présentées dans cette affaire.


48 ‑ Arrêt Martínez Sala, précité note 32, point 8.


49 ‑ Voir, par exemple, arrêt du 23 mars 2004, Collins (C-138/02, Rec. p. I‑2703, point 66).


50 ‑ Précité note précédente.


51 ‑ Précité note 13.


52 ‑ Arrêt du 18 juillet 2006, (C-406/04, non encore publié au Recueil).


53 ‑ Précité note 49, points 69 et 72.


54 ‑ Arrêt précité note 13, points 67 à 61.


55 ‑ Cité note 52, points 41 à 48.


56 ‑ Arrêts D’Hoop, précité note 14, et Pusa, précité note 12.


57 ‑ Arrêt D’Hoop, point 30, et arrêt Pusa, point 18.


58 ‑ Arrêts D’Hoop, points 34 à 36, et Pusa, point 20.


59 ‑ Arrêt précité note 16.


60 ‑ Point 24 de l’arrêt.


61 ‑ Arrêts du 15 juillet 2004, Lindfors (C-365/02, Rec. p. I-7183, point 34), et Schempp, précité note 16, point 45.