Europäischer Gerichtshof für Menschenrechte
Cour européenne des droits de l'homme
Corte europea dei diritti dell'uomo
European Court of Human Rights


SUR LA RECEVABILITE

de la requête No 19771/92

présentée par Taline WURSTEN

contre la Suisse

__________

La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 10 février 1993 en présence
de

MM. G. JÖRUNDSSON, Président en exercice de la Deuxième

Chambre

S. TRECHSEL

A. WEITZEL

J.-C. SOYER

H.G. SCHERMERS

H. DANELIUS

Mme G.H. THUNE

MM. F. MARTINEZ

J.-C. GEUS

M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ;

Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;

Vu la requête introduite le 18 mars 1992 par Taline WURSTEN

contre la Suisse et enregistrée le 26 mars 1992 sous le No de dossier
19771/92 ;

Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;

Après avoir délibéré,

Rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante, de nationalité suisse, née en 1985, est domiciliée
à Puplinge (canton de Genève).

Devant la Commission, elle est représentée par Me Daniel

A. Meyer, avocat au barreau de Genève.

Les faits de la cause, tels qu'exposés par la requérante, peuvent
se résumer comme suit.

Le 28 juin 1989, la mère de la requérante fut victime d'un

tragique accident de la circulation qui lui coûta la vie suite au choc
dû à la collision avec le véhicule de W. Ce dernier fut inculpé
d'homicide par négligence et de ne pas avoir été porteur de son permis
de conduire.

Par lettre du 4 septembre 1989, l'avocat de la requérante annonça
au juge informateur de l'arrondissement de La Côte chargé de l'enquête,
qu'il agissait pour le père de la requérante.

Le 23 novembre 1989, il demanda l'autorisation de consulter le
dossier.

Le 24 novembre 1989, le juge informateur de l'arrondissement de
La Côte décida la clôture de l'enquête ouverte contre W. et renvoya
l'affaire devant le tribunal correctionnel du district de Nyon.
Le 28 novembre 1989, le juge informateur avisa l'avocat de la
requérante de la possibilité de consulter le dossier.

Le 19 décembre 1989, l'avocat de la requérante envoya un pli
recommandé annonçant que la requérante se constituait partie civile et
qu'il viendrait prendre connaissance du dossier au greffe du juge
informateur.

Par lettre du 29 décembre 1989, l'avocat de la requérante demanda
au juge informateur de tenir le dossier à sa disposition pour
consultation.

Par la suite, il reçut le dossier et le retourna au greffe du
tribunal du district de Nyon le 11 janvier 1990. A la même date, il
informa l'avocat de W. qu'il était chargé de défendre les intérêts de
la requérante et que celle-ci se constituait partie civile.

Le 19 mars 1990, le tribunal correctionnel acquitta W. du chef
d'accusation d'homicide par négligence et le condamna à une amende de
10 FS. pour avoir circulé sans être porteur de son permis. Aucune
citation n'avait été adressée à l'avocat ni à la requérante, de sorte
que ceux-ci n'ont pas participé aux débats.

Par lettre du 30 mars 1990, l'avocat de la requérante informa le
président du tribunal du district de Nyon que les parents de la
défunte, domiciliés en Afrique du Sud, entendaient se constituer partie
civile dans le cadre de la procédure pénale contre W.

Par lettre du 2 avril 1990, le président des tribunaux du Ve
ressort judiciaire (districts de Nyon et de Rolle) fit parvenir une
copie du jugement du 19 mars 1990 à l'avocat de la requérante.
Par lettre du 5 avril 1990, celui-ci adressa une lettre au

président du tribunal correctionnel dans laquelle il se plaignit que
la partie civile n'avait pas été informée de l'audience du 19 mars
1990.

Le 6 avril 1990, le président des tribunaux du Ve ressort

judiciaire (districts de Nyon et de Rolle) répondit que le dossier ne
contenait aucune trace de constitution de partie civile avant le
30 mars 1990, soit après l'audience de jugement.

A cette même date, la requérante forma un recours en nullité
contre le jugement du 19 mars 1990. Elle se plaignit en particulier
qu'aucune suite n'avait été donnée à sa requête de constitution civile.
Elle affirma avoir adressé celle-ci le 18 décembre 1989 (cachet de la
poste du 19 décembre) au juge informateur qui ne l'aurait pas transmise
au greffe du tribunal saisi.

Par arrêt du 29 juin 1990, la Cour de cassation pénale du

tribunal cantonal du canton de Vaud rejeta le recours et confirma le
jugement du 19 mars 1990. La Cour de cassation estima que la
probabilité que des prétentions civiles fussent en l'espèce allouées
par le juge pénal à la requérante apparaissait faible, déjà en raison
de l'ordre de grandeur prévisible de l'indemnité réclamée. D'après la
Cour de cassation, une décision sur le principe et la quotité d'une
indemnité aurait impliqué l'examen de questions spécifiques au droit
de la circulation routière, sur lesquelles le juge pénal n'avait pas
à se prononcer. Ainsi, s'il avait admis la requérante au procès en
qualité de partie civile, le tribunal se serait vraisemblablement borné
à lui donner acte de ses réserves civiles.

La Cour de cassation ajouta que la requérante conservait le droit
de saisir le juge civil, qui n'était pas lié par le jugement pénal.
La violation invoquée n'avait donc pas porté préjudice aux droits
civils de la requérante.

Le 14 août 1990, la requérante introduisit un recours de droit
public contre cet arrêt.

Le 3 septembre 1991, le Tribunal fédéral rejeta le recours.

L'arrêt fut notifié à l'avocat de la requérante le 20 septembre 1991.
Le Tribunal fédéral affirma que la requérante conservait la possibilité
de faire valoir ses prétentions en dommages-intérêts devant les
tribunaux civils. Il estima en outre que l'action pénale appartenait
exclusivement à l'Etat. La requérante avait certes intérêt à une
condamnation de l'accusé, dans la mesure où celle-ci pouvait lui
procurer une satisfaction morale et, en outre, accroître ses chances
de succès dans un procès civil ultérieur.

D'après le Tribunal fédéral, elle n'y avait néanmoins aucun droit
mais un simple intérêt de fait. Quant à la législation cantonale, le
Tribunal fédéral souligna que l'action pénale n'appartenait pas à la
partie civile, et elle reconnaissait comme prépondérant l'intérêt de
la personne poursuivie, condamnée ou acquittée, à ce que son sort ne
risquait pas d'être aggravé. De surcroît, dans la procédure pénale,
l'action civile n'avait qu'un rôle accessoire. Néanmoins, tant que la
partie civile n'était pas déboutée de ses conclusions, elle pouvait
toujours agir à nouveau, devant les tribunaux civils.

GRIEFS

La requérante se plaint du jugement du tribunal correctionnel du
district de Nyon du 19 mars 1990 et de la procédure y afférente. Elle
se plaint en particulier qu'elle avait été purement et simplement
exclue de l'instruction de la cause ainsi que des débats lors de
l'audience de jugement, alors qu'elle était partie au procès. Elle
fait valoir que son droit à être entendue avait été violé. Si l'action
civile est de nature patrimoniale et, à ce titre, une action en
réparation subordonnée aux exigences propres à toute action de cet
ordre, elle possède, selon la requérante, aussi un aspect proprement
pénal ou vindicatif, né du préjudice souffert par la victime, ce qui
lui permet, mais à elle seule, de porter son action civile devant les
autorités répressives. L'activité de la partie civile ne s'épuiserait
donc pas dans la seule réparation du dommage subi. La requérante
observe également que non seulement elle n'a pu exercer ses droits
fondamentaux de participer au procès, mais de plus, le tribunal
correctionnel a méconnu la jurisprudence la plus élémentaire du
Tribunal fédéral en cette matière car tout aurait milité pour une
condamnation pénale, laquelle aurait joué un rôle prépondérant sur le
plan civil.

La requérante allègue la violation de l'article 6 par. 1 de la
Convention.

EN DROIT

La requérante se plaint de la violation de son droit d'être

entendue en tant que partie civile dans la procédure pénale dirigée
contre W.

L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention prévoit notamment
que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue

équitablement par un tribunal qui décidera, soit des contestations sur
ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de
toute accusation pénale dirigée contre elle.

La Commission rappelle que la Convention ne reconnaît pas le
droit de provoquer des poursuites pénales contre des tiers et que les
garanties de l'article 6 (art. 6) de la Convention ne s'appliquent pas
aux plaignants et accusateurs privés dont l'objectif est la

condamnation de tierces personnes (cf. No 9777/82, déc. 14.7.83, D.R.
34 p. 158 ; No 10877/84, déc. 16.5.85, D.R. 43 p. 184).

La Commission constate cependant que la requérante, en tant que
partie civile, entendait obtenir une réparation de l'auteur des faits
incriminés et que la procédure litigieuse aurait ainsi pu conduire à
faire trancher une contestation sur ses droits et obligations de
caractère civil (cf. No 9938/82, déc. 15.7.86, D.R. 48 p. 21 ; Cour
Eur. D.H., arrêt Tomasi du 27 août 1992, à paraître dans série A n°
241-A, par. 121).

Toutefois, tel ne fut pas le cas en l'espèce puisque la procédure
a pris fin par un jugement d'acquittement du chef d'accusation
d'homicide par négligence.

Ce jugement laisse en principe intactes les présomptions civiles
que la requérante, ainsi qu'il ressort des arrêts de la Cour de
cassation pénale du tribunal cantonal du canton de Vaud du 29 juin 1990
et du Tribunal fédéral du 3 septembre 1991, peut faire valoir au cours
d'une procédure civile ultérieure (cf. No 9660/82, déc. 5.10.82, D.R.
29 p. 241).

La Commission estime par conséquent que, dans la mesure où la
requérante se plaint de la procédure pénale qui a pris fin par un
acquittement définitif, la requête doit être rejetée comme incompatible
ratione materiae avec la Convention conformément à l'article 27 par.
2 (art. 27-2) de la Convention.

Par ces motifs, la Commission, à la majorité,

DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

Le Secrétaire de la Le Président en exercice de la

Deuxième Chambre Deuxième Chambre

(K. ROGGE) (G. JÖRUNDSSON)
Entscheidinformationen   •   DEFRITEN
Dokument : 19771/92
Datum : 10. Februar 1993
Publiziert : 10. Februar 1993
Quelle : Entscheide EGMR (Schweiz)
Status : 19771/92
Sachgebiet : (Art. 6) Right to a fair trial (Art. 6-1) Fair hearing (Art. 6-1) Civil rights and obligations
Gegenstand : WURSTEN contre la SUISSE


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