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19. Extraits de la décision de la CRA du 19 août 1994,
P. T., Sri Lanka

Art. 14a, 4e al. LSEE : exigibilité de l'exécution du renvoi de Tamouls au Sri Lanka (précision de jurisprudence, cf. JICRA 1994 no 3, p. 21ss).

1. L'inexigibilité de l'exécution du renvoi suppose une situation mettant en danger l'existence même de l'étranger dans son pays. Tel n'est pas le cas pour un "réfugié de la violence" lorsque celui-ci bénéficie d'une possibilité de refuge interne ni, d'une manière plus générale, pour un "refugié de facto" lorsque ce dernier sera, au retour dans son pays, confronté aux seules difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale (consid. 6a-b).

2. L'exécution du renvoi au Sri-Lanka est inexigible en tant qu'elle contraindrait la personne concernée à retourner dans la province du nord où sévissent la guerre civile et des violences généralisées. Les circonstances de fait régnant dans les provinces du sud, en particulier dans la région de Colombo, ne permettent pas, d'une manière générale, d'admettre une mise en danger de l'existence des ressortissants sri lankais renvoyés, quelle que soit leur provenance du territoire national, et même si ceux-ci appartiennent à la minorité tamoule (consid. 6c-f).

Art. 14a Abs. 4 ANAG: Zumutbarkeit des Vollzugs der Wegweisung von Tamilen nach Sri Lanka (Präzisierung von EMARK 1994 Nr. 3 S. 21 ff.).

1. Der Wegweisungsvollzug ist unzumutbar, wenn der betroffene Ausländer in seinem Heimatstaat einer existenzbedrohenden Situation ausgesetzt wäre. Für "Gewaltflüchtlinge", welchen eine landesinterne Zufluchtsmöglichkeit offensteht, fehlt es an dieser Voraussetzung. Ebensowenig stellen die blossen sozialen und wirtschaftlichen Schwierigkeiten, von welchen die ansässige Bevölkerung üblicherweise betroffen ist, eine existenzbedrohende Situation dar (Erw. 6a-b).

2. Der Vollzug der Wegweisung in die unter Bürgerkrieg und allgemeiner Gewalt leidende Nordprovinz Sri Lankas ist nicht zumutbar. Die Lage in den südlichen Provinzen, insbesondere in der Region Colombo, stellt dagegen für Rückkehrer, auch wenn sie aus anderen Regionen des


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Landes stammen und der tamilischen Ethnie angehören, im allgemeinen keine existenzbedrohende Situation dar (Erw. 6c-f).

Art. 14a cpv. 4 LDDS: esigibilità dell'esecuzione dell'allontanamento di tamil verso lo Sri Lanka (precisazione della giurisprudenza; cfr. GICRA 1994 n. 3, pag. 21 e segg.).

1. L'inesigibilità dell'esecuzione dell'allontanamento presuppone una concreta messa in pericolo dello straniero nel suo Paese d'origine. Tale requisito non é adempito né per un "rifugiato della violenza" allorquando sussista una possibilità di rifugio interna, né più in generale per un "rifugiato de facto" quando quest'ultimo venga confrontato al suo rientro esclusivamente a quei problemi socio-economici che colpiscono l'insieme della popolazione di quel Paese (consid. 6a-b).

2. L'esecuzione dell'allontanamento verso lo Sri Lanka sarebbe inesigibile nella misura in cui dovesse costringere l'interessato a far rientro nelle province del nord del Paese, ove è riscontrabile una situazione di guerra civile e di violenza generalizzata. Di contro la situazione nelle province del sud, in particolare nella regione di Colombo, non permette in generale di ritenere la sussistenza di un pericolo concreto per i richiedenti dello Sri Lanka rinviati, e ciò indipendentemente dalla loro provenienza all'interno del Paese medesimo o dalla loro appartenenza alla minoranza tamil (consid. 6c-f).

Résumé des faits :

Entendu le 2 mars 1992 au centre d'enregistrement de Genève (CERA), puis le 13 mars 1992 par les autorités cantonales compétentes, le requérant a déclaré qu'il a habité avec ses parents, à Kokuvil/Jaffna, jusqu'en août 1990 et qu'à l'instar des autres membres de sa famille, il n'a pas exercé d'activités politiques dans son pays. Il n'a pas non plus été arrêté par les autorités, et n'a jamais fait l'objet d'une procédure judiciaire. Entre les années 1981 et 1990, il a travaillé dans une librairie à Jaffna. L'un de ses frères, employé de cet établissement, publiait, à la demande de divers mouvements politiques - le TAMBA, le TELO, le PLOTE et l'EPRLF - des affiches portant la photo de



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personnes disparues, leur identité ainsi que leurs dates de naissance et de disparition. Celui-ci a disparu après août 1990, époque à laquelle tous les employés de la librairie étaient recherchés par le LTTE. Soupçonné par le LTTE d'être en contact avec son frère, le requérant a été arrêté à son domicile puis emmené dans le camp de Nallur où il a été battu et détenu durant cinq jours, ce mouvement exigeant que lui soit remises les photos en question pour éviter qu'elles ne soient publiées à Colombo et utilisées à l'encontre de ses membres, favorisant par là-même des sympathies en faveur des mouvements politiques tamouls concurrents. Libéré après avoir promis de tenir à disposition du LTTE les documents exigés, il s'est caché immédiatement à Mullaitivu, chez des amis, durant trois mois puis s'est rendu chez des connaissances habitant à Colombo, dans la partie cinghalaise, et y a pris domicile jusqu'à son départ du pays, le 18 février 1992. Il a appris que des membres du LTTE se sont présentés au domicile de ses parents en 1990 et, à deux reprises en 1991, puis en 1992, grâce à un ami effectuant régulièrement le voyage entre Colombo et Jaffna. Il est retourné clandestinement chez ses parents à Jaffna en 1991 et 1992. Craignant des représailles de la part
du mouvement en question pour ne pas avoir fourni les pièces exigées, il a fui son pays.

Le 6 juillet 1994, l'ODR a rejeté la demande d'asile de P. T. et a prononcé son renvoi de Suisse. Le 3 août 1994, P. T. a interjeté un recours contre la décision de renvoi uniquement.

La commission rejette le recours en tant que manifestement infondé.

Extraits des considérants :

6. - a) Selon l'article 14a , 4e alinéa LSEE, l'exécution du renvoi ne peut pas être raisonnablement exigée si elle implique une mise en danger concrète de l'étranger. Cette disposition s'applique en premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violences généralisées, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un arrêté fédéral sur la procédure d'asile (APA) et d'une loi fédérale instituant un Office fédéral pour les réfugiés du 25 avril 1990, FF 1990 II 625). Il s'agit donc d'un texte



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légal à forme potestative ("Kann-Bestimmung") indiquant clairement que la Suisse intervient ici non pas en raison d'une obligation découlant du droit international, mais uniquement pour des motifs humanitaires; c'est ainsi que cette prescription confère aux autorités compétentes un pouvoir de libre appréciation dont l'exercice est notamment limité par l'interdiction de l'arbitraire et le principe de l'intérêt public (W. Kälin, op. cit., p. 203; B. Knapp, Précis de droit administratif, Bâle/Francfort-sur-le-Main 1991, 4e éd., p. 34ss). L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (Message précité, p. 625). Les décisions dans ce domaine doivent être en accord avec la politique générale en matière d'étrangers (Rapport du Conseil fédéral sur la politique à l'égard des étrangers et des réfugiés, du 15 mai 1991, FF 1991 III 339s). Si la Suisse entend continuer à l'avenir d'accueillir des réfugiés et d'autres personnes à la recherche d'une protection venant de régions ravagées par une guerre ou une crise, elle ne pourra le faire
qu'à la condition que la procédure d'asile n'exerce aucun attrait sur des immigrants à la recherche d'un emploi (Rapport précité, FF 1991 III 324); l'intérêt privé à la poursuite du séjour en Suisse ne l'emportera sur l'intérêt public à l'exécution du renvoi de requérants d'asile déboutés qu'en présence d'un danger concret, autrement dit d'une situation mettant en danger l'existence même de l'intéressé dans son pays d'origine (sur la politique en matière d'étrangers, cf. aussi : Message concernant l'adhésion de la Suisse à la Convention internationale de 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la revision y relative du droit pénal, du 2 mars 1992, FF 1992 III 290ss). A la différence de la pratique consacrée aux cas personnels d'extrême gravité (art. 13, let. f, de l'ordonnance limitant le nombre des étrangers, du 6 octobre 1986), l'admission provisoire pour cause d'inexigibilité de l'exécution du renvoi n'est donc pas fondée sur la situation personnelle de l'étranger en Suisse, mais sur celle dans laquelle il se trouverait à son retour dans son pays d'origine (Message précité, p. 625; cf. ATF 119 Ib 42s et I. Gut, Le séjour des requérants d'asile pendant la procédure, l'admission provisoire et l'autorisation de séjour
à titre humanitaire, in : Droit des réfugiés, Fribourg 1991, p. 72).

b) - S'agissant de "réfugiés de la violence", l'exécution du renvoi demeure exigible en présence d'une possibilité de refuge interne au pays. En effet, il leur appartient de faire appel prioritairement à la protection des autorités de leur pays d'origine en cherchant à s'installer dans une autre partie du pays relativement sûre. Ce n'est que lorsque cette possibilité est exclue, faute d'une


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protection suffisante des autorités étatiques, que leur vie demeurerait en danger. Il en va également ainsi lorsque, pour subvenir à leurs besoins élémentaires, ils se verraient contraints de retourner dans leur région d'origine où sévit un état de guerre ou de violences généralisées.

En outre, l'existence des "réfugiés de facto" (au sens large du terme) quelle que soit l'origine du départ de leur pays, est aussi réputée mise en danger dès lors qu'objectivement, au regard des circonstances d'espèce, ceux-ci seraient selon toute probabilité condamnés à devoir vivre durablement en-dessous du minimum vital, donc conduits irrémédiablement à un dénuement complet, exposés à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier en matière de pénurie de logements et d'emplois, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger. Ceci étant, il convient, dans le cadre de l'analyse des cas d'espèce, de faire appel à des critères aussi divers que les attaches avec la région de réinstallation, notamment les relations familiales et sociales, les séjours antérieurs, respectivement les emplois qu'on y a exercés, les connaissances linguistiques et professionnelles acquises, le sexe, l'âge, l'état de santé, l'état civil, les charges de famille (cf. JICRA 1993 no 9, p. 60, no 10, p. 65 et no 39, p. 287).

c) - Il s'agit donc d'examiner au regard des critères explicités ci-dessus si le recourant est en droit de conclure au caractère inexigible de l'exécution de son renvoi, compte tenu de la situation prévalant dans son pays.

Au Sri Lanka, dans la province du nord, la situation se caractérise par la poursuite d'une guerre conventionnelle entre l'armée et le LTTE. La péninsule de Jaffna est presque entièrement dans les mains de la rébellion; les forces gouvernementales qui encerclent la presqu'île assaillent les positions ennemies, y compris des objectifs civils, par des bombardements, ainsi que par des tirs d'artillerie à partir de la mer et des bases sises à Palaly, Mandaitivu, Poonaryn et près de l'Elephant Pass notamment. Il en est de même d'une grande partie des territoires occupés par le LTTE entre la péninsule et Vavuniya, l'armée tentant en priorité de consolider sa domination autour des régions de Vavuniya et de Mannar, voire des accès à Jaffna.

Dans son réduit de Jaffna, le LTTE dispose de ses troupes et de sa police - qui sont censées assurer l'ordre et la sécurité publics - et également de tribunaux, de banques, envisageant même d'introduire à terme sa propre monnaie, alors


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que les autorités officielles y maintiennent, avec son consentement, certaines administrations civiles, en matière de santé, d'enseignement, et de distribution de denrées alimentaires.

Dans la province de l'est (districts de Trincomalee, Batticaloa et Amparai), quand bien même de nombreux villages sont sous le contrôle du LTTE et constituent le point de départ de violentes incursions du LTTE, suivies de brutales contre-attaques de l'armée ("uncleared areas"), les villes, la côte et les principales voies de communication sont sous le contrôle des autorités officielles ("cleared areas"). Certes, si à partir de l'arrière-pays, le LTTE lance, de nuit surtout, des opérations de guérilla contre les camps de l'armée, les villages cinghalais et musulmans, plus aucune attaque de grande envergure du LTTE n'a été signalée depuis 1993 contre des objectifs purement civils, contrairement aux années précédentes.

Les actions entreprises par les autorités militaires ne sont pas dirigées contre les Tamouls en tant que représentants d'une minorité; elles visent à combattre le LTTE qui tente, par l'utilisation de moyens militaires et, en partie aussi terroristes, d'obtenir une unicité ethnique dans les régions du nord et de l'est du pays, en vue de la création d'un Etat tamoul indépendant. Si les mesures engagées par les autorités étatiques contre le mouvement sécessionniste précité ont amené dans la province du nord une situation de guerre civile et d'insécurité permanente, il n'est toutefois pas possible de considérer qu'au Sri Lanka les Tamouls soient systématiquement poursuivis pour des raisons tenant à leur appartenance ethnique. Il convient à cet égard de mettre en exergue le fait que les requérants d'asile sri lankais font en majorité valoir qu'ils ont abandonné leur pays pour fuir les troubles découlant des combats, et précisément, à cause des mauvais traitements qu'ils ont subis ou craignent de subir de la part de combattants du LTTE, alors que seul un petit nombre invoque des persécutions de la part des autorités sri lankaises.

Il n'en demeure pas moins que la situation particulière régnant dans la province du nord permet de conclure qu'il n'est pas raisonnablement exigible de renvoyer des requérants d'asile déboutés dans les districts de Jaffna, Killinochchi, Mannar, Vavuniya et Mullaitivu, dans lesquels sévissent la guerre civile et des violences généralisées (JICRA 1994 no 3, p.21ss). Il importe en revanche d'examiner si, en l'occurrence, l'exécution du renvoi dans d'autres provinces du Sri Lanka est envisageable conformément à l'article 14a , 4e alinéa LSEE.



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d) - Selon les sources de renseignements dont dispose l'autorité de céans (experts nationaux et étrangers, articles de presse, et plus particulièrement l'analyse de situation faite le 8 décembre 1993 par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) à l'intention de la commission), il appert qu'en dehors des zones de guerre, la situation des droits de l'homme s'est améliorée de manière significative depuis le début de l'année 1993, contrairement à l'avis exprimé par quelques organisations non gouvernementales. Certes, des cas de mauvais traitements, de disparition et de meurtre à caractère politique ont encore été constatés. Depuis 1983 il n'y a plus eu de pogroms contre la minorité tamoule. L'assassinat du président Ranasinghe Premadasa, le 1er mai 1993, n'a pas modifié cette situation puisqu'aucune exaction de la population cinghalaise contre la population tamoule n'a été signalée. D'ailleurs, dans la région de Colombo, le nombre des arrestations et disparitions a régulièrement diminué depuis 1991, en dépit d'une dégradation passagère durant les quelques mois consécutifs à cet assassinat et de l'accroissement, à mi-août 1994, des mesures de sécurité visant à éviter des violences post-électorales. Le nouveau président Dingiri
Banda Wijetunga semble s'efforcer de poursuivre une politique d'intégration des Tamouls visant à endiguer le conflit en isolant le LTTE. Cette politique a entretemps transparu de manière frappante dans le comportement des forces gouvernementales à l'égard de la population paysanne tamoule des villages proches des zones de combats, en particulier dans la province de l'est. L'armée, consciente que la lutte menée contre le LTTE ne pouvait aboutir qu'avec l'appui des habitants des régions concernées, a cessé de les traiter d'une manière systématique comme des sympathisants de ce mouvement. En dépit de la persistance de violations des droits de l'homme dans les zones de combats, et même s'il est vrai que dans le nord de l'île, en raison du conflit, les Tamouls se trouvent être soumis à des mesures de contrôle particulièrement dures, l'on ne saurait suivre certains avis selon lesquels les autorités sri lankaises présumeraient chez chaque Tamoul son appartenance au LTTE. En tout état de cause, demeure en vigueur la loi relative à la prévention du terrorisme ("Prevention of Terrorism Act"), donnant aux forces de sécurité le droit d'incarcérer durant 18 mois les personnes soupçonnées de terrorisme avant que soit ouverte une procédure judiciaire.

Une détente se manifeste aussi sur le plan institutionnel, dans la mesure où les Tamouls ne sont poursuivis ni en raison des opinions émises dans l'exercice de leurs droits politiques ni à cause de leur engagement dans la défense des intérêts de leur ethnie. Invités à participer activement aux affaires de l'Etat, certains d'entre eux ont même été engagés dans l'administration y compris



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dans les postes élevés. Les partis tamouls, comme l'ENDLF (Eelam National Democratic Liberation Front), l'EPRLF (Eelam Peoples Revolutionary Liberation Front), le PLOTE (People Liberation Organisation of Tamil Eelam), le TULF (Tamil United Liberation Front) et le TELO (Tamil Eelam Liberation Organisation), ont été reconnus par le pouvoir et sont représentés au niveau gouvernemental et parlementaire tant sur le plan régional que national. Ils soutiennent par ailleurs l'Etat dans sa lutte contre le LTTE. Il convient en outre de relever que beaucoup de Tamouls sont établis dans le sud du Sri Lanka. Colombo et ses environs comptent plus de 300'000 membres de cette ethnie, soit approximativement le 30% de leur population. Cette situation s'explique par le fait que les régions du sud ne connaissent pas de conflit ouvert entre la population cinghalaise et tamoule. D'ailleurs, l'expansion de l'économie dans le sud et l'accroissement du nombre de touristes reflètent la confiance de ces derniers comme des investisseurs étrangers et nationaux dans la stabilité qui règne dans cette partie de l'île.

S'agissant des droits des ressortissants sri lankais d'ethnie tamoule en matière d'établissement, ceux-ci bénéficient de la liberté de voyager et de s'établir dans toutes les régions du pays, y compris dans celles où ils ne sont pas majoritaires. Certes, les requérants d'asile tamouls font régulièrement valoir que la possibilité de s'établir dans le sud du pays, notamment à Colombo, ne leur est ouverte que s'ils peuvent invoquer des motifs valables ("valid reasons") d'y séjourner, autrement dit seulement dans la mesure où ils bénéficieraient d'un droit particulier de séjour; force est cependant de constater qu'ils n'ont besoin d'une autorisation ni pour quitter les provinces du nord ou de l'est, ni pour s'établir en dehors des zones de combat. En revanche, le gouvernement a introduit en 1989 l'obligation pour tout individu, quelle que soit son appartenance ethnique ou religieuse (tamoul, cinghalais, musulman), d'annoncer aux autorités de police, dans un délai de quatorze jours, son arrivée sur un nouveau lieu de séjour; chaque logeur est également tenu de faire enregistrer l'arrivée ainsi que l'identité de la personne qu'il héberge. En cas de dénonciation, la violation de cette obligation entraîne pour le résidant clandestin un
risque relativement important d'interpellation aux fins de vérification d'identité; ce risque existe aussi en cas de contrôle usuel aux "check-points" ou en cas de rafle. Toutefois les personnes interpellées dans ces circonstances ne sont en règle générale retenues que pendant quelques heures lorsqu'elles peuvent établir leur identité, notamment au moyen d'une carte nationale d'identité ("National Identity Card"). Dans cette hypothèse, les risques d'une garde prolongée consécutive à l'interpellation demeurent minimes; en revanche, il est vrai que ces risques sont plus élevés pour les



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personnes qui ne sont pas en mesure d'établir leur identité, ou dont la carte nationale d'identité comporte la mention d'un domicile au nord, sous l'occupation du LTTE, étant précisé que selon diverses sources, la procédure de changement de ladite carte à Colombo, suite à l'enregistrement du nouveau domicile, est relativement longue (jusqu'à dix-huit mois) et fastidieuse pour un Tamoul en provenance du nord. Il ressort du rapport d'analyse du HCR du 8 décembre 1993 que presque toutes les personnes arrêtées sont libérées après une semaine de détention et que, durant cette période, elles ne subissent pas de mauvais traitements. Seules sont détenues pour une plus longue période et, cas échéant maltraitées ou torturées, les personnes soupçonnées par les autorités, sur la base de certains indices, d'appartenance au LTTE. Ces contrôles de police tendent à appréhender des membres de ce mouvement et ne sont pas dirigées contre les Tamouls en tant que tels. A titre illustratif, parmi les 35'898 Tamouls qui ont été rapatriés du sud de l'Inde au Sri Lanka, dans le cadre d'une action du HCR, seuls 22 ont été arrêtés par les organes de sécurité de l'Etat. A l'instar du HCR, la commission de céans considère que par rapport à la population tamoule demeurée
sur place, les Tamouls rentrant de l'étranger sont en définitive soumis à un risque d'arrestation encore moindre pour cause d'appartenance au LTTE, étant donné qu'ils ne sauraient être d'emblée soupçonnés d'être directement impliqués dans les récentes actions du LTTE, en raison même de leur absence du Sri Lanka.

Compte tenu des incertitudes auxquelles peuvent être confrontés les Tamouls rentrant de Suisse, les autorités suisses ont conclu un accord avec le Sri Lanka le 11 janvier 1994, en vue de garantir aux requérants d'asile déboutés un retour au pays dans la sécurité et la dignité. Cet accord prévoit une étroite collaboration entre les deux Etats parties qui ont en outre requis du HCR d'assurer un rôle d'agent de liaison entre les rapatriés et les autorités sri lankaises et suisses. Le HCR aura pour mission d'attirer l'attention des Etats parties sur tout problème spécifique rencontré par les rapatriés ("passive monitoring"); en particulier le HCR pourra veiller au bon déroulement des démarches engagées en vue de la délivrance d'une nouvelle carte nationale d'identité. Cet accord permettra de garantir une meilleure sécurité aux rapatriés, déjà à leur arrivée à l'aéroport de Colombo, puis ultérieurement de leur délivrer sur place une carte nationale d'identité dans les plus brefs délais, de leur éviter un transfert dans un camp sis dans une zone d'insécurité. De plus, les rapatriés pourront obtenir un soutien logistique pour les premiers temps, notamment un hébergement, et s'adresser en tout temps au HCR ou à la représentation diplomatique et
consulaire suisse à Colombo.


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e) - (...) Si compte tenu de la situation de guerre régnant à Jaffna, le recourant ne peut être contraint d'y retourner, rien ne l'empêche, au regard de ce qui précède, de s'installer ailleurs dans le pays, à Colombo en particulier, où il a vécu durant pratiquement deux ans, où il n'a nullement été importuné par les autorités de police et où il a noué des relations. Le recourant est célibataire et en bon état de santé, et les difficultés qu'il pourrait rencontrer dans son pays, sur le plan économique, ne peuvent être prises en considération eu égard aux intérêts publics de la Suisse tels qu'ils ont été conçus et défendus dans la mise sur pied de la législation prévalant en matière d'étrangers. Ainsi, même si la commission doit constater que le standard de vie régnant dans le pays d'origine du recourant ne correspond pas à celui des pays européens, elle ne peut retenir cette seule circonstance dans la question touchant à l'exigibilité de l'exécution du renvoi et donc dans l'interprétation de la notion de la "mise en danger concrète" de l'article 14a , 4e alinéa LSEE (cf. consid. 6, let. a, in fine, et let. b, ci-dessus).

f) - Compte tenu de ce qui précède, même si le recourant doit être considéré comme un "réfugié de la violence", la commission ne peut qu'admettre qu'il existe, en ce qui le concerne, une possibilité de refuge interne au Sri Lanka.


Entscheidinformationen   •   DEFRITEN
Dokument : 1994-19-145-154
Datum : 19. August 1994
Publiziert : 19. August 1994
Quelle : Vorgängerbehörden des BVGer bis 2006
Status : Publiziert als 1994-19-145-154
Sachgebiet : Sri Lanka
Gegenstand : Art. 14a, 4e al. LSEE : exigibilité de l'exécution du renvoi de Tamouls au Sri Lanka (précision de jurisprudence, cf. JICRA...
Einordnung : Präzisierung der Rechtsprechung


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ANAG: 4e  14a
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sri lanka • bürgerkrieg • heimatstaat • öffentliches interesse • ethnie • monat • misshandlung • hochkommissariat • schutzmassnahme • angehöriger einer religiösen gemeinschaft • kommunikation • urkunde • examinator • asylverfahren • vorläufige aufnahme • tennis • buchhandlung • bundesrat • fälligkeit • mord
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EMARK
1994/3
BBl
1990/II/625 • 1991/III/324