Langue du document : ECLI:EU:C:2001:582

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PHILIPPE LÉGER

présentées le 25 octobre 2001 (1)

Affaire C-107/00

Caterina Insalaca

contre

Office national des pensions (ONP)

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal du travail de Mons (Belgique)]

«Sécurité sociale - Articles 46 bis et 46 ter du règlement (CEE) n° 1408/71 - Pensions de survie et de vieillesse - Règles nationales anticumul»

1.
    La présente demande de décision préjudicielle du Tribunal de Mons (Belgique) vise à l'interprétation du règlement (CEE) n° 1408/71 (2), et plus précisément de ses articles 46 bis et 46 ter, portant sur les clauses de réduction et les règles anticumul applicables aux prestations de vieillesse et de survivants.

2.
    Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Mme Insalaca à l'Office national des pensions (3), au sujet du calcul du plafond du montant cumulé entre, d'une part, des pensions belges de retraite et de survie et, d'autre part, une pension italienne de survie, à laquelle la demanderesse peut prétendre en tant que conjoint survivant.

I - Les faits et la procédure au principal

3.
    Le 28 octobre 1997, Mme Insalaca a introduit auprès de l'ONP une demande de pension de survie et de retraite imputable au régime des travailleurs salariés en Belgique. Veuve depuis 1981, elle perçoit aussi depuis cette date une pension de survie à charge de l'Italie.

4.
    Par décision du 17 mars 1998, le défendeur a octroyé à la demanderesse une pension de retraite d'un montant annuel de 248 751 BEF, à dater du 1er décembre 1998.

5.
    Le 2 juillet 1998, l'ONP a reconnu à Mme Insalaca le droit de percevoir une pension de survie dont le montant s'avère inférieur à celui escompté par la demanderesse. Cette dernière est en désaccord avec le calcul effectué et a formé un recours contre cette décision administrative devant le Tribunal du travail de Mons.

6.
    Pour le calcul du montant du plafond de la pension de vieillesse et de la pension de survie, l'ONP a pris en considération les règles anticumul décrites dans les articles 52, paragraphe 1, de l'arrêté royal, du 21 décembre 1967 (4), et 46 quater du règlement. Cette méthode de calcul est à l'origine d'une réduction de la pension de survie de Mme Insalaca.

7.
    La demanderesse estime que l'article 52, paragraphe 1, de l'arrêté royal tel qu'il a été appliqué est contraire aux articles 46 bis et 46 ter du règlement.

II - Le cadre juridique

A - La réglementation communautaire

8.
    L'article 12, paragraphe 2, du règlement énonce le principe selon lequel:

«À moins qu'il n'en soit disposé autrement dans le présent règlement, les clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation d'un État membre en cas de cumul d'une prestation avec d'autres prestations de sécurité sociale ou avec d'autres revenus de toute nature sont opposables au bénéficiaire, même s'il s'agit de prestations acquises au titre de la législation d'un autre État membre ou de revenus obtenus sur le territoire d'un autre État membre.»

9.
    L'article 46 du règlement décrit les règles applicables pour la liquidation des prestations.

10.
    L'article 46, paragraphe 1, du règlement dispose:

«Lorsque les conditions requises par la législation d'un État membre pour avoir droit aux prestations sont satisfaites [...], les règles suivantes sont applicables:

a)    l'institution compétente calcule le montant de la prestation qui serait due:

    i)    d'une part, en vertu des seules dispositions de la législation qu'elle applique;

    ii)    d'autre part, en application du paragraphe 2;

[...]»

11.
    L'article 46, paragraphe 2, du règlement dispose:

«Lorsque les conditions requises par la législation d'un État membre pour avoir droit aux prestations ne sont satisfaites qu'après l'application de l'article 45 et/ou de l'article 40 paragraphe 3, les règles suivantes sont applicables:

a)    l'institution compétente calcule le montant théorique de la prestation à laquelle l'intéressé pourrait prétendre si toutes les périodes d'assurance et/ou de résidence accomplies sous les législations des États membres auxquelles a été soumis le travailleur salarié ou non salarié avaient été accomplies dans l'État membre en cause et sous la législation qu'elleapplique à la date de la liquidation de la prestation. Si, selon cette législation, le montant de la prestation est indépendant de la durée des périodes accomplies, ce montant est considéré comme le montant théorique visé au présent point a);

b)    l'institution compétente établit ensuite le montant effectif de la prestation sur la base du montant théorique visé au point a), au prorata de la durée des périodes d'assurance ou de résidence accomplies avant la réalisation du risque sous la législation qu'elle applique, par rapport à la durée totale des périodes d'assurance et de résidence accomplies avant la réalisation du risque sous les législations de tous les États membres en question.»

12.
    L'article 46, paragraphe 3, du règlement dispose:

«L'intéressé a droit, de la part de l'institution compétente de chaque État membre en question, au montant le plus élevé calculé conformément aux paragraphes 1 et 2, sans préjudice, le cas échéant, de l'application de l'ensemble des clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation au titre de laquelle cette prestation est due.

Si tel est le cas, la comparaison à effectuer porte sur les montants déterminés après l'application desdites clauses.»

13.
    L'article 46 bis du règlement prévoit les dispositions générales relatives aux clauses de réduction, de suspension ou de suppression applicables aux prestations d'invalidité, de vieillesse ou de survivants en vertu des législations des États membres.

14.
    L'article 46 bis, paragraphe 1, du règlement définit le cumul des prestations de même nature:

«Par cumul de prestations de même nature, il y a lieu d'entendre [...]: tous les cumuls de prestations d'invalidité, de vieillesse et de survivants calculées ou servies sur la base des périodes d'assurance et/ou de résidence accomplies par une même personne.»

15.
    L'article 46 bis, paragraphe 2, du règlement définit le cumul des prestations de nature différente:

«Par cumul de prestations de nature différente, il y a lieu d'entendre [...]: tous les cumuls de prestations qui ne peuvent être considérées de même nature au sens du paragraphe 1.»

16.
    L'article 46 bis, paragraphe 3, du règlement précise les règles applicables pour l'application des clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation d'un État membre en cas de cumul d'une prestationd'invalidité, de vieillesse ou de survivants avec une prestation de même nature ou une prestation de nature différente:

«Pour l'application des clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation d'un État membre en cas de cumul d'une prestation d'invalidité, de vieillesse ou de survivants avec une prestation de même nature ou une prestation de nature différente ou avec d'autres revenus, les règles suivantes sont applicables:

    

a)    il n'est tenu compte des prestations acquises au titre de la législation d'un autre État membre ou des autres revenus acquis dans un autre État membre que si la législation du premier État membre prévoit la prise en compte des prestations ou des revenus acquis à l'étranger;

b)    il est tenu compte du montant des prestations à verser par un autre État membre avant déduction de l'impôt, des cotisations de sécurité et autres retenues individuelles;

c)    il n'est pas tenu compte du montant des prestations acquises au titre de la législation d'un autre État membre qui sont servies sur la base d'une assurance volontaire ou facultative continue;

d)    lorsque des clauses de réduction, de suspension ou de suppression sont applicables au titre de la législation d'un seul État membre du fait que l'intéressé bénéficie des prestations de même ou de différente nature dues en vertu de la législation d'autres États membres ou d'autres revenus acquis sur le territoire d'autres États membres, la prestation due en vertu de la législation du premier État membre ne peut être réduite que dans la limite du montant des prestations dues en vertu de la législation ou des revenus acquis sur le territoire des autres États membres.»

17.
    L'article 46 ter du règlement contient les dispositions particulières en cas de cumul de prestations de même nature en vertu de la législation de deux ou plusieurs États membres:

«1.    Les clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation d'un État membre ne sont pas applicables à une prestation calculée conformément à l'article 46 paragraphe 2.

[...]»

B - La législation belge

18.
    L'article 52, paragraphe 1, de l'arrêté royal autorise, jusqu'à un certain montant plafond, le cumul des pensions de vieillesse et de survie.

Les pensions de survie accordées en vertu de la législation d'un autre État membre sont prises en compte pour le calcul du montant plafond «vieillesse-survie».

19.
    L'article 52, paragraphe 1, de l'arrêté royal décrit un mécanisme anticumul.

20.
    Le premier alinéa dudit article vise l'hypothèse où «le conjoint survivant peut prétendre, d'une part à une pension de survie en vertu du régime de pension des travailleurs salariés et, d'autre part à une ou plusieurs pensions de retraite [...], la pension de survie ne p[ouvant] être cumulée avec lesdites pensions de retraite qu'à concurrence d'une somme égale à 110 % du montant de la pension de survie qui aurait été accordé au conjoint survivant pour une carrière complète» (5).

21.
    Le second alinéa de ce même article règle la situation où «le conjoint survivant visé à l'alinéa 1er peut aussi prétendre à une ou plusieurs pensions de survie» (6). Il instaure une règle complexe selon laquelle «la pension de survie ne peut être supérieure à la différence entre, d'une part 110 % du montant de la pension de survie pour une carrière complète, et, d'autre part la somme des montants des pensions de retraite [...], et d'un montant égal à la pension de survie de travailleur salarié pour une carrière complète, multiplié par la fraction ou la somme des fractions qui expriment l'importance des pensions de survie dans les autres régimes de pension à l'exclusion du régime des travailleurs indépendants».

III - Les questions préjudicielles

22.
    Estimant que le litige au principal nécessite une interprétation du droit communautaire, le Tribunal du travail de Mons a décidé de surseoir à statuer et de vous poser les questions préjudicielles suivantes:

«1)    La règle nationale régissant le calcul d'une pension de survie et prévoyant une limitation du plafond de cumul 'pension de vieillesse - pension de survie‘ lorsque le conjoint survivant peut prétendre à une pension de survie à charge d'un autre État membre constitue-t-elle une clause de réduction au sens des articles 46 bis et 46 ter du règlement (CEE) n° 1408/71, du 14 juin 1971?

2)    Dans l'affirmative, les articles 46 bis et 46 ter doivent-ils être interprétés comme autorisant ou non l'institution nationale qui applique la clause anticumul à prendre en compte la pension aux survivants accordée en vertudu régime d'un autre État membre pour réduire le plafond de cumul 'pension de vieillesse - pension de survie‘ prévu par la législation nationale?»

23.
    Dans la présente demande de décision préjudicielle, la question qui se pose est celle de savoir si une règle nationale anticumul ayant pour objet de réduire le plafond de cumul de la pension de vieillesse et de la pension de survie, au motif de la présence d'une pension de survie accordée au conjoint survivant en vertu du régime d'un autre État membre, est une clause de réduction au sens des articles 46 bis et 46 ter du règlement et si, dans cette hypothèse, ces articles admettent que la prise en compte de la prestation d'un autre État membre puisse avoir pour effet de diminuer le montant plafond des prestations auxquelles le demandeur a droit dans l'État membre où il a exercé des fonctions de travailleur salarié.

IV - Analyse juridique

A - Sur la qualification de clause de réduction (première question préjudicielle)

24.
    Par sa première question préjudicielle, le juge de renvoi demande, en substance, si une règle nationale limitant le plafond du cumul de la pension de vieillesse et de la pension de survie, au motif que le conjoint survivant bénéficie d'une pension de survie à charge d'un autre État membre, constitue une clause de réduction au sens du règlement.

25.
    La notion de clause de réduction a été définie par votre jurisprudence.

26.
    Dans l'arrêt Conti, votre Cour indique qu'«[u]ne règle nationale doit être qualifiée de clause de réduction si le calcul qu'elle impose a pour effet de réduire le montant de la pension à laquelle l'intéressé peut prétendre du fait qu'il bénéficie d'une prestation dans un autre État membre» (7).

27.
    D'après les termes de cette définition, la notion de clause de réduction recouvre, pour ce qui nous intéresse, deux conditions principales.

28.
    La première condition concerne l'exigence d'un élément d'extranéité. Les prestations auxquelles l'intéressé a droit doivent relever du régime juridique de deux ou plusieurs États membres.

29.
    La seconde condition est relative à l'objet de la règle nationale de calcul. Elle doit avoir pour conséquence principale de diminuer le montant de la pension octroyée au bénéficiaire.

30.
    S'agissant de la première condition, nous remarquons que l'article 52, paragraphe 1, de l'arrêté royal soulève des difficultés d'interprétation.

31.
    Cette disposition comporte deux alinéas. Le premier alinéa s'applique lorsque le bénéficiaire a droit à une pension de survie et à plusieurs pensions de retraite. Le second alinéa recouvre l'hypothèse où l'intéressé peut prétendre à plusieurs pensions de survie.

32.
    D'après les éléments dont nous disposons dans le dossier, nous relevons que le défendeur applique le second alinéa de cette disposition à Mme Insalaca, au détriment du premier alinéa. Il justifie ce choix en raison de la présence des deux pensions de survie qui appellent l'application du second alinéa de l'article 52, paragraphe 1, de l'arrêté royal. Or, cette disposition ne dit pas, de manière explicite, qu'elle a vocation à s'appliquer à des prestations de nature externe, c'est-à-dire versées sur le fondement du régime juridique des autres États membres. Cette absence de clarté dans les termes utilisés a pu entraîner des divergences d'interprétation de la part des parties au litige.

33.
    La Commission s'est opposée, dans un premier temps, à l'interprétation défendue par la demanderesse. La Commission considérait que l'article 52, paragraphe 1, second alinéa, de l'arrêté royal ne s'appliquait pas à des prestations de nature externe.

34.
    La demanderesse soutenait, quant à elle, que cette disposition s'appliquait indistinctement aux prestations externes et aux prestations de nature interne.

35.
    Le jour de l'audience, la Commission est revenue sur sa position pour retenir finalement une interprétation large de l'article 52, paragraphe 1, de l'arrêté royal.

36.
    Le juge de renvoi ne semble pas nourrir de doutes sur l'interprétation à retenir de l'article 52, paragraphe 1, de l'arrêté royal. Il ne conteste à aucun moment le fait que le défendeur a pris en compte une pension de nature externe, à savoir la pension de survie italienne, dans le calcul du montant plafond autorisé (8). Il considère que le défendeur a bien fait d'appliquer le second alinéa, et non le premier alinéa, dudit article.

37.
    Il convient de rappeler que la Cour n'a pas compétence pour interpréter le droit national et qu'il appartient au juge national, et à lui seul, de déterminerl'exacte portée des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales (9).

38.
    Si, comme le juge national l'estime, le défendeur était en droit de prendre en compte la prestation de survie italienne dans le calcul du montant du plafond octroyé à la demanderesse et a, de ce fait, interprété correctement l'article 52, paragraphe 1, second alinéa, de l'arrêté royal, il y a lieu de considérer que la condition d'extranéité est bien remplie.

39.
    S'agissant de la seconde condition, nous rappelons que votre définition jurisprudentielle de la notion de clause de réduction est sans équivoque: une règle nationale anticumul qui aboutit à réduire le montant des prestations auxquelles le demandeur a droit est une clause de réduction (10).

40.
    Dans l'ordonnance de renvoi, il apparaît aussi, très clairement, que le juge national reconnaît que l'application de la règle de calcul inscrite à l'article 52, paragraphe 1, second alinéa, de l'arrêté royal est défavorable à la demanderesse. Au terme de l'analyse de ladite disposition nationale, celui-ci arrive à la conclusion que, «mathématiquement, le plafond de l'alinéa 2 sera inférieur à celui de l'alinéa 1» (11). Autrement dit, il semble que, en dépit de sa question, le juge national ne doute pas de la qualification de clause de réduction de la règle nationale anticumul au sens de votre jurisprudence.

41.
    Dans le même sens, nous constatons qu'aucune des parties présentes au litige ne conteste les effets de l'article 52, paragraphe 1, second alinéa, de l'arrêté royal. Toutes s'accordent pour reconnaître que l'application de cette disposition entraîne une réduction du montant des prestations octroyées au bénéficiaire.

42.
    Il convient donc de répondre à la question posée par le juge de renvoi qu'une règle nationale régissant le calcul d'une pension de survie et prévoyant une limitation du plafond de la pension de vieillesse et de la pension de survie, lorsque le conjoint survivant peut prétendre à une pension de survie à charge d'un autre État membre, constitue une clause de réduction au sens du règlement.

B - Sur la réduction du plafond de cumul de la pension de vieillesse et de la pension de survie du fait de la présence d'une pension de survie accordée en vertu du régime d'un autre État membre (seconde question préjudicielle)

43.
    Dès lors que la règle nationale est une clause de réduction au sens du règlement, le juge de renvoi demande, en substance, par sa seconde question préjudicielle, si l'autorité compétente de l'État membre de résidence peut prendre en compte une pension de survie, accordée sur le fondement de la législation d'un autre État membre, pour réduire le montant plafond de la pension de vieillesse et de la pension de survie auxquelles la demanderesse a droit.

44.
    Nous rappelons que l'objectif du règlement est d'assurer la protection des droits sociaux des travailleurs qui circulent librement sur le territoire des États membres (12).

45.
    L'article 12, paragraphe 2, du règlement pose le principe selon lequel les clauses de réduction sont opposables au bénéficiaire, même s'il s'agit de prestations acquises au titre de la législation d'un autre État membre. Toutefois l'article 12, paragraphe 2, du règlement prévoit la possibilité de dérogations.

46.
    L'article 46 ter, paragraphe 1, du règlement est une exception au principe fixé par l'article 12, paragraphe 2, du règlement. Il dispose que les clauses de réduction ne sont pas applicables à une prestation calculée conformément à l'article 46, paragraphe 2, du règlement.

47.
    Nous rappelons que l'article 46 ter du règlement s'applique aux prestations de même nature. Selon votre Cour, il est de jurisprudence constante que des prestations de sécurité sociale doivent être regardées comme étant de même nature lorsque leur objet et leur finalité, ainsi que leur base de calcul et leurs conditions d'octroi, sont identiques (13). Quant à l'article 46, paragraphe 2, du règlement, il concerne la liquidation des prestations proratisées (14).

48.
    Or, dans notre affaire, les prestations de survie belges et italiennes sont des prestations de même nature et font l'objet d'un calcul sur le fondement de l'article 46, paragraphe 2, du règlement. Par conséquent, elles rentrent dans le cadre de l'exception prévue par l'article 46 ter, paragraphe 1, du règlement. Elles ne peuvent se voir appliquer la clause nationale de réduction prévue à l'article 52, paragraphe 1, second alinéa, de l'arrêté royal.

49.
    Nous notons qu'il est également acquis dans votre jurisprudence que, si l'application de la seule législation nationale se révèle moins favorable au bénéficiaire que celle du régime de l'article 46 du règlement, les dispositions de cet article doivent être appliquées (15).

50.
    Le calcul du montant des prestations s'effectue en trois étapes. En premier lieu, l'institution compétente procède au calcul de la prestation dite «autonome», conformément à l'article 46, paragraphe 1, sous a), i), du règlement. En deuxième lieu, elle calcule, en vertu de l'article 46, paragraphe 1, sous a), ii), le montant de la prestation dite «proratisée», conformément aux dispositions du paragraphe 2 de ce même article. En troisième lieu, l'institution compétente compare, conformément à l'article 46, paragraphe 3, du règlement, la prestation autonome et la prestation proratisée et retient celui des deux montants qui est le plus élevé (16).

51.
    Il appartient, en conséquence, à l'institution compétente d'établir une comparaison entre les prestations qui seraient dues en application du seul droit national, y compris ses règles anticumul, et celles qui seraient dues en application de l'article 46 du règlement, et de faire bénéficier le travailleur migrant de la prestation dont le montant est le plus élevé.

52.
    Il résulte de ce qui précède que les articles 46 bis et 46 ter du règlement s'opposent à une réglementation nationale, comme celle en cause dans le litige au principal, selon laquelle le montant d'une pension de survie doit être réduit du fait de la présence d'une autre pension de survie délivrée par un autre État membre, dès lors que l'application de cette réglementation est moins favorable que ne le serait celle des articles 46 bis et 46 ter du règlement.

Conclusion

53.
    Au regard de ces considérations, nous vous proposons de répondre de la façon suivante aux questions posées par le Tribunal du travail de Mons:

«1)    Une règle nationale régissant le calcul d'une pension de survie et qui prévoit une limitation du montant plafond de la pension de survie et de la pension de vieillesse, lorsque le conjoint survivant peut prétendre à une pension de survie à charge d'un autre État membre, constitue une clause de réduction au sens des articles 46 bis et 46 ter du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992.

2)    Les articles 46 bis et 46 ter du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 1248/92, s'opposent à l'application d'une règle nationale anticumul selon laquelle une pension de survie doit être réduite du fait de la présence d'une autre pension de survie acquise au titre de la législation d'un autre État membre, dès lors que l'application de cette réglementation est moins favorable que ne le serait celle des articles 46 bis et 46 ter dudit règlement.»


1: -     Langue originale: le français.


2: -     Règlement du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 7, ci-après le «règlement»).


3: -     Ci-après l'«ONP» ou le «défendeur».


4: -     Arrêté royal portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés (Moniteur belge du 27 octobre 1967), tel que modifié par l'arrêté royal, du 9 juillet 1997 (Moniteur belge du 9 août 1997, ci-après l'«arrêté royal»).


5: -     Souligné par nous.


6: -     Souligné par nous.


7: -     Arrêt du 22 octobre 1998 (C-143/97, Rec. p. I-6365, point 25). Voir aussi dans ce sens, arrêts du 18 novembre 1999, Van Coile (C-442/97, Rec. p. I-8093, point 25), et Platbrood (C-161/98, Rec. p. I-8195, point 25).


8: -     Voir ordonnance de renvoi, p. 4.


9: -     Arrêts du 16 décembre 1992, Katsikas e.a. (C-132/91, C-138/91 et C-139/91, Rec. p. I-6577, point 39), et du 9 février 1999, Dilexport (C-343/96, Rec. p. I-579, point 51).


10: -     Voir arrêt Conti, précité (point 25).


11: -     Voir ordonnance de renvoi, p. 4.


12: -     Cet objectif apparaît explicitement dans le premier considérant du règlement: «[...] les règles de coordination des législations nationales de sécurité sociale s'inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes et doivent contribuer à l'amélioration de leur niveau de vie et des conditions de leur emploi».


13: -     Arrêts du 5 mai 1983, Van der Bunt-Craig (238/81, Rec. p. 1385, point 13); du 5 juillet 1983, Valentini (171/82, Rec. p. 2157, point 13); du 6 avril 1995, Del Grosso (C-325/93, Rec. p. I-939, point 24); du 11 août 1995, Schmidt (C-98/94, Rec. p. I-2559, point 24), et du 12 février 1998, Cordelle (C-366/96, Rec. p. I-583, point 19). Voir aussi arrêt du 6 octobre 1987, Stefanutti (197/85, Rec. p. 3855, point 12).


14: -     Au point 9 de ses conclusions dans l'affaire Del Grosso, précitée, l'avocat général Van Gerven considère que, par «prestation autonome», il faut entendre une prestation calculée conformément à l'article 46, paragraphe 1, du règlement, c'est-à-dire dont le montant correspond à la durée totale des périodes d'assurance ou de résidence à prendre en compte en vertu de la législation de l'État membre de l'institution compétente, sans recourir à la compatibilité des périodes accomplies sous les législations des autres États membres auxquelles l'intéressé a été soumis. Nous pouvons considérer, a contrario, que, par «prestation proratisée», il faut entendre une prestation calculée conformément à l'article 46, paragraphe 2, du règlement, c'est-à-dire dont le montant correspond à la durée totale des périodes d'assurance ou de résidence à prendre en compte en vertu de la législationde l'ensemble des États membres auquel l'intéressé a été soumis.


15: -     Arrêts du 2 juillet 1981, Celestre e.a. (116/80, 117/80, 119/80 à 121/80, Rec. p. 1737, point 15); Van der Bunt-Craig, précité (point 15); du 18 avril 1989, Di Felice (128/88, Rec. p. 923, point 9); du 18 février 1992, Di Prinzio (C-5/91, Rec. p. I-897, point 16), et du 2 août 1993, Larsy (C-31/92, Rec. p. I-4543, point 12).


16: -     Arrêt Di Prinzio, précité (point 19).