EMARK - JICRA - GICRA 2004 / 32

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Extraits de la décision de la CRA du 17 septembre 2004, A.G.M. et famille, Angola
Art. 14a al. 4 LSEE : exigibilité de l'exécution du renvoi.
Analyse de la situation en Angola et critères d'appréciation de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (actualisation de la JICRA 1998 n° 11).
Art. 14a Abs. 4 ANAG: Zumutbarkeit des Wegweisungsvollzugs.
Allgemeine Lage in Angola. Massgebende Kriterien der Zumutbarkeit des Wegweisungsvollzugs (Aktualisierung von EMARK 1998 Nr. 11).
Art. 14a cpv. 4 LDDS: esigibilità dell'esecuzione dell'allontanamento.
Analisi della situazione in Angola e criteri per la valutazione dell'esigibilità dell'esecuzione dell'allontanamento (attualizzazione di GICRA 1998 n. 11).
Résumé des faits :
Le 14 novembre 2001, A.G.M. a déposé une demande d'asile en Suisse.
L'intéressé, commerçant de profession, a exposé être originaire de la ville de Mbanza Congo. Soupçonné de complicité avec l'UNITA, il aurait été appréhendé, en novembre 2001, par les troupes gouvernementales. Ayant pu s'évader grâce à l'aide providentiel d'un commandant du MPLA, ami de son père, il aurait embarqué, le 13 novembre 2001, à bord d'un avion à destination de la Suisse.
A.K., épouse de l'intéressé, accompagnée de leur enfant, a déposé une demande d'asile, le 13 mai 2003. Elle a déclaré être née à Mbanza Congo et y avoir vécu toute sa vie. En mars 2003, elle aurait été brutalisée et violée par plusieurs hommes en tenue civile.
Par décision du 11 mars 2004, l'ODR a rejeté les demandes d'asile déposées, au motif que les faits allégués n'étaient ni vraisemblables ni pertinents au regard de

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la loi sur l'asile. Il a également prononcé le renvoi des intéressés et de leur enfant et a ordonné l'exécution de cette mesure.
Le 22 septembre 2003, les requérants ont recouru contre cette décision, concluant principalement à l'octroi de l'asile, subsidiairement au prononcé d'une admission provisoire.
La Commission a rejeté le recours.
Extraits des considérants :

7.

7.1. Selon l'art. 14a al. 4 LSEE, l'exécution du renvoi ne peut notamment pas être raisonnablement exigée si elle implique une mise en danger concrète de l'étranger. Cette disposition s'applique en premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violences généralisées, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont impérativement besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, conduites irrémédiablement à un dénuement complet, exposées à la famine, et ainsi à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (JICRA 2002 n° 11 consid. 8a p. 99 ; 1999 n° 28 p. 170 et jurisp. citée ; 1998 n° 22 p. 191).

7.2. Aux termes d'un conflit de près de 27 ans entre l'Union pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA) et le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA), qui a déchiré le pays, la situation en Angola évolue favorablement. La mort de Jonas Savimbi, chef de l'UNITA, survenue le 22 février 2002, a permis de relancer le processus de paix initié par le protocole de Lusaka en 1994. Le 4 avril 2002, le gouvernement angolais et l'UNITA ont ainsi signé, à Luena, un accord de cessez-le-feu complémentaire audit protocole, le « Memorando de Entendimento ». Ce mémorandum a prévu la dissolution progressive de l'aile armée de l'UNITA (dissolution achevée le 1er août 2002), sous le contrôle d'une Commission militaire conjointe (Joint Military Commission) formée notamment de représentants des Forces armées angolaises (FAA), de l'UNITA et de l'ONU, ainsi que l'intégration de 5000 anciens combattants de

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l'UNITA dans les FAA et la police nationale (Angola Country Report, Country Information and Policy Unit, United Kingdom, avril 2004, pts 4.11 et 4.12). Parallèlement au mémorandum, une loi d'amnistie est entrée en force, après sa ratification par le Parlement, le 4 avril 2002 également (Jornal de Angola, Lei da Amnistia, 4.4.2002 ; BBC News, Angola rebels granted amnesty, 2.4.2002). Celle-ci - garantissant l'immunité pour tous les crimes commis contre la sécurité de l'Etat dans le contexte du conflit à tous les civils et soldats qui, volontairement ou non, se sont rendus aux autorités angolaises - est respectée dans la pratique ; les anciens combattants de l'UNITA ne risquent pas d'être poursuivis, pas même pour des délits d'ordre militaire commis par le passé, tels que désertion ou refus de servir (UNHCR Position on Return of rejected Asylum Seekers to Angola, janvier 2004, p. 2). L'UNITA, officiellement réunifiée le 8 octobre 2002 avec l'UNITA-Renovada, sa fraction dissidente non armée, est devenu le plus grand parti d'opposition. D'importants postes ministériels ont par ailleurs été attribués à ses membres (Angola Country Report, Country Information and Policy Unit, United Kingdom, avril 2004, pt 5.11), et un ancien général de
l'UNITA, le général Camelora, a été nommé chef suppléant de l'état-major de l'armée angolaise. Le 21 novembre 2002, la Commission militaire conjointe, après avoir officiellement déclaré le processus de paix achevé, a prononcé sa dissolution. Par résolution 1448 du 9 décembre 2002, le Conseil de sécurité de l'ONU a en outre levé l'ensemble des sanctions prises contre l'UNITA entre 1993 et 1998. Dès lors, on considère que la paix est relativement stable (hormis au Cabinda ; cf. infra), la situation dépendant en grande partie des nouvelles structures et des réformes prévues par le parti gouvernemental, le MPLA (Economist Intelligence Unit, Country Report Angola, février 2004, p. 7-9). Celui-ci, et son leader, le président José Eduardo dos Santos, ont posé une série de conditions préalables pour l'organisation des premières élections présidentielles et législatives depuis la fin de la guerre, - dont l'adoption d'une nouvelle constitution et d'une loi sur le recensement électoral -, reportant celles-ci au plus tôt en 2006. L'UNITA et les autres partis d'opposition ont cependant contesté ce calendrier et ont exigé que des élections générales soient organisées en septembre 2005 déjà (Panafrican News Agency, UNITA presses for general
elections in 2005, 16.3.2004).
Sur le plan sécuritaire, la situation s'est grandement améliorée depuis la signature du « Memorando de Entendimento ». Les affrontements entre l'UNITA et les FAA, ainsi que les attaques de ces deux belligérants envers la population civile, ont cessé. Toutefois, des agressions, par des bandes armées, ont toujours lieu sporadiquement. Dans la province de Cabinda, par contre, la situation est préoccupante. A fin 2002, les FAA ont intensifié leurs opérations militaires contre les mouvements séparatistes du FLEC (Frente para a Libertaçao de Cabinda), dont les principaux sont le FLEC-FAC, le FLEC-Renovada et le FDC.

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L'offensive gouvernementale a entraîné un sensible affaiblissement militaire du FLEC-FAC et la reddition aux autorités angolaises, en juillet 2003, de plusieurs officiers de haut rang de ce mouvement. Des combats opposent cependant toujours les FAA à des groupes rebelles isolés, principalement dans des zones difficilement accessibles au nord de l'enclave. La population civile, victime d'exécutions, d'enlèvements et de tortures, perpétrés tant par les FAA que par les rebelles, paie un lourd tribut à ces affrontements (US Department of State, Country Report on Human Rights Practices - 2003, 25.2.2004, p. 3 ; Ad-hoc Commission for Human Rights in Cabinda, Cabinda 2003 : A Year of Pain, 2.11.2003).
Au plan des infrastructures et des équipements, l'Angola connaît un état de délabrement extrême sur l'ensemble de son territoire. L'approvisionnement en eau et en énergie est très aléatoire et la situation sanitaire précaire. La mortalité infantile reste très élevée et un quart des enfants meurent avant l'âge de cinq ans. Une grande partie de la population vit dans la misère et le coût de la vie ne cesse d'augmenter (UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, Poor still waiting for benefits of peace, 5.4.2004). De plus, les innombrables mines disséminées dans tout le pays constituent des obstacles majeurs à l'apport de l'aide humanitaire ainsi qu'à la réinstallation des réfugiés dans leurs régions d'origine, principalement dans les régions situées au centre et à l'est du pays. Les provinces dont la situation est qualifiée d'extrêmement grave par le HCR dans son rapport de janvier 2004, sont celles de Bié, Cuando Cubango, Lunda Norte, Malanje, Moxico et Uige (UNHCR Position on Return of rejected Asylum Seekers to Angola, janvier 2004, p. 3). Il en est de même de la province de Lunda Sul (UNHCR, Bureau de liaison pour la Suisse, information transmise par courriel du 16.4.2004). La situation est moins défavorable dans la
capitale et les provinces de l'ouest du pays (soit Cunene, Huila, Namibe, Benguela, Huambo, Cuanza Sul, Cuanza Norte, Bengo et Zaïre), à l'intérieur desquelles la circulation est devenue plus aisée à mesure que plusieurs routes importantes ont été rouvertes.

7.3. Au regard de ce qui précède, la Commission considère que, d'une manière générale, l'exécution du renvoi n'est, à l'heure actuelle, pas raisonnablement exigible dans les provinces de Cabinda, Uige, Malanje, Lunda Norte, Lunda Sul, Bié, Moxico et Cuando Cubango. Ailleurs, et en l'absence de risques spécifiques découlant de l'appartenance à un mouvement de libération du Cabinda, les garanties pour un retour dans la sécurité sont suffisantes, à tout le moins à Luanda et dans les villes aisément accessibles des provinces de Cunene, Huila, Namibe, Benguela, Huambo, Cuanza Sul, Cuanza Norte, Bengo et Zaïre. Les conditions de vie dans ces agglomérations ne sont pas telles qu'il faille exclure d'emblée, pour des raisons humanitaires, l'exécution du renvoi des requérants d'asile dé-

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boutés qui y avaient leur dernier domicile ou y disposent d'attaches solides. Ce constat vaut particulièrement pour les personnes jeunes (hommes célibataires ou couples), sans enfants et ne souffrant pas de graves problèmes de santé. Pour les requérants n'appartenant pas à ces catégories, et pour autant qu'ils ne soient pas accompagnés d'enfants en bas âge ou à l'état de santé déficient, il y a lieu d'apprécier si un réseau familial ou social sur place ou encore leur situation financière particulière leur permettra de bénéficier de chances de réinsertion convenables.

7.4. En l'espèce, la Commission considère que les recourants n'ont pas démontré que leur retour dans leur pays d'origine reviendrait à les mettre concrètement en danger. En effet, ils sont tous deux originaires de Mbanza Congo, chef-lieu aisément accessible de la province de Zaïre, et y étaient domiciliés avant leur départ du pays. Ils y disposent d'un important réseau familial (la mère, deux frères et une soeur de la recourante ; la mère, un frère et trois soeurs du recourant), et également social, compte tenu du fait qu'ils y ont vécu toute leur vie (hormis, pour l'intéressé, les douze à quinze années passées en République démocratique du Congo). En outre, ils sont jeunes et n'ont pas allégué souffrir de problèmes de santé qui feraient obstacle à l'exécution de leur renvoi. Ils devraient dès lors être capables de se réinsérer dans leur ville d'origine et de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur enfant I.F., âgée de 9 ans, dont l'état de santé n'a pas non plus été décrit comme déficient. Dès lors, compte tenu de la pesée des intérêts en présence, la Commission estime qu'il peut être raisonnablement exigé des recourants qu'ils retournent, avec leur enfant, s'établir dans leur pays d'origine.

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Entscheidinformationen   •   DEFRITEN
Dokument : 2004-32-227-231
Datum : 17. September 2004
Publiziert : 17. September 2004
Quelle : Vorgängerbehörden des BVGer bis 2006
Status : Publiziert als 2004-32-227-231
Sachgebiet : Angola
Gegenstand : Art. 14a al. 4 LSEE : exigibilité de l'exécution du renvoi.


Gesetzesregister
ANAG: 14a
Stichwortregister
Sortiert nach Häufigkeit oder Alphabet
angola • heimatstaat • demokratische republik kongo • namibia • fälligkeit • uno • militärische verteidigung • leiter • geschwister • erleichterter beweis • angehöriger einer religiösen gemeinschaft • bürgerkrieg • autonomie • asylbewerber • öffentliches interesse • gefahr • angehöriger der armee • legislative • parlament • bruchteil
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EMARK
1998/11 • 2002/11 S.99