S. 269 / Nr. 43 Obligationenrecht (f)

BGE 72 II 269

43. Extrait de l'arrêt de la I ère Cour civile du 2 juillet 1946 dans la cause
Mécanique industrielle et de précision S.A. c. Affolter.

Regeste:
Inventions faites par l'employé (art. 343 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 343
CO).
Rapport entre le second et le premier alinéa de l'art. 343
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 343
CO.
Invention faite par l'employé au cours de son travail.
Contrat imposant à l'employé une activité inventive.
Erfindungen des Dienstpflichtigen (Art. 343 Abs. 2 OR).
Verhältnis von Abs. 2 zu Abs. 1 des Art. 343 OR.
Vom Dienstpflichtigen bei Ausübung seiner dienstlichen Tätigkeit gemachte
Erfindung.
Vertrag, wonach die Erfindertätigkeit zu den dienstlichen Obliegenheiten des
Dienstpflichtigen gehört.
Invenzioni fatte dal lavoratore (art. 343
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 343
cp. 2 CO).
Relazione tra il secondo ed il terzo capoverso dell'art. 343
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 343
CO.
Invenzione fatta dal lavoratore nell'esercizio del suo lavoro.
Contratto che impone al lavoratore un'attività inventiva.

Résumé des faits:
En juin 1939, la Société mécanique industrielle et de précision S.A. (en
abrégé MIPSA), à Genève, a engagé Auguste Affolter, technicien-mécanicien, à
Genève, en qualité de chef de ses services techniques. Le 1er mai 1941, un
nouveau contrat a été signé, qui contenait notamment les clauses suivantes:
Art. 2: «Monsieur Affolter s'engage à consacrer la totalité de ses heures de
travail et toutes ses connaissances professionnelles au service de la Société
et à faire tous ses efforts pour assurer une bonne marche des Etablissements
...

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Art. 3: «Pour le cas où Monsieur Affolter ferait des inventions pouvant faire
l'objet d'une prise de brevet, ou de certificat d'addition qui entreraient
dans l'objet des fabrications de la Société, les brevets ou certificats
seraient pris au nom de la Société, étant précisé que la Société aurait seule
tous les droits et avantages pécuniaires attachés auxdits brevets dont, bien
entendu, elle supporterait, par contre, seule, les annuités et autres
charges.»
La rémunération d'Affolter s'est élevée, dès octobre 1943, à 30000 fr. par an.
Le 23 juin 1945, Affolter présenta en son nom, au bureau de la propriété
intellectuelle, une demande de brevet pour un écrou indesserrable. Quelques
jours auparavant, le président du conseil d'administration de la MIPSA avait
soumis à son directeur technique un certain nombre de pièces relatives à une
invention américaine d'écrous indesserrables. Informée par Affolter du dépôt
de sa demande de brevet, la société prétendit que l'invention rentrait dans
l'objet de ses fabrications et elle somma son employé de lui remettre la
documentation ayant trait à cette demande. Affolter n'ayant pas obtempéré, la
MIPSA lui signifia son congé immédiat.
Affolter a alors assigné la MIPSA en paiement de diverses sommes, dont une
indemnité de 75000 fr. selon l'art. 343 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 343
CO. Cette réclamation était
fondée sur le fait que le demandeur prétendait être l'inventeur d'une planeuse
(machine à rectifier les surfaces planes), ou plutôt du dispositif à commande
hydraulique de cette machine, dispositif pour lequel la MIPSA avait pris un
brevet.
La défenderesse a conclu à libération et, reconventionnellement, a demandé
notamment la cession du brevet no 3407 qui avait été accordé à Affolter pour
un écrou indesserrable.
En cours de procédure devant les juridictions des Prud'hommes de Genève,
Affolter a conclu subsidiairement, pour le cas où le brevet relatif à l'écrou
indesserrable devrait être cédé à la MIPSA, à l'allocation d'une rétribution
équitable à fixer par experts.
Statuant en dernière instance cantonale, le Tribunal

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d'appel des Prud'hommes, estimant que la fabrication d'écrous indesserrables
ne rentrait pas dans l'objet des productions de la MIPSA, a débouté le
demandeur de ses conclusions en 75000 fr. d'indemnité pour l'invention, de la
planeuse et rejeté la demande reconventionnelle tendant à la cession du brevet
no 3407 obtenu par Affolter.
La MIPSA a recouru en réforme contre cet arrêt en reprenant ses conclusions.
Le demandeur s'est joint au recours.
Le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle
statue à nouveau dans le sens des motifs sur la cession du brevet no 3407. Il
a confirmé le rejet de la demande de 75000 fr. d'indemnité pour l'invention de
la planeuse, cela pour les motifs suivants:
Extrait des considérants:
4. ­ Le demandeur réclame en outre une indemnité de 75000 fr., au titre de
l'art. 343 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 343
CO, pour l'invention d'une planeuse 780 ou plus exactement du
dispositif à commande hydraulique de cette machine, dispositif pour lequel la
défenderesse a pris elle-même un brevet. D'autre part, devant la Chambre
d'appel et devant le Tribunal fédéral, le demandeur a conclu aussi
subsidiairement, pour le cas où le brevet no 3407 relatif à un écrou
indesserrable serait attribué à la défenderesse, à l'allocation de l'indemnité
équitable prévue par la disposition précitée.
Les juridictions cantonales ont rejeté la demande d'indemnité pour le
dispositif à commande hydraulique de la planeuse, en considérant que la preuve
de l'invention du demandeur n'avait pas été faite. La Chambre d'appel n'a pas
eu à se prononcer sur les conclusions subsidiaires relatives à l'écrou
indesserrable, attendu qu'elle a rejeté la demande de cession du brevet no
3407.
L'art. 343 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 343
CO prévoit que «dans ce dernier cas, et si l'invention est
d'une réelle importance économique, l'employé peut réclamer une rétribution
spéciale à fixer équitablement». Les mots «dans ce dernier cas» ne

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peuvent, du moins en français, laisser place à aucun doute: il s'agit du cas
où, la nature des services promis par l'employé ne lui imposant pas une
activité inventive, l'employeur s'est expressément assuré les inventions
faites par l'employé au cours de son travail. Le Tribunal fédéral a fixé dans
ce sens la relation entre le second et le premier alinéa de l'art. 343 (RO 57
II 309
).
L'indemnité est due pour les inventions faites par l'employé au cours de son
travail. Ces derniers mots ne doivent pas être pris au sens chronologique, qui
voudrait que l'invention fût réalisée pendant les heures de travail effectif.
En effet, il suffirait alors que l'employé se livrât aux recherches inventives
rentrant dans son champ d'activité pendant ses heures de loisir pour rendre
illusoire le droit d'appropriation de l'employeur. Le texte allemand «bei
Ausübung seiner dienstlichen Tätigkeit» est d'ailleurs plus général. Aussi la
majorité des auteurs se contente-t-elle d'un rapport logique étroit entre
l'activité de l'employé et l'invention (of. OSER-SCHÖNENBERGER, notes 10 et 11
à l'art. 343
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 343
CO). Il est donc en l'espèce indifférent qu'Affolter ait conçu
les deux inventions en question chez lui ou pendant ses heures de travail.
Pour l'invention du dispositif de la planeuse, le rapport logique avec son
travail est manifeste. Pour l'invention des écrous, l'application de l'art.
343 dépendrait du point de savoir si cette invention rentre dans le cadre des
fabrications de la défenderesse, c'est-à-dire dans l'activité du demandeur.
Ce qu'il importe en revanche de rechercher, c'est si le contrat imposait au
demandeur une activité inventive, ou si celle-ci ­ pour employer l'expression
du texte allemand de l'art. 343 ­ rentrait dans ses tâches d'employé («zu den
dienstlichen Obliegenheiten des Arbeitnehmers»).
Le demandeur n'était pas chargé expressément de faire des recherches
scientifiques ou techniques, telles qu'elles ont lieu dans les laboratoires
d'essai des grandes industries. Mais cela n'est pas nécessaire. Il suffit que,
des circonstances de son engagement et de sa situation dans l'entreprise,

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on puisse déduire que ses employeurs attendaient de lui une activité
inventive. On admet qu'il y a présomption dans ce sens lorsqu'il s'agit de
directeurs techniques supérieurs qui n'ont pas une simple tâche d'exploitation
délimitée. Le montant particulièrement élevé du salaire est également un
indice, de même que la clause qui prévoit précisément le droit de l'employeur
aux inventions, en tant qu'elle ne se présente pas comme une clause de style
d'un contrat-type (RO 57 II 304; 44 II 91; cf. OSER-SCHÖNENBERGER, note 13 à
l'art. 343).
Le demandeur a été engagé comme chef des services techniques de la
défenderesse. D'après l'art. 2 du contrat, il s'obligeait à consacrer la
totalité de ses heures de travail et toutes ses connaissances professionnelles
au service de la société. Il ne s'agissait donc ni d'un employé subalterne, ni
d'un technicien ou d'un ingénieur spécialement chargé de diriger telle branche
de l'exploitation ou telle fabrication déterminée, sans perspectives notables
de changement. Au contraire, il ressort du dossier et des allégations mêmes du
demandeur que la défenderesse n'était pas liée à une fabrication déterminée;
que depuis 1943 elle a cherché plutôt à fabriquer des prototypes, c'est-à-dire
des machines nouvelles; qu'elle a ainsi lancé d'abord la planeuse 650, puis la
planeuse 780, entièrement conçues et construites par ses services, sous la
direction d'Affolter. C'est pour travailler à des réalisations de ce genre que
le demandeur est entré à la MIPSA. Or nul doute que ce travail impliquait une
activité inventive. Il n'est dès lors que normal qu'Affolter ­ comme il
l'affirme ­ ait joué dans la construction des planeuses un rôle capital.
D'autre part, dans les conditions particulières de l'affaire, l'art. 3 du
contrat prévoyant le droit de la défenderesse aux inventions de son directeur
technique est également révélateur. Enfin, on ne peut pas ne pas attacher
d'importance au fait que le demandeur touchait la somme de 30000 fr. par an
comme rémunération globale de son travail.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 72 II 269
Date : 01 janvier 1946
Publié : 01 juillet 1946
Source : Tribunal fédéral
Statut : 72 II 269
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Inventions faites par l'employé (art. 343 al. 2 CO).Rapport entre le second et le premier alinéa de...


Répertoire des lois
CO: 343
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 343
Répertoire ATF
44-II-89 • 57-II-304 • 72-II-269
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
directeur • tribunal fédéral • salaire • doute • allemand • calcul • rapport entre • titre • science et recherche • conclusions • décision • citation à comparaître • répartition des tâches • ouverture de la procédure • documentation • annuité • demande reconventionnelle • reprenant • indemnité équitable • conseil d'administration
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