Langue du document : ECLI:EU:C:2002:516

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 19 septembre 2002 (1)

Affaires C-187/01

Staatsanwalschaft

contre

Hüseyin Gözütok

et C-385/01

Procédure pénale

contre

Klaus Brügge

[demandes de décision préjudicielle formées par l'Oberlandesgericht Köln (Allemagne) et par le Rechtbank van eerste aanleg te Veurne (Belgique)]

«Questions préjudicielles posées en application de l'article 35 UE - Acquis de Schengen - Convention d'application de l'accord de Schengen - Interprétation de l'article 54 - Principe ne bis in idem - Champ d'application - Extinction de l'action pénale à la suite d'une procédure de nature transactionnelle»

Table des matières

     I -    Introduction

     II -    Le droit européen applicable

     III -    Les faits, les litiges au principal et les questions préjudicielles

         1.    Affaire C-187/01

         2.    Affaire C-385/01

     IV -    La procédure devant la Cour de justice

     VI -    L'analyse des questions préjudicielles

         1.    Quelques observations liminaires

         3.    Les fondements du principe ne bis in idem - La jurisprudence de la Cour de justice relative à ce principe

         4.    La transaction pénale en tant qu'expression du ius puniendi

             A -    Les procédures transactionnelles dans les États membres

             B -    L'objet et la finalité de la transaction pénale

             C -    La transaction pénale, mode d'administration de la justice

             D -    La garantie des droits du justiciable dans la transaction pénale

             E -    L'autorité de la chose jugée de la transaction pénale

         5.    L'interprétation de l'expression «définitivement jugée» de l'article 54 de la convention

         6.    L'autre face du phénomène: le principe de confiance mutuelle

     VII - Conclusion

I -    Introduction

1.
    L'acquis de Schengen comprend:

a)    l'accord conclu le 14 juin 1985, dans la ville luxembourgeoise du même nom par les trois États formant l'Union économique Benelux, la République fédérale d'Allemagne et la République française, relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (ci-après l'«accord de Schengen») et

b)    la convention d'application de l'accord précité, conclue le 19 juin 1990 par les mêmes parties contractantes (2) (ci-après la «convention») (3).

2.
    Ces questions préjudicielles, posées en application de l'article 35 UE (4), donnent à la Cour de justice l'occasion d'interpréter, pour la première fois, la convention.

3.
    Les questions soulevées par l'Oberlandesgericht Köln (Allemagne) et le Rechtbank van eerste aanleg te Veurne (Belgique) concernent l'article 54. Il s'agit de savoir si le principe ne bis in idem (5) qu'il énonce est applicable lorsque l'action pénale est éteinte dans l'ordre juridique de l'un des États signataires à la suite d'une transaction convenue entre le ministère public et l'accusé.

II -    Le droit européen applicable

4.
    L'article 1er du protocole intégrant l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne, annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne (ci-après le «protocole»), a autorisé treize États membres, dont la République fédérale d'Allemagne, le royaume de Belgique et le royaume des Pays-Bas (6), à instaurer une coopération renforcée dans le champ d'application de l'acquis de Schengen.

5.
    L'acquis de Schengen vise, ainsi qu'il ressort du préambule du protocole, à «renforcer l'intégration européenne et, en particulier, à permettre à l'Union européenne de devenir plus rapidement un espace de liberté, de sécurité et de justice».

6.
    Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du protocole, à compter de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam l'acquis de Schengen s'applique immédiatement aux treize États membres visés à l'article 1er.

7.
    Se fondant sur l'article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, du protocole, le Conseil a adopté, le 20 mai 1999, les décisions 1999/435/CE et 1999/436/CE, relatives à la définition de l'accord de Schengen en vue de déterminer, conformément aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions qui constituent l'acquis (7).

8.
     Il ressort de l'article 2 et de l'annexe A de la seconde des décisions susmentionnées que les articles 54 à 58 de la convention ont pour base juridique les articles 34 et 31 du traité sur l'Union européenne, qui font partie du titre 6, intitulé «Dispositions relatives à la coopération policière et judiciaire en matière pénale».

9.
    Les articles susmentionnés de la convention forment le chapitre 3, intitulé «Application du principe non bis in idem», du titre III, intitulé «Police et sécurité».

10.
    L'article 54 dispose:

«Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d'exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation.»

11.
    Aux termes de l'article 55:

«1.    Une Partie Contractante peut, au moment de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de la présente Convention, déclarer qu'elle n'est pas liée par l'article 54 dans l'un ou plusieurs des cas suivants:

    a)    lorsque les faits visés par le jugement étranger ont eu lieu soit en tout, soit en partie sur son territoire; dans ce dernier cas cette exception ne s'applique cependant pas si ces faits ont eu lieu en partie sur le territoire de la Partie Contractante où le jugement a été rendu;

    b)    lorsque les faits visés par le jugement étranger constituent une infraction contre la sûreté de l'État ou d'autres intérêts également essentiels de cette Partie Contractante;

    c)    lorsque les faits visés par le jugement étranger ont été commis par un fonctionnaire de cette Partie Contractante en violation des obligations de sa charge.

2. Une Partie Contractante qui a fait une déclaration concernant l'exception mentionnée au paragraphe 1, point b), précisera les catégories d'infractions auxquelles cette exception peut s'appliquer.

3. Une Partie Contractante pourra, à tout moment, retirer une telle déclaration relative à l'une ou plusieurs des exceptions mentionnées au paragraphe 1.

4. Les exceptions qui ont fait l'objet d'une déclaration au titre du paragraphe 1 ne s'appliquent pas lorsque la Partie Contractante concernée a, pour les mêmes faits, demandé la poursuite à l'autre Partie Contractante ou accordé l'extradition de la personne concernée.»

12.
    L'article 56 est ainsi libellé:

«Si une nouvelle poursuite est intentée par une Partie Contractante contre une personne qui a été définitivement jugée pour les mêmes faits par une autre Partie Contractante, toute période de privation de liberté subie sur le territoire de cette dernière Partie Contractante en raison de ces faits doit être déduite de la sanction qui sera éventuellement prononcée. Il sera également tenu compte, dans la mesure où les législations nationales le permettent, des sanctions autres que celles privatives de liberté qui ont déjà été subies.»

13.
    L'article 57 dispose quant à lui:

«1. Lorsqu'une personne est accusée d'une infraction par une Partie Contractante et que les autorités compétentes de cette Partie Contractante ont des raisons de croire que l'accusation concerne les mêmes faits que ceux pour lesquels elle a déjà été définitivement jugée par une autre Partie Contractante, ces autorités demanderont, si elles l'estiment nécessaire, les renseignements pertinents aux autorités compétentes de la Partie Contractante sur le territoire de laquelle une décision a déjà été rendue.

2. Les informations demandées seront données aussitôt que possible et seront prises en considération pour la suite à réserver à la procédure en cours.

3. Chaque Partie Contractante désignera, au moment de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de la présente Convention, les autorités qui seront habilitées à demander et à recevoir les informations prévues au présent article.»

14.
    Enfin, aux termes de l'article 58:

«Les dispositions précédentes ne font pas obstacle à l'application des dispositions nationales plus larges concernant l'effet Ne bis in idem attaché aux décisions judiciaires prises à l'étranger.»

III -    Les faits, les litiges au principal et les questions préjudicielles

1.    Affaire C-187/01

15.
    M. Gözütok est un ressortissant turc qui, depuis plusieurs années, réside aux Pays-Bas, où il exploite, dans la commune de Heerlen, sans y avoir été préalablement autorisé par l'administration, un «coffee-shop». Les 12 janvier et 11 février 1996, la police néerlandaise a effectué deux perquisitions dans cet établissement, au cours desquelles elle a saisi certaines quantités de haschisch et de marihuana (8).

16.
    Les poursuites pénales auxquelles ces perquisitions ont donné lieu ont pris fin les 23 mai et 18 juin 1996, après que M. Gözütok eut accepté les transactions proposées par le ministère public néerlandais et payé les sommes de 3 000 et de 750 NLG.

17.
    Le 31 janvier 1996, une banque allemande, où M. Gözütok était titulaire d'un compte, a attiré l'attention des autorités allemandes chargées des poursuites pénales sur d'importants mouvements effectués sur son compte.

18.
    Le 1er juillet 1996, le ministère public d'Aachen (Allemagne) a inculpé M. Gözütok au motif que celui-ci s'était livré, entre le 12 janvier et le 11 février de cette année, à au moins deux reprises, au commerce de stupéfiants aux Pays-Bas, portant sur des quantités non négligeables.

19.
    Le 13 janvier 1997, l'Amtsgericht Aachen a condamné l'accusé à une peine privative de liberté d'un an et cinq mois pour commerce illicite de stupéfiants portant sur des quantités non négligeables. Cette condamnation a été assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve.

20.
    M. Gözütok et le procureur ont interjeté appel de ce jugement. Le Landgericht Aachen, par ordonnance du 27 août 1997, a mis fin à la procédure au motif que, conformément à l'article 54 de la convention, la décision d'abandon des poursuites rendue par les autorités néerlandaises a l'autorité de la chose jugée et, en vertu de l'article susmentionné et de l'article 103, paragraphe 3, du Grundgesetz (loi fondamentale allemande), s'oppose à ce que les faits soient poursuivis en Allemagne.

21.
    Devant l'Oberlandesgericht Köln, qu'il a saisi d'un recours contre cette décision, le ministère public a fait valoir, notamment, que l'article 54 de la convention, énonçant le principe ne bis in idem, ne s'applique qu'aux condamnations définitives prononcées par l'une des parties contractantes.

22.
    Estimant que la solution du litige dont il est saisi dépend de la portée de l'article susmentionné de la convention, l'Oberlandesgericht Köln adresse à la Cour de justice les questions suivantes:

«L'article 54 de la Convention entraîne-t-il l'extinction de l'action publique en République fédérale d'Allemagne lorsque, en droit néerlandais, cette action est éteinte au Royaume des Pays-Bas pour les mêmes faits?

En particulier, cela est-il également le cas lorsqu'une décision du ministère public met fin, une fois certaines conditions satisfaites (‘transactie’), à la procédure, ce qui exclut toute poursuite devant une juridiction néerlandaise, alors que l'ordre juridique des autres Parties Contractantes prévoit qu'une telle décision requiert l'approbation du juge?»

2.    Affaire C-385/01

23.
    M. Brügge, ressortissant allemand, a porté à Mme Leliaert des coups ou blessures volontaires ayant entraîné l'incapacité de travail de celle-ci.

24.
    Le procureur de Bonn a ordonné une enquête relativement à ces faits à l'encontre de M. Brügge, au cours de laquelle il a proposé un règlement amiable mettant fin à la procédure en contrepartie du paiement de 1 000 DM (9). Le 13 août 1998, l'accusé a payé l'amende et le procureur a mis fin aux poursuites.

25.
    M. Brügge a été accusé des mêmes faits devant le Rechtbank van eerste aanleg te Veurne par la victime, qui demandait des dommages et intérêts pour le préjudice moral que lui avait causé l'agression.

26.
    Ce tribunal estime que la solution du litige dépend de la portée de l'article 54 de la convention et adresse à la Cour de justice la question suivante:

«L'article 54 de l'Accord de Schengen du 19 juin 1990 permet-il encore au ministère public belge de citer un ressortissant allemand à comparaître devant le juge pénal belge et de l'y faire condamner alors que ce ressortissant allemand s'est vu offrir pour les mêmes faits un règlement amiable par le ministère public allemand et qu'il a versé le montant qui lui était ainsi proposé?»

IV -    La procédure devant la Cour de justice

27.
    Dans l'affaire C-187/01, les gouvernements allemand, néerlandais et français ainsi que la Commission ont présenté des observations écrites dans le délai imparti à cet effet par l'article 20 du statut CE de la Cour de justice. Dans l'autre affaire, outre les deux gouvernements cités en premier lieu et l'institution susmentionnée, le gouvernement belge est intervenu au cours de la procédure écrite.

28.
    Le 9 juillet 2002, une audience commune a eu lieu, à laquelle ont comparu, afin de formuler oralement leurs arguments, les représentants de ceux qui ont présenté des observations écrites ainsi que le représentant du gouvernement italien.

V -    Observations relatives à la compétence de la Cour de justice au titre de l'article 35 UE

29.
    Le traité d'Amsterdam a étendu les compétences en matière préjudicielle de la Cour de justice au troisième pilier (justice et affaires intérieures) et lui a permis de statuer, à la demande des juridictions nationales, sur la validité et l'interprétation des décisions-cadres, des décisions et des mesures d'application des conventions établies pour la coopération policière et judiciaire en matière pénale, ainsi que sur l'interprétation de ces conventions (article 35, paragraphe 1, UE).

30.
    En vertu du protocole et des décisions 1999/435 et 1999/436 (10), l'article 54 de la convention peut faire l'objet d'une interprétation à titre préjudiciel de la Cour de justice, dont la compétence est à cet égard conditionnelle, car elle doit être acceptée par les États membres, conformément à l'article 35, paragraphe 2, UE pour devenir effective.

31.
    Les États membres qui acceptent cette nouvelle compétence de la Cour de justice peuvent choisir entre accorder la faculté de poser des questions préjudicielles à l'ensemble de leurs juridictions ou ne conférer ce droit qu'à celles qui statuent en dernière instance, dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un «recours juridictionnel» (article 35, paragraphe 3, UE).

32.
    La République fédérale d'Allemagne a choisi d'accorder à l'ensemble de ses juges et juridictions le droit de poser des questions préjudicielles, et cette faculté devient même une obligation pour les juridictions statuant en dernière instance (11).

33.
    Quant à lui, le royaume de Belgique a, par une déclaration faite lors de la signature du traité d'Amsterdam, accepté la compétence de la Cour de justice et attribué à l'ensemble de ses juges et juridictions la faculté de poser des questions préjudicielles au titre de l'article 35 UE.

34.
    Étant donné que les décisions de l'Oberlandesgericht Köln en la matière ne sont pas susceptibles de recours et que le Rechtbank van eerste aanleg te Veurne est une juridiction belge au sens de l'article précité, le premier avait l'obligation et le second avait la faculté de s'adresser à la Cour de justice, après avoir constaté que l'interprétation de l'article 54 de la convention était nécessaire à la solution des litiges dont ils étaient respectivement saisis.

35.
    Il résulte de ces prémisses et du fait que les questions préjudicielles ne concernent aucune des matières prévues à l'article 35, paragraphe 5, UE (12) que la compétence de la Cour de justice est incontestable.

VI -    L'analyse des questions préjudicielles

1.    Quelques observations liminaires

36.
    La compétence préjudicielle visée à l'article 35, paragraphe 1, UE a pour objet, comme tous les pouvoirs de cette nature accordés à la Cour de justice, l'interprétation ou, le cas échéant, l'appréciation de la validité des dispositions du droit européen qui constituent son champ d'application matériel. Toutefois, elle ne s'étend en aucun cas au contrôle de l'application de ces règles dans le litige pendant devant une juridiction nationale.

37.
    Il ne lui appartient donc pas de se prononcer sur l'incidence de l'article 54 de la convention sur la procédure pénale engagée contre M. Gözütok ni sur les conséquences qu'il convient d'attacher à l'extinction de l'action publique. La Cour est seulement compétente pour interpréter cette disposition. Par conséquent, elle ne peut se prononcer sur le point de savoir si l'extinction de l'action publique aux Pays-Bas entraîne l'extinction de l'action publique engagée en Allemagne.

38.
    Ces prémisses étant posées, la Cour de justice doit faire abstraction des termes dans lesquels l'Oberlandesgericht Köln formule la première de ses questions. En réalité, si l'on s'en tient au sens général des questions posées par les deux juridictions de renvoi, on peut dire qu'elles soulèvent les deux questions suivantes:

1)    La première consiste à savoir si le principe ne bis in idem qu'énonce l'article 54 de la convention s'applique également lorsque, dans l'un des États signataires, l'action publique est éteinte à la suite d'une décision d'abandon des poursuites adoptée par le ministère public après que l'inculpé a satisfait aux conditions qu'il lui a imposées.

2)    En cas de réponse affirmative à la question précédente, la juridiction allemande se demande si cette décision du ministère public requiert l'approbation d'un juge.

39.
    Pour répondre aux questions précédentes, il convient d'analyser la portée du principe susmentionné et, en particulier, sa signification dans le contexte de l'article 54 de la convention, en recherchant l'objet et la finalité de cette disposition conventionnelle. Il convient également d'étudier les procédures pénales de nature transactionnelle et leurs effets, conjointement avec le libellé de la disposition dont l'interprétation est demandée à la Cour de justice.

40.
    Or, dans l'accomplissement de cette tâche, il faut garder à l'esprit deux réalités apparemment contradictoires et, cependant, complémentaires, qui sont les deux faces d'un même phénomène.

41.
    La première est la fragmentation du droit pénal au sein de l'Union européenne en autant d'ordres juridiques différents que d'États membres. La seconde est que, bien que les systèmes nationaux de justice pénale soient très différents, l'objectif est de parvenir à une intégration toujours plus étroite dans le cadre du troisième pilier.

42.
    Cette double constatation emporte deux conséquences. L'une est qu'il faut rechercher la réponse en faisant abstraction des particularités de chaque système. L'article 54 de la convention utilise des termes dont la portée diffère selon les différents droits internes, aussi doit-on écarter toute interprétation fondée sur les ordres juridiques nationaux. C'est dans le droit de l'Union européenne qu'il convient d'effectuer cette recherche, dans le fond commun que constituent les objectifs poursuivis par l'acquis de Schengen. Comme la Commission le fait remarquer dans ses observations écrites, il est nécessaire que la Cour de justice propose une interprétation autonome de l'article 54 de la convention.

43.
    La seconde conséquence est d'ordre matériel. Lorsqu'il s'agit de lutter contre les formes de criminalité qui affectent l'ensemble de la société européenne, il appartient aux États d'assurer la répression à travers leur législation nationale. Chacun d'eux est garant de l'ordre social national mais également, au sein de l'Union, de l'ordre social européen. Le principe ne bis in idem pourrait ainsi être enfreint dans certaines situations, telles que celles des litiges au principal, où un même fait délictueux est poursuivi par les autorités pénales territorialement compétentes et par celles d'un autre État membre, qui le répriment en se fondant sur d'autres critères d'attribution de compétences.

2.    L'article 54 de la convention en tant qu'expression authentique du principe ne bis in idem

44.
    L'article 54 de la convention est une disposition juridique au service d'un processus dynamique d'intégration européenne qui a pour objet la création d'un espace commun de liberté de justice. La suppression graduelle des contrôles aux frontières communes est une étape nécessaire vers la réalisation de cet objectif. Toutefois, l'élimination des obstacles administratifs lève les barrières pour tous, et notamment pour ceux qui profitent de la diminution des contrôles afin d'étendre leurs activités illicites.

45.
    Aussi la suppression des contrôles doit-elle être compensée par un renforcement de la coopération entre les États, en particulier en matière de police et de sécurité. Or, c'est dans ce cadre, visant à améliorer l'efficacité des réponses judiciaire et policière sans porter atteinte aux garanties reconnues aux citoyens dans une société démocratique de droit, que s'inscrivent les articles 54 à 58 de la convention, régissant l'application du principe ne bis in idem dans le domaine de l'acquis de Schengen.

46.
    L'article 54 est l'expression de cette garantie en faveur de celui contre qui le ius puniendi est exercé. Quiconque a été définitivement jugé par un État signataire de la convention ne peut l'être de nouveau, pour les mêmes faits, par une autre partie contractante, qu'il ait été acquitté ou condamné, à condition que, dans ce dernier cas, la sanction ait été exécutée, soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de l'État de condamnation.

47.
    Cet article est l'authentique expression de la garantie en question, qui non seulement s'applique au sein d'un même ordre juridique, mais produit également ses effets lorsque les poursuites sont engagées dans deux systèmes juridiques différents.

3.    Les fondements du principe ne bis in idem - La jurisprudence de la Cour de justice relative à ce principe

48.
    Cette règle de droit s'oppose à ce que, pour protéger des intérêts juridiques identiques et en raison d'un même comportement illicite, une personne soit poursuivie pénalement et, éventuellement, condamnée plusieurs fois, dans la mesure où ce cumul de poursuites et de sanctions a pour conséquence inadmissible l'exercice répété du ius puniendi (13).

49.
    Ce principe est fondé sur les deux piliers de tout système juridique. L'un est la sécurité juridique, l'autre l'équité. Lorsque l'auteur de l'infraction est poursuivi et condamné, il doit savoir que, par l'exécution de la peine, il a expié sa faute, et n'a plus à craindre une nouvelle sanction. Lorsqu'il est acquitté, il doit avoir la certitude qu'une autre procédure ne sera pas ouverte pour le juger de nouveau.

50.
    En cas de condamnation, on ne saurait oublier que toute sanction poursuit une double finalité: répressive et dissuasive. Elle vise à sanctionner un comportement et à décourager les auteurs de l'infraction en cause, ainsi que d'autres éventuels auteurs d'infractions, d'adopter des comportements juridiquement répréhensibles. Elle doit donc être proportionnée à de telles fins, en maintenant un juste équilibre afin de sanctionner le comportement en cause, tout en étant exemplaire. Le principe d'équité, dont la règle de la proportionnalité est un instrument, s'oppose ainsi au cumul des sanctions.

51.
    La Cour de justice a appliqué pour la première fois le principe ne bis in idem dans l'affaire Gutmann/Commission de la CEEA (14), dans laquelle un fonctionnaire faisait l'objet de deux procédures disciplinaires fondées sur les mêmes faits. En l'espèce, toutefois, la double répression avait lieu au sein d'un même système juridique. Il a fallu attendre les affaires Wilhelm e.a. (15) et Boehringer Mannheim/Commission (16) pour que soit abordée la portée de ce principe lorsque les poursuites sont engagées dans des systèmes juridiques différents.

52.
    La Cour de justice a donc eu l'occasion de connaître des situations qui ont abouti à un cumul de sanctions. En effet, les hypothèses dans lesquelles il convient d'appliquer à la fois le droit communautaire et le droit des États membres ne sont pas rares. C'est spécialement le cas en droit de la concurrence (17). Ainsi, selon la Cour, «le droit communautaire et le droit national en matière d'ententes considèrent celles-ci sous des aspects différents; [...] alors que l'article 85 les envisage en raison des entraves qui peuvent en résulter pour le commerce entre les États membres, les législations internes, inspirées par des considérations propres à chacune d'elles, considèrent les ententes dans ce seul cadre» (18).

53.
    Conformément à cet arrêt, la Cour a permis qu'une entente soit analysée à la fois sous l'angle du droit national et sous l'angle du droit communautaire et, ce qui est plus important, que ce double examen puisse conduire à appliquer deux sanctions à une même personne à raison de faits identiques (19).

54.
    L'affirmation précédente signifie-t-elle qu'un même comportement peut être jugé et, le cas échéant, sanctionné deux fois si le ius puniendi est exercé dans deux ordres juridiques différents? Je ne le crois pas, bien que l'avocat général Mayras ait soutenu le contraire dans les conclusions précitées, affirmant que «cette règle - la règle ne bis in idem - ne vaut qu'à l'intérieur de chacun des ordres juridiques nationaux» (20).

55.
    L'affirmation de l'avocat général ne saurait être détachée de son contexte, d'une époque où l'application dans l'espace de la loi pénale, expression de la souveraineté des États, était fondée sur le principe de territorialité. Les conclusions de M. Mayras sont l'expression de cette idée. Toutefois, la stricte application de ce principe de territorialité est incompatible avec de nombreuses situations présentant des éléments d'extra-territorialité et dans lesquelles un même comportement est susceptible de produire des effets juridiques dans différentes parties du territoire de l'Union. La construction d'une Europe sans frontières et le rapprochement des différents ordres juridiques nationaux, y compris en matière pénale, qui en est le corollaire impliquent que les États concernés s'inspirent des mêmes valeurs. Or c'est ici, dans le domaine des valeurs, que le principe en question prend tout son sens.

56.
    La formulation classique du principe ne bis in idem exige la réunion de trois identités: identité des faits, une seule personne auteur de l'infraction et un même intérêt - une même valeur - juridiquement protégé (21). L'élément décisif n'est pas le fait que le droit de sanction soit exercé à l'intérieur d'un même système juridique ou dans des ordres juridiques différents. Quelle que soit la personne qui exerce le pouvoir répressif, pour déterminer si un fait peut être sanctionné plusieurs fois, il faut plutôt rechercher si les différentes sanctions protègent les mêmes intérêts juridiques ou, au contraire, protègent des valeurs différentes.

57.
    Les États membres et l'Union européenne elle-même sont actuellement liés par le principe ne bis in idem, qui, comme je l'ai indiqué, est une garantie fondamentale des citoyens (22).

58.
    Il serait nécessairement injuste et contraire aux principes sur lesquels repose la construction d'une Europe unie que, pour protéger un intérêt juridique déterminé, une personne puisse être sanctionnée dans différents États membres pour la commission des mêmes faits.

59.
    L'idée même de justice s'oppose à ce que l'on nie toute efficacité aux décisions pénales étrangères, ce qui compromettrait à la fois la lutte contre la criminalité et les droits de la personne condamnée. La position de l'avocat général Mayras serait aujourd'hui indéfendable, car elle est contraire au libellé de l'article 54 de la convention, reprenant l'article 1 de la convention de Bruxelles du 25 mai 1987, relative à l'application du principe ne bis in idem.

60.
    Les considérations qui précèdent ne sont pas un simple exercice de style tendant à affirmer ce que l'article 54 de la convention dit déjà, car la raison d'être de la règle ne bis in idem et les valeurs qui la justifient peuvent m'aider à répondre aux questions de l'Oberlandesgericht Köln et du Rechtbank van eerste aanleg te Veurne.

4.    La transaction pénale en tant qu'expression du ius puniendi

61.
    Par conséquent, lorsqu'une personne a été définitivement jugée pour certains faits, elle ne peut l'être de nouveau, qu'elle ait été acquittée ou condamnée dans la première procédure.

62.
    Cette affirmation conduit à la clé de voûte des questions soulevées par les deux juridictions nationales. Dans une transaction pénale les faits sont-ils «définitivement jugés» ou, en d'autres termes, la transaction est-elle l'expression de la justice pénale?

63.
    Pour répondre à cette question, il convient d'avoir une connaissance claire et approfondie de la justice de nature transactionnelle et des effets qu'elle est susceptible d'engendrer. À cet effet, il est nécessaire d'étudier, ne serait-ce que dans les grandes lignes, les ordres juridiques des États membres qui connaissent quelque procédure pénale de nature transactionnelle (23).

A -    Les procédures transactionnelles dans les États membres

64.
    En droit allemand (24), le ministère public peut décider d'abandonner les poursuites pénales, à condition que l'auteur de l'infraction accepte les obligations qui lui sont imposées et les exécute. Bien que, en règle générale, l'approbation de la juridiction compétente soit nécessaire, elle n'est pas obligatoire s'il s'agit de délits susceptibles d'être réprimés par une peine qui n'excède pas la peine minimale prévue par le code pénal et si le préjudice causé est peu important. En cas d'accord, le procureur fixe un délai pour l'exécution des obligations convenues et, lorsque celles-ci ont été exécutées, la responsabilité de l'auteur de l'infraction est définitivement écartée et «l'infraction ne peut être poursuivie en tant que délit» (25).

65.
    La république d'Autriche dispose d'une procédure appelée «Diversion» (26), qui permet au procureur (ou au juge d'instruction) de renoncer à l'exercice de l'action publique en contrepartie du paiement d'une somme d'argent, de la réalisation d'un travail d'intérêt général, de la fixation d'une période de mise à l'épreuve ou de la soumission à une médiation pénale («aussergerichlicher»). Une fois que l'inculpé a satisfait aux obligations imposées, l'action publique est définitivement éteinte (27).

66.
    Il existe en Belgique deux types de procédure relevant de la compétence du ministère public: la transaction et la médiation pénale, prévues aux articles 216 bis et 216 ter du code d'instruction criminelle, qui permettent au procureur d'abandonner définitivement les poursuites si l'accusé satisfait à certaines conditions. Toutefois, le second des articles précités dispose, au paragraphe 4, deuxième alinéa, que l'extinction de l'action publique dans la médiation pénale ne porte pas atteinte au droit des victimes ou de leurs ayants droit d'exercer l'action civile.

67.
    L'ordre juridique français connaît une procédure appelée «composition pénale» (28), dans laquelle le ministère public peut proposer à l'auteur d'une infraction l'abandon des poursuites en contrepartie de l'exécution d'une ou de plusieurs prestations déterminées. Dans la composition française le ministère public doit obtenir l'approbation de la juridiction compétente. En tout état de cause, la faculté d'abandonner les poursuites appartient au seul ministère public.

68.
    Le royaume de Danemark prévoit (29) que, s'agissant d'une infraction passible d'une amende, le ministère public peut proposer à la personne poursuivie d'abandonner les poursuites si celle-ci reconnaît sa culpabilité et s'engage à verser une amende dans un délai déterminé. À l'expiration du délai de deux mois prévu pour l'annulation de cette proposition par la voie hiérarchique, la décision d'abandon des poursuites devient définitive.

69.
    L'ordre juridique espagnol permet à l'accusé d'accepter la peine requise par le procureur, auquel cas le juge ou la juridiction rend une décision fondée sur la qualification mutuellement convenue (30).

70.
    Le droit finlandais ne connaît pas la transaction proprement dite, mais prévoit des mesures de nature transactionnelle susceptibles de conduire à l'extinction de l'action publique. Il s'agit de la procédure simplifiée pour les contraventions (31), par laquelle le procureur peut imposer une amende sans que l'intervention d'une juridiction soit nécessaire. Sa décision est définitive et a l'autorité de la chose jugée.

71.
    L'Irlande dispose de moyens permettant qu'une infraction ne soit pas poursuivie pénalement, pour différentes raisons. On peut citer comme exemple le paiement d'une amende (32), qui met fin à la procédure.

72.
    Bien que le droit italien ne connaisse en général ni la transaction ni la médiation pénale (sauf pour les infractions commises par des mineurs), il existe une procédure singulière appelée «patteggiamento» (33). Il s'agit d'une procédure spéciale qui implique l'existence d'un accord transactionnel tant sur la procédure que sur la peine, dont la durée ne peut excéder deux ans. Le procureur et l'accusé sont tous deux titulaires de l'action de «patteggiamento». En tout état de cause, l'accord doit être approuvé par le juge.

73.
    Au Luxembourg, la loi du 6 mai 1999 a ajouté un paragraphe 5 à l'article 24 du code d'instruction criminelle, selon lequel le procureur peut, avant d'engager les poursuites, procéder à une médiation, susceptible d'aboutir à la décision de continuer les poursuites ou de laisser l'action publique se prescrire.

74.
    Le royaume des Pays-Bas connaît également la transaction («transactie»), régie par les articles 74 et suivants du code pénal néerlandais. L'action publique s'éteint lorsque l'accusé satisfait aux conditions imposées par le procureur. L'effet extinctif est expressément prévu par l'article 74, paragraphe 1.

75.
    Au Portugal (34) la procédure peut être suspendue à titre provisoire. Ce mécanisme permet au ministère public de paralyser l'exercice de l'action publique en imposant certaines obligations pendant une période déterminée. Sa décision est subordonnée à l'acceptation par l'accusé et, le cas échéant, par la partie civile, ainsi qu'à l'approbation du juge d'instruction. Une fois que l'inculpé a accompli les obligations convenues, la procédure pénale est clôturée et ne peut être rouverte (35).

76.
    Au Royaume-Uni, le droit anglais connaît une procédure de nature transactionnelle en matière de circulation routière. Une «fixed penalty notice» permet d'échapper aux poursuites pénales en contrepartie du paiement d'une amende ou de l'application de «points de pénalité» sur le permis de conduire. Lorsque ces conditions sont remplies, l'action pénale s'éteint (36). Il convient de tenir compte du fait que Lord Justice Auld a préconisé (37) l'élargissement du champ d'application des procédures transactionnelles et que sa proposition a fait l'objet d'un livre blanc du gouvernement anglais vers le milieu du mois de juillet dernier. En droit écossais le procureur (38) peut faire une «offre conditionnelle» («conditional offer») à l'accusé, lui permettant de ne pas être poursuivi pénalement pour les infractions susceptibles d'être réprimées par les District Courts. S'il accepte la proposition, l'inculpé doit payer une amende et, une fois qu'elle a été versée, l'action pénale s'éteint (39).

77.
    Enfin, il existe en Suède une procédure pénale sans intervention d'une juridiction («strafföreläggande») (40) qui est utilisée pour les délits les moins graves comme la conduite sous l'influence de l'alcool et les petits vols. Si la sanction proposée par le procureur est acceptée par l'accusé (après accord avec les éventuelles victimes), elle acquiert l'autorité de la chose jugée.

B -    L'objet et la finalité de la transaction pénale

78.
    Pour qualifier une institution juridique, à plus forte raison si elle relève de la branche du droit qui affecte le plus directement la dignité et les valeurs fondamentales de la personne, il convient d'écarter les nominalismes stériles et de s'attacher à sa nature.

79.
    Comme on peut le constater, sous la dénomination de transaction ou des dénominations similaires, de nombreux États membres (41) connaissent des procédures dans lesquelles le ministère public renonce, sur habilitation légale et, dans certains systèmes, sans l'intermédiaire d'aucune décision juridictionnelle, à l'exercice de l'action publique à l'encontre d'un individu, après que ce dernier a versé à l'État une somme d'argent ou a satisfait à d'autres conditions.

80.
    Il s'agit d'une procédure qui, bien qu'elle soit bilatérale, est caractérisée par le fait que l'intervention du pouvoir public de l'État est marquée par la prééminence de celui-ci. Ce type d'administration de la justice pénale ne s'applique toutefois pas à toutes les infractions. Cette procédure est l'expression d'une justice destinée à sanctionner une catégorie particulière de comportements, qui sont moins répréhensibles socialement et dont la répression n'exige pas la mise en mouvement de l'appareil répressif de l'État dans toute son intensité ni, par conséquent, la pleine mise en oeuvre des garanties de la procédure pénale par l'intervention d'un juge.

81.
    Par ailleurs, la transaction apparaît dans une large mesure comme un moyen d'éviter l'effondrement du système judiciaire, en fournissant une réponse simple, rapide et efficace lorsque la politique pénale le commande. Le pragmatisme nord-américain a entraîné un fort développement de ces procédures de médiation, toujours fondées sur l'acceptation par l'accusé de la sanction qui lui est proposée, bien qu'il ait donné lieu, dans les grandes villes, à une pratique singulière (42).

82.
    La transaction serait la solution la plus appropriée pour le traitement de certains types d'infractions, qui ne requièrent pas l'application de lourdes peines; une réponse plus atténuée, moins forte, suffit. Elle permet ainsi à l'inculpé, sans devoir faire l'objet d'une procédure juridictionnelle, de reconnaître expressément ou implicitement sa faute et d'expier celle-ci par l'exécution des obligations dont le procureur et lui-même ont convenu, dans les limites établies par le législateur, lesquelles seront en tout état de cause moins contraignantes que la procédure pénale ordinaire dont il ferait l'objet à défaut d'accord. En contrepartie, le pouvoir public abandonne l'action publique, qui s'éteint.

C -    La transaction pénale, mode d'administration de la justice

83.
    Cette qualification appelle deux remarques, qui ne sauraient être ignorées. La première est que les conditions auxquelles satisfait l'inculpé constituent la sanction de son comportement. La seconde est que c'est l'État, qui se trouve dans une position de prééminence, qui punit. L'inculpé est libre d'accepter la transaction; s'il ne le fait pas, il doit savoir que l'action publique suivra son cours. Bien qu'il soit exercé différemment, le ius puniendi reste inchangé.

84.
    En effet, l'absence dans la transaction d'un juge exerçant le pouvoir juridictionnel n'entraîne pas une «déjudiciarisation» telle que la décision transactionnelle ne satisfait pas aux critères de l'article 54 de la convention. Il ne s'agit pas de ce que certains (43) ont appelé «une justice sans juge», comme s'il s'agissait d'un accord quasi privé.

85.
    La transaction est une procédure par laquelle les litiges en matière pénale peuvent être résolus d'un commun accord par le titulaire de l'action publique et la personne poursuivie, sans qu'une procédure juridictionnelle au sens strict soit nécessaire. Dans ce type de composition, aucune négociation n'intervient entre le délinquant et le procureur pour fixer la peine. Le pouvoir public de l'État fait, par le biais du titulaire de l'action publique chargé de mettre en oeuvre la sanction, une offre qui est à prendre ou à laisser.

86.
    Il ne s'agit pas d'un accord négocié entre l'inculpé et le ministère public, comme l'a fait remarquer le représentant de M. Gözütok, mais d'une décision, en réalité moins sévère qu'une décision de condamnation, qui est en tout état de cause l'expression du ius puniendi.

87.
    Il serait erroné de qualifier la transaction pénale de contractuelle (44), car elle impose une condamnation, légère et acceptée, qui demeure une sanction et remplit les fonctions de toute peine. Elle constitue, comme l'a indiqué la Commission, une «sanction alternative» qui réprime le comportement répréhensible de l'auteur de l'infraction et dissuade d'autres de commettre à l'avenir les mêmes infractions.

88.
    De surcroît, la transaction a «un caractère judiciaire implicite»; elle n'est pas une institution étrangère à la justice pénale, mais en est l'expression même. Tous les délits peuvent être poursuivis à la demande du ministère public (45) et réprimés au terme d'une procédure équitable. Toutefois, dans certains ordres juridiques il est permis au titulaire de l'action publique de conclure un accord avec l'inculpé concernant la sanction de certaines infractions, étant entendu que s'ils ne parviennent pas à un accord, si l'inculpé n'accepte pas la proposition, les infractions pénales sont poursuivies et réprimées suivant la procédure pénale ordinaire.

89.
    Parce que le législateur en a décidé ainsi, dans la transaction l'État exerce le ius puniendi à l'égard de certaines infractions moyennant l'intervention du titulaire de l'action publique, qui s'éteint lorsque la sanction a été exécutée. L'État se prononce donc définitivement par l'intermédiaire de l'organe compétent. Par conséquent, il administre la justice pénale en répondant de la sorte à un certain type de criminalité.

90.
    En résumé, l'accusé qui transige et accepte les conditions posées par le procureur est condamné pour les faits dont il se reconnaît coupable par l'acceptation de la sanction. Une fois que l'accord devient définitif, on peut estimer qu'il a été définitivement jugé et que, ayant satisfait aux conditions qu'il a acceptées, il a exécuté la sanction. Par conséquent, il ne peut être de nouveau poursuivi car l'article 54 de la convention s'y oppose.

D -    La garantie des droits du justiciable dans la transaction pénale

91.
    Ainsi, dans la transaction l'État exerce l'action pénale à l'encontre d'un individu qui, en fait, reconnaît sa culpabilité et, lorsque les conditions imposées ont été respectées, l'action s'éteint (46), de la même manière que si une décision de non-lieu, d'acquittement ou de condamnation était rendue, à condition dans ce dernier cas que la peine ait été purgée.

92.
    Ce type d'administration de la justice garantit les droits fondamentaux de l'accusé.

93.
    L'inculpé auquel est proposée une transaction fait l'objet d'une accusation en matière pénale au sens de la convention européenne des droits de l'homme et bénéficie, de iure, des droits reconnus par cette convention à tout accusé, en particulier de ceux prévus à l'article 6.

94.
    Pour le moment, le ministère public est tenu de l'informer du caractère facultatif de la transaction et de son droit à être jugé par un organe juridictionnel indépendant. Le droit d'accès à un tribunal est reconnu à tout accusé par les principaux textes internationaux (47) et par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (48).

95.
    La liberté d'accepter ou de refuser la transaction est fondamentale. À première vue, on pourrait douter de son existence puisque l'accusé doit, en fait, accepter la proposition du ministère public s'il souhaite échapper aux poursuites pénales. Toutefois, cette circonstance n'a pas pour effet de vicier son consentement dans la mesure où la menace d'engager une certaine action est admissible si les moyens employés et l'objectif poursuivi sont légitimes.

96.
    Or, cette légitimité réside dans l'option «à prendre ou à laisser» de la transaction pénale. La Cour européenne des droits de l'homme a affirmé que, si la perspective de comparaître devant le juge pénal est de nature à influer sur la volonté de l'intéressé de rejeter ou d'accepter la transaction, la pression qu'elle crée n'a rien d'incompatible avec la convention (49).

97.
    En résumé, la transaction pénale est l'expression du ius puniendi, un mode d'administration de la justice qui garantit les droits de l'inculpé et qui conduit à l'application d'une sanction. Il ne fait donc aucun doute qu'à travers celle-ci une décision est rendue sur les faits poursuivis et sur la culpabilité de l'auteur de l'infraction.

98.
    Dans le contexte des questions posées par les juridictions de renvoi, en particulier par l'Oberlandesgericht Köln, il est indifférent que la décision qui éteint l'action pénale soit approuvée par un juge, dans la mesure où les droits du justiciable sont garantis, et ce bien que le gouvernement français ait soutenu le contraire dans ses observations.

99.
    À y bien regarder, l'éventuelle intervention ultérieure d'un juge n'ajoute rien de nouveau. Puisque les droits de l'inculpé sont garantis ab initio, que l'inculpé reconnaît sa culpabilité et, par conséquent, qu'une décision est implicitement rendue sur celle-ci, l'approbation juridictionnelle ultérieure a un caractère purement formel; elle pourrait devenir vide de sens.

E -    L'autorité de la chose jugée de la transaction pénale

100.
    L'administration de la justice pénale par cette voie conventionnelle n'est pas un succédané mais une autre manière d'exercer le ius puniendi, qui apparaît comme une alternative à la fonction strictement juridictionnelle en ce qui concerne certaines infractions.

101.
    Dès l'instant où l'inculpé accepte la proposition du ministère public et satisfait aux conditions imposées, l'État a définitivement répondu à la faute, de sorte que celui qui transige et accepte les obligations convenues, à l'instar de l'accusé qui fait l'objet d'un jugement définitif, est fondé à ce que l'on ne regarde plus en arrière, à ce que le contenu de la transaction ne puisse être modifié et à ne plus être inquiété à l'avenir pour les mêmes faits.

102.
    En d'autres termes, la transaction est juridiquement contraignante et, lorsqu'elle a été exécutée, constitue le dernier mot du pouvoir public sur la question. Or, la force exécutoire et l'autorité de la chose jugée sont les deux traits caractéristiques de toute décision juridictionnelle mettant fin à un litige (50).

103.
    Cette force particulière n'existe que dans les cas où le ministère public peut transiger, c'est-à-dire en cas d'action publique, mais elle n'est pas susceptible d'affecter les actions qui, comme l'action civile résultant de toute infraction pénale, appartiennent à la victime ou, plus généralement, à la personne lésée. C'est pourquoi les articles 216 bis et 216 ter du code d'instruction criminelle belge disposent que l'extinction de l'action publique résultant de la médiation pénale ne porte pas préjudice au droit des victimes ou de leurs ayants droit d'exercer l'action civile et le droit néerlandais reconnaît aux intéressés le droit d'attaquer la décision du procureur devant un organe juridictionnel (51).

104.
    En d'autres termes, conformément à l'article 54 de la convention, l'extinction de l'action publique dans un État membre résultant d'une transaction convenue et correctement exécutée interdit d'engager dans un autre État membre des poursuites pénales fondées sur les mêmes faits, mais n'empêche pas la victime d'exercer l'action civile devant la juridiction compétente.

105.
    J'aurais pu me dispenser de faire cette affirmation, puisqu'il est évident que cet article de la convention vise exclusivement les poursuites pénales. Dans les systèmes juridiques où la victime ne peut exercer l'action civile devant la juridiction pénale saisie de l'action publique, cette solution ne fait aucun doute. Dans les ordres juridiques où ce cumul des actions devant les juridictions répressives est possible, l'extinction de l'action publique ne porte jamais atteinte au droit de la personne lésée d'exercer l'action civile devant la juridiction compétente conformément à la procédure applicable.

106.
    Pour récapituler les raisonnements que j'ai exposés jusqu'à présent, je suis en mesure d'affirmer que l'article 54 de la convention s'applique à la transaction pénale dans la mesure où: 1) il s'agit d'une procédure par laquelle l'État exerce le ius puniendi, 2) elle comporte le prononcé d'un jugement définitif et implicite sur le comportement de l'accusé et impose des mesures ayant le caractère de sanctions et 3) pour autant qu'elle ne porte pas atteinte au droit éventuel de la victime d'exiger réparation.

5.    L'interprétation de l'expression «définitivement jugée» de l'article 54 de la convention

107.
    En dépit des raisons exposées plus haut, qui conduisent à une interprétation large, les gouvernements allemand et français proposent une conception restrictive de l'article 54 de la convention par une interprétation littérale des termes utilisés dans les versions allemande, française et néerlandaise. Selon eux, les locutions «rechtskräftig abgeurleitl», «onherroepelijk vonnis» et «définitivement jugée» (52) visent l'intervention d'un organe juridictionnel et, comme l'office du juge n'est pas exercé dans la transaction, celle-ci ne relève pas du champ d'application de l'article 54 de la convention.

108.
    Si on lit ce dernier article conjointement avec l'article 58, on peut constater qu'il n'est pas manifeste qu'il vise uniquement les décisions juridictionnelles, c'est-à-dire une décision rendue par un juge ou un tribunal au terme d'une procédure judiciaire garantissant pleinement le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense. L'article 58 permet aux États signataires de la convention d'adopter des dispositions donnant à l'effet ne bis in idem attaché aux «décisions judiciaires» une plus grande portée que celle prévue aux articles précédents. Les versions française, néerlandaise et allemande de cet article utilisent respectivement les termes «décisions judiciaires», «vonnis» et «Justizentscheidungen» (53) ce qui permet de penser que la volonté des parties contractantes n'a pas été de limiter le champ d'application de l'article 54 aux décisions juridictionnelles au sens strict.

109.
    En dépit du libellé de la version espagnole, cette disposition, qui parle de personne qui a été «définitivement jugée» («rechtskräftig abgeurleitl», «onherroepelijk vonnis», définitivement jugée, «finally disposed», «giudicata con sentenza definitiva» ou «definitivamente julgado»), ne vise pas une décision juridictionnelle adoptée sous la forme d'un jugement au terme d'une procédure présentant toutes les garanties figurant à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme mais, de manière plus générale, toute décision adoptée dans le cadre judiciaire, par laquelle l'État se prononce définitivement sur les faits délictueux et la culpabilité de l'auteur de l'infraction, qu'elle soit rendue par un tribunal dans le cadre de sa fonction juridictionnelle, par un juge d'instruction à la suite de son enquête ou par un procureur dans l'exercice de l'action destinée à poursuivre les faits délictueux.

110.
    Cette interprétation est fondée, car les termes utilisés par les différentes versions ne sont pas univoques, de sorte que si, à première vue, l'argumentation des gouvernements susmentionnés semble convaincante, elle l'est moins si l'on tient compte de l'absence d'uniformité entre les différentes versions de l'article 54 (54). Si, comme je l'ai fait dans les points précédents, on analyse de manière plus approfondie la dynamique de cet article, la nature de la transaction et le fondement du principe ne bis in idem, on peut constater l'incohérence de cette argumentation.

111.
    La conception stricte proposée par les gouvernements susmentionnés est susceptible d'aboutir à des résultats absurdes. Par exemple, une personne acquittée par un jugement définitif parce qu'elle a prouvé qu'elle n'a pas participé aux faits délictueux ne pourrait être de nouveau jugée dans un autre État membre, alors que la personne poursuivie qui, au cours de l'instruction, obtient du juge d'instruction une ordonnance de non-lieu à statuer pour la même raison verrait pendre au-dessus de sa tête l'épée de Damoclès de nouvelles poursuites. Le droit doit rejeter les interprétations qui conduisent à des résultats contraires à la raison et à la logique.

112.
    En outre, cette conception restrictive pourrait conduire à l'échec de cette institution. L'accusé qui transige le fait parce que, en reconnaissant sa culpabilité et en acceptant la sanction que lui propose le ministère public, il sait qu'il va solder ses comptes de manière plus avantageuse que si, refusant la transaction, il rend inévitable une procédure pénale qui aboutira à un jugement. Or, s'il n'obtient pas la garantie que, après avoir exécuté la sanction, son comportement ne sera pas de nouveau jugé, il sera enclin à repousser la proposition, ce qui pourrait conduire ce mode d'administration de la justice pénale, véritable soupape du système judiciaire, à une impasse qui la rendrait inutile.

113.
    Le gouvernement allemand soutient que l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne des droits de l'homme limite le principe ne bis in idem aux décisions juridictionnelles. Cette interprétation est contraire à l'interprétation plus large retenue par la Cour européenne des droits de l'homme, selon laquelle cette disposition a «pour but de prohiber la répétition de poursuites pénales définitivement clôturées. Cette disposition ne trouve donc pas à s'appliquer avant l'ouverture d'une nouvelle procédure» (55).

114.
    La position des gouvernements français, belge et allemand manque de recul. Le principe ne bis in idem n'est pas, comme je l'ai déjà relevé, une règle d'ordre procédural mais une garantie fondamentale des citoyens dans les systèmes juridiques qui, comme ceux des partenaires de l'Union européenne, sont fondés sur la reconnaissance à l'individu d'un ensemble de droits de libertés face à l'action des pouvoirs publics. Dans le cadre de la coopération en matière de sécurité et de justice, les États membres ont reconnu l'efficacité de ce principe aux articles 54 et suivants de la convention, reconnaissance qui, de toute évidence, constitue une limite à l'exercice du droit de poursuivre et de réprimer un fait délictueux.

115.
    La portée de cette limite doit être définie en se plaçant du point de vue du citoyen puisqu'elle est l'une de ses garanties. S'il s'agit de garantir à l'auteur d'une infraction qui a été poursuivi, jugé et, en cas de condamnation, puni par l'application d'une peine, le droit de n'être pas poursuivi par un autre État signataire pour les mêmes faits, peu importe la forme et la manière dont est rendue la décision judiciaire dès lors qu'elle remplit toutes les conditions et exigences requises par l'ordre juridique dans lequel elle est prononcée. Ce serait un sarcasme de soutenir que l'article 54 de la convention vise uniquement les décisions juridictionnelles, c'est-à-dire les décisions prononcées au terme d'une procédure présentant toutes les garanties reconnues au justiciable, pour réduire, par ce même argument, le champ d'application de l'une de ces garanties.

116.
    Par ailleurs, une interprétation littérale et stricte de l'article 54 de la convention aurait des conséquences perverses. En effet, j'ai fait observer que la transaction est un mode d'administration de la justice pénale qui s'applique aux petites et moyennes infractions, mais qui ne s'étend pas aux délits les plus graves. Ainsi, les gouvernements allemand, français et belge réserveraient un meilleur traitement aux grands délinquants, qui bénéficieraient de la règle ne bis in idem, qu'aux auteurs d'infractions légères, qui sont moins répréhensibles socialement. L'auteur du crime le plus grave, qui ne peut être condamné que par un jugement définitif, ne pourrait être à nouveau jugé dans un autre État signataire de la convention, contrairement à l'auteur d'une petite infraction qui a accepté et exécuté une transaction proposée par le procureur.

117.
    De surcroît, il n'est d'aucun secours de rechercher la volonté du législateur pour déterminer la portée de l'article 54 de la convention, puisque les États membres eux-mêmes ne sont pas d'accord sur ce point (56).

118.
    Il résulte des considérations qui précèdent que l'article 54 de la convention s'applique à la personne qui obtient du ministère public une décision ayant pour effet d'éteindre l'action publique, après avoir satisfait aux conditions qu'il s'est engagé à respecter envers ce représentant du pouvoir public de l'État.

6.    L'autre face du phénomène: le principe de confiance mutuelle

119.
    La règle ne bis in idem n'est pas seulement une garantie subjective du citoyen, mais également un instrument au service du principe de sécurité juridique, selon lequel les décisions du pouvoir public qui ont l'autorité et la force de chose jugée ne peuvent plus être contestées.

120.
    Ainsi, lorsque l'action publique est éteinte dans un État membre, les autres ne peuvent ignorer cette circonstance.

121.
    Il serait inacceptable que, dans une Europe intégrée, qui est engagée dans un processus ouvert de coopération toujours plus étroite entre les États membres, une personne puisse être de nouveau inquiétée.

122.
    La réalisation de l'objectif indiqué dans le traité sur l'Union européenne (57) consistant dans l'établissement d'un espace de liberté, de sécurité, de justice, exige que l'efficacité des décisions étrangères soit garantie entre les États membres.

123.
    Afin d'atteindre cet objectif, le nouveau titre VI du traité sur l'Union européenne dispose que l'action en commun en matière pénale vise entre autres à «faciliter et accélérer la coopération entre les ministères et les autorités judiciaires ou équivalentes compétents des États membres pour ce qui est de la procédure et de l'exécution des décisions» (58).

124.
    Cet objectif commun ne peut être atteint sans la confiance réciproque des États membres dans leurs systèmes de justice pénale (59) et sans la reconnaissance mutuelle de leurs décisions respectives, adoptées dans un véritable «marché commun des droits fondamentaux». En effet, cette reconnaissance repose sur l'idée que, même si un État ne traite pas une affaire donnée de façon identique, voire analogue à un autre État, les résultats sont tels qu'ils sont considérés comme équivalents aux décisions de ce dernier, parce qu'ils répondent aux mêmes principes et valeurs. La confiance mutuelle est un élément fondamental du processus évolutif dans lequel est engagée l'Union européenne, en ce qui concerne non seulement le caractère approprié des règles des partenaires, mais aussi l'application correcte de ces règles (60).

125.
    Or, reconnaître un jugement signifie également le prendre en compte, ce qui a notamment pour corollaire l'application du principe ne bis in idem.

126.
    Comme on peut le constater, tous ces arguments conduisent à une interprétation large de l'article 54 de la convention, qui permet d'inclure dans son champ d'application les décisions d'abandon des poursuites pénales adoptées par le ministère public, après qu'une transaction a été convenue et correctement exécutée. Cette position est celle de la Commission et des gouvernements néerlandais et italien.

127.
     La Commission avait déjà lancé cette proposition. «La pleine reconnaissance mutuelle telle qu'envisagée entre États membres devrait reposer sur le principe selon lequel les décisions prises par quelque autorité que se soit au sein de l'Union européenne traite pleinement le problème et selon lequel aucune autre décision ne doit être prise [...]. En d'autres termes, lorsqu'une personne a été condamnée ou acquittée dans un État membre A, elle ne peut être poursuivie pour les mêmes faits, même si l'État membre B est compétent pour juger des faits et même si un jugement différent aurait pu être rendu dans l'État membre B» (61).

128.
    Or c'est la voie qu'a choisie le Conseil qui, dans le programme de mesures destiné à mettre en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales (62), propose sa pleine application (63).

129.
    Il est vrai que ce document affirme que cet objectif n'a été que partiellement réalisé aux articles 54 à 57 de la convention et que le principe de la reconnaissance mutuelle doit être étendu aux décisions de relaxe ainsi qu'aux décisions adoptées «à la suite d'une médiation pénale». Or, les affirmations précédentes ne confirment pas, comme le prétend le gouvernement belge, le bien-fondé de l'interprétation stricte qu'il défend, de même que le gouvernement allemand.

130.
    Le document susmentionné n'est pas un texte normatif qui lie la Cour de justice. Il n'est tout au plus qu'un élément d'interprétation accessoire qui ne peut être considéré isolément, sans tenir compte d'autres éléments, bien plus décisifs pour l'exercice du pouvoir juridictionnel qui lui appartient, consistant à «dire le droit» et à interpréter les dispositions formant l'ordre juridique communautaire, tels que les éléments que j'ai exposés tout au long de ces conclusions: la raison d'être de l'article 54 de la convention, les fondements du principe ne bis in idem, la nature des procédures à caractère transactionnel et le processus d'intégration européenne qui exige une coopération toujours plus étroite entre les États membres, dans les termes indiqués par le Conseil dans le programme.

131.
    En outre, la conclusion que tire le gouvernement belge de la référence à la médiation pénale est erronée. En premier lieu, parce que le Conseil ne détient pas le monopole de l'interprétation de la convention et, en second lieu, parce que cette allusion manque de rigueur et ne permet pas d'affirmer, sans le moindre doute, qu'elle vise la médiation pénale au sens strict ou qu'elle inclut toute procédure de nature transactionnelle, telle que celles que j'ai examinées ici, dans lesquelles le pouvoir public de l'État propose à l'accusé un accord en vue de mettre fin aux poursuites en contrepartie de l'exécution de certaines obligations.

132.
    J'estime au contraire que les décisions les plus récentes du Conseil démontrent que sa volonté est bien différente de celle que prétend lui attribuer le gouvernement belge après une lecture hâtive du programme susmentionné.

133.
    Il résulte de l'article 9 de la décision-cadre du Conseil, du 13 juin 2002, relative à la lutte contre le terrorisme (64) que les États membres doivent collaborer pour coordonner leurs actions judiciaires en vue de centraliser l'exercice de l'action publique dans un seul État membre. Ainsi qu'on l'a proposé au cours de la présidence espagnole (65), les principes d'égalité et de confiance mutuelle doivent présider à l'application du ius puniendi par les partenaires, afin de préserver l'ordre social européen, tout en garantissant les droits fondamentaux et les libertés publiques sur lesquels sont fondés les systèmes juridiques de l'Union et des États qui la composent, et notamment le principe ne bis in idem.

VII - Conclusion

134.
    Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions posées par l'Oberlandesgericht Köln et le Rechtbank van eerste aanleg te Veurne en ce sens que «le principe ne bis in idem qu'énonce l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen, relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, s'applique également lorsque l'action publique est éteinte dans l'ordre juridique d'une partie contractante à la suite de la décision adoptée par le ministère public après que l'inculpé a satisfait à certaines conditions, que l'approbation de cette décision par un juge soit requise ou non, dès lors que:

1)    les conditions imposées ont le caractère de sanctions;

2)    l'accord implique que l'inculpé reconnaît expressément ou implicitement sa culpabilité et, par conséquent, que son comportement est explicitement ou tacitement jugé répréhensible; et

3)    ne porte pas préjudice à la victime et aux autres personnes lésées, éventuellement titulaires d'actions civiles.»


1: -     Langue originale: l'espagnol.


2: -     JO 2000, L 239, p. 19.


3: -     Elle comprend également les protocoles et accords d'adhésion à ces deux actes d'autres États membres de l'Union européenne, les décisions et déclarations adoptées pas le comité exécutif créé par la convention, ainsi que les actes adoptés par les instances auxquelles le comité susmentionné a attribué des compétences décisionnelles.


4: -     Ex-article K.7 du traité sur l'Union européenne.


5: -     Les contours de ce principe ne sont pas bien définis, pas même par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ainsi qu'elle l'a elle-même reconnu dans son arrêt Göktan c. France du 2 juillet 2002 (requête n° 00033402/96), aux points 44 et 46.


6: -     Les autres États sont le royaume de Danemark, la République hellénique, le royaume d'Espagne, la République française, la République italienne, le grand-duché de Luxembourg, la république d'Autriche, la République portugaise, la république de Finlande et le royaume de Suède.


7: -     JO L 176, p. 1 et 17, respectivement.


8: -     1 kg de haschisch, 41 cigarettes de haschisch (joints) et 1,5 kg de marihuana au cours de la première perquisition et 56 g de haschisch, 10 joints et 200 g de marihuana au cours de la deuxième.


9: -     La base légale de cette offre figure à l'article 153a de la Strafprozeßordnung (code de procédure pénale allemand).


10: -     Voir points 7 et 8 ci-dessus.


11: -     Voir article 1, paragraphe 2, du Gesetz betreffend die Anrufung des Gerichtshofes der Europäischen Gemeinschaften im Wege des Vorabentscheidungsverfahrens auf dem Gebiet der polizeilichen Zusammenarbeit und der justitiellen Zusammenarbeit in Strafsachen nach Artikel 35 des EU-Vertrages (loi relative à la compétence de la Cour de justice des communautés européennes pour statuer, à titre préjudiciel, en matière pénale au titre de l'article 35 UE, ci-après, l'«EuGH-Gesetz»). Cette décision des autorités allemandes résulte de la déclaration n° 10 annexée à l'acte final du traité d'Amsterdam, selon laquelle «les États membres (...) peuvent se réserver le droit de prévoir des dispositions dans leur droit national pour que, lorsqu'une question sur la validité ou l'interprétation d'un acte visé à l'article [35], paragraphe 1, est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction soit tenue de porter l'affaire devant la Cour de justice».


12: -     « [...] la validité ou la proportionnalité d'opérations menées par la police ou d'autres services répressifs dans un État membre, ni pour statuer sur l'exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure.»


13: -     Au XVIIe siècle, le génial Cervantès a veillé à ce que ses personnages respectent ce principe. En effet, lorsque don Quichotte, blessé au cours d'un duel, voit son casque brisé et réclame vengeance, Sancho lui donne un sage conseil: «Remarquez, seigneur don Quichotte, que si ce chevalier a fait ce qui lui a été ordonné, d'aller se présenter devant dame Dulcinée du Toboso, il a fait ce qu'il devait, et ne mérite pas d'autre peine s'il ne commet pas d'autre délit». Convaincu par son écuyer, il répond: «Tu as fort bien parlé et observé [...]; aussi, j'annule mon serment pour ce qui est de prendre de lui nouvelle vengeance» (Miguel de Cervantès, L'ingénieux hidalgo don Quichotte de la Manche, deuxième partie, chapitre X, «de ce qui advint de surcroît à don Quichotte avec le Biscayen, et du danger où il se vit avec une troupe de Yangois», édition de Martín de Riquer, RBA editores, volume 1, p. 175, Barcelone, 1994 - la traduction française de ce passage est tirée du texte présenté par M. Michel Moner, traduit et annoté par Claude Allaigre, Jean Canavaggio et Michel Moner, Éditions Gallimard, 2001, Bibliothèque de la Pléiade, p. 464 et 465).


14: -     Arrêt du 5 mai 1966 (18/65 et 35/65, Rec. p. 149).


15: -     Arrêt du 13 février 1969 (14/68, Rec. p. 1).


16: -     Arrêt du 15 juillet 1970 (45/69, Rec. p. 769). Voir également l'arrêt du 14 décembre 1972, Boehringer Mannheim/Commission - également appelé Boehringer II - (7/72, Rec. p. 1281), ainsi que les conclusions présentées dans cette affaire, le 29 novembre 1972, par l'avocat général Mayras.


17: -     Je présenterai bientôt mes conclusions dans les affaires Italcementi/Commission (C-213/00 P), Buzzi Unicem/Commission (C-217/00 P), et Cementir/Commission (C-219/00 P), dans lesquelles j'analyse le principe ne bis in idem en droit de la concurrence.


18: -     Arrêt Wilhelm e.a., précité, point 3.


19: -     En réalité, comme je le relève dans les conclusions que j'ai citées à la note 17, le principe ne bis in idem n'a pas été appliqué dans l'arrêt Wilhelm e.a. Selon la Cour, l'identité d'objectifs à protéger, qui est une condition d'application de cette règle, faisait défaut. Par ailleurs, il résulte de cet arrêt que, selon la jurisprudence communautaire, même lorsque ce principe ne trouve pas à s'appliquer et lorsque le cumul de sanctions est légitime, «une exigence générale d'équité [...] implique qu'il soit tenu compte de toute décision répressive antérieure pour la détermination d'une éventuelle sanction» (point 11). L'article 56 de la convention est libellé en des termes similaires. Dans de telles hypothèses, même lorsqu'il est question de l'application du principe ne bis in idem («Anrechnungsprinzip» ou «principe de prise en compte»), il s'agit en réalité d'autre chose. Comme je l'ai indiqué dans les conclusions précitées, le principe sur lequel je porte mon attention n'est pas une règle de procédure destinée à atténuer, aux fins de la proportionnalité, le traitement réservé à une personne doublement jugée et sanctionnée pour un même comportement, mais une garantie fondamentale des citoyens, qui s'oppose à ce qu'une seconde décision soit rendue relativement à la même affaire («Erledigungsprinzip» ou «principe d'épuisement des procédures»).


20: -     Titre II, point 2, sixième alinéa, des conclusions.


21: -     Dans l'arrêt du 18 novembre 1987, Maizena (137/85, Rec. p. 4587), la Cour a jugé qu'il n'y avait pas violation du principe ne bis in idem au motif que les deux cautions qui étaient exigées d'une personne pour des faits identiques ne poursuivaient pas le même objectif (points 22 et 23).


22: -     Voir l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (JO 2000, C 364, p. 1). R. Koering-Joulin a relevé que le principe ne bis in idem est une garantie si fondamentale de la personne que l'article 4, paragraphe 3, du protocole susmentionné n'autorise aucune dérogation, même en cas de guerre ou en cas d'autre danger public menaçant la vie de la nation; il s'agit d'un droit absolu (La Convention européenne des droits de l'homme. Commentaire article par article, Éd. Economica, 2e édition, p. 1094).


23: -     Pour un examen détaillé de la réglementation des différents types de transaction dans les États membres, on peut consulter le rapport établi en 1996 par H. Labayle pour la DG XX de la Commission, publié par le Centre de droit pénal européen de Catania: La transaction dans l'Union européenne, Giuffré Editore, 1998. Il est déjà relativement ancien, mais conserve tout son intérêt.


24: -     Article 153a de la Strafprozeßordnung, précité.


25: -     Article 153a, précité, paragraphe 1. Le code pénal allemand distingue entre le délit («Vergehen») et le crime («Verbrechen»). Toute infraction susceptible d'être réprimée par une peine privative de liberté égale ou supérieure à un an est un «crime». Les autres infractions, moins sévèrement réprimées, sont des «délits».


26: -     Prévue par les articles 90a à 90m de la Strafprozessordnung.


27: -     Articles 90c, paragraphe 5, 90d, paragraphe 5, 90f, paragraphe 4, et 90g, paragraphe 1, de la Strafprozessordnung.


28: -     Instituée par la loi n° 99-515, du 23 juin 1999.


29: -     À l'article 924 du code de procédure.


30: -     Voir les articles 655, 791, paragraphe 3, et 793, paragraphe 3, de la Ley de Enjuiciamiento Criminal.


31: -     Laki rangaistusmääräysmenettelystä lagen om strafforderförfarande 26.7.1993/692.


32: -     Road Traffic Acts, 1961-1995, Litter Pollution Act, 1997, s28.


33: -     Prévue aux articles 444 à 448 du code de procédure pénale.


34: -     Voir les articles 281 et 282 du Código de Processo Penal (code de procédure pénale) et le cas particulier de la procédure simplifiée («processo sumaríssimo»), prévue aux articles 392 à 398 de ce code.


35: -     Article 282, paragraphe 3, du Código de Processo Penal.


36: -     Section 52 (1) de la Road Traffic Offendors Act de 1988.


37: -     «A Review of the Criminal Courts of England and Wales».


38: -     Article 302 de la Criminal Procedure (Scotland) Act de 1995.


39: -     Article 302, paragraphe 6, précité.


40: -     Chapitre 48, article 4, de Rättegangsbalk (code pénal) de 1942.


41: -     La seule exception est la République hellénique.


42: -     L'écrivain nord-américain T. Wolfe, dans son roman Le Bûcher des vanités (The Bonfair of the Vanities, traduction espagnole d'Enrique Murillo, Éd. Anagrama, Barcelone, 1998), présente quelques hypothèses de telles transactions: «Il devint vite apparent que l'objet de cette audience était de permettre à Lockwood de plaider coupable pour son inculpation d'attaque à main armée, en échange d'une peine légère, de deux à six ans, proposée par le Bureau du procureur général. Mais Lockwood n'en voulait pas. Tout ce que Sonnenberg pouvait faire, c'était répéter que son client se déclarait non coupable». Le juge prend l'initiative et s'adresse à l'accusé: «Tu as un boulot, tu as un foyer et tu es jeune, tu es un jeune homme très bien et très brillant. Tu as l'avenir devant toi. Bien plus que la majorité des gens. Mais tu dois également surmonter ce grave problème. Tu as été impliqué dans ces braquages! Bon, le procureur t'a fait une offre de deux à six ans. Si tu acceptes cette offre et que tu te tiens bien, tout ça sera du passé et, en un rien de temps, tu seras encore un jeune homme avec toute la vie devant lui. Mais si tu vas jusqu'au procès et que tu es condamné, tu peux prendre de huit à vingt-cinq ans. Réfléchis bien. Le procureur t'a fait une offre intéressante». Plus loin, le procureur adjoint, Kramer, affirme: «Tu devrais venir voir ce qui se passe pendant les heures que nous consacrons au marchandage pour la qualification des délits dans les juridictions. L'un des moyens d'obtenir une révision à la baisse de la qualification, et donc de la peine applicable, consiste à déclarer que l'accusé a un emploi». À une autre occasion, l'avocat du personnage principal lui dit: «Si j'étais poursuivi pour conduite négligente de mon automobile [...], je m'adresserais à l'un de ces avocats du sud de Broadway[...]. Ils sont au bas de l'échelle de la profession [...]. Tu n'imagines même pas la tête qu'ils ont [...], mais ils savent comment négocier un marché et éviter un procès» (traduction libre en français du roman traduit en espagnol)


43: -     Delmas-Marty, M., et Teitgen-Colly, C., Punir sans juger? De la répression administrative au droit administratif pénal, Éd. Economica, 1992.


44: -     Il ne s'agit pas d'une transaction civile, dans laquelle les parties se trouvent en situation d'égalité. Je profite de ce rappel de la transaction de droit privé pour souligner que dans plusieurs droits nationaux elle a l'autorité de la chose jugée. C'est ainsi le cas des droits français (article 2052 du code civil), belge (article 2044 du code civil) et espagnol (article 1816 du code civil). Eu égard aux dispositions précédentes, il est intéressant de relever que la Cour de justice, dans l'arrêt du 2 juin 1994, Solo Kleinmotoren (C-414/92, Rec. p. I-2237), a affirmé qu'une transaction civile, même conclue devant un juge, ne constitue pas une décision au sens de l'article 25 de la convention de Bruxelles.


45: -     Et, le cas échéant, à la demande des titulaires des actions «particular» et «popular» (Ndt: en droit espagnol, l'«acción popular» est celle que peut exercer tout citoyen dans le cadre d'une procédure pénale ou d'un recours administratif pour défendre non pas un droit subjectif ni un intérêt propre, mais l'intérêt public, qu'il ait été lésé ou non par l'infraction. L'«acción particular» est l'action exercée par la personne lésée par une infraction).


46: -     Voir l'article 74, paragraphe 1, du code pénal néerlandais et les articles 216 bis et 216 ter du code d'instruction criminelle belge.


47: -     Voir l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'article 7 de la déclaration universelle des droits de l'homme, l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.


48: -     Voir, par exemple, les arrêts Golder c. Royaume-Uni du 21 février 1975, série A n° 18, et Deweer c. Belgique du 27 février 1980, série A n° 35.


49: -     Voir le point 51 de l'arrêt Deweer c. Belgique, précité.


50: -     L'éminent pénaliste français F. Hélie relève que la souveraineté des décisions réside dans leur caractère définitif (Pratique Criminelle des Cours et Tribunaux, 6e édition, en 4 volumes, refondue et mise à jour de la législation de la jurisprudence par Brouchot, J., et Brouchot, F., Librairies techniques de la Cour de Cassation, 1954).


51: -     Voir articles 12 et suiv. du Wetboek van Strafvordering (code de procédure pénale).


52: -     La version espagnole utilise l'expression «juzgada en sentencia firme». On peut lire «finally disposed» dans la version anglaise, alors que dans les versions italienne et portugaise apparaissent respectivement les locutions «giudicata con sentenza definitiva» et «definitivamente julgado».


53: -     La version anglaise emploie les mots «judicial decisions», la version italienne les termes «decisione giudiziarie» et l'on peut lire «decisioes judiciais» dans la version portugaise.


54: -     Ce n'est pas la première fois que la Cour de justice est confrontée à des divergences entre les différentes versions linguistiques d'un même texte normatif. Dans des situations analogues, elle a indiqué qu'il devait être tenu compte de l'ensemble des versions (voir l'arrêt du 5 décembre 1967, H. van der Vecht, 19/67, Rec. p. 445, en particulier p. 456), ainsi que, selon moi, du contexte normatif.


55: -     Voir Cour eur.D.H., arrêt Gradinger c. Autriche du 23 octobre 1995, série A n° 328-C, point 53.


56: -     Voir les observations écrites présentées par les gouvernements dans les deux renvois préjudiciels.


57: -    L'article 2 UE dispose en son quatrième alinéa que l'un des objectifs de l'Union est «de maintenir et de développer l'Union en tant qu'espace de liberté, de sécurité et de justice, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d'asile, d'immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène».


58: -     Article 31, sous a), UE.


59: -     Le point 33 des conclusions du Conseil européen de Tampere, des 15 et 16 octobre 1999, indique que «le renforcement de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et des jugements et le rapprochement nécessaire des législations faciliteraient la coopération entre autorités et la protection judiciaire des droits de la personne. Le Conseil européen approuve donc le principe de reconnaissance mutuelle, qui, selon lui, devrait devenir la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière tant civile que pénale au sein de l'Union. Le principe devrait s'appliquer tant aux jugements qu'aux autres décisions émanant des autres autorités judiciaires».


60: -     Voir la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la reconnaissance mutuelle des décisions finales en matière pénale (COM/200/495), point 3.1.


61: -     Voir le point 6.2 de la communication de la Commission précitée.


62: -     JO 2001, C 12, p. 10.


63: -     Paragraphe 1.1, mesure n° 1.


64: -     JO L 164, p. 3.


65: -     Voir la décision-cadre du Conseil, du 13 juin 2002, relative aux équipes communes d'enquêtes (JO L 162, p. 1), dont le premier considérant affirme que «l'un des objectifs de l'Union est d'offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité, et de justice et cet objectif est atteint par la prévention de la criminalité et la lutte contre ce phénomène grâce à une coopération plus étroite entre les forces de police, les autorités douanières et les autorités compétentes dans les États membres, non sans respecter les principes des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'État de droit sur lesquels se fonde l'Union et qui sont partagés par les États membres».