Tribunal federal
{T 0/2}
2A.663/2005 /svc
Arrêt du 25 octobre 2006
IIe Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Merkli, Président, Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Meylan, Juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.
Parties
AX.________,
BX.________,
CX.________,
DX.________,
recourants, tous les quatre représentés par
Me Dominique Morard, avocat,
contre
Service de la population et des migrants
du canton de Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Ière Cour administrative.
Objet
révocation d'une autorisation d'établissement et
refus d'autorisation au titre de regroupement familial,
recours de droit administratif contre la décision
du Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Ière Cour administrative, du 11 octobre 2005.
Faits:
A.
Ressortissant de Serbie et Montenegro, né en 1963, AX.________, après avoir bénéficié de permis de séjour de courte durée entre 1989 et 1991, est venu travailler en Suisse comme saisonnier dès le 15 avril 1993. Son autorisation a été régulièrement renouvelée jusqu'au 31 octobre 1996. Après le rejet de sa demande de transformation de son permis saisonnier en autorisation de séjour à l'année par les autorités fribourgeoises compétentes, un délai au 30 juin 1997 lui a été imparti pour quitter la Suisse.
AX.________ a épousé, le 15 octobre 1990, une compatriote dans son pays d'origine, DX.________, née en 1968. Deux enfants sont issus de cette union : BX.________, né le 16 novembre 1990 et CX.________, née le 9 mai 1994. Le divorce des époux a été prononcé le 15 avril 1997. Le 21 août de la même année, AX.________ a épousé Y.________, ressortissante suisse, et a obtenu une autorisation de séjour pour vivre auprès de cette dernière. Le 20 février 1999, Il s'est fait rejoindre par ses deux enfants et a obtenu pour eux une autorisation de séjour, le 9 février 2000. II est apparu qu'au moment de la venue des enfants, les conjoints ne faisaient pas ménage commun. L'épouse suisse, qui a elle-même deux enfants d'un premier lit, a expliqué que le couple n'avait pas les moyens de faire vivre toute la famille sous un même toit et que deux logements étaient plus pratiques pour les enfants.
Le 7 août 2002, AX.________ et ses enfants ont obtenu une autorisation d'établissement.
Le divorce des époux AX.________ et Y.________ a été prononcé, par jugement du 29 juillet 2003, devenu exécutoire le 16 septembre de la même année. Le 28 mai 2004, AX.________ s'est remarié avec la mère de ses enfants, DX.________, arrivée illégalement en Suisse le 28 février 2004. Cette dernière a demandé une autorisation de séjour pour regroupement familial.
Le 8 avril 2004, l'autorité administrative a été avisée par le Service cantonal de l'état civil et des naturalisations des tentatives de l'ex-épouse, Y.________, et de la fille de celle-ci, visant à contracter des mariages de complaisance avec des ressortissants de l'ex-Yougoslavie.
B.
Par décision du 3 février 2005, le Service de la population et des migrants (en abrégé: le SPoMi), après leur avoir donné l'occasion de s'exprimer, a révoqué les autorisations d'établissement de AX.________, BX.________ et CX.________ et a refusé la demande d'autorisation de séjour déposée par DX.________.
Les intéressés ont porté leur cause devant le Tribunal administratif qui, par arrêt du 11 octobre 2005, a rejeté le recours. Le Tribunal administratif a considéré en substance que le déroulement chronologique des faits et leur enchaînement rapproché démontraient clairement que AX.________ avait utilisé abusivement l'institution du mariage dans le but de lui permettre d'éluder les règles ordinaires applicables en matière de police des étrangers aux ressortissants de Serbie et Montenegro. Devant quitter la Suisse en juin 1997, il avait divorcé en avril de la même année de la mère de ses enfants pour épouser une ressortissante suisse le 21 août 1997; après avoir obtenu une autorisation d'établissement, le 7 août 2002, il avait rapidement ouvert action en divorce, puis s'était, neuf mois après l'entrée en force du jugement de divorce, remarié avec la mère de ses enfants et avait demandé pour elle le regroupement familial. Les époux AX.________ et Y.________ n'ayant jamais vécu ensemble, il apparaissait que ce mariage n'avait été qu'un épisode nécessaire et passager sur la voie choisie en 1997 et qui menait à la réunification en Suisse de la famille kosovarde. Lorsque le SPoMi avait accordé l'autorisation d'établissement, il ignorait
que le requérant lui cachait ses intentions abusives; les eût-il connues qu'il aurait, sans aucun doute, refusé ce permis. Les conditions de révocation des autorisations d'établissement étaient donc réunies et la mesure était conforme au principe de la proportionnalité. Enfin, du moment que AX.________ et ses enfants devaient quitter la Suisse, la demande d'autorisation de séjour formée par son épouse ne pouvait qu'être rejetée.
C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, AX.________, ses enfants BX.________ et CX.________, ainsi que son épouse DX.________, concluent, avec suite de dépens, à l'annulation de l'arrêt du Tribunal administratif du 11 octobre 2005 et des décisions du SPoMi du 3 février 2005; ils demandent aussi, principalement, de constater qu'ils sont au bénéfice d'autorisations d'établissement valables et, partant, d'admettre la demande d'autorisation de séjour formée le 30 avril 2004 par DX.________ pour regroupement familial; subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à l'administration cantonale pour nouvelles décisions dans le sens des considérants. A l'appui de leur recours, ils produisent deux appréciations de la situation scolaire des enfants établies par leur enseignant au mois de novembre 2005.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt et conclut au rejet du recours. Sans formuler davantage d'observations, le SPoMi et l'Office fédéral des migrations se prononcent dans le même sens.
D.
Par ordonnance présidentielle du 8 décembre 2005, l'effet suspensif a été conféré au recours.
Les 23 novembre et 27 décembre 2005, l'enseignant de CX.________ a fait parvenir au Tribunal fédéral les messages de soutien des élèves de sa classe et de l'ensemble du cercle scolaire, ainsi qu'une coupure de presse.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec plein pouvoir d'examen la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292; 131 II 352 consid. 1 p. 353, 361 consid. 1 p. 364, 571 consid. 1 p. 573).
1.1 Selon l'art. 100 al. 1


1.2 D'après l'art. 104



En revanche, lorsque, comme ici, le recours est dirigé contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans cette décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2


En outre le Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'opportunité de l'arrêt entrepris, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104

2.
La décision attaquée, fondée sur l'art. 9 al. 4

2.1 Le conjoint étranger d'un ressortissant suisse n'a pas droit à l'octroi et à la prolongation de l'autorisation de séjour ou une autorisation d'établissement, lorsque, nonobstant un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, le mariage a été contracté dans le but d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers (mariage fictif) ou lorsque le conjoint étranger s'en prévaut à des fins abusives (cf. art. 7

Après un séjour de cinq ans en Suisse, le droit du conjoint étranger à l'octroi d'une autorisation d'établissement découlant de l'art. 7 al. 1

Par ailleurs, l'art. 9 al. 4

2.2 En ce qui concerne le recourant AX.________, l'hypothèse visée par l'art. 9 al. 4

Comme l'a retenu à juste titre le Tribunal administratif, la chronologie des faits et leur enchaînement constituent de sérieux indices que le mariage contracté par le recourant AX.________ avec une ressortissante suisse au mois d'août 1997 n'était destiné qu'à lui permettre d'éluder les règles en matière de police des étrangers. Il devait en effet quitter la Suisse au 30 juin 1997, après le refus de la transformation de son autorisation saisonnière en autorisation de séjour à l'année, le 18 décembre 1996, et s'est donc remarié moins de deux mois après l'échéance de ce délai, non sans avoir demandé au préalable le divorce avec sa première épouse, lequel est intervenu le 15 avril 1997. A cela s'ajoute le fait avéré que les époux AX.________ et Y.________ n'ont jamais cohabité et que les explications fournies à l'époque pour justifier leur domicile séparé, soit des raisons essentiellement financières, paraissaient déjà douteuses. Leur divorce intervenu le 29 juillet 2003, après l'obtention d'une autorisation d'établissement pour le recourant et ses enfants, puis le remariage de l'intéressé avec son ex-épouse, le 28 mai 2004, apparaissent comme des événements logiques, programmés à l'avance, dans le but de réunir toute la famille
X.________ en Suisse. Dans cette situation, la dénonciation du Service cantonal de l'état civil et des naturalisations du 8 avril 2004 au sujet de Y.________ n'a fait que confirmer un faisceau d'indices sur la volonté de AX.________ de ne pas former une véritable union conjugale avec cette dernière, volonté qui existait déjà lors de la conclusion du mariage, au mois d'août 1997. A cet égard, les allégations de l'intéressé pour tenter de démentir cette constatation ne reposent sur aucun élément concret.
Il n'est donc pas douteux que, si l'autorité cantonale compétente avait connu la réelle intention du recourant, elle ne lui aurait pas délivré une autorisation d'établissement. Il s'agit donc clairement d'un fait dont la dissimulation justifie la révocation de cette autorisation. Sur ce point, le recourant ne saurait objecter que les autorités cantonales de police des étrangers n'ignoraient rien de sa situation matrimoniale. Il perd en effet de vue qu'il s'est lui-même employé, par des déclarations mensongères, à calmer les légitimes soupçons de ces mêmes autorités. En outre, celles-ci ne pouvaient pas soupçonner son divorce, puis son remariage et la venue en Suisse de sa première épouse.
2.3 Dans ces conditions, la longue présence du recourant AX.________ en Suisse et son intégration socio-professionnelle ne sauraient faire apparaître comme disproportionnée la révocation de son autorisation d'établissement. Comme le relève avec raison le Tribunal administratif, les manoeuvres engagées par le recourant pour aboutir à ses fins sont parfaitement inadmissibles et doivent être clairement sanctionnées.
La décision attaquée ne peut donc qu'être confirmée sur ce point.
2.4 La situation n'est pas différente en ce qui concerne les enfants BX.________ et CX.________ car, si les époux doivent s'attendre à supporter les conséquences du comportement de leur conjoint qui donne lieu à la révocation d'une autorisation d'établissement (ATF 112 Ib 473 consid. 3d p. 477), il en va de même des enfants mineurs par rapports aux personnes qui les représentent, en particulier leurs parents (arrêts 2A.35/1999 du 12 mai 1999, consid. 2c et 2A.202/1996 du 12 septembre 1996, consid. 3, non publiés: voir aussi ATF 127 II 60 consid. 1d/bb p. 66).
En l'espèce, les recourants BX.________ et CX.________ sont arrivés en Suisse en février 1999 à l'âge respectif d'environ huit ans et trois mois et quatre ans et neuf mois, de sorte qu'ils y séjournent maintenant depuis plus de sept ans. De l'avis du Tribunal administratif, les enfants BX.________ et CX.________ peuvent être considérés comme "largement intégrés" (arrêt déféré, p. 9). Ils rencontrent certes des difficultés sur le plan scolaire, mais ils font des efforts méritoires pour les surmonter et leur comportement en classe donne entière satisfaction. Du point de vue du principe de la proportionnalité, ces circonstances favorables aux enfants ne suffisent cependant pas à contrebalancer le comportement de leur père qui constitue clairement un motif de révocation de son autorisation d'établissement. Du moment que les enfants dépendent entièrement de leurs parents, il est donc normal qu'ils retournent dans leur pays d'origine avec eux, même si cela n'ira pas sans difficultés.
2.5 Il s'ensuit que la recourante DX.________ ne saurait prétendre à une autorisation de séjour fondée sur les autorisations d'établissement de son mari ou de ses enfants, qui ont été révoquées à juste titre.
3.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, avec suite de frais à la charge des recourants (art. 156 al. 1

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge des recourants.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au Service de la population et des migrants du canton de Fribourg et au Tribunal administratif du canton de Fribourg, Ière Cour administrative, ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations.
Lausanne, le 25 octobre 2006
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: